Les enseignants de la Faculté des sciences de Nancy et de ses instituts

Média : La Faculté des sciences de Nancy et ses instituts (1854-1914)

2016;
Texte, par : Françoise Birck

La Faculté des sciences de Nancy et ses instituts (1854-1914)

  1. Introduction
  2. Facultés professionnelles et facultés académiques dans la reconstruction de l’enseignement supérieur après la Révolution
  3. La mise en jeu de l’avenir universitaire de Nancy sous le Second Empire
  4. La création et le fonctionnement de la faculté des sciences de 1854 à 1870
  5. La faculté des sciences des années 1870 à 1880
  6. La faculté des sciences et les réformes républicaines (1880-1897)
  7. L’orientation de la faculté des sciences vers les enseignements appliqués
  8. « Vivez et agissez »
  9. Faculté des sciences ou faculté des sciences appliquées ? Nancy en exemple
  10. Bibliographie

1. Introduction

L’histoire de la faculté des sciences de Nancy est liée à la mise en œuvre de politiques gouvernementales fluctuant au rythme des changements de régimes politiques, de leurs différentes visions de l’organisation spatiale et des finalités d’un enseignement supérieur contrôlé par l’État. C’est ainsi qu’après bien des vicissitudes, la création des deux facultés académiques, celle de lettres et celle de sciences, en 1854, peut être considérée comme un évènement fondateur qui permet à Nancy de figurer à nouveau parmi les villes pourvues officiellement d’un enseignement supérieur. Cet évènement est d’autant plus significatif que la carte des villes universitaires qui s’établit à cette date ne bougera pratiquement plus pendant un siècle (1).

Pourtant les jeux n’étaient pas faits d’avance. La Révolution qui souhaitait faire table rase du système d’enseignement de l’Ancien Régime, avait en effet envisagé de supprimer les universités et de les remplacer, dans le cadre du « projet Condorcet », par neuf « Lycées » répartis sur l’ensemble du territoire. Selon la logique de cette réorganisation spatiale, Strasbourg devait se voir attribuer un Lycée pour la région du Nord-Est ainsi que Dijon pour la région de l’Est. Nancy qui faisait partie des 22 universités du royaume avant la Révolution était donc appelée à disparaître de la carte universitaire. Ce plan ne sera pas mis en œuvre. Pourtant, dans un essai qui retrace l’histoire de l’enseignement supérieur à Nancy entre 1789 et 1896 et publié en 1933, l’auteur, André Gain, considère avec le recul que « les précédents s’établissent rapidement : après l’expérience impériale, les bureaux du ministère ont rayé Nancy de la liste des centres intellectuels en province. C’est seulement le Second Empire qui l’y rétablira » (2)

L’histoire produite par les institutions donne une place prépondérante à l’action de groupes de pression locaux qui auraient su, à cette date, peser avec succès sur les décisions du pouvoir central. Le rôle d’une personnalité comme celle de Prosper Guerrier de Dumast est mis en avant, même dans une publication quasi officielle comme la Revue internationale de l’enseignement qui le présente comme « l’apôtre de l’enseignement supérieur en Lorraine » (3).

Il convient néanmoins de distinguer ce qui relève d’un processus national de ce qui peut être attribué aux acteurs locaux pour envisager une autre lecture des enjeux du moment et tenter de montrer ce que doit aux uns et aux autres, à plus long terme, l’exceptionnel développement de la faculté des sciences durant la période de construction des universités républicaines (entre 1880 et 1914).

2. Facultés professionnelles et facultés académiques dans la reconstruction de l’enseignement supérieur après la Révolution

À la suite de la rupture révolutionnaire, l’enseignement supérieur se reconstitue selon des rythmes et des modalités qui varient en fonction des différents types d’institutions. Dans un premier temps, les anciennes facultés professionnelles, en particulier celles de médecine et de droit, sont intégrées au réseau des « écoles spéciales », destinées à délivrer des diplômes professionnels d’utilité nationale (4). Des « écoles centrales » sont créées au niveau des départements et se situent, pour leur part, à cheval entre deux niveaux d’enseignement, que l’on appellerait aujourd’hui secondaire et supérieur. Elles prodiguent un enseignement de type encyclopédique, à dominante scientifique. Elles reçoivent en général un public hétérogène, souvent intéressé par les cours les plus élémentaires (5). À la suite du texte législatif d’octobre 1795 qui met en place ce système, Nancy reçoit une école centrale départementale mais aucune « école spéciale » car elle ne peut, comme la ville voisine de Strasbourg, compter sur la transformation d’une ancienne faculté de médecine. L’école centrale nancéienne qui fonctionne de 1796 à 1804, compte neuf professeurs indépendants et reçoit quelques centaines d’élèves, mais il ne s’agit pas à proprement parler d’enseignement supérieur (6).

Le Consulat met fin à cette organisation et rétablit les lycées qui doivent en principe être implantés dans les villes à juridiction d’appel (loi du 1er mars 1802). Ces « lycées nationaux » dont le nombre s’élève à une trentaine, sont destinés à la fois à la préparation aux études dans les « écoles spéciales » et à la culture générale de l’honnête homme. En même temps, on réorganise les études dans les écoles de médecine, de pharmacie et dans celles de droit dont on augmente le nombre de façon significative (10 nouvelles écoles de droit sont prévues). Les villes en concurrence pour l’accueil de l’un de ces nouveaux établissements, s’efforcent de trouver les arguments susceptibles d’influencer les décisions nationales. Le maire de Nancy tente de faire valoir la qualité des bâtiments de l’ancienne université et la présence des enseignants d’une école libre de droit pour revendiquer la création d’une école de droit officielle. Cette fois encore, c’est finalement Strasbourg, déjà dotée d’une école de médecine qui reçoit une nouvelle école de droit en même temps que Dijon qui n’hésite pas à jouer, pour le recrutement des étudiants, la carte de sa situation stratégique par rapport aux nouvelles frontières du territoire. Nancy, ainsi géographiquement encadrée, se retrouve privée de tout établissement officiel. Lorsque s’engage la réorganisation de l’Université impériale (1806-1810), la ville constitue une sorte de point aveugle sur la carte universitaire (7).

Les pressions de l’assemblée municipale permettent néanmoins d’obtenir, en 1809, le siège d’une académie, constituée des trois départements de la Meurthe, de la Meuse et des Vosges, ce qui en fait l’un des plus petits centres académiques, la plupart des autres comptant entre cinq et sept départements (8). D’un point de vue historique il s’agit cependant d’une attribution importante car, malgré quelques menaces, elle ne sera plus remise en cause par les réformes suivantes. Il n’en sera pas de même pour les facultés créées dans le cadre de la structuration de l’Université impériale. Aux écoles de droit et de médecine qui doivent reprendre l’appellation de facultés, s’ajoutent en effet un grand nombre de « facultés académiques », en particuliers de lettres et de sciences, mises en place auprès de chaque lycée au chef lieu d’une académie. Pour tout le territoire, outre les facultés de théologie, 27 couples de facultés des lettres-sciences sont prévus.

Tous ne sont pas créés, c’est ainsi que Nancy reçoit une faculté des lettres et Metz une faculté des sciences, alors qu’après cette vague de créations la plupart des autres centres académiques comptent au moins trois facultés voire cinq comme à Strasbourg (9). Ces facultés académiques, à part celles de Paris qui reçoivent les élèves de l’École normale supérieure, sont loin d’avoir le statut qu’elles atteindront progressivement pendant la période de construction de l’Université républicaine. On ne se préoccupe pas de leur trouver des étudiants, leur principale fonction est la collation des grades, en particulier du baccalauréat, le seul grade non professionnel garanti par l’État, qui ouvre l’accès aux écoles supérieures. Comme elles sont chichement dotées d’hommes (trois ou quatre professeurs) et de moyens, peu à peu leur rôle se réduit à celui de simples jurys d’examens. Cette faiblesse institutionnelle explique la facilité avec laquelle leur nombre varie, sur simple décision administrative, au gré des redécoupages des circonscriptions universitaires. C’est ainsi que sous la Restauration (ordonnance du 18 janvier 1816), faute de crédits, on supprime d’un coup, dix sept facultés des lettres et trois facultés des sciences (10).

Nancy, encore une fois, tire mal son épingle du jeu, elle perd son unique faculté. Elle ne parvient pas à obtenir une seule nouvelle création dans les décennies qui suivent malgré le mouvement de développement qui s’amorce sous la Monarchie de Juillet. (11) Elle ne peut faire valoir, au début du Second Empire, pour reprendre l’expression d’André Gain « qu’un débris d’enseignement supérieur » (12) : l’École libre de médecine fondée par Charles de Haldat et Jean Baptiste Simonin, reconnue par l’État sous le nom d’école secondaire de médecine, en 1822, puis d’école préparatoire de médecine et de pharmacie en 1843 (elle compte alors 16 élèves) (13).

Cette situation est le résultat des atermoiements liés aux changements de régimes politiques. Pourtant, sous leur apparence chaotique, les différentes réformes semblent avoir tenu compte, successivement ou simultanément, de deux critères : celui du quadrillage du territoire pour assurer les jurys d’examen du baccalauréat qui est la clé de la majorité des études post-secondaires ; celui d’un regroupement des institutions (écoles et facultés) censé favoriser le développement de centres intellectuels en province.

Tout au long de cette période, y compris pendant l’épisode le plus autoritaire de l’État napoléonien, les villes, souvent appuyées par les départements, interviennent pour influencer les décisions du centre. Comme les situations de rivalité sont nombreuses, les choix peuvent créer des situations pratiquement irréversibles, puisque les occasions manquées engagent souvent l’avenir universitaire de ces villes jusqu’au début des années 1960. On peut citer, parmi d’autres, le cas de Nantes, sans cesse supplantée par Rennes. En 1854, elle espère enfin obtenir une faculté des sciences en avançant la nécessité d’augmenter le nombre de facultés sur la façade atlantique qui n’en compte que trois (Bordeaux, Rennes et Caen). Deux autres villes, Angers et Poitiers, entrent alors en compétition et Nantes perd encore une fois la partie (14). Cette occasion manquée engage l’avenir universitaire de la ville pour un siècle. Il faut attendre le décret du 4 juillet 1959 pour qu’une faculté des sciences soit créée et, dans la foulée, une université, en 1961 (15). C’est à la mesure de ces enjeux que peuvent être examinées les conditions de l’implantation d’une faculté des sciences à Nancy, en 1854.

3. La mise en jeu de l’avenir universitaire de Nancy sous le Second Empire

La loi sur l’administration de l’Instruction publique préparée par le ministre Hippolyte Fortoul, comporte un volet spécial pour l’enseignement supérieur. Ce dernier envisage de poursuivre la politique de croissance amorcée par la Monarchie de Juillet en augmentant le nombre des facultés académiques dans le but de mieux quadriller le territoire en centres d’examen. C’est un acte politique important, car l’enseignement secondaire est libre depuis la loi Falloux (1850), mais la collation des grades reste sous contrôle de l’État. En même temps, il s’agit de rationaliser la carte universitaire établie sous le Premier Empire. Les travaux préparatoires prévoient de supprimer les académies départementales et de ne conserver que 15 académies régionales sur 17. Nancy n’apparait pas dans ce projet (16).

Dès que l’information est rendue publique, le conseil municipal se mobilise pour demander la restitution de son rectorat et, dans la foulée, la création des institutions qui doivent le mettre à égalité avec la majorité des autres centres académiques. Il adresse au Gouvernement un vœu où il réclame la restitution de son éphémère faculté des lettres et deux nouvelles créations : une faculté des sciences et une école de droit. La demande d’une faculté des sciences rencontre aussitôt la protestation de Metz qui réclame, elle aussi, le retour de son ancienne faculté, mais, la concurrence de Metz n’est pas dans l’immédiat le péril essentiel. Il s’agit d’abord de ne pas perdre le statut de centre académique acquis depuis l’Empire. Pour le reste, on l’a vu, ce n’est pas la première fois que la ville de Nancy sollicite le Gouvernement pour que lui soient accordées officiellement des institutions d’enseignement supérieur, et jusque-là sans succès. Une nouvelle conjonction d’influences lui donne quelques chances de l’emporter (17).

À cette époque, la configuration politique semble plutôt favorable à la ville. Elle a voté majoritairement en faveur des deux plébiscites, celui de décembre 1851 qui approuve la constitution du coup d’État et celui de 1852 qui entérine le rétablissement de l’Empire. Alfred Buquet, député de la Meurthe, nommé maire la même année, figure à Nancy parmi les hommes de confiance du régime (18). Il peut escompter à Paris le soutien de quelques nancéiens influents qui siègent dans des institutions-clefs du régime (19). La délégation du conseil municipal qui se rend à Paris, le 3 mai 1852, dispose donc de quelques atouts lorsqu’elle rencontre le Prince-président et le ministre de l’Instruction publique Hippolyte Fortoul. Selon les récits de l’époque, souvent repris par la suite, Prosper Guerrier de Dumast aurait été un brillant porte-parole. Il n’est pas certain que ses arguments d’ordre historique, remontant à la période d’annexion de la Lorraine en 1736, aient été les seuls déterminants (20). Il semble qu’il y ait eu à ce moment une convergence entre les revendications locales et les projets politiques du Gouvernement. À Nancy, le mouvement régionaliste dont Guerrier de Dumast est l’un des principaux animateurs, plaide de longue date pour faire de Nancy une capitale régionale, dotée d’un véritable centre intellectuel, alors qu’au niveau de l’État s’esquisse un mouvement de décentralisation scientifique destiné à contrebalancer la prépondérance de Paris (21).

Quel que soit le poids des arguments nancéiens, le principe du rétablissement d’une Académie à Nancy est acquis en 1852 et, en corollaire, celui de la restauration de la faculté des lettres et la création d’une faculté des sciences (décret du 4 août 1854). À partir de cette décision, les démarches des Messins se heurtent à la politique de regroupement des institutions d’enseignement supérieur dans un nombre limité de centres. La ville de Metz ne manque pourtant pas d’arguments scientifiques, avec un lycée dont les classes préparatoires aux écoles spéciales ont une excellente réputation et avec la présence du corps enseignant de haut niveau de l’École d’application du génie et de l’artillerie (22) Elle s’efforce de les faire valoir et trouve même un appui, en 1857, auprès du nouveau recteur de Nancy, Hervé Faye* (23) Cependant, ce qui est semble-t-il en cause, c’est moins une concurrence scientifique qu’une logique géographique qui s’impose à Metz (24). Son éviction évite aux deux villes lorraines une guerre de trente ans semblable à celle qui opposera par exemple Lille et Douai (25), mais elle rejette Metz du côté des villes en concurrence avec leurs voisines, qui se trouvent du coup éliminées pour un siècle de la carte scientifique française (26)

4. La création et le fonctionnement de la faculté des sciences de 1854 à 1870

4.1. Un projet politique national appliqué au cas nancéien

Pour Nancy, une fois la décision prise, un certain nombre de mesures entrent en jeu pour assurer la viabilité de ce nouveau centre d’enseignement supérieur.

Généralement, les villes qui obtiennent l’ouverture de facultés doivent, en contrepartie, prendre en charge tous les aspects matériels de leur organisation. L’État se charge de créer les chaires jugées nécessaires et de nommer les titulaires. À Nancy, en ce qui concerne la faculté des sciences, quatre professeurs sont nommés par le Gouvernement : un professeur de mathématiques pures et appliquées, Hervé Faye*, membre de l’Institut, nommé en même temps recteur de l’Académie de Nancy ; un professeur de physique, Jean-Marie Séguin*, qui vient du lycée de Caen ; un professeur de chimie, Jérôme Nicklès*, qui a enseigné à l’École de médecine de Nancy ; un professeur d’histoire naturelle, Dominique Alexandre Godron*, ancien recteur de l’Académie départementale du Doubs (27)

Comme au début du Second Empire une épuration sévère a touché le personnel des facultés et des écoles soupçonné de sympathies républicaines, les professeurs de la faculté des sciences, et en particulier le recteur Faye*, ne peuvent qu’être réputés favorables au régime. Celui-ci est en effet proche du ministre de l’Instruction publique et des Cultes, Hippolyte Fortoul. C’est donc la voix du Gouvernement qu’il fait entendre lors du discours d’installation des facultés. Il précise que les créations accordées à Nancy ne constituent pas une faveur ou une revanche sur le passé, mais qu’elles sont la manifestation d’une volonté politique, celle « d’un pouvoir normal » (28) qui veut rompre avec la centralisation excessive héritée de la période révolutionnaire et impériale, sans pour autant amoindrir le centre parisien. Une manière d’atteindre cet objectif est de faire revivre un nombre limité de centres intellectuels en province. Dans le cadre de cette politique, Nancy et la Lorraine sont appelées à jouer un rôle « dans la vaste réorganisation de l’enseignement public, par laquelle un ministre éminent a su, dans sa sphère d’activité, traduire en faits et en institutions cette pensée généreuse de notre Empereur ».

Une des premières mesures consiste à conforter le centre académique de Nancy en élargissant son ressort aux quatre départements lorrains (ceux de la Meurthe, de la Meuse, des Vosges auxquels vient s’ajouter celui de la Moselle). La deuxième mesure touche le seul établissement d’enseignement supérieur de la ville, l’école préparatoire de médecine et de pharmacie, pour laquelle un programme de réorganisation est proposé à condition que la ville s’engage à en assurer les conséquences matérielles (29). Les mêmes conditions s’appliquent à la création des deux nouvelles facultés académiques, des sciences et des lettres. Au total se constitue à Nancy, selon l’expression d’Hervé Faye*, ce que l’on pourrait « presque dire une université » (30)

Après cette définition des grandes lignes de la politique gouvernementale appliquées au cas nancéien, chacun des doyens désignés par le ministre évoque les objectifs et les moyens d’action de l’institution qui le concerne.

Pour le doyen Godron*, les initiatives gouvernementales ouvrent de nouvelles perspectives à la faculté des sciences. D’abord dans son rôle traditionnel de collation des grades. Jusque là, les facultés des sciences étaient en position d’infériorité par rapport aux facultés des lettres en raison du nombre limité de candidats au baccalauréat ès sciences. Ce diplôme qui suivait le baccalauréat ès lettres, n’était exigé que pour les études de médecine et pour les carrières de l’enseignement secondaire où le nombre de chaires scientifiques était d’ailleurs bien inférieur à celui des chaires littéraires. Dans le cadre de la réforme du baccalauréat, un arrêté de 1852 introduit un baccalauréat ès sciences indépendant du baccalauréat ès lettres et le rend obligatoire pour l’entrée aux écoles de Gouvernement, en premier lieu l’École polytechnique, mais aussi les écoles militaires comme Saint-Cyr, ou les écoles qui préparent à différentes administrations publiques comme l’École forestière de Nancy (31).)

Cette réforme qui concerne l’entrée dans la plupart des grandes écoles scientifiques, peut laisser espérer à la faculté des sciences un accroissement du flux de candidats bacheliers. Les plus grands changements concernent cependant l’enseignement. Selon le doyen Godron, la faculté des sciences est appelée à faire évoluer ses programmes, dans le prolongement de la réforme de l’enseignement engagée dans les lycées par Hippolyte Fortoul, ministre de l’Instruction publique et des Cultes de 1852 à 1856 (32). )Ce dernier venait en effet d’entreprendre une modernisation de l’enseignement en donnant une place plus importante à l’enseignement des sciences et en orientant les programmes vers les applications. L’idée, sans doute reprise de son entourage saint-simonien, était que l’enseignement français devait évoluer pour s’adapter au nouveau développement industriel du pays (33). Il introduit dans ce but un système de « bifurcation » entre une filière lettres et une filière sciences, après la classe de quatrième. Il accompagne cette mesure d’une réforme de la licence ès sciences et de l’agrégation et envisage la création d’un enseignement supérieur de sciences appliquées pour préparer les nouvelles générations aux carrières industrielles. Il prévoit de faire prendre en charge par les facultés des sciences et par les écoles préparatoires à l’enseignement supérieur des sciences et des lettres créées dans certaines villes dépourvues de facultés, ce qu’il appelle lui-même un « enseignement intermédiaire » (34), présenté à Nancy par le recteur Faye* sous le nom de « faculté de l’industrie ». Les qualités scolaires requises sont celles des « cours spéciaux ou professionnels » et le public visé celui des jeunes gens « qui n’ont pas toujours le goût des études fortes et complètes des facultés ». Il évalue à peu près à 1 500 le nombre d’élèves de l’académie engagés dans cette filière, qui s’arrête en principe en troisième, susceptibles d’être concernés par la nouvelle offre de formation (35).

Les programmes de la faculté des sciences s’inspirent de ce projet :

La faculté des sciences, étant spécialement chargée de donner à son enseignement une direction qui soit en rapport avec les industries principales du pays, non seulement ne faillira pas à cette tâche, mais elle espère pouvoir terminer les travaux de chaque année classique par la visite de quelques établissements industriels où les élèves de la faculté se livreront à l’étude des machines et des procédés de fabrication… L’enseignement de la faculté n’aura pas seulement pour effet de répandre autour d’elle des connaissances utiles, mais le législateur lui a conféré le pouvoir de sanctionner par un certificat d’aptitude le travail de ceux de ses élèves qui seront reconnus suffisamment instruits pour se livrer à la pratique d’une industrie spéciale, dont elle peut ainsi leur faciliter l’accès (36).

Un enseignement de sciences appliquées est effectivement mis en place, ou plutôt improvisé et pratiquement sans moyens, dès l’année suivante (1855). Au terme de deux années d’études, les meilleurs éléments doivent recevoir un certificat de capacité pour les sciences appliquées. Il ne s’agit pas d’un grade mais d’un diplôme reconnu par l’État, censé être l’équivalent du baccalauréat « dans l’ordre des professions industrielles ».

Le caractère novateur de ce dispositif ne peut faire oublier ses implications sociales. Dans l’esprit des réformateurs, la nouvelle offre de formation est supposée limiter l’accès aux carrières libérales dont « l’encombrement », en produisant des déclassés, peut se révéler dangereux pour la société (37). À cette antienne qui parcourt tout le 19e siècle, s’ajoute le projet de permettre aux jeunes Lorrains de trouver dans leur région, par la création des deux facultés et la modernisation de l’enseignement de la faculté des sciences, ce qu’ils allaient jusque-là chercher à Paris. Pour leur éviter le sort des « déracinés » que Maurice Barrès évoquera plus tard, les Lorrains sont appelés à seconder les efforts de décentralisation du Gouvernement :

C’est à vous maintenant, Messieurs, d’appuyer cette œuvre réparatrice, disons mieux, cette œuvre d’avenir. C’est à vous de faire comprendre à vos concitoyens la valeur pratique des institutions nouvelles, et de guider vers nos chaires cette jeunesse lorraine qui sait si bien s’ouvrir à toutes les carrières à force de travail et d’intelligence, mais que l’on condamnait à émigrer, en quelque sorte, pour compléter son éducation et conquérir les grades ou les diplômes dont l’État fait sa première garantie. Alors vous verrez un esprit public plein de sève et d’ardeur se reconstituer peu à peu au milieu de vous, formant son caractère moral sur celui de la province, sans cesser d’être éminemment français (38).

Se pose la question de savoir quelles pouvaient être les chances de réussite de ce pari, en Lorraine, à cette époque, étant donné le rôle des facultés des sciences de province dans le système d’enseignement supérieur du pays et face à l’hégémonie des institutions parisiennes.

4.2. La faculté des sciences confrontée aux réalités de la demande d’éducation supérieure en Lorraine

L’introduction d’un enseignement supérieur de sciences appliquées constitue une tentative pour orienter les étudiants vers les carrières industrielles en leur assurant une nouvelle voie de certification. Les textes prévoient seulement des cours complémentaires de géométrie descriptive et de mécanique (39)mais tous les professeurs de la faculté, y compris le professeur de mathématiques et recteur, tiennent à compléter ce programme, en particulier par des cours sur la technologie des principales industries de la région (40). Malgré cet engagement de la faculté, deux ans après, en 1857, le doyen constate que les candidats sont très peu nombreux : cinq étudiants seulement se sont inscrits. Les cours sont certes fréquentés, mais par des auditeurs libres, ce qui n’était pas l’objectif initial. Le recteur Faye*, n’avait d’ailleurs pas caché ses doutes, dès l’ouverture des cours, devant le public assistant à la cérémonie de rentrée des facultés :

Cette création nouvelle, bien des villes vous l’envierait, et pourtant, en pensant au brillant auditoire qui nous entoure dans ces solennités, je me suis demandé quel accueil elle trouverait près de vous. À Lyon, à Lille ou Marseille, je n’eusse point éprouvé d’incertitude, mais, je le sens, dans une ville comme Nancy, vouée à toutes les élégances de l’esprit et du luxe, l’annonce d’une école de droit répondrait bien mieux à l’attente générale que le tableau détaillé des efforts que vos facultés viennent de faire pour doter cette ville d’une grande école des arts et manufactures (41).

Il est vrai qu’au même moment, le groupe de pression qui s’était constitué pour obtenir le rétablissement du centre académique nancéien, continue ses démarches pour obtenir cette fois la création d’une faculté de droit. Il n’existe pas à Nancy de groupe de pression équivalent pour demander le développement des enseignements industriels comme ce sera par exemple le cas à Lille où Pasteur, alors doyen de la faculté des sciences, peut s’appuyer sur une pratique antérieure d’alliance entre la science et l’industrie locale ; il en est de même à Mulhouse où l’école préparatoire à l’enseignement supérieur des sciences et des lettres reçoit pour les sciences appliquées le soutien des milieux industriels représentés par la Société industrielle de Mulhouse (42).

Faute d’appuis, après le départ du recteur Faye* en 1857 et le changement d’homme et de politique au niveau du ministère (43), l’idée d’un enseignement supérieur des sciences appliquées tel qu’il avait été présenté à l’origine, perd de son ambition institutionnelle. Les cours complémentaires mis en place ne disparaissent pas, mais il s’agit désormais de cours du soir destinés, selon l’expression employée, « aux ouvriers » sans que l’on sache vraiment la composition sociale ni le niveau du public ainsi désigné. Si l’on sent tient aux catégories utilisées à l’époque, il peut s’agir du personnel qualifié, voire de l’encadrement, travaillant dans différents types d’industrie (44). Le doyen Godron* continue à valoriser ce dispositif en faisant chaque année un compte rendu détaillé du contenu des leçons assurées par des intervenants qui n’appartiennent pas tous à la faculté des sciences. Le docteur Victor Parisot, professeur à l’école de médecine, donne des cours d’hygiène, l’architecte Prosper Morey fait des exposés sur la partie technique et artistique de l’architecture, ses interventions sont complétées par les cours de géométrie descriptive d’Alexandre Mélin*, professeur de travaux graphiques au Lycée impérial de Nancy. Interviennent également le président Monnier de la Société centrale d’agriculture et l’ingénieur des ponts et chaussées Jean Charles Volmerange. Enfin, deux professeurs de la faculté des lettres viennent donner des cours de littérature française, d’histoire de France et de géographie commerciale.

Le propre des activités d’enseignement des professeurs de la faculté reste cependant les cours théoriques et les expérimentations prévus par les programmes officiels en vue de l’obtention des grades de licencié ou de docteur ès sciences. La présence aux cours et aux manipulations n’étant pas obligatoire il est difficile de savoir quelle est l’importance de cet auditoire. Peu après la mise en place des travaux pratiques le doyen note cependant l’inscription d’une vingtaine de jeunes gens « élèves en médecine ou pharmacie, candidats à la licence ès sciences physiques, candidats au certificat d’aptitude pour les sciences appliquées » (45). Le nombre des candidats qui se présentent aux épreuves et le nombre des candidats admis peuvent donner une idée plus précise de l’activité de la faculté dans le domaine qui lui est propre, celui de la collation des grades, en partant du premier d’entre eux, le baccalauréat. 

Sous le Second Empire, 0,8 % à peine d’une classe d’âge accèdent au baccalauréat, ce qui représente environ 7 000 bacheliers à la fin des années 1860 (46). Comme ce sont majoritairement les facultés de province qui organisent les examens du baccalauréat, la part des bacheliers provinciaux est majoritaire (entre les deux tiers et les trois quarts du total). Pour les grades supérieurs, les proportions tendent à s’inverser. Si les licenciés ès lettres restent encore légèrement majoritaires, les licenciés ès sciences de province sont tout à fait minoritaires. Quant au grade supérieur, le doctorat, il est fort rare qu’il se tienne hors de Paris (47). Les résultats de la faculté nancéienne peuvent donc être examinés par rapport à ces tendances générales.

L’une des premières mesures, l’octroi d’un département supplémentaire à la circonscription académique créée en 1852, permet d’augmenter automatiquement le nombre de candidats bacheliers. Ces derniers viennent des trois lycées de Nancy, Metz, Bar-Le Duc, des collèges communaux, comme ceux de Lunéville, Épinal, Verdun, Commercy ou d’établissements privés comme Saint-Clément ou La Malgrange, soit en tout 17 établissements. Le système de la « bifurcation » complété par la mesure qui consiste à exiger, à partir de 1852, le baccalauréat ès sciences pour la préparation à l’entrée des grandes écoles d’État, a eu également une influence sur le nombre des candidats examinés par les jurys de la faculté des sciences. Dès l’ouverture de la faculté, 215 candidats se présentent aux trois sessions d’examen, 97 sont définitivement admis, alors qu’au même moment la faculté des lettres n’examine que 101 candidats dont 54 sont admis. Quelques années plus tard, en 1858, les élèves de la section sciences sont trois fois plus nombreux que ceux de la section lettres. Charles Benoît, le doyen de la faculté des lettres note avec dépit :

Ce résultat du nouveau plan d’études n’a pas été ici fortuit et passager. La proportion se maintient. Dans nos départements de frontière, l’esprit militaire est toujours la vocation de la plupart de nos jeunes gens qui se préparent par les études scientifiques aux écoles spéciales. D’un autre côté, l’industrie, qui fait la grandeur et la richesse de notre siècle, en dirige en grand nombre vers les sciences appliquées (48).

En arrière plan de cette plainte se profile l’opposition entre les lettres et les sciences qui aboutira à la lutte entre les anciens et les modernes à la fin du 19e siècle. Dans l’immédiat, le ministre Gustave Rouland, qui succède à Fortoul et qui a une conception plus traditionnaliste de l’enseignement, introduit une série d’assouplissements pour calmer les inquiétudes des facultés des lettres. À partir de 1857, les bacheliers ès lettres sont dispensés d’une partie des épreuves du baccalauréat ès sciences ce qui leur facilite l’obtention des deux baccalauréats (49). Cette mesure qui entend revenir sur le clivage introduit par la réforme Fortoul conduit à une double certification scientifique et littéraire, valorisée pour l’entrée dans certaines écoles spéciales. C’est ainsi que progressivement les doubles candidatures deviennent courantes. En 1863, après la réforme du baccalauréat qui introduit l’examen en deux parties, sur les 414 candidats examinés par la faculté des sciences, 225 sont admis, dont 94 ayant déjà le baccalauréat ès lettres (50).

Dans tous les cas, on peut noter un taux d’échec important qui se situe autour de 50 %. La faculté des sciences, gardienne vigilante du niveau des candidats, ne délivre pas facilement le passeport pour l’enseignement scientifique supérieur. Pourtant elle n’en reçoit pas directement les fruits puisque la plupart des titulaires s’inscrivent dans les classes préparatoires aux grandes écoles implantées dans les lycées depuis l’époque napoléonienne. Certains peuvent se diriger vers les classes préparatoires de la région, en particulier vers le Lycée de Nancy qui s’est progressivement spécialisé dans la préparation à l’entrée à Saint-Cyr ou à l’École des eaux et forêts. Ceux qui visent Polytechnique ou l’École normale supérieure se dirigent plutôt vers Paris où est concentrée la plus grande partie de l’enseignement préparatoire, que ce soit dans les grands lycées publics ou dans des institutions privées dont la plus célèbre est l’École Sainte-Geneviève tenue par les jésuites 51.

À titre d’exemple, en 1867, sur les 193 bacheliers ès sciences et ès lettres, 117 ont été admissibles aux écoles spéciales. Dans son rapport de novembre 1869, le recteur Louis Maggiolo peut annoncer que sur les 184 bacheliers de l’Académie (99 en sciences et 85 en lettres) on compte 8 admissions à l’École polytechnique, 2 à l’École normale supérieure, 10 à l’École forestière, 21 à l’École Saint-Cyr, 2 à l’École navale. Les résultats de la faculté des sciences ne sont même pas mentionnés. Pourtant, pour la même année universitaire le doyen Godron* fait état de la présence de 12 candidats aux épreuves de la licence ès sciences. Parmi ces derniers, 4 ont obtenu la licence ès sciences mathématiques et un seul la licence ès sciences naturelles.

La désignation des candidats donne une indication sur la nature du public qui s’adresse à la faculté. Parmi les licenciés ès sciences mathématiques figurent un maître répétiteur au Lycée de Nancy, un professeur au Collège de Lunéville, un ancien élève de Polytechnique, un élève de l’École d’application de l’artillerie et du génie de Metz et pour la licence ès sciences naturelles, un préparateur à la faculté. Cette énumération est l’aboutissement d’une tendance qui s’est manifestée dès la création de la faculté. Ce sont des candidats déjà engagés dans une vie professionnelle, généralement celle de l’enseignement, qui s’adressent à la faculté des sciences pour obtenir le grade de licencié.

Au total, jusqu’en 1870, le grade de licencié pour les trois ordres – sciences mathématiques, sciences physiques, sciences naturelles – est conféré en moyenne à quatre candidats par année universitaire, ce qui situe Nancy dans la moyenne des facultés de province dont la performance se situe entre 0,8 et 4,9 pour la période 1850-1863. La Sorbonne domine l’ensemble avec une moyenne de 48 candidats, mais elle a le privilège de recevoir les élèves de l’École normale supérieure.

Licenciés ès sciences 1860 1861 1862 1863 1864 1865 1866 1867 1868 1869
Math. 4 3 3 1 1   4 4 6 3
Phys. 2   4 2 4 1 3 1 1 1
Sciences nat.   1         1 1 2  
Total des licenciés 6 4 7 3 5 1 8 6 9 4
Ajournés 3 4 8 7 1 6 5 2 6 3
Total des présentés 9 8 15 10 6 7 13 8 15 7

Les licenciés de la faculté des sciences entre 1860 et 1869 52

La faculté délivre également trois grades de docteur, dont l’un à Camille Forthomme* qui enseigne au Lycée de Nancy et qui sera chargé de l’enseignement de la chaire de chimie de la faculté des sciences après le décès de Jérôme Nicklès*.

On peut noter qu’à la même époque (décret du 14 novembre 1868), Louis Grandeau*, docteur ès sciences, est autorisé à faire un cours complémentaire de chimie agricole et de physiologie appliquée à l’agriculture, ce qui est l’occasion pour la faculté des sciences d’élargir son public au-delà des auditeurs industriels. Cependant sa préoccupation reste celle de la fidélisation du groupe d’étudiants candidats au grade de licencié.

4.3. Forcer le destin et trouver des étudiants professionnels 

Le plus souvent, les candidats au grade de licencié qui viennent des autres lycées de l’Académie, des collèges communaux ou des établissements libres des villes proches de Nancy y enseignent avec le baccalauréat seulement. Leur éloignement limite les possibilités de suivre les cours théoriques et les manipulations si bien qu’ils se préparent pratiquement seuls aux épreuves de licence. C’est en tenant compte de cette expérience que la faculté des sciences crée, à partir de 1868, ce qu’elle appelle une école normale secondaire pour tenter d’obtenir l’inscription d’étudiants à temps complet en s’adressant à :

Des jeunes gens qui désirent suivre la carrière de l’instruction publique, [qui] sont choisis avec soin à la suite d’un concours et sont placés au lycée en qualité de maîtres auxiliaires ; ils sont tenus de suivre régulièrement nos cours, nos conférences, nos manipulations, remettent des rédactions aux professeurs et résolvent les problèmes qui leur sont proposés. Ils se trouvent ainsi placés dans les meilleures conditions pour acquérir les connaissances qui permettent d’aborder avec succès les épreuves des différents ordres de licence 53.

Cette organisation présente un caractère utilitaire car elle est censée augmenter le nombre d’étudiants qui assistent aux manipulations et payent les droits de laboratoire pour alimenter le fonctionnement des travaux pratiques. Mais ce n’est pas le seul enjeu. À l’époque, le recteur Maggiolo annonce :

Nous aurons bientôt des laboratoires d’enseignement et de recherche et nous serons associés, je l’espère, aux travaux de cette École des Hautes Études qui promet à la science, avec des auxiliaires intelligents, de puissants moyens d’influence et d’action 54.

Victor Duruy vient en effet de créer l’École pratique des hautes études qui doit développer les moyens de recherche, essentiellement pour les professeurs parisiens. Sans attendre un financement national hypothétique, l’année suivante, le doyen Godron* annonce que la ville finance la modernisation des salles de chimie dotées « de tous les perfectionnements qui, depuis quelques années, y ont été appliqués aux universités allemandes » 55. Un arrêté ministériel le nomme, en 1869, directeur d’un laboratoire de recherche « ressortissant de l’École des hautes études de Paris ».

Ces deux indications font écho à la politique de Victor Duruy qui s’efforce de moderniser la formation des gradués et d’orienter les facultés académiques de province vers une nouvelle organisation de la recherche. À cette époque, il envoie des missions dans les universités allemandes pour observer leur mode de fonctionnement et essayer de comprendre ce qui fonde leur réputation scientifique 56. D’une façon quasi unanime, la pratique du séminaire où les maîtres et les étudiants forment de véritables communautés et où les laboratoires permettent un apprentissage concret des méthodes de travail et de recherche, est indiquée comme une des voies souhaitables pour faire évoluer le modèle d’enseignement supérieur français. La Faculté des sciences de Nancy semble donc bien vouloir épouser la modernité du moment en expérimentant un nouveau mode de recrutement pour, précisément, attirer vers ses cours et ses laboratoires les disciples qui lui font défaut. Par la force des choses, l’activité de recherche de la faculté se résume, jusque-là, à la juxtaposition des travaux personnels des enseignants. À chaque discours de rentrée le doyen emploie d’ailleurs la même formule : « Les règlements m’obligent à vous rendre compte des travaux particuliers publiés par MM. les professeurs des facultés ». La publication de ces travaux remplit par ailleurs les volumes de l’Académie de Stanislas.

Néanmoins, par l’ensemble de ses activités, au terme de 15 années d’existence, la faculté des sciences, compte tenu de la faiblesse des moyens dont elle dispose et l’absence d’étudiants réguliers, apparaît comme une institution vivante, attentive aux évolutions scientifiques, ouverte par ses cours complémentaires sur son environnement et soucieuse de contribuer à l’amélioration de la formation des enseignants des lycées et collèges de la région. Au total, un rôle moins médiocre que celui qu’on accorde généralement aux facultés des sciences du Second Empire.

5. La faculté des sciences des années 1870 à 1880

5.1. Une période de transition

Après la défaite devant la Prusse et la signature du traité de Francfort, en 1871, la France perd l’Alsace et une partie de la Lorraine. L’État doit assurer le retour d’un certain nombre d’institutions sur le territoire français. Le projet de budget pour l’année 1872 contient la proposition de transférer la Faculté de médecine et l’École de pharmacie de Strasbourg à Nancy 57.

Leur installation officielle a lieu le 19 novembre 1872. C’est en raison de ces circonstances exceptionnelles que Nancy devient enfin, selon l’expression même du recteur, « une véritable université » dotée de quatre facultés 58. De son côté la faculté des sciences se voit attribuer 3 professeurs et un chargé de cours venus de Strasbourg et Mulhouse. Désormais elle compte 8 professeurs pour les trois branches (sciences mathématiques, sciences physiques, sciences naturelles). Pour accompagner la création des nouvelles chaires, l’État accorde un crédit exceptionnel de 16 000 francs tandis que la ville réserve la plupart de ses investissements à l’installation de la faculté de médecine. Malgré ces efforts, le doyen Xavier Bach*, professeur de mathématiques pures venu de Strasbourg qui succède au doyen Godron*, expose dès sa première allocution de rentrée, son point de vue sur la question du mode de fonctionnement des facultés des sciences de province. Il précise les réformes à introduire pour les porter « au niveau de ce qu’il est dans d’autres pays ».

Si les améliorations matérielles ont été pour nous un sujet de préoccupation, il en est, il faut le dire, un autre plus sérieux. N’est-il pas le moment de se demander si nos facultés de province sont à même de rendre les services qu’on serait en droit d’attendre. Modifications des programmes, créations de chaires n’aboutiront à aucun résultat efficace si l’on ne songe avant tout à nous procurer, en nombre suffisant, des auditeurs sérieux.

Ce but une fois atteint, le reste ira de soi. Les hommes de savoir et de dévouement ne manquent pas en France, il suffit de les employer utilement. […] À quoi tient un pareil état de chose ? À ce que les jeunes gens aspirant aux carrières scientifiques ont pour objet unique l’admission à deux écoles célèbres, l’École polytechnique ou l’École normale supérieure.

L’École normale n’est pas à la vérité, la seule voie d’accès au professorat, nos facultés préparent aussi des sujets capables, mais la place qui nous est faite dans cette préparation est insuffisante. Elle deviendrait plus large, si l’école normale, au lieu de se recruter presqu’exclusivement parmi les élèves de nos lycées, donnait asile, pendant un an, à l’élite de nos licenciés de province qui, mis à même de travailler sérieusement à l’agrégation, contribueraient à fortifier le bon esprit de l’établissement en donnant l’exemple de la modestie, du travail et de la discipline.

Quant à l’École polytechnique, personne n’oserait certainement en contester l’utilité ni le prestige, mais bien des hommes autorisés lui contestent aujourd’hui le pouvoir exclusif de pourvoir au recrutement des services publics exigeant des connaissances scientifiques étendues. Pourquoi l’admission aux écoles d’application préparatoires à ces services ne serait-elle pas l’objet d’un concours auquel seraient appelés, sans distinction de provenance, les jeunes munis de diplômes universitaires ? 59

Ce programme, dont on peut dans une certaine mesure retrouver encore aujourd’hui des échos, est le fruit de l’expérience d’une carrière qui s’est déroulée loin de Paris. Il n’envisage rien moins qu’une remise en cause de l’ensemble du système d’enseignement supérieur. Il exprime la position d’un certain nombre d’universitaires en poste dans les facultés académiques de province qui se retrouveront, quelques années plus tard, parmi les adhérents de la Société pour l’étude des questions d’enseignement supérieur, créée en 1878, véritable groupe de pression auprès des réformateurs républicains 60. Après le traumatisme de la défaite, ces réformes auraient pu être à l’ordre du jour des assemblées et du Gouvernement, mais l’influence des catholiques au sein de la majorité monarchiste et conservatrice, focalise les débats sur la question de la liberté de l’enseignement supérieur. La loi du 12 juillet 1875 permet la création d’universités libres ce qui ne peut manquer, malgré quelques restrictions, d’accroître la concurrence pour le recrutement des étudiants et des enseignants.

Cette menace n’est pas seulement virtuelle puisque dans l’année qui suit la loi, six groupes de facultés catholiques sont créés (Paris, Lille, Angers Toulouse, Lyon, Marseille). La Faculté des sciences de Nancy est directement touchée par le départ pour la Faculté catholique de Lille, d’un de ses professeurs, le physicien Jules Chautard*. Le mathématicien Nicolas Renard*, également contacté, finit par refuser pour raisons de santé. Néanmoins, cette même loi fait obligation au Gouvernement de prendre des mesures pour améliorer la situation des facultés de province.

5.2. Les premières mesures

Dans un premier temps, le ministre de l’Instruction publique, William Henry Waddington envisage, une fois de plus, de remanier la carte des facultés pour les regrouper sous forme d’universités dans quelques grandes villes (sept au plus). Il ne sera pas suivi et le Gouvernement choisit de renforcer les facultés là où elles étaient implantées. L’effort de l’État est alors important : le budget de l’enseignement supérieur fait plus que doubler ; il passe de moins de quatre millions en 1860 à plus de neuf millions en 1878. Il permet de renforcer le budget des facultés, de moderniser leurs équipements, de créer de nouvelles chaires, de mettre en place des cours complémentaires et d’accorder des bourses pour attirer les étudiants vers les facultés des lettres et des sciences de province. Dès 1877, sous le ministère de Waddington, 300 bourses de licence sont créées. En 1880, sous le ministère de Jules Ferry, viennent s’ajouter 200 bourses d’agrégation. Ces efforts qui visent essentiellement la formation de futurs enseignants pour les lycées et les collèges ne peuvent avoir que des effets modestes une fois répartis sur l’ensemble des facultés. À Nancy, en 1877, la faculté des sciences reçoit quatre boursiers. Leur nombre augmente progressivement au cours des années suivantes mais dans des proportions relativement modérées.

Boursiers d’agrégation 7,35
Boursiers de licence 9,8
Candidats à l’une des agrégations 3
Élèves du cours de chimie et de physiologie appliquée à l’agriculture 24,5
Candidats non boursiers à la licence ès sciences  

Mathématiques

17,15

Physiques

25

Naturelles

13,2

Nombre moyen de boursiers à la Faculté des sciences durant les années 1882-1886 61

Pour les cours « fermés » et les travaux pratiques destinés aux candidats aux grades, l’État crée, en 1877, 70 postes de maîtres de conférences. La faculté des sciences de Nancy en reçoit deux dans un premier temps : Gaston Floquet*, professeur de mathématiques spéciales au lycée de Clermont-Ferrand pour les conférences d’astronomie, et Auguste Friant*, docteur en médecine et licencié ès sciences naturelles pour les conférences de zoologie. La première année, ils ont respectivement 14 et 8 auditeurs. L’introduction progressive du nouveau mode de fonctionnement pour la préparation aux grades nécessite l’aménagement ou la création de laboratoires dans les locaux du Palais universitaire qui n’ont pas été conçus pour cette évolution 62. L’État complète les investissements de la ville en accordant un crédit de 100 000 francs. Dans son rapport pour l’année universitaire 1879-1880, le doyen Grandeau annonce alors que :

Toutes les ressources que les progrès de la science mettent à la disposition des recherches expérimentales et des démonstrations faites devant un auditoire nombreux ont trouvé place dans nos amphithéâtres et laboratoires.

Ces propos doivent être confrontés aux réalités du moment. Le nombre total des candidats au grade de licencié régulièrement inscrits cette même année s’élève à 44, dont 7 boursiers, 12 maîtres auxiliaires ou répétiteurs de lycée, 2 enseignants de collège et 22 élèves libres. Sur les 20 candidats qui se présentent, 12 sont reçus. Ce qui amène le recteur, en principe la voix du Gouvernement, à préciser que cette politique sera poursuivie car « les facultés doivent être les succursales de l’École normale supérieure ».

Outre la préparation aux grades, la faculté a mis sur pied, avec la collaboration du laboratoire de physique et de la station agronomique, un service de météorologie. Les observations, rassemblées grâce à la contribution des instituteurs en poste dans différents points de l’académie, doivent être transmises à l’Observatoire de Paris. L’ambition de la faculté est de contribuer à la mise en place d’un observatoire régional au service du commerce et de l’agriculture de la région. Le doyen Louis Grandeau* rend compte par ailleurs, avec de nombreux développements, des travaux de la station agronomique qu’il a créée à son arrivée à Nancy, onze ans plus tôt (1868).

Les mesures prises par le Gouvernement au cours de ces années ont certes amélioré les conditions de fonctionnement de la faculté des sciences mais elles n’en ont guère modifié l’horizon. Il faut attendre l’arrivée d’une forte majorité républicaine pour que soit engagée une réforme de l’enseignement supérieur qui envisage la mise en place progressive de mesures ouvrant de nouvelles perspectives aux facultés de province.

6. La faculté des sciences et les réformes républicaines (1880-1897)

6.1. Vers l’Université républicaine

C’est au moment où le régime se stabilise et qu’il devient réellement « la République des Républicains » que sont définis et mis en œuvre les grands principes qui fondent la reconstruction de « l’Université républicaine ». Le premier d’entre eux est celui de la laïcité. Il est fait interdiction aux facultés libres de se réunir sous le nom d’Université, les jurys mixtes sont supprimés et le monopole étatique de collation des grades est réaffirmé. Ces mesures signent la fin du mouvement de développement de facultés libres. Le deuxième grand principe, sans doute le plus revendiqué par les universitaires, est celui de l’autonomie, inspiré principalement de l’organisation des universités allemandes 63. Les réformateurs s’engagent progressivement dans cette voie en prenant une série de mesures destinées à mettre à l’épreuve – avant de préciser le mode de fonctionnement des futures universités et de fixer définitivement leur nombre – les capacités de développement des centres académiques de province. La première de ces mesures, celle qui confère la personnalité civile aux facultés et leur permet de recevoir les dons et legs (décret Goblet 1885) doit permettre aux facultés de montrer leur aptitude à trouver d’autres sources de financements que les subventions de l’État. Ces fonds peuvent par ailleurs être gérés collectivement dans le cadre de conseils de facultés créés au même moment. Selon Louis Liard, l’un des principaux inspirateurs de la « théorie républicaine des universités » 64, cela revient à dire aux facultés : « vivez et agissez » 65.

Concrètement, ce premier dispositif qui suppose d’aller chercher des ressources auprès de différents acteurs locaux revient à favoriser les milieux universitaires les plus dynamiques. Il crée, en ce qui concerne les facultés des sciences de province, les conditions qui leur permettent de prendre des initiatives en faveur de nouveaux enseignements, en particulier dans le domaine des sciences appliquées et, à plus long terme, en fonction de leurs réalisations, de contribuer à l’émergence de pôles scientifiques différenciés. Nancy semble bien avoir initié le mouvement avec la création de l’institut chimique dont le projet a été favorisé et suivi par la direction de l’Enseignement supérieur dès le début des années 1880 66.

6.2. La création de l’institut chimique

La création de l’Institut chimique de Nancy peut être examinée à la lumière des principes et de la méthode expérimentés par des réformateurs républicains.

C’est à Albin Haller*, Alsacien venu à Nancy après l’annexion, ancien élève de l’école supérieure de pharmacie, héritière de l’école strasbourgeoise, qu’est attribuée la conception du projet initial. Il vient d’être nommé maître de conférences de chimie organique à la faculté des sciences, en 1879, l’année où il obtient l’agrégation de pharmacie et où il soutient en Sorbonne une thèse de doctorat ès sciences physiques. Il enseigne pendant quelques années dans les deux établissements nancéiens mais, en 1882, le ministère interdit le cumul. Comme c’est avant tout la chimie et le travail de laboratoire qui l’intéresse il choisit finalement de poursuivre sa carrière à la faculté des sciences où il accèdera à la chaire de Camille Forthomme* en 1885.

Dès son arrivée à la faculté des sciences, le recteur le considère comme « un des maîtres les plus laborieux de la faculté des sciences. Il ne quitte pratiquement pas le laboratoire. Il consacre plusieurs heures par jour à diriger ses étudiants dans leurs recherches ». Cela ne l’empêche pas de faire preuve d’initiative et d’ambition.

Au mois de mai 1880, il demande directement au ministère à être chargé d’une mission scientifique à l’étranger pour « étudier de plus près l’organisation des universités étrangères et en particulier celles des laboratoires de chimie » 67. Il essuie un refus de la part de la direction de l’Enseignement supérieur au prétexte que de nombreux rapports existent dans ce domaine. Il est vrai que depuis la fin du Second Empire, sous le ministère de Victor Duruy, comme on l’a vu, des missions avaient été envoyées en Allemagne dans la perspective de faire évoluer l’enseignement supérieur en France. Après la défaite, ces missions se multiplient mais les motivations sont plus orientées. L’idée qui se répand est celle d’un sursaut patriotique nécessaire pour construire une université capable, comme en Allemagne, de contribuer au développement économique du pays 68.

Plus précisément, dans le domaine de l’industrie chimique, la supériorité de l’Allemagne est mise en évidence par l’industriel et chimiste Charles Lauth à l’occasion de l’exposition universelle de 1878. Dans son rapport, il établit un lien entre le manque de compétitivité de l’industrie chimique en France et l’absence de formations adaptées aux évolutions de l’industrie chimique 69. Les justifications du projet d’Albin Haller* trouvent sans aucun doute une source dans ces débats. Ces derniers se situent à un niveau de généralité qui exclut, à cette date, toute influence de l’industrie locale et en particulier de l’industriel Ernest Solvay, comme on l’indique le plus souvent. C’est en tenant compte d’enjeux « patriotiques » et des limites imposées par le manque d’adaptation des locaux du Palais universitaire qu’il propose la création d’une nouvelle construction, « un institut », dont l’organisation générale, en s’inspirant des principes en usage dans les universités allemandes, rassemblerait tous les services d’une seule discipline. L’objectif n’est plus seulement la formation de futurs enseignants, mais également celle de chimistes professionnels recevant à la fois une formation pratique et une formation théorique de haut niveau. Dans cette perspective, le projet prévoit d’équiper de vastes laboratoires distincts des laboratoires de chaires, destinés aux travaux pratiques des étudiants pour développer leur dextérité dans les manipulations et leur donner le goût de s’engager dans des travaux scientifiques pouvant aller de la découverte aux applications industrielles.

Il est soutenu par la Faculté des sciences de Nancy qui le présente, en 1883, au directeur de l’Enseignement supérieur, Albert Dumont, en visite dans les facultés nancéiennes au retour d’un voyage d’études dans les universités allemandes 70. Le principe étant acquis à partir de cette date, c’est seulement deux ans plus tard, en 1885, que le conseil de la faculté est averti de l’accord de l’État pour une subvention de 500 000 francs, en partie pour l’institut anatomique de la faculté de médecine et en partie pour l’institut chimique, à condition que les assemblées locales, et plus spécialement la ville, acceptent de contribuer à la même hauteur 71. L’enjeu est important, car un des objectifs de cette démarche est de mettre à l’épreuve la volonté d’engagement des villes au moment où le nombre de centres académiques autorisés à accéder au rang d’université n’est pas encore définitivement fixé. La loi ne sera votée qu’en 1896, après de nombreux allers et retours entre les deux Chambres, les débats achoppant sur le nombre d’universités à créer 72. Dans ce climat d’incertitude, le projet d’Albin Haller* bénéficie de l’appui du physicien Ernest Bichat*, nommé à Nancy à la suite du départ de Jules Chautard*, en 1876. Il s’agit d’un soutien de poids, et à double titre. D’abord par sa proximité générationnelle de Louis Liard qui accède, en 1884, à la direction l’Enseignement supérieur. Tous deux sont normaliens et présentent leur thèse la même année, en 1873, l’un en sciences l’autre en lettres. À cette époque les promotions de normaliens, toutes disciplines confondues, ne dépassent pas la centaine d’élèves, ce qui facilite les relations interpersonnelles. La proximité est également politique car Ernest Bichat* est un républicain engagé, élu dans les assemblées locales, d’abord au Conseil général puis au Conseil municipal. Lorsqu’en 1886 une commission est créée au sein du Conseil municipal pour examiner les propositions de l’État, il se trouve en position de défendre le projet de la faculté des sciences, appuyé par le docteur Pierre Parisot, autre universitaire, qui intervient pour la faculté de médecine. Le résultat n’est pas acquis d’avance. Les débats sont longs mais finalement la dépense se répartit entre les assemblées locales de la manière suivante : Conseil général de Meurthe-et-Moselle (100 000 francs), Conseil général des Vosges (10 000 francs) et ville de Nancy (300 000 francs et mise à disposition des terrains).

Après la parution du décret d’autorisation de création de l’institut, en septembre 1887, les plans de la construction sont confiés à l’architecte local Albert Jasson. Ils sont examinés de près par Louis Liard qui donnera plus tard en exemple la réalisation nancéienne 73. Pour ce pavillon qui doit abriter les services d’une seule discipline, la façade témoigne encore aujourd’hui des principes mis en œuvre à cette époque. L’inscription principale est dédiée à la faculté des sciences. Le nom d’institut chimique figure au-dessus, en caractères plus modestes, le signalant comme une composante de la faculté des sciences. De part et d’autre, et donc à égalité d’importance, sont disposées les deux cartouches « chimie générale » et « chimie industrielle ».

Du point de vue pratique, la surface disponible est quatre fois supérieure à celle dont dispose alors l’ensemble des services de la faculté des sciences. Les laboratoires disposent de 80 places pour les manipulations des étudiants. Les premiers sont inscrits pour l’année universitaire 1889-1890 et Albin Haller* est nommé directeur à la rentrée suivante. Ces étudiants peuvent prendre une inscription à l’institut chimique, qu’ils soient ou non titulaires du baccalauréat. Dans le premier cas, ils ont la possibilité de s’inscrire aux cours de chimie industrielle et d’accéder en même temps aux examens qui conduisent au grade de licencié. Les autres reçoivent un diplôme de chimiste de la Faculté des sciences de Nancy qui atteste du niveau scientifique de leur formation pour leur entrée dans l’industrie. Ce dispositif anticipe en quelque sorte le décret du 21 juillet 1897 qui accorde une reconnaissance officielle aux diplômes créés par les universités, contribuant ainsi à les valoriser tout en les distinguant nettement des diplômes dits « d’État » qui donnent accès aux grades universitaires. L’institut chimique peut ainsi créer un doctorat d’université qui offre la possibilité aux étudiants ayant suivi la section appliquée de prolonger leur formation vers la recherche. Cette ouverture permet à l’institut de contribuer à son propre développement en puisant dans le vivier d’étudiants attirés par les travaux de laboratoire pour pourvoir les postes de chefs de travaux et de préparateurs nécessaires. C’est Georges Arth*, chargé de cours de chimie industrielle au moment de la création de l’institut, qui prend en charge leur formation, en particulier celles de Jules Minguin*, Paul Thiébaud Müller* et Jules Férée*.

Il s’agit donc bien d’une nouvelle voie ouverte au sein de l’enseignement supérieur qui consiste à placer la science au centre même de la formation de spécialistes destinés aux carrières industrielles. On se trouve bien loin du projet Fortoul qui envisageait une sorte d’enseignement intermédiaire entre le niveau secondaire et supérieur. Pourtant, en l’absence de remise en cause de l’ensemble du système d’organisation de l’enseignement supérieur, comme l’avait par exemple évoqué le Strasbourgeois Xavier Bach* en 1870, la même question se pose. Quelles pouvaient être les chances de réussite de cette nouvelle offre de formation en Lorraine, à cette époque, étant donné le nombre limité de bacheliers et l’attraction des « écoles spéciales » ?

Le fait d’ouvrir le recrutement à des étudiants dépourvus du baccalauréat donne une possibilité aux élèves d’écoles locales comme l’École primaire supérieure ou l’École professionnelle de l’Est d’avoir accès à un enseignement scientifique de haut niveau. Cependant la ressource est limitée car seuls les meilleurs sont acceptés 74. La montée en charge des effectifs de l’institut se fait lentement. Il ne bénéficie pas du public captif dont dispose l’année de propédeutique aux études médicales (PCN) créée en 1893 et qui constitue rapidement de solides et stables contingents d’étudiants. L’Institut chimique, en 1891, ne délivre que 3 diplômes de chimistes. Pour l’année universitaire 1893-1894, alors que 80 places sont prévues pour les manipulations des élèves, 59 étudiants sont inscrits, dont 29 candidats à la licence et l’agrégation. Parmi les candidats au diplôme figurent quatre étrangers (un Anglais, un Arménien, un Italien et un Suisse) 75.

Peu de temps auparavant, sous l’impulsion du physicien Ernest Bichat*, devenu doyen en 1888, la faculté des sciences avait envisagé de mettre à profit les possibilités offertes par les nouveaux locaux pour proposer, en sortant d’une logique purement disciplinaire, la création d’un « diplôme de licencié ès sciences appliquées ». Les programmes prévoyaient à l’origine d’ajouter aux applications de la chimie « les applications de l’électricité [qui] deviennent tous les jours plus nombreuses [alors que] nos laboratoires sont aujourd’hui assez vastes pour les mettre à la disposition de ceux qui veulent faire de l’industrie électrique leur carrière » 76. Dans le fil de cette logique, en 1896, au moment où la création des certificats d’études supérieures assouplit le régime des licences, la faculté sollicite un financement de la ville pour la création de deux nouveaux cours, l’un sur l’industrie des matières colorantes et l’autre de physique appliquée. Les subventions votées en 1896 le sont au titre « de cours municipaux de teinture et d’électricité industrielle » 77. Comme les chargés de cours sont payés par l’État les financements de la ville servent à l’équipement des laboratoires et aux salaires des aides techniques. Malgré ces premières démarches, le projet de création d’une licence ès sciences appliquées est abandonné, sans doute parce qu’il croise les nouvelles initiatives en lien cette fois avec les milieux économiques lorrains.

 

7. L’orientation de la faculté des sciences vers les enseignements appliqués

7.1. Au service de l’industrie locale

Jusque là, les acteurs industriels locaux n’apparaissent ni au moment du financement ni au moment de la définition du contenu des formations dédiées à l’industrie. À l’origine, le développement industriel de la région a sans doute rendu plausibles les projets des universitaires et contribué à justifier le soutien financier de l’État et des assemblées locales. Néanmoins, ce sont les universitaires qui ont plaidé en faveur d’une meilleure formation scientifique et technique de ceux qui s’engagent dans les carrières industrielles dans la perspective d’améliorer, par ce biais, la compétitivité des entreprises françaises face à la concurrence allemande.

On retrouve les mêmes arguments pour justifier la création d’une école de brasserie à Nancy, en 1893. Après la perte de l’Alsace, le secteur des industries brassicoles se développe en Lorraine. Or, pendant tout le 19e siècle, c’est précisément l’Alsace qui a joué un rôle majeur dans la formation des brasseurs français 78. Dès le début des années 1880, les milieux professionnels se sont préoccupés de cette situation et ont envisagé la création de nouveaux lieux de formation. L’une des premières écoles est fondée à Lille, en 1890, à l’initiative d’un ingénieur chimiste. Du côté des institutions publiques, l’Institut Pasteur crée, en 1888, un laboratoire de brasserie qui devient sa propre école de brasserie en 1900. L’Institut national d’agronomie choisit de collaborer avec les milieux brassicoles pour mettre également en place un enseignement destiné à la formation de leur personnel. (1890-1891). C’est la démarche qu’adoptent en 1893 les initiateurs du projet nancéien.

Paul Petit*, titulaire de la chaire de chimie agricole, soutenu par le doyen Bichat*, s’adresse au Syndicat des brasseurs de l’Est où dominent les grandes entreprises comme celles de Maxéville et de Tantonville. Ces dernières possèdent leurs propres laboratoires et ne voient pas, dans un premier temps, la nécessité d’avoir recours à ceux de la faculté des sciences. Elles refusent leur soutien, mais finalement, au terme de trois années de démarche et de contacts personnels, les offres de service de la faculté sont acceptées sur la base de la création d’un laboratoire d’analyses destiné au contrôle de la production des petites et moyennes entreprises dépourvues d’installations fiables. Progressivement, la profession finance des programmes de formation ponctuels qui s’adressent à des brasseurs en activité, ou, pour des périodes plus longues (6 mois), à des brasseurs débutants. Il ne s’agit pas de mettre en place un cursus complet mais le diplôme de maître-brasseur peut être délivré aux élèves qui ont déjà deux ans d’expérience professionnelle. La faculté des sciences met à disposition les locaux – plus tard une petite brasserie expérimentale sera construite dans la cour de l’institut chimique – et assure les enseignements théoriques. Elle fait appel à des professionnels expérimentés, le plus souvent des brasseurs, pour assurer les enseignements techniques. Sur ce modèle, quelques années plus tard, toujours pour répondre à une industrie spécifique, Maurice Bouin*, maître de conférences de zoologie, crée avec l’appui de Lucien Cuénot*, un enseignement de microbiologie appliquée au lait, complété par un cours de chimie et de technologie laitière. Là encore, il ne s’agit pas de mettre en place un cursus complet, la plupart des étudiants venant de l’Institut agricole. Cependant la formation est sanctionnée par un certificat d’études de l’École de laiterie de Nancy, créé en 1905.

7.2. L’élargissement des perspectives

Progressivement, à partir de la fin des années 1890, les réseaux d’alliance des universitaires se diversifient. De nouveaux projets apparaissent combinant initiatives universitaires et financement des milieux industriels locaux. Tous ne sont pas aussi directement utilitaires, mais l’imbrication des initiatives laisse cependant entrevoir l’abandon d’une conception globale de l’enseignement des sciences appliquées, que ce soit sous la forme d’une licence spécifique ou éventuellement d’un institut polytechnique, au profit de la juxtaposition d’instituts spécialisés. L’initiative qui suit de quelques années la création de l’école de brasserie provient de nouveau du « pôle chimie », plus précisément de son directeur Albin Haller*. En tirant les leçons de son séjour aux États-Unis, en 1893, à l’occasion de l’Exposition internationale de Chicago où il avait été mandaté par le ministère sur la proposition de la faculté des sciences, il plaide pour la création d’une chaire d’électrochimie. Il situe les enjeux sur le terrain de la défense de la compétitivité de toute une branche industrielle française face à la concurrence allemande.

À cette date, sa renommée a pris une nouvelle dimension. Membre du jury de l’exposition dans la section des arts chimiques et pharmaceutiques, il est chargé du rapport final dont de larges extraits sont publiés dans la Revue générale des sciences pures et appliquées, en juillet 1894 79. Ses propos, fondés sur les comparaisons avec les industries chimiques étrangères sont considérés comme un véritable manifeste dénonçant les retards de l’industrie chimique française. Son objectif est d’engager la faculté des sciences « dans la lutte des nations sur le terrain de l’industrie chimique » 80. Un peu plus tard, en 1897, dans un article publié dans la même revue 81, il rappelle les efforts faits en Allemagne pour développer la formation scientifique de spécialistes qui peuplent les industries chimiques du pays et celles de nombreux pays étrangers. La France, sous peine de continuer à accumuler son retard, doit donc se mettre en mesure de développer, comme en Allemagne, l’électrochimie qui constitue une branche émergente de la chimie physique. Or, à cette époque, selon lui, la chimie physique n’est enseignée que dans trois centres, à la Sorbonne, à Grenoble et à Nancy. Encore précise-t-il qu’à Nancy, cet enseignement n’est assuré que deux heures par semaine par un jeune maître des conférences, Paul Thiébaud Müller*, qui assure ces cours de manière bénévole.

Son premier mouvement est de s’adresser aux assemblées locales pour obtenir les financements nécessaires à la consolidation de l’enseignement de chimie physique et à la création d’une chaire d’électrochimie au sein de l’institut chimique. À ce stade, pas plus qu’au moment de la création de l’institut, il n’est fait allusion aux usines Solvay implantées à Dombasle depuis 1873. Ce sont des établissements à capitaux étrangers, susceptibles de devenir des concurrents comme le montrent les incidents qui se produisent au moment où Solvay envisage de se faire directement producteur de sel gemme 82. Jusque-là, la société belge était une cliente importante pour les fournisseurs lorrains. En 1892, elle fait officiellement une demande d’exploitation ce qui provoque une forte réaction de la part de certaines sociétés lorraines (Rosières-Varangéville, Daguin et la Société d’Einville). Elles alertent l’opinion publique et demandent aux députés locaux de « ne point favoriser davantage le développement d’une « société étrangère ». Bichat* lui-même, alors président du Conseil général de Meurthe-et-Moselle, soutient la cause des producteurs lorrains. Le préfet tient compte de l’opinion publique et la société belge est contrainte de renoncer momentanément à ses projets.

Pourtant, peu de temps après, Haller* reçoit de Solvay une somme de 100 000 francs, pour la création d’un laboratoire d’électrochimie. Il est peu probable que ce soit pour des raisons industrielles, c’est-à-dire pour financer des recherches ou la formation de spécialistes. Le lien avec l’industriel Ernest Solvay* se fait de manière indirecte grâce à l’intervention d’un nouveau partenaire, la Société industrielle de l’Est 83. L’un de ses membres les plus influents, l’avocat d’affaire Léon Grillon, à la fois conseiller municipal et membre de l’Association des amis de l’université, use de son influence pour obtenir le soutien financier de Solvay, mais en qualité de mécène 84. Il semble possible de voir dans ce geste la marque d’une politique d’apaisement destinée à minimiser les effets de ce que l’on pourrait appeler un « nationalisme industriel » que Solvay a par ailleurs toujours cherché à désarmer en pratiquant une politique sociale exemplaire à l’égard de son personnel.

Quelles que soient les raisons, Haller* lance un projet d’institut d’électrochimie au cours d’une des interventions les plus remarquées et sans doute des plus décisives prononcée, en 1897, devant la Société industrielle de l’Est, précisément sur le thème de l’alliance entre la science et l’industrie 85. Il trouve immédiatement un écho et une tribune grâce à l’activisme du secrétaire général de la Société qui diffuse des appels à la générosité des chefs d’entreprise et assure la publicité de leurs dons dans les deux revues qu’il dirige (le Bulletin de la Société industrielle de l’Est et la Revue industrielle de l’Est). Les milieux industriels semblent prendre la mesure des enjeux. Les listes publiées montrent que pratiquement toute l’industrie régionale accepte d’apporter une contribution financière, même si un écart important sépare le mécénat à l’américaine de Solvay de celui de la plupart des autres contributeurs 86. Les sommes nécessaires pour construire les locaux sont rapidement réunies (300 000 francs). La ville met à disposition une parcelle de terrain à proximité des premières constructions de l’institut chimique. Pour tirer le meilleur parti de ces nouveaux locaux, la faculté des sciences décide d’adjoindre un laboratoire destiné à l’essai des dynamos, à la vérification et à l’étalonnage des appareils électriques employés, à cette époque, dans presque toutes les industries. Pour ces équipements et pour la mise en place de l’ensemble des cours qui correspondent aux nouveaux laboratoires, Ernest Bichat* obtient une subvention de 100 000 francs du Conseil général de Meurthe-et-Moselle, payables en dix annuités. Il convient de noter que l’institut d’électrochimie constitue, en fait, une annexe de l’institut chimique et ne comporte ni cursus ni recrutement indépendants.

Il n’en sera pas de même pour l’institut d’électrotechnique dont le projet apparaît l’année suivante (1898) dans le rapport annuel du doyen de la faculté des sciences alors que Solvay vient de mettre à sa disposition une subvention équivalente à celle destinée à l’institut d’électrochimie (100 000 francs) 87. Le projet est présenté comme celui d’« une véritable école d’électricité » dont la conception est sans doute en partie inspirée par celle de l’Institut Montefiore que Bichat* a visité en Belgique l’année précédente ou par l’École supérieure d’électricité de Paris.

7.3. La création de l’institut électrotechnique

Cette nouvelle initiative bénéficie d’un contexte local favorable. Tout d’abord, au sein même de la faculté, le projet ne rencontre visiblement aucune opposition, ce qui signifie que les professeurs susceptibles d’être concernés sont prêts à faire évoluer au moins une partie de leur enseignement en fonction des nouvelles orientations. À l’extérieur, le projet bénéficie du climat qui s’est progressivement établi entre les scientifiques et les industriels locaux sous l’égide de la Société industrielle de l’Est. Leurs libéralités coïncident avec l’entrée dans une phase de forte croissance économique. L’optimisme ambiant semble favoriser les soutiens à l’innovation.

Au moment de lancer de nouveaux investissements, parfois dans des filières récentes comme celle de l’électricité, certains entrepreneurs ont dû ressentir le besoin de s’appuyer sur de nouvelles compétences 88. Il convient cependant de souligner l’importance décisive de la mise initiale de Solvay. Grâce à cette subvention, le projet peut être mis en œuvre rapidement, sans avoir à attendre le résultat des procédures nécessaires à l’obtention d’éventuels financements de l’État. Dès 1900, l’assemblée de la faculté désigne les membres de la commission d’organisation de l’enseignement électrotechnique. Outre Bichat* figurent René Blondlot*, professeur de physique, Henry Vogt* professeur de mathématiques appliquées, François Perreau*, maître de conférences de physique. Les chefs de travaux Henri Delatour* et Camille Gutton* participent également au groupe de travail. L’objectif fixé par Bichat* est celui d’un enseignement « vraiment supérieur ».

Si pour les cours théoriques la faculté peut mobiliser en interne les compétences nécessaires, la tâche est plus complexe en ce qui concerne la prise en charge de l’enseignement pratique qui doit être ouvert à différentes branches industrielles. Il est certainement plus difficile de trouver à Nancy qu’à Paris tous les spécialistes susceptibles d’assurer les conférences concernant les applications de l’électricité, comme le fait l’École supérieure d’électricité. Le groupe de travail trouve une solution en examinant la proposition d’un polytechnicien parisien, Alexandre Mauduit*, également diplômé de l’École supérieure d’électricité où il a suivi les cours de Paul Janet. À la suite de cette spécialisation il a acquis une expérience industrielle en qualité de chef de service dans différentes entreprises. Son projet envisage de regrouper toutes les conférences d’application de façon à réaliser un programme cohérent et aussi complet que possible, sous l’intitulé de « cours d’électrotechnique appliquée ». Après l’accord du groupe de travail, les enseignements se répartissent de la manière suivante : François Perreau*, maître de conférences de physique, est chargé du cours d’électrotechnique générale, (ce cours est professé sous le même intitulé par Paul Janet à l’École supérieure d’électricité de Paris) ; Henry Vogt* est chargé du cours de mécanique appliquée, Camille Gutton* du cours de mesures électriques et Henri Delatour* des manipulations pour les mesures électriques ainsi que du laboratoire d’essais pour les particuliers. Des conférences généralistes complémentaires sont prévues car, selon la conception de Bichat*, il ne s’agit pas de former des spécialistes étroits mais « de futurs chefs d’industrie ».

Les premiers étudiants sont accueillis, en 1900, alors que l’organisation et les finalités de cette nouvelle formation ne sont pas encore entièrement fixées. Dans un premier temps, après délibération du conseil de l’université approuvée par le ministère (arrêté ministériel du 3 août 1900), c’est d’abord un « diplôme d’études électrotechniques de la Faculté des sciences de Nancy » qui est créé. La formation est prévue en une année pour des étudiants pourvus au moins des certificats de calcul différentiel et intégral et de physique générale ou de titres jugés équivalents. Ce diplôme peut tenir lieu de troisième certificat pour permettre une inscription au doctorat d’université ce qui donne une chance à l’institut de peupler ses laboratoires de nouveaux chercheurs et d’y trouver ses futurs chefs de travaux.

À la rentrée suivante, en novembre 1901, les responsables de l’institut sollicitent la création d’un nouveau diplôme à finalité professionnelle, le diplôme d’ingénieur électricien. C’est la première fois que cet intitulé apparaît parmi les diplômes délivrés par la faculté des sciences. Par la suite ce diplôme se généralise et il est adopté, y compris par l’institut chimique qui continue cependant à délivrer l’ancien diplôme de chimiste.

L’institut électrotechnique poursuit son développement en engageant la construction d’un laboratoire de mécanique appliquée (1901-1902), en grande partie financée par les milieux industriels. Ce laboratoire précède la création d’une section de mécanique appliquée organisée, en 1905, sur le modèle de l’Institut polytechnique de Zurich. C’est d’ailleurs à un ancien élève de cet institut, Ernest Hahn*, que sera confiée la direction du laboratoire.

Le fait d’avoir opté, à l’origine, pour une formation en une année, montre rapidement ses limites. L’institut chimique qui fonctionne depuis une dizaine d’années a eu le temps de consolider son offre de formation en attirant les candidats à une carrière industrielle. Au cours de l’année universitaire 1900-1901, 149 étudiants se présentent aux épreuves des différents certificats de la faculté des sciences. Parmi ces derniers, 55 sont en même temps des élèves de l’institut chimique. Le taux d’échec est certes important, puisque 84 certificats seulement sont délivrés, mais près de la moitié (37) sont dédiés aux différentes spécialités de la chimie contre 13 certificats de calcul différentiel et intégral et 5 certificats de physique générale exigés à l’entrée du nouvel institut. Pour tenter de compenser le manque de perspective du recrutement local, dès 1902, à l’initiative de Bichat*, une propagande est faite en direction des étudiants étrangers. Par ce choix, l’institut se rapproche du mode de recrutement des instituts techniques supérieurs allemands (Technische Hochschulen), de l’Institut polytechnique de Zurich ou de l’Institut Montefiore de Liège.

Le doyen Bichat* sollicite en même temps la ville pour la construction, à proximité des bâtiments du « pôle chimique », d’un institut de physique et de mathématiques dédié cette fois aux « sciences pures ». Il avait anticipé cette démarche en demandant dans le rapport d’activité de l’année 1899-1900, le transfert du laboratoire de physique à proximité des premiers instituts. Il s’agit bien de rassembler sur un même site, comme pour la chimie, l’ensemble des services attachés aux enseignements théoriques et appliqués. L’ensemble de ces réalisations devrait ainsi former, non loin du Palais universitaire, le noyau constitutif du « pôle scientifique nancéien » 89.

Les cérémonies consacrées à la célébration du cinquantenaire de la faculté des sciences, en 1904, sont l’occasion de faire le point sur toutes les innovations 90. Les programmes commencent par la visite de l’institut chimique et l’annexe de chimie physique, l’école de brasserie, le nouvel institut électrotechnique et son laboratoire de mécanique appliquée. Le maire de la ville, Ludovic Beauchet, annonce à cette occasion que la demande du doyen Bichat* a été entendue. La ville vient de décider de céder à la faculté des sciences un terrain dans le voisinage du lieu dit le « Champ d’asile » pour l’implantation d’un institut de physique et de mathématiques. Elle prévoit en même temps une subvention importante pour engager les travaux 91. Il s’agit d’une subvention de 50 000 francs complétée par un don de la même importance du mécène Solvay. La combinaison de ces financements ne peut manquer d’attirer l’attention d’un des participants aux célébrations, Louis Liard, devenu vice-recteur de l’Académie de Paris. Il s’exprime, selon le rapporteur, avec une grande émotion pour remercier « les professeurs de Nancy, d’avoir, en fondant une université digne de ce nom, donné corps à son rêve et réalisé la pensée de toute sa vie » 92.

8. « Vivez et agissez »

8.1. Le bilan 

Cette injonction qui avait été celle de Louis Liard au début des années 1880, semble avoir en effet trouvé un écho à Nancy. La Faculté des sciences de Nancy a relevé le défi des réformateurs républicains qui s’étaient efforcés de définir et de mettre en place les dispositifs destinés à donner leurs chances aux universités régionales. Loin de se contenter d’être une succursale de l’École normale supérieure comme l’avait préconisé un des recteurs, elle fait preuve d’une réelle créativité. Si on résume les initiatives des universitaires qui dans tous les cas agissent en fonction de l’idée qu’ils se font de leur mission et de celles d’une université de province, il apparaît qu’en l’espace de quelques décennies, des années 1880 à la veille de la Première Guerre mondiale, ils contribuent à mettre en place un ensemble d’enseignements de sciences appliquées couvrant un large éventail de disciplines. Les initiatives se multiplient sans plan préconçu. Outre l’institut chimique, l’école de brasserie et l’institut électrotechnique et de mécanique que nous avons évoqués, ils créent un institut agricole puis colonial (1900-1902), une école de laiterie (1905), un institut de géologie appliquée (1908) 93 et l’ébauche d’un institut d’aérodynamique et de météorologie (1913). L’institut métallurgique et minier (école des mines) est la seule création de l’après-guerre (1919).

Les justifications tiennent à un certain nombre de principes communs mais les réalisations forment un ensemble de formules originales, liées aux circonstances et à la variété des partenaires. Ainsi l’institut colonial, financé en grande partie par le ministère des Colonies est présenté comme une œuvre d’enseignement et de propagande coloniale. L’institut d’aérodynamique et de météorologie dirigé par Edmond Rothé* est organisé en liaison avec l’Armée et une Société des amis de l’aviation présidée par Floquet* 94. Toutes les innovations ne sont donc pas directement liées aux industries locales. Certes, les laboratoires de certains instituts ou écoles (institut chimique, école de brasserie, institut électrotechnique et de mécanique, institut de géologie) assurent des fonctions d’expertise au service des industries relevant de leur spécialité. À partir de 1907-1908, l’industrie finance même directement certains laboratoires. Des échanges utilitaires ont bien existé entre la faculté des sciences et l’industrie locale, mais l’emphase publicitaire qui se développe à leur propos sous l’égide de la Société industrielle de l’Est tend à les élever à la hauteur d’un mythe 95. Progressivement, sous le slogan de « l’union de la science et de l’industrie » ce mythe se trouve intégré dans l’argumentaire de la Société industrielle de l’Est, destiné à valoriser les réalisations industrielles de la région. Le couronnement de cette rhétorique a lieu en 1909, lors de l’inauguration du monument à la mémoire de l’ancien doyen de la faculté des sciences, Ernest Bichat*, en présence des représentants de l’université, des pouvoirs publics et de l’industrie 96.

Dans son discours, le président de la Société industrielle de l’Est, n’hésite pas à enrôler la faculté des sciences dans ce qu’il présente comme une victoire de toutes les énergies locales. Les différents instituts deviennent alors « des écoles d’application où l’on apprend à notre jeunesse la manière de gagner les batailles industrielles 97 ». Des propos guerriers qui peuvent, d’une certaine manière, être considérés comme une appropriation et une métamorphose de l’idéal des réformateurs républicains qui attendaient des universités une formation morale de la jeunesse sous l’égide du culte de la patrie et de la science 98.

8.2. Les transformations de la faculté des sciences

La mobilisation des scientifiques nancéiens en faveur du développement des enseignements appliqués ne résume pas toutes les activités de la faculté des sciences. Certains universitaires mènent leurs travaux sans en faire un enjeu. Les notices biographiques du dictionnaire en font état. Cependant, parmi les plus originaux on peut évoquer la figure de Julien Thoulet*, titulaire de la chaire de géologie et de minéralogie de 1884 à 1913. Tout en assurant son enseignement à Nancy, il parvient à cultiver sa passion pour les explorations lointaines et finalement à se poser en spécialiste d’une discipline, l’océanographie, qui n’a encore aucune existence officielle. D’autres aventures scientifiques, comme celle de René Blondlot*, titulaire de la chaire de physique, ont marqué l’histoire de l’institution de manière plus sombre. Alors qu’il est un savant de réputation tout à fait reconnue, il se lance, au début des années 1900, dans une étude sur les rayons X. Il fait preuve d’une réelle imagination scientifique mais ses travaux débouchent sur une impasse, les rayons N, et donnent lieu à des controverses que la faculté des sciences s’efforce de minimiser 99.

Néanmoins, l’évolution du public étudiant dont une partie de plus en plus importante s’oriente vers les carrières industrielles en vue de l’obtention d’un diplôme d’ingénieur, pose à la faculté des sciences un problème d’organisation et d’adaptation de ses enseignements. En ce qui concerne par exemple celui des mathématiques, l’histoire de la création du certificat de mathématiques générales, dans laquelle s’implique particulièrement Henry Vogt*, retrace les réflexions et efforts engagés pour tenter de répondre aux spécificités de l’enseignement technique supérieur 100. Bien plus, alors que le nombre d’étudiants en sciences appliquées ne cesse d’augmenter, en 1909, le conseil de la faculté propose de ne plus accepter de candidats à l’agrégation. L’investissement des enseignants pour leur préparation est jugé disproportionné par rapport au nombre d’étudiants concernés. Il est vrai que depuis le début des années 1890, le nombre de candidats a réellement baissé. Il est passé de 17, le nombre le plus élevé, à moins de 5 à partir de 1904-1905. Cette baisse peut correspondre à la raréfaction des bourses d’agrégation mais on peut constater qu’en contrepartie les candidats aux diplômes de doctorats augmentent progressivement et se maintiennent autour de 12, la majorité étant des doctorats d’université créés par les instituts techniques.

Au fur et à mesure de leur développement, ces derniers fournissent par ailleurs une part importante des candidats aux certificats de licence puisque les élèves des instituts, tout en suivant le cursus pour les futurs ingénieurs, peuvent aspirer au grade de licencié. En 1899, avant la création de l’institut électrotechnique, sur 144 candidats aux certificats de licence, 44 viennent de l’institut chimique. À la veille de la Première Guerre mondiale, sur 273 candidats, 20 viennent de l’institut chimique, 53 de l’institut électrotechnique, 3 de l’institut agricole et 2 de l’institut de géologie 101. Pour la même période, l’institut chimique délivre en outre 28 diplômes d’ingénieurs chimistes et 10 diplômes de chimistes. L’institut électrotechnique et de mécanique délivre quant à lui 39 diplômes d’ingénieurs électriciens et 18 d’ingénieurs mécaniciens.

Si l’on considère cette fois l’ensemble des effectifs, le passage de la centaine d’étudiants et d’auditeurs libres, qui formaient l’essentiel du public de la faculté des sciences en 1882-1883, au millier d’étudiants répertoriés (1013) à la veille de la guerre, on peut constater qu’il s’est effectué en grande partie grâce à la progression des effectifs de l’institut chimique (123 en 1913) et de l’institut électrotechnique (463) à la même date.

Ce changement d’échelle a entraîné l’amélioration des conditions d’enseignement et de recherche pour l’ensemble de la faculté des sciences, qu’il s’agisse des locaux ou de la création de nouvelles chaires, de maîtrises de conférences et des personnels qui les complètent. À la veille de la Première Guerre mondiale la faculté des sciences, dont les effectifs ont pratiquement décuplé depuis le début des réformes, est devenue la première force de l’Université nancéienne.

  1890-1891 1912-1913
Faculté de droit 202 491
Faculté de médecine 170 376
Faculté des sciences 122 935
Faculté des lettres 84 122
Faculté de pharmacie 72 39
Total 650 1963

Évolution des effectifs d’élèves des facultés nancéiennes (1890-1891 et 1912-1913) 102

Une réussite cependant plus fragile qu’il n’y paraît car elle ne repose sur aucune réforme structurelle permettant d’assurer un financement pérenne et un flux régulier d’étudiants pour inscrire ces innovations dans la durée. Pendant toute la période, les subventions des industriels sont accordées au coup par coup si bien que les ressources des instituts dépendent étroitement du nombre d’étudiants. Or, le vivier de bacheliers scientifiques n’a pratiquement pas évolué, il se situe toujours autour de quelques centaines pour l’académie. En l’absence de mesures de démocratisation de l’enseignement secondaire, la faculté des sciences, et elle n’est pas la seule, se tourne vers une ressource complémentaire, celle des étudiants étrangers 103. En 1914, dans les filières technologiques des facultés des sciences qui délivrent le plus de diplômes, en premier celle de Nancy, mais aussi celles de Grenoble et Toulouse, les étrangers sont parfois plus nombreux que les Français. Cette voie inscrit les nouveaux instituts dans un espace européen de formation, qui révèlera, entre les deux guerres, ses inconvénients et ses limites au moment où la politique française à l’égard des étrangers devient de plus en plus restrictive. Pour un ensemble de raisons, à la fois économiques et sociales, à la fin des années 1930, les instituts sont considérés par une partie des scientifiques nancéiens, en particulier par le mathématicien Jean Delsarte, comme une charge indue pour la faculté des sciences dont il conteste par ailleurs la légitimité dans le domaine de la formation des ingénieurs 104.

9. Faculté des sciences ou faculté des sciences appliquées ? Nancy en exemple

La question de l’enseignement technique dans les universités avait déjà été débattue avant la guerre. En 1909, la Société de l’enseignement supérieur s’empare de la question en justifiant son intervention par le rôle qu’elle a joué auprès des réformateurs lors de la création des universités régionales. Comme un changement semble intervenir dans leur orientation scientifique, elle décide de consacrer plusieurs séances pour répondre aux inquiétudes de certains milieux universitaires. Elle s’appuie sur une enquête menée dans différentes facultés 105 et cite à plusieurs reprises l’exemple de la Faculté des sciences de Nancy, ce qui permet d’avoir un regard extérieur sur l’ensemble de ses réalisations 106. Ainsi, lorsque dans son rapport elle évoque une possible concurrence avec les ministères auxquels sont rattachées les autres écoles d’ingénieurs, et en particulier avec le ministère du Commerce dont dépend la direction de l’enseignement technique, elle prend position en faveur du maintien de ces nouveaux enseignements au sein de l’université. Il suffit selon elle, de suivre l’exemple de Nancy où « les instituts techniques se sont développés sans entrer en guerre avec personne ». Ses enquêtes lui ont également montré la diversité des modes d’organisation adoptés et, là encore, Nancy se distingue.

La plupart des enseignements techniques créés dans les facultés en sont parties intégrantes. À Nancy même, la faculté des sciences s’est partiellement transformée en une école technique, analogue aux Technische Hochschulen. Les étudiants venant y chercher des grades universitaires sont l’exception. Ailleurs, comme à Lyon ou à Lille, certains enseignements ont été rattachés aux facultés des sciences, mais sans absorber ces dernières et ne jouant auprès d’elles qu’un rôle secondaire ; c’est également le cas à Paris pour l’institut de chimie appliquée.

Plus généralement les enquêteurs notent que l’introduction des enseignements techniques dans les enseignements scientifiques a souvent entraîné des difficultés. Après une dizaine d’années d’efforts les relations restent très tendues, dans certaines universités, entre les professeurs chargés des différents enseignements. Pour leur part, ils émettent des réserves sur l’aptitude des professeurs de l’enseignement supérieur à donner un enseignement parfaitement adapté aux carrières industrielles. Ils s’en réfèrent une fois de plus à la solution adoptée à Nancy par les promoteurs des instituts qui « n’ont pas hésité en maintes circonstances à faire appel au concours d’ingénieurs ou d’industriels en fermant à l’occasion les yeux sur l’absence des grades universitaires régulièrement exigibles pour l’enseignement des facultés »

Cette remarque est juste, en particulier pour l’enseignement de l’électrotechnique confié au polytechnicien Alexandre Mauduit*, ou pour celui de mécanique attribué à l’ingénieur Ernest Hahn* venu de Zurich. Les enquêteurs en tirent la conclusion que, pour éviter les résistances du milieu académique et pour rendre cette politique légitime, il convient de séparer franchement les nouveaux enseignements des facultés tout en restant suffisamment proches pour bénéficier de leurs compétences scientifiques.

Quelques années plus tard, en 1915, en pleine guerre, la question est à nouveau mise à l’ordre du jour par un projet de loi déposé par le sénateur Pierre Goy 107. Il reprend l’idée d’une faculté des sciences appliquées séparée mais à proximité d’une faculté des sciences, où l’on enseignerait les branches des sciences appliquées qui se rapportent le plus à l’industrie de la région. On voit ainsi émerger l’idée d’une rationalisation de l’élan créateur d’avant guerre par une spécialisation géographique des formations techniques supérieures, en fonction des industries régionales. En ce qui concerne le recrutement des élèves, le modèle des écoles d’ingénieurs « à la française », recrutant sur concours est écarté au bénéfice d’un système plus ouvert, laissant leur chance « à toutes les bonnes volonté ».

La Revue internationale de l’enseignement une fois encore, en 1916, lance une enquête dans les milieux universitaires en vue d’éclairer les législateurs sur l’opportunité de la loi. Par l’entremise des recteurs, des débats sont organisés au sein des conseils de facultés qui désignent un rapporteur dont les synthèses sont envoyées aux rédacteurs de la revue 108. La plupart des facultés des sciences se montrent très réservées vis-à-vis de ce projet qui risque d’ajouter aux cloisonnements disciplinaires une coupure trop nette entre « science pure » et « sciences appliquées ».

Seul le rapport de Nancy, dont l’auteur est Paul Petit*, disciple de Bichat* et directeur de l’École de brasserie, fait part de l’accord complet du conseil de la Faculté des sciences de Nancy avec le projet du sénateur Goy car il s’inspire des mêmes idées qui ont déterminé l’organisation créée à Nancy pour les sciences appliquées. « Nos nombreux instituts de sciences appliquées, déclare-t-il, constituent en fait une véritable faculté technique, et la faculté ne voit aucune objection à ce que cet état de fait soit consacré légalement 109 ».

Le projet de faculté des sciences appliquées n’aboutit pas mais les circonstances conduisent à mettre en œuvre le principe d’une spécialisation des instituts en fonction des industries régionales avec la création de l’école des Mines (à l’origine institut métallurgique et minier). Cette fois, c’est à la demande explicite des milieux industriels lorrains que la faculté des sciences envisage, en 1919, la création d’un nouvel institut dédié à la formation d’ingénieurs pour les mines et la métallurgie. Au lendemain de la guerre, le retour à la France des anciens territoires annexés avec leurs installations industrielles et minières, nécessite le remplacement, dans l’urgence, de tout l’encadrement allemand 110. Jusque-là, les maîtres de forges lorrains ont le plus souvent fait appel aux ingénieurs praticiens formés par l’École des mines de Saint-Étienne, mais dès 1917 l’école fait savoir qu’elle ne pourra pas former le nombre d’ingénieurs nécessaires. Les industriels lorrains décident de mettre à profit les ressources de leur environnement pour former les ingénieurs dont ils vont avoir besoin et se tournent vers la faculté des sciences. Cette dernière, en raison de ses réalisations passées, se considère comme tout à fait légitime pour créer un nouvel institut destiné à assurer la culture scientifique et technique de spécialistes destinés aux usines et exploitations minières de la région. D’où l’appellation initiale d’institut métallurgique et minier. Pour l’enseignement spécifique de l’art des mines, elle fait appel à un autre corps d’État, celui des Mines, qui règne déjà sur les écoles des Mines de Paris et de Saint-Étienne. Celui qui le représente assure la direction technique et la responsabilité du recrutement des autres spécialistes, rémunérés par les industriels locaux.

On voit ainsi apparaître un montage institutionnel tout à fait inédit. Le doyen de la faculté des sciences, Paul Petit, titulaire de la chaire de chimie agricole et directeur de l’École de brasserie, prend la direction de l’institut en tandem avec un directeur technique, l’ingénieur au corps des Mines en charge de l’arrondissement minéralogique de Nancy, le tout sous les auspices de l’Université de Nancy. Cet arrangement de circonstance fonde encore aujourd’hui le statut tout à fait original de l’École des Mines de Nancy, que ce soit au sein du réseau national des écoles des Mines ou parmi les écoles de Nancy 111.

Cette dernière réalisation couronne, à sa manière, la politique initiée par les réformateurs républicains qui ont souhaité donner une chance de développement aux universités régionales en mettant à mal le modèle unique et centralisateur de l’Université impériale 112. Ils ont mis progressivement en place les dispositifs permettant aux facultés de prendre des initiatives et de se développer en lien avec leur environnement. La Faculté des sciences de Nancy a su tirer parti de ces marges d’autonomie. Elle est parvenue à innover malgré les limites imposées aux facultés des sciences de province par un système d’enseignement supérieur dominé par les institutions parisiennes. Elle n’est pas la seule mais, comme le montrent les enquêtes de l’époque, ses réalisations sont données en exemple dans le domaine de la formation des ingénieurs.

Localement, ses créations ont entraîné une véritable mutation de la faculté des sciences, qu’il s’agisse du nombre et de la qualité des étudiants, de ceux des enseignements et de la recherche ou du développement des structures d’accueil. Pourtant, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, les tenants de la tradition académique, qui s’expriment à Nancy par la voix du mathématicien Jean Delsarte, remettent en cause cette orientation de la faculté des sciences vers les sciences appliquées.

C’est à la lumière de ces enjeux qu’il convient de prendre la dimension du pari d’après guerre, lorsque l’État, après en avoir vérifié le niveau, transforme en 1947, la plupart des écoles et instituts créés par les facultés des sciences, en Écoles nationales supérieures d’ingénieurs (ENSI) 113. Il engage l’avenir en précisant le caractère universitaire de ces écoles dont le directeur doit être obligatoirement un professeur de l’enseignement supérieur, désigné par le conseil de l’Université et nommé par le ministre de l’Éducation nationale. Cette affirmation du rôle des universités dans la formation des ingénieurs ne prend sa véritable signification que si on la replace dans la perspective de la mise en œuvre du plan Langevin-Wallon qui devait aboutir à la suppression du système classes préparatoires / grandes écoles et placer progressivement toutes les formations d’ingénieurs sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale. C’est la première fois, depuis les débats sur les fondements de l’Université républicaine, au début de la Troisième République, que le clivage écoles / universités est remis en cause de façon aussi cohérente et radicale.

La réforme n’ira jamais à son terme et rapidement les besoins de la Reconstruction déplacent les enjeux 114. Les engagements financiers de l’État en faveur de l’enseignement supérieur atteignent des niveaux sans précédents dans le cadre de la planification qui élude le rôle des villes. En même temps, la démocratisation de l’enseignement, en augmentant de façon inédite le nombre de bacheliers scientifiques, permet enfin de faire craquer les barrières qui, jusqu’aux années 1950, ont freiné le développement de la faculté des sciences 115.

Au cours de la période d’expansion les écoles se développent au sein de la faculté des sciences qui accueille une nouvelle école contournant le système des concours, l’Institut supérieur des spécialités industrielles 116. L’ensemble fonctionne sur un mode relativement équilibré entre intégration et autonomie. La promulgation de la loi Faure qui, à la suite des évènements de mai 1968, dessine dans l’urgence l’organisation des nouvelles universités, vient rompre cet équilibre 117. Selon le dispositif de la loi, les écoles auraient dû être maintenues au sein des universités sous la forme d’unités d’enseignement et de recherche, ce qui supposait la disparition de certains principes comme celui de l’indépendance de leur conseil d’administration voire celui de la sélection sur concours. Devant cette menace, les trois pôles – Nancy, Grenoble et Toulouse – qui avaient selon le même processus historique créé le plus grand nombre d’écoles, forment une coalition pour obtenir un statut dérogatoire. Ils arrivent à leurs fins, et c’est dans ces circonstances que le projet de création de trois INP est accepté. L’Institut national polytechnique de Nancy (qui devient par la suite Institut national polytechnique de Lorraine-INPL) est alors fondé par décret du 23 décembre 1970 118.

Aujourd’hui, à la suite d’une réorganisation de grande ampleur de la carte universitaire telle que l’avait rêvée à plusieurs reprises différents réformateurs 119, l’Université de Lorraine est créée, en 2012, par la fusion des deux universités nancéiennes, de l’Université de Metz et de l’INPL 120. Elle devient une « Université complète » sous statut de Grand Établissement à statut dérogatoire. La formation est organisée en huit collegiums qui recouvrent l’ensemble des écoles, UFR, instituts et facultés, dont la faculté des sciences sous le nom de faculté des sciences et des technologies. L’un d’eux regroupe onze écoles au sein du Collegium Lorraine INP. La recherche constitue dix pôles scientifiques qui rassemblent tous les laboratoires, y compris ceux des écoles, par spécialités. C’est ici que s’ouvre une nouvelle page de l’histoire de la faculté des sciences et des écoles qu’elle a contribué à créer. Il serait tentant de faire la part des « grands récits » sur l’économie de la connaissance, la concurrence mondiale, les classements internationaux, pour essayer de saisir, au plus près, le rôle des acteurs locaux et les réalités qu’impliquent pour les institutions qui ont traversé le siècle, les changements organisationnels du moment.

Par Françoise Birck

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Notes de bas de page

  • 1 [J. Verger 1986, p. 288]. ↩︎
  • 2 [A. Gain 1933, p. 220]. ↩︎
  • 3 Revue internationale de l’enseignement, no15, mai 1883, p. 476. Pour le point de vue lorrain voir l’article de Jean-Alain Lesourd dans l’ouvrage Histoire de Nancy [A. Tavenaux 1978, p. 368-372]. Concernant la personnalité de Prosper Guerrier de Dumast, voir [L. Adam 1883]. ↩︎
  • 4 Parmi ces écoles spéciales, l’École polytechnique, l’École normale supérieure, l’École d’application de l’artillerie et du génie de Metz. ↩︎
  • 5 [J. Verger 1986, p. 257]. ↩︎
  • 6 [A. Gain 1933, p. 206]. ↩︎
  • 7 Ce dispositif n’empêche cependant pas l’apparition de deux écoles professionnelles libres : l’école libre de médecine qui devient école préparatoire de médecine en 1822 puis, en 1843, école secondaire de médecine et de pharmacie, et l’école libre de droit qui ouvre ses portes en 1801 mais disparaît rapidement. ↩︎
  • 8 L’Université impériale est alors constituée d’autant d’Académies qu’il y a de cours d’appel (34 en 1812, dont 27 sur le territoire français). ↩︎
  • 9 Les 15 facultés des sciences créées, outre celle de Metz, sont celles de Paris, Besançon, Bruxelles, Dijon, Gênes, Genève, Grenoble, Liège, Lyon, Montpellier, Pise, Strasbourg, Toulouse, Turin. ↩︎
  • [10 J. Verger 1986, p. 273] et [A. Gain 1933, p. 219]. Les facultés des sciences de Besançon, Lyon et Metz sont supprimées. ↩︎
  • 11 En 1838, à l’initiative de Prosper Guerrier de Dumast, Nancy sollicite, en vain, la création d’une faculté de droit. Elle ne bénéficie d’ailleurs d’aucune autre création alors qu’en 1844, la Monarchie de juillet augmente le nombre de facultés des lettres qui passe de 6 à 13, et celui des facultés des sciences qui passent de 7 à 10. ↩︎
  • 12 [A. Gain 1933, p. 207]. ↩︎
  • 13 Ordonnance du 17 octobre 1843. ↩︎
  • 14 C’est Poitiers qui l’emporte [P. Lamandé 2002, p. 135]. ↩︎
  • 15 [A.-C. Déré 2002, p. 213]. ↩︎
  • 16 L’autre est Chambéry qui, à l’époque, ne fait plus partie du territoire français. Après avoir été un département français de 1792 à 1814, la Savoie redevient autonome et n’est rattachée à la France que par le traité de Turin, en 1859. L’émotion créée par cette mesure peut se mesurer à l’aune de celle que provoque, en 1999, le Rapport Attali, qui prévoit la création de campus universitaires rassemblant tous les établissements d’enseignement supérieurs, écoles et universités, rattachés à des « PUP », pôles universitaires de province. Parmi ces derniers, ceux de Lyon, Strasbourg, Grenoble, Toulouse, Lille, Rennes sont cités mais, dans un premier temps, celui de Nancy, qui présente la plupart de leurs caractéristiques, n’est même pas mentionné. ↩︎
  • 17 Nous suivons ici l’analyse proposée par Jean-François Thull dans [J.-F. Thull 2015, p. 39-43]. ↩︎
  • 18 Alfred Buquet, fils du baron d’Empire Louis-Léopold Buquet, propriétaire terrien et maire de Houdemont de 1841 à 1852, est un notable local qui a rallié la cause de Louis-Napoléon Bonaparte dès 1848. ↩︎
  • 19 Par exemple Henry-Georges Boulay de la Meurthe (1797-1858) qui après avoir été vice-président de la Seconde République est, sous le Second Empire, président du Conseil d’État et sénateur ; le vicomte Antoine-Joseph Drouot (1816-1897) neveu et fils de deux généraux de l’Empire. [J.-F. Thull 2015, p. 40]. ↩︎
  • 20 Il rappelle la parole de la France qui, en annexant la Lorraine en 1736, se serait engagée à conserver l’Université de Lorraine à Nancy. ↩︎
  • 21 [O. Voillard 1978, p. 289]. ↩︎
  • 22 [F. Hamelin 1998, p. 57-69]. ↩︎
  • 23 Pour le détail des arguments développés par chacune des villes, voir [É. Bolmont 2007, p. 136-141]. ↩︎
  • 24 « Le Conseil d’État, ne voyant dans ce démembrement, que des inconvénients au lieu d’avantages, repousse définitivement la proposition messine, et décide que l’enseignement supérieur des sciences resterait fixé au centre rectoral à Nancy ». [É. Bolmont 2007, p. 132]. ↩︎
  • 25 [J.-F. Condette 1999]. ↩︎
  • 26 Le décret du 22 août 1854 crée une faculté des lettres et une faculté des sciences à Nancy et Clermont-Ferrand, une faculté des sciences à Lille, Marseille, Poitiers, une faculté des lettres à Douai. Les 16 centres académiques sont : Aix, Besançon, Bordeaux, Caen, Clermont-Ferrand, Dijon, Douai, Grenoble, Lyon, Montpellier, Nancy, Paris, Poitiers, Rennes, Strasbourg, Toulouse. ↩︎
  • 27 Décret du 29 novembre 1854 qui organise le personnel de la faculté des sciences. ↩︎
  • 28 [H. Faye 1855, p. 21]. ↩︎
  • 29 Décret du 22 août 1854. Les cours de chimie et d’histoire naturelle qui faisaient partie des programmes de l’école de médecine sont désormais confiés à la faculté des sciences. ↩︎
  • 30 [H. Faye 1855, p. 19]. Cette expression laisse présager l’insistance avec laquelle la ville réclamera, par la suite, la création d’une faculté de droit pour compléter cette quasi université et parvenir au niveau de la plupart des autres centres académiques. ↩︎
  • 31 Un arrêté du 13 septembre 1852 exige le baccalauréat ès sciences pour toutes les écoles de gouvernement à l’exception de l’École navale. Jusque là pour l’École forestière, le baccalauréat ès lettres était demandé. [B. Belhoste 2001]. ↩︎
  • 32 Hippolyte Fortoul a fréquenté les saint-simoniens dans sa jeunesse et, dès son arrivée au ministère, il sollicite la collaboration de l’économiste saint-simonien Michel Chevalier qui s’intéresse de longue date aux questions d’éducation. [N. Hulin 1982, p. 217-235]. ↩︎
  • 33 [N. Hulin 1982, p. 148]. ↩︎
  • 34 Pour l’évolution de la notion d’« enseignement intermédiaire » dans l’enseignement secondaire, voir [J.-M. Chapoulie 2010, p. 122-123]. ↩︎
  • 35 Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, W 1018, 218. ↩︎
  • 36 [D. A. Godron 1855, p. 30]. ↩︎
  • 37 La commission mixte instituée le 7 juin 1852 pour préparer le programme de l’enseignement scientifique comprenait des industriels. Dans son rapport elle émet un vœu : « À la place des bacheliers sans carrière, que leur impuissance aigrit, solliciteurs nés de toutes les fonctions publiques, faits pour troubler l’État par leurs prétentions, on verra donc sortir de nos lycées des générations vigoureusement préparées aux luttes de la production ». [N. Hulin 1982, p. 228]. Le doyen Godron* s’exprime clairement à ce propos : « La France n’a pas hésité à décider l’institution dans nos grands centres de population, d’écoles nouvelles fortement organisées, où les jeunes gens qui renoncent aux carrières libérales aujourd’hui si encombrées, et embrassent les carrières industrielles ». [D. A. Godron 1855, p. 22]. Voir également [C. Tasset 2014]. ↩︎
  • 38 [H. Faye 1855, p. 21]. ↩︎
  • 39 Instructions ministérielles du 30 novembre 1855. ↩︎
  • 40 Pour le détail des programmes, voir [É. Bolmont 2007, p. 137]. ↩︎
  • 41 [H. Faye 1856, p. 7]. ↩︎
  • 42 Pour un tableau détaillé des situations provinciales voir notamment [R. Fox & G. Weisz 1980], [H. W. Paul 1985] et [M. J. Nye 1986]. Voir également [A. Grelon 1989]. ↩︎
  • 43 Hippolyte Fortoul est remplacé, après son décès en 1856, par Gustave Rouland, et quelques années plus tard (1865), le système de la « bifurcation » est abandonné. ↩︎
  • 44 [J.-M. Chapoulie 2010, p. 101]. ↩︎
  • 45 [D. A. Godron 1856, p. 26]. ↩︎
  • 46 À la fin du Second Empire, en 1870, on compte 6 923 bacheliers, 3 957 bacheliers ès lettres-philosophie, 2 306 bacheliers ès sciences. [O. Wieviorka 2015]. ↩︎
  • 47 [J. Verger 1986, p. 312]. ↩︎
  • 48 [C. Benoît 1858, p. 30]. ↩︎
  • 49 Le baccalauréat ès sciences réorganisé en 1852 comprend, parmi les épreuves écrites, une version latine. ↩︎
  • 50 La même année la faculté des lettres examine 299 candidats dont 172 reçus. ↩︎
  • 51 [B. Belhoste 2001, p. 40-42]. ↩︎
  • 52 Source du tableau : [É. Bolmont & J.-R. Cussenot 2007, p. 196-197]. ↩︎
  • 53 Ils n’abandonnent pas pour autant la clientèle des régents de collèges communaux éloignés de Nancy : « Les professeurs de la faculté entrent en relation avec eux ; par leurs conseils, par les devoirs qu’ils leur proposent et qu’ils corrigent ensuite, ils les aident, autant que possible, et leur facilitent ainsi les abords de la licence ès sciences ». [D. A. Godron 1869, p. 36]. ↩︎
  • 54 [L. Maggiolo 1868, p. 16]. ↩︎
  • 55 [D. A. Godron 1869, p. 37]. ↩︎
  • 56 [C. Charle 1994, p. 21-59] et [C. Charle 2003]. ↩︎
  • 57 Voir [P. Poles 1997] et [P. Labrude & S. Strohl 2007]. ↩︎
  • 58 [A. Dareste de la Chavanne 1872, p. 9]. ↩︎
  • 59 [X. Bach 1872, p. 53]. ↩︎
  • 60 Cette société crée La Revue internationale de l’enseignement qui ouvre un espace de débats sur les questions de l’enseignement supérieur en France et publie de nombreuses enquêtes sur les systèmes d’enseignement supérieur étrangers. ↩︎
  • 61 Source du tableau : [É. Bolmont & J.-R. Cussenot 2007, p. 202]. ↩︎
  • 62 [M.-J. Choffel-Mailfert 2007]. ↩︎
  • 63 [C. Digeon 1959]. ↩︎
  • 64 [A. Renaut 1995]. ↩︎
  • 65 [L. Liard 1890, p. 98]. ↩︎
  • 66 [M. Grossetti 1994] et [M. Grossetti & P. Losego 2003]. ↩︎
  • 67 Archives nationales, dossier de carrière d’Albin Haller, F/17/23699. ↩︎
  • 68 [C. Charle 1994]. ↩︎
  • 69 [G. Bram, F. Chamozzi, A. Fuchs, et al. 1995, p. 27]. ↩︎
  • 70 Il devait juger de l’opportunité du transfert du service d’anatomie de la faculté de médecine. Voir [P. Labrude & S. Strohl 2007]. ↩︎
  • 71 Il convient de rappeler qu’entre 1875 et 1890, sur les 99 millions de francs or investis dans l’enseignement supérieur, les villes ont apporté 51 millions. [A. Prost 2007]. Voir également [F. Roth 2015]. ↩︎
  • 72 [P.-A. Challemel-Lacour 1897]. ↩︎
  • 73 Louis Liard, dans le chapitre architecture de Universités et facultés, cite en exemple l’institut de chimie et celui d’anatomie de Nancy qui « dans leur simplicité seront un modèle du genre ». [L. Liard 1890, p. 43]. ↩︎
  • 74 [P. Savoie 1998]. ↩︎
  • 75 Chiffres donnés par Albin Haller* dans « La lutte des nations sur le terrain de l’industrie chimique » [A. Haller 1894, p. 473-487]. ↩︎
  • 76 [H. Bichat 1891]. ↩︎
  • 77 Archives municipales de Nancy, compte rendu du conseil municipal du 17 décembre 1896. ↩︎
  • 78 [P. Voluer 1998, 203-213]. ↩︎
  • 79 [A. Haller 1894]. ↩︎
  • 80 [A. Haller 1894, p. 473]. ↩︎
  • 81 [A. Haller 1897a]. ↩︎
  • 82 Ces évènements sont relatés par Jean Coudert dans [J. Coudert 1981]. ↩︎
  • 83 La Société industrielle de l’Est a été créée, en 1883, sur le modèle de la Société industrielle de Mulhouse. L’un de ses buts, depuis l’origine, est la diffusion des innovations techniques dans les milieux patronaux. Elle connaît un développement incertain pendant une dizaine d’années.  À partir de la fin des années 1890, dans un nouveau contexte économique et social, elle soutient les projets des scientifiques nancéiens sous l’égide de l’alliance entre la science et l’industrie. [F. Birck 1999]. ↩︎
  • 84 [A.-D. Meyer 1997]. ↩︎
  • 85 [A. Haller 1897b]. ↩︎
  • 86 Solvay donne une première subvention de 100 000 francs alors que les contributions locales les plus élevées ne dépassent pas 10 000 francs. [C. Masseys-Bertonèche 2006]. ↩︎
  • 87 [H. Bichat 1898]. ↩︎
  • 88 [A. Grelon & G. Ramunni 1997]. ↩︎
  • 89 Sur la notion de pôle scientifique, voir [L. Rollet 2009]. ↩︎
  • 90 [Université de Nancy 1905]. ↩︎
  • 91 [Université de Nancy 1905, p. 2]. ↩︎
  • 92 [Université de Nancy 1905, p. 6] ↩︎
  • 93 [F. Birck 2007]. ↩︎
  • 94 [L. Rollet & P. Nabonnand 2014]. ↩︎
  • 95 Selon l’acception de Bruno Latour dans, La science en action [B. Latour 1989, p. 163-173]. ↩︎
  • 96 Le monument dédié à Ernest Bichat* avait été confié à un artiste local, Ernest Bussière. Sur le socle qui supportait le buste, aujourd’hui disparu, une femme assise devant un galvanomètre symbolisait la science. Elle s’apprêtait à étudier les propriétés magnétiques d’un anneau de dynamo que lui tendait un forgeron symbolisant l’industrie. ↩︎
  • 97 [M.-J. Choffel-Mailfert 2006]. ↩︎
  • 98 [P. Nora 1984]. ↩︎
  • 99 [V. Borella 2006]. ↩︎
  • 100 [P. Nabonnand 2006]. ↩︎
  • 101 Ces chiffres sont tirés du tableau publié dans l’article ci-dessus [P. Nabonnand 2006, p. 148-149]. ↩︎
  • 102 Source de ces chiffres : [F. Birck 1998, p. 170]. ↩︎
  • 103 Sur cette question voir [N. Manitakis 1997]. Pour une approche régionale cf. [C. Barrera 2007] ainsi que [Y. Bettahar & F. Birck 2009] ↩︎
  • 104 [J. Delsarte 1939]. ↩︎
  • 105 Celles de Besançon, Dijon, Revue internationale de l’enseignement du 15 mars 1909 ; Nancy, Caen, Lille, Lyon, Grenoble, Revue internationale de l’enseignement du 15 avril ; Paris, Bordeaux, Montpellier, Revue internationale de l’enseignement du 15 mai ; Marseille et Toulouse, Revue internationale de l’enseignement du 15 juin. ↩︎
  • 106 [Collectif 1909] ↩︎
  • 107 Le projet est déposé le 30 juillet 1915. ↩︎
  • 108 Rapports publiés dans la revue la Revue internationale de l’enseignement, 15 janvier / 15 février ; 15 mars / 15 avril ; 15 juillet / 15 août ; 15 septembre / 15 octobre 2016. ↩︎
  • 109 Revue internationale de l’enseignement, 15 juillet / 15 août , 1916, p. 287 ↩︎
  • 110 Le retour à la France des anciennes provinces annexées et l’exploitation du bassin de la Sarre confiée à la France par le traité de paix signé le 28 juin 1919, posent le problème du remplacement d’environ 400 ingénieurs allemands. ↩︎
  • 111 Dans le groupe des écoles des Mines, l’École des Mines de Nancy apparaît, en 2012, comme « partenaire stratégique » de l’Institut Mines-Télécom, c’est-à-dire dans une catégorie créée de toute pièce pour la circonstance. L’histoire de l’école donne la clef de ce positionnement pour le moins intrigant. Voir [F. Birck 2014]. ↩︎
  • 112 [C. Musselin 2001]. ↩︎
  • 113 Le décret du 16 janvier 1947 fixe les conditions de transformation des anciens instituts ou écoles créés par les universités ou rattachés aux universités et délivrant un diplôme d’ingénieur, en école nationale supérieures d’ingénieurs. Ceux qui ne satisfont pas aux critères de la commission mise en place seront supprimés ou remplacés par un autre dispositif à définir. Il fixe également le mode de désignation des directeurs et généralise l’institution d’un conseil d’administration et d’un conseil de perfectionnement au sein de chaque école. ↩︎
  • 114 [A. Prost 2010]. ↩︎
  • 115 Il est intéressant de lire à ce propos le témoignage du mathématicien Laurent Schwartz qui a enseigné à la Faculté des sciences de Nancy de 1945 à 1952. [L. Schwartz 1997, p. 267-308]. ↩︎
  • 116 L’institut supérieur des spécialités industrielles (ISIN) est créé en 1960. Il devient par la suite l’École supérieure des sciences et technologies de l’ingénieur de Nancy (ESSTIN). À la même époque, Metz reçoit sa première école d’ingénieurs l’ENIM. Au niveau national le premier INSA est créé à Lyon en 1957. ↩︎
  • 117 La loi a pour but de faire des universités des établissements autonomes ayant statut d’établissement public à caractère scientifique et culturel (EPSC). ↩︎
  • 118 Les trois INP sont devenus des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPCSCP) ayant le statut d’université selon les dispositions de la loi sur l’enseignement supérieur de 1984. ↩︎
  • 119 Sur cette mémoire, voir [M. Baron, C. Barrera & F. Birck 2015]. ↩︎
  • 120 [J. Barrier 2015]. ↩︎