Les enseignants de la Faculté des sciences de Nancy et de ses instituts

Média : Pourquoi et comment écrire un dictionnaire de la Faculté des sciences de Nancy ?

2016;
Texte, par : Laurent Rollet, Étienne Bolmont

Pourquoi et comment écrire un dictionnaire de la Faculté des sciences de Nancy ?

Par Laurent Rollet & Étienne Bolmont

  1. Introduction
  2. Pour une histoire du pôle scientifique nancéien
  3. Les bornes du dictionnaire
  4. Enjeux pour l’histoire de l’enseignement et l’histoire des sciences
  5. Comment lire ce dictionnaire ?
  6. Remerciements
  7. Bibliographie
  8. Notes de bas de page

« Suivre le parcours des savants est une excellente stratégie pour mettre en lumière l’étendue de l’activité scientifique. On les découvre non seulement dans leurs laboratoires, penchés sur leur microscope, analysant des données et construisant des modèles physiques ou mathématiques, mais on les voit aussi élaborer des horoscopes, étudier la théologie, rechercher des mécènes, soigner des patients, conseiller des monarques ou des hauts fonctionnaires, donner des conférences de vulgarisation, négocier avec des éditeurs, rédiger des demandes de subvention, exploiter des brevets, créer des entreprises » Théodore M. Porter 121.

1. Introduction

L’histoire des sciences a pendant longtemps été centrée sur des pratiques encomiastiques, sur la célébration des grands savants. C’est d’abord à partir de la pratique des éloges qu’elle a commencé à se structurer en un champ doté d’une autonomie institutionnelle, méthodologique et éditoriale, notamment à travers la création de laboratoires de recherche et de revues spécialisées. L’émergence de la sociologie des sciences – puis des sciences and technology studies – a profondément modifié les pratiques des historiens des sciences. Les grands acteurs de la science font certes toujours partie de l’horizon des spécialistes (et Henri Poincaré en est un bon exemple à Nancy). Cependant, dans le même temps, les historiens portent de plus en plus leur attention sur des acteurs de second plan voire sur des acteurs « oubliés », allant même jusqu’à élaborer une histoire populaire des sciences, refusant de citer les grands noms et se focalisant sur les seconds rôles ou les acteurs anonymes 122.

Ces nouvelles approches, qui s’appuient maintenant souvent sur des études biographiques de masse 123, permettent de reconstituer des systèmes de production et de diffusion des connaissances scientifiques complexes dans lesquels la collecte des données, les échanges d’information, la validation des connaissances dépendent de communautés d’acteurs très larges et souvent méconnus 124 : des savants de premier plan, mais aussi des enseignants, des érudits, des éditeurs de journaux, des membres de sociétés savantes et professionnelles, des fabricants d’instruments, etc. À travers la prise en compte de ces populations se dessine une histoire des sciences qui ne se confond plus uniquement avec l’histoire des idées et des savoirs mais qui déploie ceux-ci dans une histoire matérielle 125. Tous ces travaux ont eu pour conséquence de faire bouger les lignes concernant les définitions des mots savant ou scientifique et ont profondément modifié le regard historique porté sur les pratiques scientifiques.

Ce dictionnaire des enseignants de la Faculté des sciences de Nancy s’inscrit dans la continuité de ces travaux. Plutôt que de se concentrer sur les quelques dizaines de professeurs ayant exercé des fonctions au sein de cette institution entre 1854 et 1918, cet ouvrage propose de suivre le parcours de tous les enseignants, quels qu’aient été leurs statuts (maîtres de conférences, chargés de cours, chargés de conférences, chefs de travaux).

Loin d’être une entreprise hagiographique ou mémorielle ce livre est d’abord et avant tout le fruit d’une réflexion historique, épistémologique, voire même politique : en se focalisant sur des acteurs que certains pourraient considérer comme secondaires – des seconds rôles, des seconds-couteaux, etc. – il s’agit en effet d’assumer le choix d’écrire une histoire par en bas qui se donne pour objectif de nommer les acteurs qui ont contribué, par leurs travaux mais aussi par leurs enseignements, au fonctionnement, au rayonnement du pôle scientifique nancéien et à l’élaboration d’un système local d’enseignement supérieur.

Organisé en quatre sections, ce chapitre a pour objectif de rendre compte des réflexions qui ont conduit à l’élaboration d’un dictionnaire biographique. Dans un premier temps nous exposerons rapidement l’histoire de ce projet. Une seconde partie explicitera les réflexions méthodologiques qui ont présidé au choix de la période temporelle et à la définition de la population étudiée. Dans un troisième temps, nous mettrons en évidence la portée heuristique d’un tel objet pour l’histoire de l’enseignement et l’histoire des sciences. Enfin, une dernière partie, conçue comme un guide de lecture, décrira les choix éditoriaux de ce livre.

2. Pour une histoire du pôle scientifique nancéien

Le programme « Villes et institutions scientifiques » dirigé par André Grelon et Michel Grossetti dans les années 1990 avait donné naissance à une dynamique de recherche fructueuse 126. Ce projet de recherche interdisciplinaire s’était donné pour objectif de comparer sur la longue durée l’évolution des systèmes scientifiques des villes de Toulouse, Montpellier, Lille, Nancy et Nantes. Il avait mis en évidence de façon convaincante le poids des contingences locales dans l’histoire de ces pôles scientifiques et le rôle central joué par les acteurs locaux dans des processus complexes faits de concurrence entre villes voisines (Nancy-Metz ou Rouen-Caen), de sur-domination de certaines disciplines (la médecine à Montpellier, le droit à Toulouse) et de difficultés pour accéder au statut de ville universitaire (Nantes, Metz). L’enjeu de cette recherche était de prendre les villes et l’espace comme objets de l’histoire de l’enseignement supérieur, de dépasser le cadre de l’histoire des établissements et de proposer une perspective d’ensemble sur la territorialisation des systèmes scientifiques. Cette approche par la géographie devait ensuite être largement développée, notamment par Michel Grossetti 127.

 

Nancy ne constituait cependant qu’une ville parmi d’autres dans cette étude d’ampleur générale. Dans son sillage, André Grelon et Françoise Birck devaient diriger un premier ouvrage consacré plus spécifiquement aux formations d’ingénieurs en Lorraine, sous le tire Des ingénieurs pour la Lorraine – 19e-20e siècles 128. Alors qu’on avait eu jusqu’alors plutôt tendance à penser le développement des formations supérieures en province comme le pur produit du centralisme parisien, ce livre proposait une analyse des conditions d’émergence de systèmes d’enseignement supérieurs techniques en Lorraine avant 1914 ; au cours du 19e siècle, différentes offres locales d’enseignement prises en charge par les municipalités se sont ajoutées aux établissements d’État destinés à former des fonctionnaires techniques, civils et militaires (École des eaux et forêts de Nancy, École d’application de l’artillerie et du génie de Metz) : cours municipaux de sciences appliquées, conférences publiques, cours du soir, écoles de dessin et de commerce, écoles professionnelles, etc. L’ouvrage montrait ainsi que la Faculté des sciences de Nancy, puis les instituts techniques, ancêtres des écoles d’ingénieurs actuelles, n’est pas apparue par génération spontanée dans un désert provincial mais dans un contexte académique, social et industriel particulièrement riche, marqué par une forte implication des universitaires (Ernest Bichat*, Albin Haller*, Gaston Floquet*), des élus, des sociétés savantes ou de mécènes industriels comme Alfred Solvay.

Ces travaux se sont ensuite déployés dans une dimension disciplinaire à travers un livre, dirigé par les mêmes auteurs, centré sur l’histoire de l’Institut électrotechnique de Nancy. Ce livre – Un siècle de formation des ingénieurs électriciens – Ancrage local et dynamique européenne, l’exemple de Nancy 129 – étudiait les conditions d’émergence d’une filière à finalité professionnelle dans le contexte d’une université de province en se situant dans une perspective large : les pratiques d’enseignement en mathématiques, la recherche scientifique, les relations avec les milieux industriels, le recrutement d’étudiants, notamment d’étudiants étrangers issus des pays d’Europe de l’Est, l’influence de « modèles » de formation étrangers (les technische Hochschulen en Allemagne, l’Institut Montefiore en Belgique ou l’école d’ingénieurs de Barcelone).

Parallèlement à ces travaux, un groupe de recherche s’est constitué en 2001 130 au sein du Laboratoire d’histoire des sciences et de philosophie – Archives Henri Poincaré. Il visait à perpétuer et à prolonger les études antérieures en se focalisant sur l’essor de la Faculté des sciences de Nancy et de ses instituts techniques. Ce choix délibéré d’un regard local, fécondé par une approche socio-historique, avait pour ambition principale d’éclairer les conditions sociales, institutionnelles et politiques de production et de diffusion des savoirs dans un espace d’enseignement et de recherche provincial. Plusieurs recherches interdisciplinaires devaient d’abord se déployer : l’architecture et l’organisation spatiale de l’université dans la ville, la compétition entre les villes de Metz et de Nancy pour la création d’une faculté des sciences en Lorraine, l’expansion de la Faculté des sciences de Nancy jusqu’à la Première Guerre mondiale, le rôle des instituts techniques dans l’implantation de formations de haut niveau – notamment en sciences de la terre et en génie chimique – les pratiques de publication des mathématiciens de la Faculté des sciences de Nancy, etc.

Plusieurs de ces études ont été rassemblées dans un ouvrage collectif publié en 2007, Aux origines d’un pôle scientifique 131. Elles ont rapidement fait émerger d’autres questions liées à la sauvegarde et à la valorisation du patrimoine universitaire : les recherches menées dans les archives de la faculté des sciences ou dans les services administratifs des écoles d’ingénieurs, descendants des instituts techniques, ont mis en évidence les enjeux cruciaux de leur préservation sur le long terme. Plusieurs actions de sensibilisation ont été menées en ce sens, dont notamment deux ouvrages 132. Parallèlement, d’autres études ont progressivement enrichi la connaissance de l’histoire du pôle scientifique nancéien, soit dans une perspective monographique 133, soit en développant des comparaisons à l’échelle internationale 134. Ces dernières années, les chercheurs associés aux différents projets de recherche consacrés à l’histoire du pôle scientifique nancéien, ont continué leurs études dans leurs domaines respectifs de spécialisation et on a pu voir ainsi émerger d’autres projets animés d’ambitions similaires 135.

Au fur et à mesure de l’avancement des différents projets, un manque devait cependant apparaître : l’accent mis sur les institutions avait permis de mettre en lumière le rôle fondateur joué par un petit nombre d’acteurs locaux et de prolonger, dans certains cas, les travaux déjà substantiels sur les grands savants passés par la Faculté des sciences de Nancy. Cependant, cette focale large avait pour inconvénient de laisser dans l’ombre un large ensemble de personnes qui, par leurs activités d’enseignement et de recherche, avaient pu contribuer au développement des institutions scientifiques nancéiennes. Le cas de Victor Grignard est ainsi bien connu – et sans cesse cité – en raison de son prix Nobel obtenu en 1912. Mais qui se souvient du passage des mathématiciens Pierre Boutroux*, Hervé Faye* ou Élie Cartan* ou encore des physiciens Marcel Brillouin* ou Edmond Rothé* ? Qu’a-t-on réellement retenu de la brillante carrière du physicien René Blondlot*, en dehors de la désastreuse expérience des Rayons N ? Les noms d’Ernest Bichat*, Lucien Cuénot*, Antoine Guntz*, Albin Haller* ou Alexandre Mauduit* peuvent certes être connus des nancéiens mais le plus souvent en raison du baptême d’une rue, d’un square ou d’un amphithéâtre… Et, d’ailleurs, le nom du mathématicien Henri Poincaré est assez régulièrement associé à l’histoire de la Faculté des sciences de Nancy alors même qu’il n’y fit pas ses études et qu’il n’y fut jamais professeur.

Cette prise de conscience devait progressivement déboucher sur le projet de constitution d’un dictionnaire des enseignants de la Faculté des sciences de Nancy. Les recherches menées depuis des années avaient permis d’identifier de très nombreux acteurs ayant exercé une activité au sein de cette institution. Certains n’avaient fait qu’un court passage mais d’autres, connus ou inconnus, semblaient, par leur implication et leur temps de présence, avoir eu un rôle essentiel sur l’évolution de l’institution, sans pour autant y avoir exercé les fonctions de professeur. Identifier tous ces acteurs n’était cependant pas une chose aisée : s’il était relativement facile de recenser l’ensemble des professeurs – c’est-à-dire les titulaires des chaires de la faculté – la tâche devait s’avérer plus ardue pour le reste de la population.

Le démarrage du dictionnaire a été rendu possible par le travail de valorisation des archives de la faculté des sciences mené par Jean-René Cussenot. Celui-ci avait constitué au milieu des années 2000 une base de données recensant l’ensemble des arrêtés de nomination des personnels de la faculté entre 1854 et 1950 136. Elle devait servir de point de départ et d’ossature au présent dictionnaire. L’exploration de cette source permettait en effet d’identifier plusieurs centaines de personnes employées à un moment ou un autre par la faculté : enseignants titulaires et chargés de cours ou de travaux pratiques, personnels administratifs, agents techniques, chauffeurs, concierges, etc. Le projet initial visait à rédiger des notices biographiques pour l’ensemble de cette population jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’ampleur des recherches à effectuer devait vite faire apparaître l’impossibilité de réaliser une telle étude en un temps raisonnable 137. De ce fait, les ambitions du dictionnaire ont progressivement été réduites : d’une part, en restreignant la période temporelle couverte à la période 1854-1918 et, d’autre part, en se limitant à la seule population enseignante.

3. Les bornes du dictionnaire

Le choix de limiter la période temporelle du dictionnaire aux années 1854-1918 est justifié par plusieurs raisons. À partir de 1930, la faculté des sciences connaît un fort développement qui se traduit par un recrutement plus important de toutes les catégories de personnel. Leur prise en compte aurait posé des problèmes en raison du nombre de dossiers à traiter et des difficultés d’accès aux archives administratives récentes.

Par ailleurs, la période 1854-1918 est intéressante à plus d’un titre. D’une part, elle concerne le mouvement de refondation des facultés en province, marquée en Lorraine par la concurrence avec la ville de Metz. D’autre part, cette période d’une soixantaine d’années permet de suivre, à une échelle locale, l’augmentation du nombre d’étudiants et la diversification progressive des types de diplômes. En 1866, les bacheliers ne représentent même pas 1 % d’une classe d’âge (0,8 %) 138. De la même manière, l’étudiant n’existe pas en tant que tel et il n’apparaît vraiment qu’à partir de la création du système des bourses de licence et d’agrégation, en 1877 ; il est certes bel et bien présent dans les facultés professionnelles – 5 200 étudiants en droit et 4 000 en médecine en 1869 – mais quasiment inexistant en sciences et en lettres… Et lorsqu’il existe, il est à Paris. À ses débuts la Faculté des sciences de Nancy compte très peu d’étudiants et de professeurs et son rôle en termes de recherche demeure relativement limité. Son attribution principale est l’organisation des épreuves du baccalauréat. Pour ne citer que l’exemple des licences, sur la période 1855-1875 on recense environ quarante candidats à une licence ès sciences ; en 1879 le chiffre est multiplié par deux, puis par trois quatre ans plus tard. Dans un autre ordre d’idées, outre les licences, la faculté délivrera des brevets de capacités pour les sciences appliquées, des diplômes d’ingénieurs et des diplômes de doctorat.

D’un point de vue institutionnel, cette période est également importante. Elle est marquée par une diversification progressive des statuts des enseignants : à partir de la fin des années 1870, les enseignements donnés par les professeurs de chaire sont complétés par ceux donnés par des maîtres de conférences. Au fil du temps, dans le sillage du développement des instituts techniques et de l’augmentation du nombre d’étudiants, d’autres catégories apparaissent : chefs de travaux (travaux pratiques, travaux de fabrication) et auxiliaires d’enseignement à divers titres (chargés de cours, de conférences, de travaux pratiques, etc.).

Enfin, la période 1854-1918 est celle du plein développement des sciences appliquées dans plusieurs pôles scientifiques de province et la Faculté des sciences de Nancy constitue à ce titre un cas d’école. Elle est marquée par des innovations pédagogiques importantes 139, une augmentation du nombre d’étudiants étrangers dans les instituts techniques 140 et des recherches de pointe qui se déploient dans un horizon international 141 et qui sont mobilisées, au besoin, durant la Première Guerre mondiale 142.

Ce dictionnaire a pour ambition d’étudier les parcours de carrière de l’ensemble des personnes ayant enseigné à la Faculté des sciences de Nancy entre 1854 et 1918. Ont été considérés comme enseignants, non seulement les professeurs et les maîtres de conférences, mais aussi les chefs de travaux ainsi que les chargés de cours qui, issus d’autres facultés (lettres, médecine, pharmacie) ou d’autres institutions (lycée, école d’agriculture, entreprises, contrôle des mines, etc.), ont pu être employés ponctuellement ou durablement à la faculté avant 1919.

Ce choix délibéré de ne pas se cantonner aux seuls professeurs trouve sa source dans la volonté de décrire au plus près, par le biais des acteurs, le fonctionnement d’une institution sur la longue durée. On se représente souvent l’université comme un monde homogène et cohérent dans lequel les figures du professeur et du maître de conférences résument à elles seules l’ensemble du système. La réalité actuelle du fonctionnement des universités françaises – est-il besoin de parler de la précarité des personnels administratifs et des enseignants ? – est bien loin de cette image d’Épinal. Il se trouve cependant que celle-ci a pu être renforcée par certains travaux historiques portant sur les populations universitaires aux 19e-20e siècles. Les travaux essentiels de Christophe Charle 143 sur le Collège de France, les professeurs de la Faculté des lettres et de la Faculté des sciences de Paris, ainsi que les vastes entreprises de constitution de dictionnaires biographiques du Conservatoire national des arts et métiers 144 ou de la Société française de chimie 145, sont d’abord des études des élites intellectuelles parisiennes. Les « second-rôles », les « précaires », n’y ont pas leur place. Dans bien des cas, c’est naturellement le principe de réalité qui a dicté le choix de se cantonner aux professeurs titulaires de chaires : le nombre des professeurs est bien moins important que celui des enseignants pris dans un sens plus large ; les sources sont facilement accessibles dans la mesure où ces acteurs ont pour la plupart été des fonctionnaires et ont laissé des traces dans différents fonds d’archives (Archives nationales, archives de l’Académie des sciences ou de l’Académie française, etc.) ; enfin, même en l’absence d’archives administratives, il est possible de reconstituer leurs parcours en suivant leurs activités de publications.

Cependant, quelles que soient les institutions considérées, quelle que soit leur importance historique dans un système d’enseignement supérieur très centralisé, aucune n’a pu fonctionner sans le recours à d’autres catégories d’enseignants et leur prise en compte ouvre des perspectives nouvelles. Ainsi, pour ne prendre que l’exemple nancéien, sur la période couverte par le dictionnaire (1854-1918), on recense 160 enseignants, toutes catégories confondues. Cependant, au sein de cette population, les titulaires de chaires ne représentent que 47 personnes, soit à peine 30 % de l’effectif global. On compte également 65 chargés d’enseignement (41 %), 35 chefs de travaux (22 %), 10 maîtres de conférences (6 %), 2 professeurs adjoints (1 %) et un directeur de laboratoire 146. Ces chiffres sont établis en ne prenant en compte que la dernière fonction occupée à la Faculté des sciences de Nancy par chaque acteur et, par conséquent, abstraction faite de leur dynamique de carrière. Ainsi, un enseignant qui commence sa carrière comme maître de conférences et qui devient ensuite professeur est compté comme professeur (c’est le cas du mathématicien Gaston Floquet*). De la même manière, Pierre Boutroux* qui sera professeur au Collège de France en 1920 est ici pris en compte comme simple chargé de cours.

Si les fonctions de professeurs et de maîtres de conférences sont relativement bien définies 147, la catégorie de chargé d’enseignement recouvre des situations diverses. Ces enseignants sont recrutés pour assurer des cours en tant que remplaçants ou suppléants dans certains cas ; c’est manifestement le cas le plus courant pour les chargés de cours et les chargés de conférences. Cependant, il peut également s’agir d’enseignants chargés de dispenser des cours complémentaires dans les formations d’ingénieurs nancéiennes : on trouve ainsi des historiens, des géographes, des professeurs de langues, des apiculteurs, des comptables, des ingénieurs, des juristes, etc. En fonction des besoins, les tâches qui leur sont confiées peuvent être très ponctuelles ou s’installer durablement.

Au sein de cette population très mélangée, on trouve des personnes qui suivent des dynamiques de carrière universitaires et que l’on retrouvera, à Nancy ou ailleurs, avec le statut de maître de conférences ou de professeur. Ce sera ainsi le cas de Cyrille Souillart*, professeur de mécanique rationnelle à la Faculté des sciences de Lille, de François Viault*, professeur à la Faculté de médecine de Bordeaux ou d’Alexis Millardet*, professeur de botanique à la Faculté des sciences de Bordeaux. On notera qu’un nombre important de ces chargés d’enseignement sont en réalité titulaires dans d’autres institutions et sont en situation de cumul lorsqu’ils interviennent à la faculté des sciences : ils peuvent ainsi provenir de divers lieux d’enseignement nancéiens (faculté des lettres, faculté de médecine, école forestière, lycée, écoles professionnelles, écoles de commerce, etc.), d’entreprises locales (notamment les brasseries) ou de services administratifs comme les arrondissements minéralogiques.

En ce qui concerne les chefs de travaux, l’essentiel de la population apparaît avec la création des instituts techniques dans les années 1890 et suivantes. Parmi eux plus d’une dizaine sont en relation avec les activités de l’école de brasserie : il s’agit pour la plupart d’anciens élèves en activité dans des brasseries industrielles et ils ne s’installent pas durablement à la faculté.

4. Enjeux pour l’histoire de l’enseignement et l’histoire des sciences

La prise en compte de tous les enseignants, quels que soient leurs statuts, correspond à la volonté de regarder l’histoire par «en bas». Notre ambition est d’ouvrir des perspectives fécondes pour comprendre la manière dont la faculté des sciences a pu assurer son fonctionnement au quotidien. Cette stratégie permet également de se dégager d’une histoire convenue dans laquelle la province est souvent considérée comme un espace de relégation sociale et intellectuelle ou comme un purgatoire avant la montée à Paris.

Les travaux de Christophe Charle sur les profils sociaux et intellectuels des universitaires à la fin 19e siècle ont largement mis en évidence l’extrême centralisation du système universitaire français à cette période et ses conséquences sur la production scientifique. S’intéressant aux relations Paris-Province en prenant pour focale les professeurs des facultés des sciences entre 1880 et 1900, Charle a bien montré qu’il existe une sursélection sociale des professeurs appelés à la Sorbonne par rapport aux professeurs de province : cette différenciation est liée à un ensemble de facteurs tels que l’origine sociale des acteurs, leur passage par l’école normale supérieure, la précocité de leur entrée dans l’enseignement ou le passage par certaines facultés qui facilitent ou empêchent la nomination à un poste parisien 148. On ne détaillera pas ici ces travaux. Bien qu’essentiels, leur focalisation sur les acteurs qui «réussissent», c’est-à-dire qui parviennent à obtenir un poste à Paris, occulte par contrecoup une réalité historique indéniable: à savoir l’extrême dynamisme scientifique de certains pôles scientifiques et techniques de province et le rôle majeur joué par des acteurs mal connus, voire oubliés dans l’histoire des sciences et des techniques 149 à ce titre, ce dictionnaire montre non seulement le caractère complexe du fonctionnement d’une faculté mais également l’inscription de ses acteurs dans la cité.

Entre 1854 et 1918, 160 personnes occupent des fonctions d’enseignement à la faculté des sciences, soit à titre de titulaires – c’est le cas des professeurs nommés sur des chaires ou de certains chefs de travaux – soit à titre provisoire. Sont concernés par ce statut provisoire les maîtres des conférences, certains chefs de travaux (par exemple les chefs de travaux de fabrication en brasserie) ou les chargés de cours. Derrière cette appellation générique de «chargé de cours» (ou de «chargé de conférences») se cache une réalité multiforme qu’il est bien difficile de reconstruire précisément, même en s’en tenant au langage des décrets de nomination : il peut s’agir à certaines périodes de jeunes normaliens – agrégés voire docteurs – qui se voient confier un cours complémentaire dans le cadre de la chaire de physique ou de mathématiques« il peut s’agir de jeunes licenciés ès sciences à qui on confie pour un an ou deux des enseignements de mathématiques générales« il peut enfin s’agir de professeurs du lycée, de professeurs de la faculté des lettres, d’anciens militaires, d’agronomes, d’ingénieurs des mines, d’industriels, etc. Ces fonctions de chargés de cours ne donnent pas lieu à une titularisation mais elles peuvent être reconduites d’année en année, parfois sur plusieurs décennies. L’analyse sur la longue durée montre de manière particulièrement nette une augmentation du nombre de chefs de travaux et de chargés de cours à partir des années 1890-1900 150 Cette hausse s’explique par la montée en puissance des instituts techniques de la faculté«qui accueillent un nombre grandissant d’étudiants et manifestent des besoins nouveaux en enseignements 151

Bien évidemment, les dynamiques de carrière de ces 160 enseignants sont très variées. Il n’y a pas grand chose de commun entre la carrière du titulaire d’une chaire de physique comme Ernest Bichat* et celle d’un chargé de cours complémentaire de mécanique comme Louis Eugène Larocque*, dont l’emploi principal se situe au lycée de la ville. Par définition, dans la mesure où ces charges de cours sont reconduites (ou pas) chaque année, il existe un phénomène de turn-over relativement prononcé. Pour autant, il est parfaitement possible pour certains de ces acteurs d’enseigner durablement à la faculté des sciences, tout en occupant une fonction de ce type : c’est ainsi le cas de Jules Danis*, directeur de l’école professionnelle de l’Est qui cumule durant plusieurs décennies ses fonctions avec celles de chef de travaux de chimie à l’Institut chimique de Nancy.

L’analyse des carrières de professeurs montre qu’une faculté de province n’est pas forcément un lieu de relégation. Ainsi, pour revenir aux travaux de Christophe Charle, un calcul des chances pour un professeur de province d’accéder à un poste à la Sorbonne a tendance à figer les dynamiques de carrière et ne rend pas compte de l’extrême diversité des parcours des acteurs. En voici quelques exemples. On trouve à Nancy des professeurs dont l’ambition est d’accéder à une carrière parisienne. C’est par exemple le cas du mathématicien émile Mathieu* qui, malgré des travaux reconnus internationalement, vit sa carrière nancéienne comme une forme de déclassement sans jamais parvenir à changer sa situation. D’autres professeurs seront dans une logique de carrière ascendante en raison de leur mérite et Nancy constituera une brève étape de leur parcours : c’est ainsi le cas du mathématicien élie Cartan* (1869-1951) qui, après être passé par les facultés de Montpellier (1894-1896) et de Lyon (1896-1903), passe cinq années à Nancy avant d’être nommé à la Sorbonne. D’autres acteurs peuvent faire une double carrière : ainsi le chimiste Albin Haller* (1849-1925) reste une vingtaine d’années à Nancy avant d’être nommé professeur de chimie organique à la Sorbonne en 1899 puis, en 1905, directeur de l’école de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris. Dans un autre registre, le physicien Jules Chautard* (1826-1901) occupe la chaire de physique de la faculté de 1855 à 1876 avant de poursuivre sa carrière à l’Université catholique de Lille. Enfin, et surtout, pour un grand nombre de professeurs, la Faculté des sciences de Nancy constitue un véritable espace d’épanouissement scientifique et de liberté : c’est bien sûr le cas du physicien Ernest Bichat, doyen bâtisseur du pôle scientifique nancéien« mais cela vaut également pour son successeur au poste de doyen, le mathématicien Gaston Floquet* 152 pour le zoologue Lucien Cuénot* ou encore pour Julien Thoulet*, dont les travaux contribuent à fonder la science océanographique française.

Les raisons qui font qu’une carrière se déploie en un lieu donné sont multiples mais le lien au territoire de naissance et aux attaches familiales est important. De ce point de vue, la mise en relation des parcours des enseignants nancéiens avec leurs lieux de naissance et leurs lieux de formation semble particulièrement éclairante. Ainsi, sur l’ensemble des enseignants pris en compte dans ce dictionnaire, 62 sont nés en Lorraine. Lorsqu’on étend le lieu de naissance à des départements limitrophes 153 on recense 30 personnes de plus. Au total 92 enseignants (58% de la population totale) ont donc des ancrages familiaux en Lorraine et dans les départements proches. Signe de ce phénomène, parmi les 10 titulaires d’une chaire de mathématiques entre 1854 et 1918, 7 sont originaires de Lorraine ou de territoires proches : Henry Vogt* est originaire de la Marne, Nicolas Renard* de Blénod-lès-Pont-à-Mousson et émile Mathieu* de Metz. Gaston Floquet* et édouard Husson* sont originaires des Vosges« quant à Xavier Bach* et Jules Molk*, ils sont tous deux nés en Alsace.

Dans le même registre, il faut mentionner les relations sociales et familiales qu’entretiennent les enseignants nancéiens. Dans une ville comme Nancy, l’université constitue un microcosme social, intellectuel, bourgeois et familial. Les lieux de sociabilité sont nombreux et ils donnent aux acteurs de nombreuses occasions de se retrouver« il en est ainsi par exemple pour les lieux d’échanges scientifiques comme l’Académie de Stanislas et la Société des sciences de Nancy ou pour les sociétés à vocation économique et politique comme la Société industrielle de l’Est. Signe des relations très proches de certains de ces acteurs, un nombre non négligeable d’enseignants est lié par des connexions familiales (filiation, mariage, cousinage, etc.) qui peuvent parfois se traduire par des emplois à la faculté. Dans la France de la fin du 19e siècle, la mobilité sociale est balbutiante«et, de ce fait, la reproduction sociale est un phénomène à prendre en compte. Ainsi le fils de l’agronome Louis Grandeau*, Henry*, est chef de travaux à la faculté« il en va de même pour le préparateur Robert Baudelot*, dont le père émile* est professeur de zoologie. On peut également citer le cas de René Blondlot*, dont le père, Nicolas, est professeur à l’école préparatoire de médecine de la ville puis à la faculté de médecine. Dans un autre ordre d’idée, on recense plusieurs exemples d’unions matrimoniales dans le périmètre de la faculté des sciences : ainsi, le botaniste Philibert Guinier* épouse une des filles du professeur de botanique Georges Le Monnier*« de même, le zoologue Louis Mercier* se marie avec une des filles de Jules Wohlgemuth*, préparateur et chargé de cours à l’institut chimique.

En ce qui concerne les filières de formation, il n’est guère étonnant de constater qu’une part importante des titulaires de chaires de la Faculté des sciences de Nancy ont été formés à l’école normale supérieure. Sur l’ensemble des enseignants, on recense une trentaine de normaliens, dont une quinzaine pour les professeurs titulaires d’une chaire 154 Sauf exceptions très rares (Eugène Noël*), tous les normaliens obtiennent l’agrégation« cependant, on recense au total 42 titulaires de ce titre. Ainsi Edmond Rothé*, professeur sur la seconde chaire de physique, obtient l’agrégation, tout comme une quinzaine d’autres enseignants, sans avoir été formé à l’école normale supérieure. Malgré les difficultés rencontrées parfois pour reconstituer les parcours de formation des enseignants, on peut considérer que près de 80 d’entre eux – quasiment la moitié – ont été formés en faculté« plus d’une cinquantaine l’ont été à Nancy par le biais des certificats de licence et«/ ou des diplômes des instituts techniques 155 Reste le cas des ingénieurs formés à l’école polytechnique de Zurich : on en recense 5 –«3 suisses et 2 français – qui alimenteront essentiellement la filière d’enseignement en électrotechnique 156 Enfin, 81 enseignants sont titulaires d’une thèse de doctorat« par ailleurs, plus d’une dizaine de ces docteurs sont également titulaires d’une thèse de médecine ou de pharmacie.

Comme on l’a vu, prendre en compte l’ensemble de la population enseignante plutôt que les simples titulaires de chaires conduit à identifier un groupe hétérogène. Une telle étude n’est pas sans poser quelques problèmes : en effet, soumettre ces quelques 160 personnes à un questionnaire unique tend à lisser et à uniformiser des parcours qui, par essence, sont fondamentalement différents. Ainsi, s’agissant d’enseignants d’une faculté des sciences, on s’attend à ce que la nature et l’importance relative de leurs travaux scientifiques soient évoquées… Mais un professeur du lycée chargé d’un cours de mathématiques à la faculté, un brasseur vosgien nommé chef de travaux de fabrication à l’école de brasserie, un ingénieur civil chargé de quelques conférences de législation des mines, un ancien militaire chargé d’un cours de malgache à l’Institut agricole et colonial n’ont pas forcément pour vocation de produire des travaux scientifiques. Comment penser leur statut par rapport à la population des universitaires statutaires ? Peut-on considérer l’ensemble de la population enseignante comme un groupe homogène lorsqu’on l’aborde à travers les filtres des évolutions de l’enseignement supérieur à la fin du 19e siècle, des répartitions entre disciplines ou des relations de plus en plus intriquées entre science et industrie ? Enfin, peut-on envisager une étude prosopographique de cette population sachant que l’on a affaire à un corps très restreint au sein duquel il peut paraître difficile d’isoler des acteurs ou des groupes d’acteurs véritablement représentatifs ?

Les difficultés sont réelles. Pour autant, une telle étude n’est pas sans intérêt pour l’histoire des sciences et l’histoire de l’enseignement. D’une part, cette approche permet de faire apparaître des acteurs essentiels qui jouent un rôle structurant au sein de l’institution et qui seraient sans doute demeurés transparents si on n’avait considéré que des filtres de type universitaire. Pour ne citer que le cas des mathématiciens nancéiens, l’exemple de Pol Simon* serait à ce titre éclairant : simple chef de travaux pratiques, il ne publie pratiquement pas en mathématiques (hormis un manuel de géométrie analytique), mais il joue un rôle important au sein des instituts techniques de la faculté des sciences avant 1914 tout en occupant une place de premier plan dans les milieux intellectuels nancéiens. D’autre part, ce choix délibéré de soumettre au même questionnaire des acteurs de statuts divers permet d’approcher au plus près le fonctionnement d’une faculté sur plusieurs décennies : les réseaux de recrutement d’enseignants, leur progression de carrière, la répartition des tâches entre différents niveaux d’enseignement, les relations entre la faculté et son environnement académique immédiat (les enseignants de la faculté des lettres ou du lycée) ou avec le monde industriel (ingénieurs civils, militaires, industriels) se trouvent ainsi mis en lumière et autorisent des études originales.

Ainsi en est-il de l’étude du périmètre de la faculté des sciences : l’analyse de la population des chargés de cours conduit à considérer la faculté, non plus comme une institution autonome et fermée sur elle-même, mais comme un lieu de savoir inscrit dans un écosystème très ramifié. En effet, entre 1854 et 1918, on recense 65 chargés de cours intervenant de manière plus ou moins longue au sein de la faculté. Les types d’enseignements qui leur sont demandés sont très variés et l’évolution de cette demande est conditionnée par la montée en puissance des instituts techniques et des exigences liées à des formations en sciences appliquées. Ainsi aux intitulés de cours complémentaires classiques (physique, agronomie, zoologie, etc.) s’ajoutent progressivement des commandes très précises : moteurs et outillages agricoles, hygiène générale et hygiène coloniale, construction de bâtiments industriels, croquis de machines, histoire coloniale, apprentissage du malgache et de l’arabe, législation minière, météorologie, aérodynamique, etc. évidemment, ce sont les instituts techniques qui sont les plus demandeurs de ces enseignements et ils vont chercher leurs enseignants dans différents viviers locaux. Le premier est bien sûr celui des facultés nancéiennes : ainsi, près d’un tiers des chargés de cours nommés avant 1918 sont en fait des enseignants dont le poste principal est situé soit à la faculté des sciences (une vingtaine), à la faculté des lettres ou à la faculté de médecine. Le reste de la population est constitué d’intervenants extérieurs. Le plus gros contingent vient du lycée de Nancy (12 enseignants). Cependant l’école professionnelle de l’Est est également présente, notamment à travers ses directeurs : Jules Wohlgemuth* cumule ses fonctions de préparateur de géologie à la faculté et de directeur de l’école professionnelle. Son successeur Jules Danis* sera quant à lui, pendant plus de 25 ans, chef de travaux à l’institut chimique et à l’institut électrotechnique et il proposera en outre des enseignements de chimie industrielle. On constate aussi que le service d’inspection des mines de Nancy fournit des intervenants pour des cours de géologie et de législation minière, parfois à titre gratuit. Enfin, les autres intervenants viennent d’horizons divers parmi lesquels on peut identifier des lieux d’enseignement (Institut commercial et école de commerce de Nancy, Station agronomique de l’Est) mais aussi de quelques entreprises (Brasseries réunies de Maxéville, Aciéries de Micheville, Chemins de fer de Nancy). Cependant, il est frappant de constater le nombre relativement faible de ces intervenants extérieurs liés à l’industrie et au monde économique, à l’exception notable des brasseurs, alors même que le pôle scientifique nancéien se construit en développant un discours volontariste sur l’application des sciences et l’utilité industrielle 157 Ce n’est sans doute pas faute de ressources étant donné le tissu industriel régional. On peut penser qu’il s’agit d’un choix délibéré des enseignants de la faculté des sciences, fondé sur leur conception du rapport entre science et technique qui est au cœur même de la formation des ingénieurs.

5. Comment lire ce dictionnaire ?

Les notices de ce dictionnaire permettent de suivre les parcours de carrières de 160 personnes ayant exercé une activité d’enseignement à la Faculté des sciences de Nancy. Elles ne se limitent cependant pas au moment nancéien et décrivent la totalité des parcours de ces acteurs. De ce fait, elles peuvent déborder, pour les personnes recrutées dans les années 1900, jusqu’aux années 1960. Ces notices sont construites sur une trame commune à six entrées : état civil, formation, évolution de carrière, période nancéienne, travaux, engagements sociaux et distinctions. Bien évidemment, en fonction des sources disponibles, ces entrées sont plus ou moins développées.

En ce qui concerne l’état civil, les informations données sont tirées, dans la plupart des cas, des registres d’état civil complétées par les registres militaires et d’autres sources indirectes comme les nécrologies. Elles se limitent aux parents, conjoints et enfants. Certaines notices peuvent proposer des développements plus complets sur d’autres membres de la famille ayant acquis une certaine notoriété. Par ailleurs, lorsque les relations familiales semblent avoir joué un rôle dans les carrières des enseignants de la faculté nous l’avons explicitement indiqué (voir ainsi les exemples des familles Grandeau*, Nicklès* ou Floquet*). Dans la mesure du possible, nous avons repris le prénom d’usage des acteurs tel qu’il apparaît dans les arrêtés de nomination ou dans les publications.

Les notices retracent, dans la mesure du possible, le parcours de formation de chaque enseignant : dans certains cas, les sources permettent de décrire sa formation dès l’école primaire, mais le plus souvent on ne dispose d’éléments fiables qu’à partir du baccalauréat. La partie concernant l’évolution de carrière porte sur l’ensemble du parcours professionnel des personnes, quelle qu’ait été la durée de leur présence à Nancy. En conséquence, cette période nancéienne a fait l’objet d’une attention particulière : il s’agit en effet de caractériser toutes les facettes des activités des enseignants, aussi bien dans le cadre de leurs activités professionnelles et administratives à la faculté, qu’en dehors, à travers leur implication dans la vie intellectuelle locale. Les travaux des acteurs ont fait l’objet, lorsqu’ils existent, d’un développement spécial. Nous avons choisi de nous en tenir aux grandes lignes de leurs recherches : évolutions thématiques, activités de publication (types d’ouvrages, lieux de publication, etc.), prix scientifiques et relations avec d’autres chercheurs 158. Enfin, chaque notice mentionne les engagements sociaux, politiques, culturels ou académiques des acteurs ainsi que les diverses distinctions qu’ils ont pu obtenir au cours de leur carrière (palmes académiques, Légion d’honneur, distinctions étrangères, affiliations à des académies locales, nationales voire internationales).

Dans la mesure où les enseignants pris en compte ont exercé leur activité dans le cadre de la fonction publique, la source principale pour les notices a été leurs dossiers de carrière conservés aux Archives nationales 159. Ceux-ci décrivent de manière relativement précise l’ensemble des fonctions des acteurs, de leur première nomination à leur retraite ou leur décès. Il s’agit d’une source essentielle car elle fournit de nombreuses informations sur les activités des enseignants. Chaque dossier contient au minimum un récapitulatif de l’ensemble de la carrière, les arrêtés de nomination, les fiches de renseignements annuelles visées par le doyen et le recteur, les notices individuelles annuelles ainsi que des échanges épistolaires liés à différents épisodes de la vie professionnelle : mutations, avancement, sanctions disciplinaires, absences, maladies, rapports de thèses et même coupures de presse 160. Par ailleurs, ces dossiers permettent de mettre en lumière les conséquences de certains choix relevant de la sphère privée sur leur vie professionnelle. En effet, dans la période couverte par le dictionnaire, les fonctionnaires font l’objet d’un contrôle professionnel et social très resserré. Les notices d’évaluation annuelle contiennent ainsi des informations détaillées sur le caractère, la conduite et les habitudes sociales, les relations avec les chefs, l’autorité, la sagacité et le jugement, l’élocution, l’exactitude et le zèle, la gravité et la profondeur de l’enseignement ou encore les capacités administratives des fonctionnaires 161. Certaines appréciations peuvent être très critiques voire très sévères : dans la mesure où elles nous semblaient avoir eu une influence sur le déroulement de la carrière des enseignants, nous les avons prises en compte mais sans les surinterpréter et en nous limitant à de simples citations.

Pour autant, les enseignants pris en compte dans ce dictionnaire n’ont pas tous appartenu à la fonction publique – c’est par exemple le cas des chefs de travaux en brasserie – ou peuvent n’avoir laissé aucune trace dans les archives administratives d’État en raison de certains modes de recrutement (recrutements locaux sur fonds propres, remplacements ponctuels de titulaires, etc.). Par conséquent, la reconstitution de leur carrière a été beaucoup plus difficile et nous a obligé à mobiliser de multiples sources. Les dictionnaires biographiques de toutes natures 162 ont été très souvent d’une grande aide tout comme les associations généalogiques qui mettent aujourd’hui en ligne de très nombreuses informations ou les familles des descendants qui ont accepté de partager certains renseignements. Malgré leur imprécision et leur tendance souvent marquée pour l’hagiographie, les notices nécrologiques ont pu apporter des indications précieuses sur les dimensions non professionnelles des parcours des acteurs. De la même manière, l’exploration des archives en ligne de la presse quotidienne régionale – notamment le Kiosque lorrain 163 – a pu éclairer certains épisodes de vie. Nous avons par ailleurs beaucoup utilisé les nombreuses ressources accessibles sur internet, des catalogues de bibliothèques françaises et étrangères à certains sites mondialement connus de vente en ligne de livres.

Dans tous les cas de figures, d’autres ressources plus spécialisées ont été mobilisées : l’Annuaire de l’instruction publique, le Biographisch-Literarisches Handwörterbuch der exakten Naturwissenschaften de Johann Christian Poggendorff, le Catalogue des thèses de sciences soutenues en France de 1810 à 1890 d’André Maire, les bulletins des différents instituts techniques de la faculté des sciences, les Séances de rentrée de l’Université de Nancy 164, les publications des sociétés scientifiques locales 165, le site numérique Gallica de la Bibliothèque nationale de France, le site web Internet Archive 166, le registre des élèves de l’École polytechnique 167, la base de données Léonore recensant les dossiers de Légion d’honneur entre 1802 et 1977 168, les bases des données historiques dédiées à la Première Guerre mondiale 169, la base des « Professeurs des facultés des lettres et des sciences en France au 19e siècle (1808-1880) » élaborée par le Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes 170. En d’autres termes, ce dictionnaire a été fortement alimenté par les ressources numériques en ligne. Celles-ci se sont d’ailleurs largement développées depuis le commencement de ce projet en 2007.

Chaque notice est accompagnée d’une bibliographie. Pour les auteurs ayant peu publié (certains chefs de travaux par exemple) elle peut être quasiment complète 171. En revanche, pour les auteurs particulièrement prolifiques, une sélection a été nécessaire : elle ne mentionne que certains travaux significatifs du parcours de recherche de l’enseignant concerné, en se limitant aux principales revues scientifiques de l’époque (Comptes rendus de l’Académie des sciences, Journal de mathématiques pures et appliquées, Bulletin de la Société de physique, etc.) 172. Lorsque que cela nous a semblé important, la bibliographie peut mentionner l’investissement des acteurs dans les publications des sociétés savantes locales, dans les revues de vulgarisation scientifique (La nature ou la Revue générale des sciences pures et appliquées) ou dans les journaux dédiés aux questions pédagogiques (les Nouvelles annales de mathématiques ou la Revue internationale de l’enseignement). Par ailleurs, nous avons systématiquement pris en compte les manuels d’enseignement.

Les notices biographiques sont présentées dans l’ordre alphabétique. Pour chaque acteur, nous avons fait le choix de n’indiquer dans le titre que le prénom usuel. Chaque titre est suivi d’une indication sur la dernière fonction occupée par chaque enseignant à Nancy dans la période couverte par le dictionnaire (1854-1918). Dans le texte, les noms des personnes faisant l’objet d’une notice dans cet ouvrage sont identifiés par le signe *. Par ailleurs, afin de faciliter la lecture, nous avons le fait le choix de n’indiquer avec précision que les dates de naissance et de décès. Pour les autres événements du parcours de vie et de carrière, nous nous en sommes tenus, dans la mesure du possible, à une précision de l’ordre du mois. Lorsque nous disposions de l’information, nous avons indiqué les noms des prédécesseurs et des successeurs sur les postes occupés par chaque enseignant.

Afin de compléter les notices biographiques, le dictionnaire comprend des annexes ainsi que deux index. Dans les annexes on trouvera une liste des doyens de la Faculté des sciences de Nancy ainsi qu’une liste des recteurs de l’Académie. Par ailleurs, nous avons élaboré une liste complète des chaires et de leurs titulaires sur la période concernée. Dans la mesure où celle-ci ne concerne que les professeurs, nous avons enfin adjoint une liste de toutes les disciplines enseignées qui prend en compte l’ensemble des enseignants. L’ouvrage se conclut avec un index exhaustif des noms propres et un index thématique.

6. Remerciements

Ce livre est le fruit du travail collectif d’une quinzaine de personnes commencé en 2007. Il a fallu près de dix ans pour rassembler et organiser les 160 notices biographiques qui le constituent. Sans les premiers travaux réalisés par Jean-René Cussenot sur les archives de la Faculté des sciences de Nancy, il n’aurait sans doute jamais pu voir le jour.

L’histoire de ce projet est celle d’une suite ininterrompue de retards et de reports rythmés par de très nombreuses missions en archives et des recherches de financement.

D’abord hébergé et financé par la Maison des sciences de l’homme Lorraine, ce projet s’est ensuite déployé au sein du Laboratoire d’histoire des sciences et de philosophie de l’Université de Lorraine. Son achèvement n’aurait pas été possible sans le soutien inconditionnel de ces deux laboratoires, que nous remercions chaleureusement.

Nos remerciements vont également aux auteurs des notices biographiques, d’une part pour la qualité de leur travail et, d’autre part, pour l’exceptionnelle patience dont ils ont dû faire preuve avant de voir l’achèvement de l’ouvrage.

De nombreux collègues, ici ou ailleurs, ont alimenté nos réflexions méthodologiques et scientifiques et nous ont largement aidé à définir puis à tenir le projet sur la longue durée. L’engagement de ces collègues s’est parfois traduit par de fastidieuses semaines de dépouillement d’archives, de saisie informatique et de relecture. Qu’ils en soient remerciés ici, et tout particulièrement Caroline Jullien-Walter, Jules-Henri Greber et Mathieu Pham.

Le personnel des Archives nationales, dont la compétence et le professionnalisme ne sont plus à prouver, nous a apporté une aide essentielle et cet ouvrage leur doit énormément. Il en est de même pour le personnel de nombreux services d’archives, parmi lesquels ceux des Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, des Archives municipales de Nancy, des Archives de l’Académie des sciences ou des Archives de la Faculté des sciences de Nancy.

Cet ouvrage a été publié avec un soutien financier conséquent de l’Université de Lorraine, à travers plusieurs de ses structures : la Maison des sciences de l’homme Lorraine, le pôle « Connaissance, langage, communication, sociétés » et le Collegium Lorraine INP. Nous leur en sommes extrêmement reconnaissants.

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Références

  • 1 [T. M. Porter 2006]. Traduction personnelle des auteurs du chapitre.↩︎
  • 2 [C. D. Conner 2011].
  • 3 Dont on trouvera de nombreux exemple dans l’ouvrage Les uns et les autres... Biographie et prosopographie en histoire des sciences [L. Rollet & P. Nabonnand 2012].↩︎
  • 4 [S. Schaffer 2014].↩︎
  • 5 Voir ainsi la publication récente d’une Histoire des sciences et des savoirs en trois volumes [S. Van Damme 2015], [K. Raj 2015] et [C. Bonneuil & D. Pestre 2015].↩︎
  • 6 [M. Grossetti, A. Grelon, F. Birck, et al. 1996].↩︎
  • 7 Voir ainsi les ouvrages Science, industrie et territoire [M. Grossetti 1995] ainsi que La territorialisation de l’enseignement supérieur : France, Espagne et Portugal [M. Grossetti & P. Losego 2003]↩︎
  • 8 [A. Grelon & F. Birck 1998].↩︎
  • 9 [F. Birck & A. Grelon 2006].↩︎
  • 10 Il s’agissait du projet « Genèse et développement du pôle scientifique nancéien » qui s’est ensuite prolongé par un projet de la Maison des sciences de l’Homme Lorraine sous l’intitulé « Histoire des institutions scientifiques et éducatives ».↩︎
  • 11 [L. Rollet & M.-J. Choffel-Mailfert 2007].↩︎
  • 12 Mémoire et culture matérielle de l’université : valorisation, sauvegarde, recherche [L. Rollet & M.-J. Choffel-Mailfert 2008] ainsi que Les collections scientifiques des universités [P.-A. Gérard 2008].↩︎
  • 13 Voir ainsi l’ouvrage de Françoise Birck sur l’histoire de l’École des mines de Nancy, L’École des mines de Nancy (ENSMN) 1919-1912 : entre université, grand corps d’État et industrie [F. Birck 2014].↩︎
  • 14 Pour ne citer que les ouvrages, mentionnons : Étudiants étrangers en France : l’émergence de nouveaux pôles d’attraction au début du 20e siècle [Y. Bettahar & F. Birck 2009] ainsi que Les universités au risque de l’histoire : principes, configurations, modèles [Y. Bettahar & M.-J. Choffel-Mailfert 2014].↩︎
  • 15 Nous citerons notamment le projet « Mathématiques et mathématiciens à Metz (1750-1870) : dynamiques de recherche et d’enseignement dans un espace local » dont l’ambition est d’étudier sur le temps long les circulations des mathématiques et des mathématiciens au sein d’un espace provincial.↩︎
  • 16 Cette base de données devait progressivement s’étoffer avec le soutien des Archives Henri Poincaré. Elle est consultable à l’adresse suivante : http://cussenot-fst-nancy.ahp-numerique.fr/cussenot2/.↩︎
  • 17 La population à prendre en compte aurait alors représenté près de 450 personnes, nombre à mettre en relation avec les 160 notices biographiques présentes dans cet ouvrage.↩︎
  • 18 [O. Wieviorka 2015].↩︎
  • 19 Ainsi la création, au début des années 1900, d’un certificat de mathématiques générales destiné à combler les déficits des élèves des instituts techniques [P. Nabonnand 2006].↩︎
  • 20 Voir l’ouvrage cité plus haut [Y. Bettahar & F. Birck 2009].↩︎
  • 21 Les exemples du mathématicien Nicolas Renard, de l’océanographe Julien Thoulet* ou du biologiste Lucien Cuénot* sont à ce titre très représentatifs de la portée internationale des recherches menées à Nancy. Dans un même registre il faut mentionner la très bonne réputation scientifique dont jouit René Blondlot* en France et à l’étranger suite à la confirmation, dans les années 1890, des expériences d’Heinrich Hertz.↩︎
  • 22 Voir par exemple les notices sur François Croze*, Camille Gutton* ou Edmond Rothé*. On peut également citer la création, vers 1909, d’un éphémère institut d’aérodynamique qui, s’il ne joua aucun rôle dans la guerre, s’inscrivait dans un projet de mise en relation des sphères civiles et militaires dans le contexte de préparation de la revanche [L. Rollet & P. Nabonnand 2014].↩︎
  • 23 Voir ainsi : Dictionnaire biographique des universitaires aux 19e et 20e siècle – volume 1 : la Faculté des Lettres de Paris (1809-1908) [C. Charle 1985] ; Les professeurs de la Faculté des Lettres de Paris, dictionnaire biographique 1909-1939 [C. Charle 1986] ; Les professeurs du Collège de France, dictionnaire biographique 1901-1939, [C. Charle & E. Telkes 1988] ; Les professeurs de la faculté des sciences de Paris, dictionnaire biographique 1901-1939, [C. Charle & E. Telkes 1989].↩︎
  • 24 Les professeurs du conservatoire national des arts et métiers, dictionnaire biographique, 1794-1955, 2 volumes [C. Fontanon & A. Grelon 1994].↩︎
  • 25 Itinéraires de chimistes, 1857-2007, 150 ans de chimie avec les présidents de la Société française de chimie [L. Lestel 2008].↩︎
  • 26 Il s’agit du Suisse Ernest Hahn*, directeur du laboratoire de mécanique appliquée de l’Institut électrotechnique de Nancy. Celui-ci ne pourra accéder à une carrière universitaire faute de diplôme obtenu en France. Bien que ses activités d’enseignement soient difficiles à reconstituer, son rôle dans la formation de plusieurs générations d’ingénieurs en fait un acteur à prendre en compte.↩︎
  • 27 On notera cependant qu’à la différence des professeurs les maîtres de conférences sont reconduits annuellement dans leurs fonctions.↩︎
  • 28 « Aux parisiens, vont les honneurs (en premier lieu l’accès à l’Académie des sciences, les provinciaux ne pouvant être, au mieux, que correspondants à cette époque), la consécration, les notices et les biographies ; aux provinciaux, sauf cas d’espèce d’enracinement volontaire et de conquête, malgré tout, de l’excellence dans un domaine particulier, sont réservés l’obscurité, les lacunes d’information, le désintérêt des pairs ou de la postérité ». [C. Charle 1990, p. 428]. Concernant les travaux de Charle sur les universitaires, on citera également Le personnel de l’enseignement supérieur en France aux 19e et 20e siècles [C. Charle & R. Ferré 1985] ainsi que La république des universitaires : 1870-1940 [C. Charle 1994].↩︎
  • 29 Voir Nye Mary Jo, Science in the Provinces; Scientific Communities and Provincial Leadership in France, 1860-1930 [M. J. Nye 1986].↩︎
  • 30 Ainsi, sur la période 1901-1910, les professeurs et les maîtres de conférences représentent seulement 40 % des enseignants : on recense 26 chefs de travaux en activité et 38 chargés de cours sur cette période contre 4 maîtres de conférences et 29 professeurs.↩︎
  • 31 à partir de 1900, la faculté des sciences accueille des cours de malgache, de législation économique et minière, d’histoire et de géographie coloniales, de matériel de brasserie, d’outillage agricole, etc.↩︎
  • 32 Celui-ci sera à l’origine, avec Edmond Rothé*, de la fondation d’un éphémère institut d’aérodynamique et de météorologie avant la Première Guerre mondiale. Voir [L. Rollet & P. Nabonnand 2011] ainsi que [L. Rollet & P. Nabonnand 2014].↩︎
  • 33 Les Ardennes, la Marne, l’Aube, la Haute-Marne, la Haute-Saône, le territoire de Belfort ainsi que les deux départements alsaciens.↩︎
  • 34 On ne compte en revanche que 11 polytechniciens, dont 4 professeurs.↩︎
  • 35 Parmi lesquels une dizaine de chimistes.↩︎
  • 36 Les ingénieurs d’origine suisse sont Ernest Hahn, Antoine Dumas, Henri Quiby. Les deux français, d’origine alsacienne, sont Louis Hubler et Jules Molk. Ce dernier n’enseignera cependant pas l’électrotechnique mais les mathématiques.↩︎
  • 37 [M.-J. Choffel-Mailfert 2006].↩︎
  • 38 De multiples interrogations subsistent cependant concernant le poids réel de la recherche au sein de la faculté des sciences et de ses instituts car la situation évolue beaucoup sur la période couverte par le dictionnaire. Jusqu’aux années 1870-1880, les travaux de recherche des professeurs semblent relativement limités. Il s’agit dans la plupart des cas de travaux individuels souvent accolés aux activités de l’Académie de Stanislas. Les autorités de tutelle – recteurs, inspecteurs – n’affichent pas des demandes particulièrement fortes concernant ce type d’activité dans leurs évaluations annuelles. De plus, les sources ne permettent pas de retracer précisément la réalité d’une vie de laboratoire – donc une recherche collective – et elles sont en réalité beaucoup plus disertes sur le manque d’équipement récurrent de la faculté en instruments scientifiques. La situation évolue cependant nettement après la Guerre de 1870. Les laboratoires d’enseignement et de recherche se mettent en place et l’internationalisation grandissante des sciences produit des effets de plus en plus importants, pour aboutir, vers la Première Guerre mondiale, à un mode de fonctionnement qui préfigure l’organisation actuelle de la recherche.↩︎
  • 39 Il s’agit principalement des dossiers rassemblés dans les fonds F/17 et AJ/16 ainsi que, pour les ingénieurs des mines et des ponts et chaussées, dans le fonds F/14.↩︎
  • 40 Ainsi lorsque le mathématicien Claude Guichard* se lance en politique son dossier de carrière est largement alimenté par des coupures de presse des journaux locaux et nationaux.↩︎
  • 41 Nous reprenons ici textuellement les grandes entrées d’une fiche de renseignement individuel d’un dossier de carrière de l’Instruction publique en 1900.↩︎
  • 42 Citons, sans aucune prétention à l’exhaustivité, les dictionnaires consacrés aux inspecteurs de l’Instruction publique [G. Caplat, I. Havelange, F. Huguet, et al. 1986], les recteurs [J.-F. Condette 2006], les rabbins [Collectif 2008], les parlementaires [A. Robert & G. Cougny 1890-1891] ou encore les professeurs de la Faculté de médecine de Nancy [B. Legras 2014].↩︎
  • 43 http://www.kiosque-lorrain.fr.↩︎
  • 44 http://hise-nancy.ahp-numerique.fr/.↩︎
  • 45 Notamment les Mémoires de l’Académie de Stanislas, le Bulletin de la Société des sciences de Nancy et le Bulletin de la Société industrielle de l’Est.↩︎
  • 46 https://archive.org.↩︎
  • 47 http://bibli.polytechnique.fr/F/.↩︎
  • 48 http://www2.culture.gouv.fr/documentation/leonore/accueil.htm. Certains dossiers ne sont cependant pas encore numérisés et d’autres sont inaccessibles pour des raisons légales. On notera en outre que certains dossiers de carrière peuvent faire mention de l’attribution de la Légion d’honneur sans qu’on en trouve la confirmation dans cette base de données.↩︎
  • 49 En particulier, la base « Mémoire des hommes » (www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/), ainsi que la base « Prisonniers de la Première Guerre mondiale » du Comité international de la Croix Rouge (www.grandeguerre.icrc.org/fr).↩︎
  • 50 http://facultes19.ish-lyon.cnrs.fr/recherche.php.↩︎
  • 51 Les notices biographiques de ce dictionnaire sont publiées parallèlement sur un site web dédié avec des bibliographies beaucoup plus complètes (http://dictionnairefsn.ahp-numerique.fr/).↩︎
  • 52 Les thèses de doctorat sont systématiquement référencées.↩︎