Lettre de M. Jules Simon, Ministre de l'Instruction Publique à M. Le Doyen de la Faculté de Médecine
Nancy (Meurthe-et-Moselle)
; Lettre du Ministre de l'Instruction Publique adressée au Doyen de la Faculté de médecine à l'occasion de l'inauguration de la Faculté de médecine
;
Partie du document
;
publication en série imprimée
; sr1872_18
;
Est une partie de : Inauguration de la Faculté de médecine et rentrée des Facultés de droit, des sciences et des lettres de Nancy, le 19 Novembre 1872
par : SIMON, Jules
seance_rentree_1872_18.pdf, application/pdf, 587,02 Ko,
Titre (dcterms:title)
Lettre de M. Jules Simon, Ministre de l'Instruction Publique à M. Le Doyen de la Faculté de Médecine
Identifiant (dcterms:identifier)
sr1872_18
Date de création (dcterms:created)
1872
Est une partie de (dcterms:isPartOf)
Créateur (dcterms:creator)
SIMON, Jules
Sujet (dcterms:subject)
Lettre du Ministre de l'Instruction Publique adressée au Doyen de la Faculté de médecine à l'occasion de l'inauguration de la Faculté de médecine
Editeur (dcterms:publisher)
Imprimerie de Berger-Levrault et Cie. 11, Rue Jean-Lamour, 11
Direction de la Documentation et de l'Edition (Université de Lorraine)
Institut François Gény (EA 7301 Université de Lorraine)
Décanat de la Faculté des Sciences (Université de Lorraine)
Décanat de la Faculté de Droit Sciences économiques et gestion de Nancy (Université de Lorraine)
Maison des sciences de l'homme Lorraine (Université de Lorraine)
Bibliothèque-médiathèque de Nancy
Date de publication (dcterms:issued)
1873
Format (dcterms:format)
PDF avec ocr
Langue (dcterms:language)
fr
Type (dcterms:type)
publication en série imprimée
Couverture spatiale (dcterms:spatial)
Nancy (Meurthe-et-Moselle)
Droits (dcterms:rights)
extracted text (extracttext:extracted_text)
UNIVERSITÉ
DE
FRANCE.
—
ACADÉMIE
DE
NANCY.
he———
INAUGURATION
DE LA FACULTÉ
DE MÉDECINE
RENTRÉE DEN FACULTÉS
DE DROIT, DES SCIENCES ET DES LETTRES:
DE NANCY
Le
19
Novembre
187%.
NANCY
IMPRIMERIE DE BERGER-LEVRAULT ET Cf.
11,
RUE
JEAN-LAMOUR,
1873
{1
LETTRE
DE
MINISTRE
À M. LE
M.
DE
DOYEN
JULES
SIMON
L'INSTRUCTION
DE
LA
FACULTÉ
DE
PUBLIQUE
MÉDECINE
« Paris, novembre 1872.
« MONSIEUR LE DOYEN,
« Siles circonstances l'avaient permis, je n'aurais cédé à
personne l'honneur de présider la première réunion des
membres de la Faculté, Je vous prie de leur donner lecture
de cette lettre à l'ouverture de la séance. Ils y trouveront
une nouvelle preuve de ma vive scllicitude pour Les intérêts
dont ils reçoivent aujourd'hui le dépôt. Je n'ai certes aucun
besoin de stimuler leur zèle et le vôtre, Monsieur ie Doyen,
mais je veux vous dire à tous les vœux que je forme pour
cette grande École qui prend place, dès aujourd'hui, parmi
nos institutions scientifiques, et qui ne tardera pas, je l'espère,
à y tenir un des premiers rangs.
« J'aurais vivement souhaité que les constructions complé-
mentaires, dont vous m'avez soumis les plans, fussent achevées avant l'ouverture des cours. Malgré nos désirs et tout
le zèle du conseil municipal, nous avons bien vite reconna
que cela n'était pas possible. Il faut nous résigner à commencer avec une installation modeste. Letalent des maîtres,
l'application des élèves, nous aideront puissamment à obtenir
108
LETTRE
DE M. JULES SIMON
des pouvoirs publics les ressources nécessaires pour achever
les constructions et l'aménagement.
« Les livres qui formeront le noyau de votre bibliothèque
ont coûté à mon administration 54,804 fr.; elle a dépensé
96,186 fr. en instruments et en produits
chimiques.
Outre
les bâtiments dont vous preñez possession, la Ville vous a
donné des terrains et une somme de 800,000 fr. Le conseil
général, de son côté, y ajoute 50,000 fr. L'État, la Ville, le
département feront les sacrifices nécessaires pour que la
Faculté soit toujours abondamment pourvue de tout ce que
réclame l’enseignement de l'anatomie, de la physiologie et
des sciences accessoires. Il faut que chacun de vos élèves puisse
avoir sa place marquée dans les salles de préparation, et y
être entouré de plus d'instruments et de moyens de travail
qu'on n’en trouve dans les plus anciennes Facultés. C’est le
but que nous nous proposons et que nous atteindrons.
« On n’a jamais élevé contre la création de la Faculté de
Nancy qu'une seule objection, tirée du petit nombre de vos
hôpitaux. Il ne faut ni s’exagérer, ni se dissimuler la portée de cette objection. L'Allemagne compte vingt Facultés de
médecine. Celles de Vienne, Munich, Prague, Leipsig, Berlin
et Breslau sont situées dans des centres plus populeux que
Nancy; mais beaucoup d’autres, qui ont un rang dans la
science et dont les travaux font autorité, telles que Greifswald,
Gættingue, Wurtzbourg,
Heidelberg, Bonn, n’offrent
pas à leurs élèves les ressources cliniques que vous avez dès
à présent. On peut donc vivre, on peut donc prospérer dans
unmilieu
tel que celui-ci; et, sans parler de l'accroissement
probable de la population de Nancy, on ne saurait douter
que l'éclat de la Faculté et la présence de tant de médecins
distingués ou illustres n’y multiplient assez vite les établissements hospitaliers.
« Je suis informé que d'importantes usines s'établissent
aux environs de Nancy. Il est évident que ces nouveaux
centres de population formeront, pour la capitale de la Lor-
MINISTRE
DE
L'INSTRUCTION
PUBLIQUE.
109
raine, une vaste banlieue qui lui demandera des livres pour
ses écoles et des soins pour ses malades, Avec le télégraphe
et un service de transport analogue à celui qui est établi
entre les hôpitaux de Paris et l'asile de Vincennes, les chefs
d'industrie auront tout avantage, sous le double point de vue
de l'excellence du traitement et de la diminution de la dépense, à verser
leurs
malades
dans leurs hôpitaux.
Cette
tansformation de vos ressources médicales est inévitable et
prochaine. Cependant il est de notre devoir de chercher
les éléments de notre supériorité dans une autre voie.
Nancy est une ville studieuse, où les lettres et les
sciences ont toujours été cultivées, qui veut et qui peut
être une capitale intellectuelle; elle a un Musée curieux,
une riche Bibliothèque, une Académie, un ensemble de Facultés complet. Elle fera des savants, ce qui nous manque un
peu ailleurs,
et ce qui ne l’empêchera
pas, sans doute, de
faire aussi des praticiens. Le personnel de la Faculté est
très-nombreux, toutes les branches importantes de la science
médicale y sont représentées;la plupart des chaires comptent
un titulaire et un adjoint; les agrégés feront des cours libres:
nulle part, en France, il n'y aura ni cours si nombreux, ni
une liberté aussi ample. Les élèves, au lieu d’être perdus dans
la foule, seront l'objet de soins particuliers; ils seront personnellement connus de leurs maîtres; ils pourront les consulter sur la direction de leurs lectures et de leurs travaux,
faire leurs expériences sous leurs yeux et avec leur secours,
acquérir même, par de laborieuses recherches et jusque sur
les bancs de l'École, une certaine notoriété. Si même l'érudition les tentait, il faudrait s’en applaudir. L'histoire de la
médecine est l’histoire d’une grande chose et un grand côté
de l’histoire générale de l'esprit humain.
« J'ajoute que la situation de Nancy, en face de l'Alle.magne, lui crée un devoir particulier, Jusqu'ici nous avions
trop vécu
et trop pensé
que
avons senti le besoin d'apprendre
nous
entre
nous; c’est
tout
récemment
les langues
410
LETTRE
DE M. JULES SIMON
étrangères, de visiter les Universités de nos voisins, de tirer
profit de leurs théories et de leurs découvertes. La Faculté
de Nancy peut être comme un vaste atelier dans lequel viendra aboutir toute la science élaborée en Allemagne, pour
être, de là, répandue dans les Écoles françaises, après avoir
été soumise à une sévère et judicieuse critique. Je crois qu'il
y à pour vous, dans cette voie, beaucoup de gloire à acquérir
et beaucoup de services à rendre; et c'est pour vous y aider
que j'ai pris la résolution de donner
à votre bibliothèque une
organisation particulière et de créer le Bulletin médical de
Nancy.
« Je veux que vous
soyez abonnés
à toutes les publica-
tions médicales de PAllemagne, que vous puissiez acheter
non-senlement les livres, mais les thèses et les mémoires de
quelque valeur qui paraîtront chez nos voisins. Vous me ferez
le plus tôt possible un rapport sur la dépense que ces acqui-
sitions pourront occasionner, et je me mettrai en mesure d'y.
pourvoir, Vous ne pouvez manquer de recevoir un grand
nombre de dons, surtout si lon sait, et on le saura promptement, que vos livres sont bien soignés et bien employés. Le
catalogue de la bibliothèque sera constamment tenu à jour
vous me
présenterez, dans le cours du premier semestre, un
projet de règlement pour la lecture et le prêt à domicile.
Vous ferez ouvrir immédiatement un registre où seront inscrits, à leur date, les dons qui seront faits. MM. les professeurs, le jour de leur installation, et les docteurs, le jour de
leur réception, signeront sur ce registre l'obligation contractée
par eux
de
ne rien publier sans en faire
hommage
à la
bibliothèque. Vous désignerez une salle où seront disposés
et catalogués tous les doubles, afin de faciliter les échanges;
enfin, vous dresserez un catalogue par ordre de matières et
un catalogue par ordre d'auteurs. Vous nommerez, en assemblée de la Faculté,
une commission
de surveillance
de la
bibliothèque, qui présidera à tous les services et m'adressera
tous les ans deux rapports, l’un à Pâques et l'autre en juil-
MINISTRE
DE L'INSTRUCTION
let. Ces précautions, prises
PUBLIQUE.
ail
dès le premier jour, vous
épar-
gneront plus tard, ou épargnerontà vos successeurs, bien des
difficultés. Il faut penser ct agir, dès à présent, comme si
vous aviez une des bibliothèques les plus importantes de
l'Europe.
:
«Le Bulletin médical sera l'œuvre exclusive de la Faculté,
je me chargerai des frais; vous m’adresserez vos propositions
à cet égard aussitôt que vous aurez pu étudier les conditions
matérielles de la publication.
Ce bulletin
sera purement
bibliographique et censacré aux livres, brochures et journaux
périodiques allemands, sans aucun mélange de bibliographie
française et de nouvelles, même scientifiques. Les notices
devront être proportionnées à l'importance et à la valeur des
ouvrages; tantôt il suffira de quelques lignes, et tantôtil pourra
être utile de consacrer un bulletin tout entier à l'analyse et
à la critique d’un livre considérable. Si même ilse produisait
en Allemagne un écrit dont la traduction vous semblât nécessaire, vous me feriez des propositions pour
une
traduction
complète qui aurait lieu sous les auspices de la Faculté.
< Nous avons eu bien rarement en France un recueil bibliographique vraiment instructif. Les auteurs des articles ou
notices, n’y attachant pas leur nom et ne comptant pas sur
ce genre de travail pour acquérir de la célébrité, les écrivent
rapidement et se préoccupent plutôt de rendre service aux
auteurs que d'éclairer les lecteurs. En confiant à la Faculté
de Nancy l'exécution du Bulletin médical, j'espère arriver
à un résultat tout différent. Ce sera, Monsieur le Doyen, une
de vos principales attributions de choisir pour l'examen d’un
écrit le professeur ou l’agrégé qui vous semblera le plus compétent. La Faculté se réunira chaque mois dans une séance
académique pour vous assister dans ce travail et pour en.
tendre les notices qui ne seront jamais insérées qu'après avoir
été lues et approuvées en commun. La responsabilité ‘se partagera entre la Faculté et l'auteur. L'auteur signera de ses ini-
tiales pour les courtes notices, et de son nom pour les notices
442
LETTRE
DE M. JULES SIMON
développées. Le numéro portera mention de approbation du
Doyen et sa signature. Je suis persuadé que dès l'apparition
du recueil, il fera autorité dans le corps médical. MM. les
rédacteurs en auront le sentiment, ils sauront que leur
jugement sera accepté, leurs conseils suivis; ils apporteront
à ce travail la même gravité et les mêmes scrupules que dans
leurs consultations. De son côté, la Faculté ne se laissera in-
fluencer dans l'acceptation et le remaniement des articles, ni
par le nom du rédacteur, ni par celui de l'auteur, ni par
un
esprit de système ou de rivalité; elle ne considérera
uniquement que les intérêts de la science. Servir la science
et l'humanité, c’est votre premier devoir comme médecins;
c'est votre dovoir comme professeurs. Je sens cela si profondément, je suis tellement sûr, en vous rappelant ces maximes,
d'exprimer votre propre pensée, qu'il me semble jouir par
avance du juste orgueil que nous inspireront dans quelques
années votre réputation de savants, de maîtres et de juges.
« La participation de MM. les Agrégés à la rédaction du
bulletin aura pour leur carrière une importance décisive. Le
-nom des plus laborieux et des plus sagaces ne tardera pas à
être connu dans le monde médical. Le décret d'institution de
la Faculté leur assure d’ailleurs tous les droits dont jouissent
en Allemagne les professeurs extraordinaires. Ainsi nous
leur donnons tout ce qu'un savant peut souhaiter: les ressources
‘en livres, en instruments, en produits chimiques dont
la Faculté sera abondamment pourvue ; un recueil périodique
qui leur ouvrira l'accès des publications médicales les plus
rénomméés; le droit d'enseigner librement. La Faculté pourra
inscrire leurs cours sur son programme, et leur accorder l’usage de ses propres amphithéâtres. Il résultera de cette institution nouvelle pour les étudiants un accroissement de ressources, pour les jeunes maîtres les drôits et Les avantages
de la liberté, pour tous une émulation salutaire. Vous aurez
soin, Monsieur le Doyen, de rendre compte dans vos rapports
annuels de l'enseignement donné par les Agrégés; votre
MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE.
148
appréciation, qui sera pour eux un titre d'honneur, fournira
à l'administration des renseignements utiles pour le recrutement du personnel.
« Indépendamment de l'assemblée mensuelle qui sera une.
séance académique destinéeà la rédaction du bulletin, il sera
nécessaire de se réunir fréquemment pour les affaires courantes. Le décret du 16 avril 1862 avait singulièrement.
amoïindri l'initiative de la Faculté de médecine de Paris en
décidant que l'assemblée ne pourrait se réunir qu'avec auto
risation du Ministre,
et en limitant ses délibérations à de.
simples avis concernant l’enseignement et la discipline. Ces
dispositions
restrictives ont
été abrogées
par
le décret. du
9 novembre 1870, rendu sur ma proposition et qui restitue.
explicitement à la Facalté de Paris, et implicitement aux.
Facultés de Montpellier et de Nancy la plénitude de leurs.
droits.
|
‘
«Vous aurez doncvos assemblées ordinaires aussi fréquemment que vous le jugerez convenable et vous en réglerez librement l'ordre du jour, en y faisant entrer toutes les ques-
|
tions qui pourront intéresser l'enseignement et la discipline
de la Faculté. Je ne crois pas comme mon prédécesseur que:
l'autorité centrale soit affaiblie par ces délibérations, jje crois.
au contraire qu’elle en eët fortifiée, d’abord parce qu'elle y.
puise
d’utiles
renseignements, et ensuite parce
que
tout ce.
qui accroît l'importance et la dignité des membres de l'Uni-.
versité accroît l’Université elle-même. Les professeurs ne sont.
pas des fonctionnaires ayant chacun sa tâche séparée, soumis. .
à des règlements et À un chef, et dont la mission est terminée quand ils ont fait leur leçon et assisté. aux, Cxamens; Ce SONÉ :
les membres d’une même famille, qui doivent avoir les mêmes.
SOUCIS, puisqu ‘ils ont les mêmes élèves et qu’ils sont chargés :
d'en faire de bons médecins, c'est- à-dire des gens de cœur.et.
d'honneur, prêts à tous les dévoucements, et aimant avec une.
égale passion la science et l'humanité. Être l’École où se for. .
ment les jeunes praticiens et lesjeunes savants, leur apprendre.
A4
LETTRE
DE M. JULES
SIMON
leur devoir, le leur faire aimer, développer en eux le goût et
la passion des études sérieuses, leur servir de modèles quand
ils entrent à leur tour dans la carrière, les suivre attentivement, les fortifier par des conseils et des récompenses, les recevoir à la clinique, à la bibliothèque, comme les enfants de la
maison, leur indiquer des travaux, leur faire connaître les
sources, les aider dans leurs préparations et leurs expériences, user
même de la
cette marque
première fois
à leur égard, quand il le faut, de l'autorité et
sévérité d’un père, tenir à la considération de
D. M. N. qui va figurer cette année pour la
au-dessous de la signature des Docteurs; c'est
un ensemble de devoirs, Monsieur le Doyen, qu’on ne peut
exercer qu'en commun, et l'honneur d’avoir une telle charge
est si grand qu’il crée entre lesmembres d'une Faculté le plus
noble et le plus sacré des liens.
«Les Facultés de médecine et les Facultés des sciences
ont entre elles des rapports nécessaires; notre législation universitaire fait une obligation aux étudiants en Droit de suivre
les leçons de la Faculté des lettres; vos élèves ne pourraient
fréquenter, sans grand profit pour leurs études, le cours de
philosophie. Enfin, dans beaucoup d’Académies, les biblio-
thèques de ces Écoles ne forment qu’une même collection. Il
semblerait donc au premier abord qu’il doit exister entre les
Facultés
situées dans une même
ville, et parfois installées
dans le même édifice, des relations fréquentes en échange
de services permanents ; j'ai constaté cependant que trop souvent un isolement volontaire, une sorte d’indifférence réciproque était comme une règle tacitement consentie que cha-
cun se faisait un devoir d'observer ;avec cette doctrine du
chacun chez soi qui est peut-être le produit d’une réglementation excessive, on perd le bénéfice de la concentration de
plusieurs Facultés sur un même point; on exagère abusivement, en mainte occasion, le chiffre de nos dépenses en contreignant l'administration à acquérir en doubles et triples
exemplaires des instruments ou des livres coûteux; on subs-
MINISTRE
DE
L'INSTRUCTION
PUBLIQUE,
415
titue au sentiment de responsabilité collective qui seul fait la
force et la dignité des corps, le souci exclusif du groupe auquel on appartient: on peut voir, en un mot, passer Île désordre
et s'y croire étranger, Cet ordre de choses est un mal auquel
il faut porter remède. L'art. 15 du décret du 22 août 1854
prévoyait que dans chacune de nos Académies le recteur réu-
nirait tous les mois, « en comité de perfectionnement », les
doyens
des Facultés.
La pensée
était excellente, mais elle
devait avoir pour conséquence d'établir entre les chefs de
nos grands établissements une communauté de vues et d'action que l’on jugea sans doute au moins superflue, car je n'ai
pas trouvé trace des délibérations de ces comités. M. le rec-
‘teur vous fera connaître que je lui ai donné FPordre d'instituer, dans le plus bref délai, ces réunions régulières que je
juge indispensables. Chacun de MM. les Doyens signalera au
comité de perfectionnement les faits de quelque importance
qui se seront produits au sein de la Faculté pendant le mois
écoulé. Il indiquera les besoins auxquels il conviendrait de
pourvoir et les améliorations qu'il jugerait utile de réaliser,
soit au moyen des ressources personnelles dont il dispose,
soit en empruntant les secours de ses collègues. Le comité
portera spécialement
son
attention
sur toutes les questions
d'intérêt commun, et je place au premier rang les divers dé-
tails qui se rattachent à la condition des élèves, aux facilités
des études qui leur sont offertes dans la Faculté à laquelle
ils appartiennent, et dans les autres Facultés dont ils voudraient suivre les cours. Ces réunions d’ailleurs établiront
vos relations d’une manière plus intime avec le chef de l’Académie. Je rétablis ainsi, autant qu'il est en moi, l’Université
de Nancy et je lui donne toute la liberté dont une famille et
un corps savant ont besoin, sans rien ôter à ce qu’il y a d'efficace et de bienfaisant dans l’autorité centrale.
« Je suis persuadé, Monsieur le Doyen, que toutes les idées
que je viens d'exprimer sont aussi les vôtres et celles de vos
collaborateurs, Je sais quels étaient lessentiments de l’illustre
116
LETTRE
DE
M. LE
MINISTRE
DE
L'INSTRUCTION
PUBLIQUE.
Faculté dont vous avez été le chef. Vos collègues sortis de
l'École de Nancy ont les traditions de cette ville, où les sciences et les lettres ont été de tout temps cultivées avec amour.
Ils ont été avant vous les pères autant que les maîtres des
jeunes gens qui vont suivre vos leçons. Vous vous unirez
tous avec moi
dans un
commun
effort pour
que la jeune
Faculté de Nancy prenne rapidement sa place au premier
rang de nos Écoles savantes.
« Je vous prie d’agréer, Monsieur le Doyen, et de faire
agréer à vos collaborateurs l'assurance de ma haute considération et de mon affectueux dévouement,
« Le Ministre de l’'Instruction publique et des Cultes.
« JULES SIMON. »
DE
FRANCE.
—
ACADÉMIE
DE
NANCY.
he———
INAUGURATION
DE LA FACULTÉ
DE MÉDECINE
RENTRÉE DEN FACULTÉS
DE DROIT, DES SCIENCES ET DES LETTRES:
DE NANCY
Le
19
Novembre
187%.
NANCY
IMPRIMERIE DE BERGER-LEVRAULT ET Cf.
11,
RUE
JEAN-LAMOUR,
1873
{1
LETTRE
DE
MINISTRE
À M. LE
M.
DE
DOYEN
JULES
SIMON
L'INSTRUCTION
DE
LA
FACULTÉ
DE
PUBLIQUE
MÉDECINE
« Paris, novembre 1872.
« MONSIEUR LE DOYEN,
« Siles circonstances l'avaient permis, je n'aurais cédé à
personne l'honneur de présider la première réunion des
membres de la Faculté, Je vous prie de leur donner lecture
de cette lettre à l'ouverture de la séance. Ils y trouveront
une nouvelle preuve de ma vive scllicitude pour Les intérêts
dont ils reçoivent aujourd'hui le dépôt. Je n'ai certes aucun
besoin de stimuler leur zèle et le vôtre, Monsieur ie Doyen,
mais je veux vous dire à tous les vœux que je forme pour
cette grande École qui prend place, dès aujourd'hui, parmi
nos institutions scientifiques, et qui ne tardera pas, je l'espère,
à y tenir un des premiers rangs.
« J'aurais vivement souhaité que les constructions complé-
mentaires, dont vous m'avez soumis les plans, fussent achevées avant l'ouverture des cours. Malgré nos désirs et tout
le zèle du conseil municipal, nous avons bien vite reconna
que cela n'était pas possible. Il faut nous résigner à commencer avec une installation modeste. Letalent des maîtres,
l'application des élèves, nous aideront puissamment à obtenir
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LETTRE
DE M. JULES SIMON
des pouvoirs publics les ressources nécessaires pour achever
les constructions et l'aménagement.
« Les livres qui formeront le noyau de votre bibliothèque
ont coûté à mon administration 54,804 fr.; elle a dépensé
96,186 fr. en instruments et en produits
chimiques.
Outre
les bâtiments dont vous preñez possession, la Ville vous a
donné des terrains et une somme de 800,000 fr. Le conseil
général, de son côté, y ajoute 50,000 fr. L'État, la Ville, le
département feront les sacrifices nécessaires pour que la
Faculté soit toujours abondamment pourvue de tout ce que
réclame l’enseignement de l'anatomie, de la physiologie et
des sciences accessoires. Il faut que chacun de vos élèves puisse
avoir sa place marquée dans les salles de préparation, et y
être entouré de plus d'instruments et de moyens de travail
qu'on n’en trouve dans les plus anciennes Facultés. C’est le
but que nous nous proposons et que nous atteindrons.
« On n’a jamais élevé contre la création de la Faculté de
Nancy qu'une seule objection, tirée du petit nombre de vos
hôpitaux. Il ne faut ni s’exagérer, ni se dissimuler la portée de cette objection. L'Allemagne compte vingt Facultés de
médecine. Celles de Vienne, Munich, Prague, Leipsig, Berlin
et Breslau sont situées dans des centres plus populeux que
Nancy; mais beaucoup d’autres, qui ont un rang dans la
science et dont les travaux font autorité, telles que Greifswald,
Gættingue, Wurtzbourg,
Heidelberg, Bonn, n’offrent
pas à leurs élèves les ressources cliniques que vous avez dès
à présent. On peut donc vivre, on peut donc prospérer dans
unmilieu
tel que celui-ci; et, sans parler de l'accroissement
probable de la population de Nancy, on ne saurait douter
que l'éclat de la Faculté et la présence de tant de médecins
distingués ou illustres n’y multiplient assez vite les établissements hospitaliers.
« Je suis informé que d'importantes usines s'établissent
aux environs de Nancy. Il est évident que ces nouveaux
centres de population formeront, pour la capitale de la Lor-
MINISTRE
DE
L'INSTRUCTION
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raine, une vaste banlieue qui lui demandera des livres pour
ses écoles et des soins pour ses malades, Avec le télégraphe
et un service de transport analogue à celui qui est établi
entre les hôpitaux de Paris et l'asile de Vincennes, les chefs
d'industrie auront tout avantage, sous le double point de vue
de l'excellence du traitement et de la diminution de la dépense, à verser
leurs
malades
dans leurs hôpitaux.
Cette
tansformation de vos ressources médicales est inévitable et
prochaine. Cependant il est de notre devoir de chercher
les éléments de notre supériorité dans une autre voie.
Nancy est une ville studieuse, où les lettres et les
sciences ont toujours été cultivées, qui veut et qui peut
être une capitale intellectuelle; elle a un Musée curieux,
une riche Bibliothèque, une Académie, un ensemble de Facultés complet. Elle fera des savants, ce qui nous manque un
peu ailleurs,
et ce qui ne l’empêchera
pas, sans doute, de
faire aussi des praticiens. Le personnel de la Faculté est
très-nombreux, toutes les branches importantes de la science
médicale y sont représentées;la plupart des chaires comptent
un titulaire et un adjoint; les agrégés feront des cours libres:
nulle part, en France, il n'y aura ni cours si nombreux, ni
une liberté aussi ample. Les élèves, au lieu d’être perdus dans
la foule, seront l'objet de soins particuliers; ils seront personnellement connus de leurs maîtres; ils pourront les consulter sur la direction de leurs lectures et de leurs travaux,
faire leurs expériences sous leurs yeux et avec leur secours,
acquérir même, par de laborieuses recherches et jusque sur
les bancs de l'École, une certaine notoriété. Si même l'érudition les tentait, il faudrait s’en applaudir. L'histoire de la
médecine est l’histoire d’une grande chose et un grand côté
de l’histoire générale de l'esprit humain.
« J'ajoute que la situation de Nancy, en face de l'Alle.magne, lui crée un devoir particulier, Jusqu'ici nous avions
trop vécu
et trop pensé
que
avons senti le besoin d'apprendre
nous
entre
nous; c’est
tout
récemment
les langues
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étrangères, de visiter les Universités de nos voisins, de tirer
profit de leurs théories et de leurs découvertes. La Faculté
de Nancy peut être comme un vaste atelier dans lequel viendra aboutir toute la science élaborée en Allemagne, pour
être, de là, répandue dans les Écoles françaises, après avoir
été soumise à une sévère et judicieuse critique. Je crois qu'il
y à pour vous, dans cette voie, beaucoup de gloire à acquérir
et beaucoup de services à rendre; et c'est pour vous y aider
que j'ai pris la résolution de donner
à votre bibliothèque une
organisation particulière et de créer le Bulletin médical de
Nancy.
« Je veux que vous
soyez abonnés
à toutes les publica-
tions médicales de PAllemagne, que vous puissiez acheter
non-senlement les livres, mais les thèses et les mémoires de
quelque valeur qui paraîtront chez nos voisins. Vous me ferez
le plus tôt possible un rapport sur la dépense que ces acqui-
sitions pourront occasionner, et je me mettrai en mesure d'y.
pourvoir, Vous ne pouvez manquer de recevoir un grand
nombre de dons, surtout si lon sait, et on le saura promptement, que vos livres sont bien soignés et bien employés. Le
catalogue de la bibliothèque sera constamment tenu à jour
vous me
présenterez, dans le cours du premier semestre, un
projet de règlement pour la lecture et le prêt à domicile.
Vous ferez ouvrir immédiatement un registre où seront inscrits, à leur date, les dons qui seront faits. MM. les professeurs, le jour de leur installation, et les docteurs, le jour de
leur réception, signeront sur ce registre l'obligation contractée
par eux
de
ne rien publier sans en faire
hommage
à la
bibliothèque. Vous désignerez une salle où seront disposés
et catalogués tous les doubles, afin de faciliter les échanges;
enfin, vous dresserez un catalogue par ordre de matières et
un catalogue par ordre d'auteurs. Vous nommerez, en assemblée de la Faculté,
une commission
de surveillance
de la
bibliothèque, qui présidera à tous les services et m'adressera
tous les ans deux rapports, l’un à Pâques et l'autre en juil-
MINISTRE
DE L'INSTRUCTION
let. Ces précautions, prises
PUBLIQUE.
ail
dès le premier jour, vous
épar-
gneront plus tard, ou épargnerontà vos successeurs, bien des
difficultés. Il faut penser ct agir, dès à présent, comme si
vous aviez une des bibliothèques les plus importantes de
l'Europe.
:
«Le Bulletin médical sera l'œuvre exclusive de la Faculté,
je me chargerai des frais; vous m’adresserez vos propositions
à cet égard aussitôt que vous aurez pu étudier les conditions
matérielles de la publication.
Ce bulletin
sera purement
bibliographique et censacré aux livres, brochures et journaux
périodiques allemands, sans aucun mélange de bibliographie
française et de nouvelles, même scientifiques. Les notices
devront être proportionnées à l'importance et à la valeur des
ouvrages; tantôt il suffira de quelques lignes, et tantôtil pourra
être utile de consacrer un bulletin tout entier à l'analyse et
à la critique d’un livre considérable. Si même ilse produisait
en Allemagne un écrit dont la traduction vous semblât nécessaire, vous me feriez des propositions pour
une
traduction
complète qui aurait lieu sous les auspices de la Faculté.
< Nous avons eu bien rarement en France un recueil bibliographique vraiment instructif. Les auteurs des articles ou
notices, n’y attachant pas leur nom et ne comptant pas sur
ce genre de travail pour acquérir de la célébrité, les écrivent
rapidement et se préoccupent plutôt de rendre service aux
auteurs que d'éclairer les lecteurs. En confiant à la Faculté
de Nancy l'exécution du Bulletin médical, j'espère arriver
à un résultat tout différent. Ce sera, Monsieur le Doyen, une
de vos principales attributions de choisir pour l'examen d’un
écrit le professeur ou l’agrégé qui vous semblera le plus compétent. La Faculté se réunira chaque mois dans une séance
académique pour vous assister dans ce travail et pour en.
tendre les notices qui ne seront jamais insérées qu'après avoir
été lues et approuvées en commun. La responsabilité ‘se partagera entre la Faculté et l'auteur. L'auteur signera de ses ini-
tiales pour les courtes notices, et de son nom pour les notices
442
LETTRE
DE M. JULES SIMON
développées. Le numéro portera mention de approbation du
Doyen et sa signature. Je suis persuadé que dès l'apparition
du recueil, il fera autorité dans le corps médical. MM. les
rédacteurs en auront le sentiment, ils sauront que leur
jugement sera accepté, leurs conseils suivis; ils apporteront
à ce travail la même gravité et les mêmes scrupules que dans
leurs consultations. De son côté, la Faculté ne se laissera in-
fluencer dans l'acceptation et le remaniement des articles, ni
par le nom du rédacteur, ni par celui de l'auteur, ni par
un
esprit de système ou de rivalité; elle ne considérera
uniquement que les intérêts de la science. Servir la science
et l'humanité, c’est votre premier devoir comme médecins;
c'est votre dovoir comme professeurs. Je sens cela si profondément, je suis tellement sûr, en vous rappelant ces maximes,
d'exprimer votre propre pensée, qu'il me semble jouir par
avance du juste orgueil que nous inspireront dans quelques
années votre réputation de savants, de maîtres et de juges.
« La participation de MM. les Agrégés à la rédaction du
bulletin aura pour leur carrière une importance décisive. Le
-nom des plus laborieux et des plus sagaces ne tardera pas à
être connu dans le monde médical. Le décret d'institution de
la Faculté leur assure d’ailleurs tous les droits dont jouissent
en Allemagne les professeurs extraordinaires. Ainsi nous
leur donnons tout ce qu'un savant peut souhaiter: les ressources
‘en livres, en instruments, en produits chimiques dont
la Faculté sera abondamment pourvue ; un recueil périodique
qui leur ouvrira l'accès des publications médicales les plus
rénomméés; le droit d'enseigner librement. La Faculté pourra
inscrire leurs cours sur son programme, et leur accorder l’usage de ses propres amphithéâtres. Il résultera de cette institution nouvelle pour les étudiants un accroissement de ressources, pour les jeunes maîtres les drôits et Les avantages
de la liberté, pour tous une émulation salutaire. Vous aurez
soin, Monsieur le Doyen, de rendre compte dans vos rapports
annuels de l'enseignement donné par les Agrégés; votre
MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE.
148
appréciation, qui sera pour eux un titre d'honneur, fournira
à l'administration des renseignements utiles pour le recrutement du personnel.
« Indépendamment de l'assemblée mensuelle qui sera une.
séance académique destinéeà la rédaction du bulletin, il sera
nécessaire de se réunir fréquemment pour les affaires courantes. Le décret du 16 avril 1862 avait singulièrement.
amoïindri l'initiative de la Faculté de médecine de Paris en
décidant que l'assemblée ne pourrait se réunir qu'avec auto
risation du Ministre,
et en limitant ses délibérations à de.
simples avis concernant l’enseignement et la discipline. Ces
dispositions
restrictives ont
été abrogées
par
le décret. du
9 novembre 1870, rendu sur ma proposition et qui restitue.
explicitement à la Facalté de Paris, et implicitement aux.
Facultés de Montpellier et de Nancy la plénitude de leurs.
droits.
|
‘
«Vous aurez doncvos assemblées ordinaires aussi fréquemment que vous le jugerez convenable et vous en réglerez librement l'ordre du jour, en y faisant entrer toutes les ques-
|
tions qui pourront intéresser l'enseignement et la discipline
de la Faculté. Je ne crois pas comme mon prédécesseur que:
l'autorité centrale soit affaiblie par ces délibérations, jje crois.
au contraire qu’elle en eët fortifiée, d’abord parce qu'elle y.
puise
d’utiles
renseignements, et ensuite parce
que
tout ce.
qui accroît l'importance et la dignité des membres de l'Uni-.
versité accroît l’Université elle-même. Les professeurs ne sont.
pas des fonctionnaires ayant chacun sa tâche séparée, soumis. .
à des règlements et À un chef, et dont la mission est terminée quand ils ont fait leur leçon et assisté. aux, Cxamens; Ce SONÉ :
les membres d’une même famille, qui doivent avoir les mêmes.
SOUCIS, puisqu ‘ils ont les mêmes élèves et qu’ils sont chargés :
d'en faire de bons médecins, c'est- à-dire des gens de cœur.et.
d'honneur, prêts à tous les dévoucements, et aimant avec une.
égale passion la science et l'humanité. Être l’École où se for. .
ment les jeunes praticiens et lesjeunes savants, leur apprendre.
A4
LETTRE
DE M. JULES
SIMON
leur devoir, le leur faire aimer, développer en eux le goût et
la passion des études sérieuses, leur servir de modèles quand
ils entrent à leur tour dans la carrière, les suivre attentivement, les fortifier par des conseils et des récompenses, les recevoir à la clinique, à la bibliothèque, comme les enfants de la
maison, leur indiquer des travaux, leur faire connaître les
sources, les aider dans leurs préparations et leurs expériences, user
même de la
cette marque
première fois
à leur égard, quand il le faut, de l'autorité et
sévérité d’un père, tenir à la considération de
D. M. N. qui va figurer cette année pour la
au-dessous de la signature des Docteurs; c'est
un ensemble de devoirs, Monsieur le Doyen, qu’on ne peut
exercer qu'en commun, et l'honneur d’avoir une telle charge
est si grand qu’il crée entre lesmembres d'une Faculté le plus
noble et le plus sacré des liens.
«Les Facultés de médecine et les Facultés des sciences
ont entre elles des rapports nécessaires; notre législation universitaire fait une obligation aux étudiants en Droit de suivre
les leçons de la Faculté des lettres; vos élèves ne pourraient
fréquenter, sans grand profit pour leurs études, le cours de
philosophie. Enfin, dans beaucoup d’Académies, les biblio-
thèques de ces Écoles ne forment qu’une même collection. Il
semblerait donc au premier abord qu’il doit exister entre les
Facultés
situées dans une même
ville, et parfois installées
dans le même édifice, des relations fréquentes en échange
de services permanents ; j'ai constaté cependant que trop souvent un isolement volontaire, une sorte d’indifférence réciproque était comme une règle tacitement consentie que cha-
cun se faisait un devoir d'observer ;avec cette doctrine du
chacun chez soi qui est peut-être le produit d’une réglementation excessive, on perd le bénéfice de la concentration de
plusieurs Facultés sur un même point; on exagère abusivement, en mainte occasion, le chiffre de nos dépenses en contreignant l'administration à acquérir en doubles et triples
exemplaires des instruments ou des livres coûteux; on subs-
MINISTRE
DE
L'INSTRUCTION
PUBLIQUE,
415
titue au sentiment de responsabilité collective qui seul fait la
force et la dignité des corps, le souci exclusif du groupe auquel on appartient: on peut voir, en un mot, passer Île désordre
et s'y croire étranger, Cet ordre de choses est un mal auquel
il faut porter remède. L'art. 15 du décret du 22 août 1854
prévoyait que dans chacune de nos Académies le recteur réu-
nirait tous les mois, « en comité de perfectionnement », les
doyens
des Facultés.
La pensée
était excellente, mais elle
devait avoir pour conséquence d'établir entre les chefs de
nos grands établissements une communauté de vues et d'action que l’on jugea sans doute au moins superflue, car je n'ai
pas trouvé trace des délibérations de ces comités. M. le rec-
‘teur vous fera connaître que je lui ai donné FPordre d'instituer, dans le plus bref délai, ces réunions régulières que je
juge indispensables. Chacun de MM. les Doyens signalera au
comité de perfectionnement les faits de quelque importance
qui se seront produits au sein de la Faculté pendant le mois
écoulé. Il indiquera les besoins auxquels il conviendrait de
pourvoir et les améliorations qu'il jugerait utile de réaliser,
soit au moyen des ressources personnelles dont il dispose,
soit en empruntant les secours de ses collègues. Le comité
portera spécialement
son
attention
sur toutes les questions
d'intérêt commun, et je place au premier rang les divers dé-
tails qui se rattachent à la condition des élèves, aux facilités
des études qui leur sont offertes dans la Faculté à laquelle
ils appartiennent, et dans les autres Facultés dont ils voudraient suivre les cours. Ces réunions d’ailleurs établiront
vos relations d’une manière plus intime avec le chef de l’Académie. Je rétablis ainsi, autant qu'il est en moi, l’Université
de Nancy et je lui donne toute la liberté dont une famille et
un corps savant ont besoin, sans rien ôter à ce qu’il y a d'efficace et de bienfaisant dans l’autorité centrale.
« Je suis persuadé, Monsieur le Doyen, que toutes les idées
que je viens d'exprimer sont aussi les vôtres et celles de vos
collaborateurs, Je sais quels étaient lessentiments de l’illustre
116
LETTRE
DE
M. LE
MINISTRE
DE
L'INSTRUCTION
PUBLIQUE.
Faculté dont vous avez été le chef. Vos collègues sortis de
l'École de Nancy ont les traditions de cette ville, où les sciences et les lettres ont été de tout temps cultivées avec amour.
Ils ont été avant vous les pères autant que les maîtres des
jeunes gens qui vont suivre vos leçons. Vous vous unirez
tous avec moi
dans un
commun
effort pour
que la jeune
Faculté de Nancy prenne rapidement sa place au premier
rang de nos Écoles savantes.
« Je vous prie d’agréer, Monsieur le Doyen, et de faire
agréer à vos collaborateurs l'assurance de ma haute considération et de mon affectueux dévouement,
« Le Ministre de l’'Instruction publique et des Cultes.
« JULES SIMON. »
Fichiers
seance_rentree_1872_18.pdf, application/pdf, 587,02 Ko,
Classe
Partie du document
SIMON, Jules. Lettre de M. Jules Simon, Ministre de l'Instruction Publique à M. Le Doyen de la Faculté de Médecine. https://histoire-universite-nancy.fr/s/una2gm/item/8938, accès le 17 mai 2022