Rentrée solennelle des Facultés des sciences et des lettres et de l'École de médecine et de pharmacie de Nancy, le 17 Novembre 1862
1862
; Nancy (Meurthe-et-Moselle)
; Discours Officiel
;
Document
;
partie, publication en série imprimée
; sr1862
;
par : Université Impériale / Académie de Nancy
seance_rentree_1862_complet.pdf, application/pdf, 3,26 Mo,
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Identifiant (dcterms:identifier)
sr1862
Créateur (dcterms:creator)
Université Impériale / Académie de Nancy
Titre (dcterms:title)
Rentrée solennelle des Facultés des sciences et des lettres et de l'École de médecine et de pharmacie de Nancy, le 17 Novembre 1862
Sujet (dcterms:subject)
Discours Officiel
Editeur (dcterms:publisher)
Imprimerie de Veuve Raybois, Imprimeur de l'Académie, Rue du faubourg Stanislas, 3
Direction de la Documentation et de l’Édition (Université de Lorraine)
Institut François Gény (EA 7301 Université de Lorraine)
Décanat de la Faculté des Sciences (Université de Lorraine)
Décanat de la Faculté de Droit Sciences économiques et gestion de Nancy (Université de Lorraine)
Maison des sciences de l'homme Lorraine (Université de Lorraine)
Bibliothèque-médiathèque de Nancy
Date (dcterms:date)
1862
Droits (dcterms:rights)
Couverture spatiale (dcterms:spatial)
Nancy (Meurthe-et-Moselle)
Type (dcterms:type)
partie
publication en série imprimée
Date de publication (dcterms:issued)
1862
Format (dcterms:format)
PDF avec ocr
Langue (dcterms:language)
fr
extracted text (extracttext:extracted_text)
RENTRÉE
SOLENNELLE
DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.
UNIVERSITÉ
IMPÉRIALE.
——
ACADÉMIE
RENTRÉE
DE
NANCY.
SOLENNELLE |
DES FACULTÉS
SCIENCES ET DES LETTRES
ET
DE
L'ÉCOLE DE MÉDECINE
ET DE PHARMACIE
DE NANCY,
LE
17
NOVEMBRE
1862,
NANCY,
Ve RAYBOIS,
IMPRIMEUR
DE L'ACADÉMIE,
‘ Rue du faubourg Stanislas, 8,
1862
PRO CÈS- -VERBAL
© DE LA SÉANCE.
La séance solennelle de rentrée de la Faculté dés Scien-
ces,de la Faculté des Lettres et de l’École de Médecine
et
de Pharmacie de Nancy, a eu lieu le lundi 47 novembre
1862, sous la présidence de M. Dunoyer, Recteur de l'Académie.
.
A onze heures, une messe du Saint-Esprit célébrée par
Monseigneur l'Évêque de Nancy réunissait, dans la chapelle
de l'Évéché,
les Professeurs des trois établissements d'ins-
truction supérieure.
ere
|
A midi, la séance publique s’est ouverte dans le grand
amphithéâtre du palais de
Académie. M. le Recteur était
entouré des Inspecteurs d’Académie de. son ressort, des
Doyens et des Professeurs des Facultés des Sciences
et des
Lettres, du Directeur et des Professeurs de l'École de
Médecine, et aussi du Proviseur et des Professeurs du
Lycée impérial qui avaient été priés de prendre part à la
cérémonie.
La grande salle et ses tribunes suffisaient à peine à.
—
6
—
contenir l'assistance choisie qui,
à Nancy, s'intéresse si
vivement à la culture et au progrès des Sciences et des
Lettres.
On
remarquait
premier: Président
Paul,
Général
Préfet
dans
de la Cour
de la
commandant
l’assemblée,
impériale;
Meurthe; M.
le
M.
M.
comte
Lezaud,
de
Saint-
d’Alton,
le département -de la Meurthe;
Mgr Darboy, Évêque de Nancy et de Toul; M. le baron
Buquet, Député, Maire de Nancy; M. Drouot, Député de
la Meurthe; M. Neveu-Lemaire, Procureur général;
M. Garnier, Vice-Président du Conseil général. Des Membres du Conseil Académique, du Clergé, de la Magistrature, de l’Armée ; des Présidents et Membres des Sociétés
savantes du ressort Académique avaient bien voulu, aussi,
honorer la cérémonie de leur présence.
M. le Recteur a ouvert la séance et après avoir prononcé
le discours d’usage a donné, successivement, la parole à
M. Godron, Doyen de la Faculté des Sciences, à M. Benoit,
Doyen de la Faculté des Lettres, et à M.
Directeur de l'École de Médecine.
La séance a été terminée à 2 heures par la
des prix accordés par S. E. le Ministre de
publique.et des Cultes aux élèves de l’École
et de Pharmacie.
E, Simonin,
|
proclamation
l’Instruction
de Médecine
DISCOURS
PRONONCÉ
M. LE RECTEUR
PAR
DE L'ACADÉMIE DE NANCY.
MEssurs,
* Ma‘tâche est aujourd’hui facile.
Il ya quelques mois à peine, à cette même place que
j'oecupe en ce moment, un Ministre de l'Empereur inaugurait dans cette enceinte les travaux de nos Écoles de haut
enseignement. C’est un devoir pour moi de m’effacer
. devant un pareil souvenir et de vous laisser sous l’impression de ces parole. élevées et sympathiques qui sont encore
présentes à votre pensée.
Vous savez,
d’ailleurs,
Messieurs,
quel est le rôle
qui
me revient dans ces séances solennelles de rentrée.
Adresser à nos savants professeurs les éloges que leurs
travaux ont mérités ; leur dire ensuite comment ils pour-
ront continuer l’œuvre de perfectionnement à laquelle ils
sont voués : voilà le cercle qui m'est tracé.
Or,
ces
félicitations,
ces conseils,
M.
le Ministre
de
l'instruction publique a bien voulu nous les appporter, et
—
8
—
il leur à imprimé toute l'autorité de sa haute raison et de :
la mission qu’il venait remplir.
« Vos preuves sont faites, » disait M. Rouland aux honorables fonctionnaires que j'aürais à féliciter de leur
succès,
« l'estime
publique
a consacré
les résultats
de
» votre enseignement, la France savante et lettrée connaît
» VOS noms.
'
» Et puis, ajoutait Son Excellence, l'Empereur, en confé° » rant la croix de la Légion
d’honneur à MM.
Burnouf,
Y
» Nicklès et Grandjean, a daigné ajouter, à approbation
de leurs concitoyens, l'éclat du plus auguste suffrage. »
Quelles expressions ne pâliraient en présence de pareils
témoignages, en présence aussi des chaleureux applaudissements qui saluaient, naguère, les noms que je viens de
rappeler, et proclamaient les profondes sympathies de la
ville de Nancy pour ses Facultés et son École de médecine?
Resteraient les conseils.
Ici, comme pour les éloges, le respect me ferme la
bouche et m’ordonne de laisser parler le chef aussi aimé
- que vénéré qui préside avec tant de bienveillance et de
sagesse aux destinées de l'éducation publique en France.
Vous entendez encore, MM. les Professeurs, cette voix si
autorisée recommander :
_ A la science : de placer à côté de ses principes abstraits,
comme la lampe qui éclaire les mystères de l'autel, les
résultats des applications pratiques, et, en même temps,
de ne pas trop exalter la raison, de ne point se produire
comme
le dernier
mot
de
l'humanité,
de montrer
au
contraire, dans les prodiges de la matière, l'esprit divin
qui l’a créée, afin de devenir de la sorte le révélateur le
_—
9
—
plus énergique des rapports qui enchaînent l’homme à àà la
puissance de Dieu;
Aux lettres: de faire que leur enseignement se distingue
par la clarté, l'étendue,
la vigueur,
la sévérité du
goût;
qu’il éloigne la jeunesse des exagérations; qu’il forme
des hommes assez éclairés pour aïmer le progrès, mais
assez fermes pour ne jamais l'isoler de la modération des
idées, du respect de la paix publique.
Comme les Écoles d’enseignement supérieur, nos établissements d'instruction secondaire ont reçu,
de M. le
Ministre, pour leur bonne administration et pour leurs
succès, des témoignages de satisfaction.
.
Mais, de tous les souvenirs laissésà Nancy par la visite
de son Excellence, il n’en est pas de plus dignes d’être
pieusement conservés que ceux qui ont l'instruction primaire pour objet.
Personne, Messieurs, ne s’en étonnera.
En effet, s’il est bon de répandre dans les rangs élevés
de la’société l'amour des lettres et le goût des hautes
sciences ;. s’il faut désirer que les lycées et les colléges donnent aux pays des hommes capables de maintenir lhonneur des professions libérales et de conduire avec intelli-
gence lés entreprises de l’industrie; il est, je ne crains pas
de le dire, plus important encore d’assurer au peuple le
bienfait de celte instruction élémentaire qui lui rendra la
vie plus facile; de travailler à son éducation ; d'ouvrir son
âme aux sentiments honnêtes, son esprit à la saine appréciation des choses ; en un mot, d’affermir en lui le sens
moral et le bon sens.
Avant d’orner,
avant de couronner
en effet, d’en consolider
les bases.
l'édifice, il importe
—
10
—
Cette préoccupation est celle des hommes qui comprennent le mieux les grands intérêts de la société. La
droite et ferme
raison de notre sage Ministre
manquer de la partager.
ne pouvait
Aussi M. Roulaänd a-t-il voulu visiter ces belles écoles
municipales où la ville de Nancy offre aux enfants de la
classe
ouvrière un enseignement
approprié
aux besoins
de l’existence laborieuse qui les attend.
Ces marques de sollicitude pour le plus vital de nos intérêts sociaux ne devaient pas s'arrêter là.
Le lendemain du jour où il avait parcouru les écoles,
quelques instants avant de nous quitter, dans cette même
salle où nous sommes rassemblés, M. le Ministre réunissait
autour de lui trois cents instituteurs, venus de tous les
points du département.
Après les avoir prémunis contre les dangers de l'orgueil, qui compromettraità la fois leur bonheur personnel
et Le succès de leur belle mission, son Excellence faisait
ressortir les services que l'instituteur est appeléà rendre,
et, donnant
une auguste
sanctionà
ses conseils, disait à
son auditoire, avide de les recueillir : « Quand je vous
» parle ainsi; je vous parle au nom de l'Empereur, dont
» je ne suis que l'interprète et dont je m’efforce de réaliser
» les généreuses intentions. Au milieu de si graves et si
» nombreuses affaires, l'Empereur se préoccupe des inté-
%
» rêts de l’instruction primaire, qu'il place au premier
» rang des intérêts sociaux, et il vous aime parce qu’il
» aime profondément les classes ouvrières et les popula» tions rurales, et que vous en êtes les éducateurs. »
Maintenant, Messieurs, je cède la parole aux. doyens de
—
1
—
.
nos deux facultés et au directeur de notre école de méde-
cine.
Ce
Ils ont, et c’est l’objet spécial de cette solennité, à présenter l'exposé des travaux qui ont.rempli la dernière
année scolaire, à tracer le tableau de ceux qui auront lieu
pendant l’année qui commence.
J'ajouterai pourtant un dernier mot à cette allocution.
Il s’agit pour moi d’un devoir que je suis heureux de
remplir.
Je veux exprimer ma reconnaissance pour cette élite
d’une population éclairée et polie, pour les éminents dignitaires de l’église, de la magistrature, de l’administration, de l’armée, toujours empressés de venir à nos fêtes
universitaires, témoigner de leurs sympathies et de leur
intérêt pour l’œuvre de l'éducation publique.
Je veux dire aussi toute ma gratitude pour la ville de
Nancy.
‘
Depuis la création de cette académie, chaque année à
pareil jour, nous recevions, dans cette salle décorée par le
pinceau d’un enfant de la Lorraine, une gracieuse hospita-
lité. Que l'administration municipale veuille bien en recevoir mes remerciements.
|
Qu'elle les reçoive également pour la nouvelle demeure
qui nous est ouverte.
Mais, ici, encore, permettez-moi,
Messieurs, de me ser-
vir des expressions mêmes de M. le Ministre.
« Nous voici, disait son Excellence, dans ce palais des
» facultés, courageusement entrepris, rapidement terminé,
» qui atteste par sa vaste el belle ordonnance que les sacri-
_—
12
—
» fices n’arrêtent pas votre énergie, quand il s’agit d’hono» rer les lettres et les sciences, et de leur ouvrir un asile
» digne d’une grande et généreuse cité.
» [Il est bien que la reconnaissance publique récompense
» les services rendus. »
« À la ville de Nancy! à vous, Messieurs ses admi.» nistrateurs, honneur et merci! »
RAPPORT.
DE |
M. GODRON, DOYEN DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
Monsreur LE RECTEUR,
MonsEIGNEUR,
‘
Messieurs.
Une année s’est écoulée, depuis que la munificence de
la ville de Nancy a doté sa Faculté des Sciences de locaux
appropriés à ses besoins, où les différents services, parfai-
tement isolés les üns des autres, fonctionnent avec la régularité et Faisance indispensables dans tout établissement
d'instruction, depuis l’école primaire jusqu'aux institutions
destinées à donner, au nom de l’État, l’enseignement supé-
rieur. Les professeurs d’une Faculté des sciences ne peuvent pas dire comme le philosophe Bias : Omnia mea
mecum porto ; ils ne peuvent non plus, comme le stoïcien
Zénon, réunir leurs disciples sous le portique, pour y exposer devant eux les théories les plus simples comme les
plus élevées. Leur action serait stérile, leur enseignement
incompris et sans autorité si, à chaque pas, ils étaient
privés de l’avantage précieux d'appuyer les théories, qu'ils
—
14
—
|
exposent, sur l'observation et sur. l’expérimentation, ces
deux bases fondamentales de l’enseignement scientifique.
Il leur faut des amphithéâtres et des laboratoires; des collections importantes et variées, se complétant au fur et à
mesure que le mouvement scientifique , qui entraîne le
monde actuel, crée aux Facultés des sciences des besoins
et des devoirs nouveaux, sont également indispensables,
si l’on veut qu’elles enseignent non-seulement les découvertes d'hier, mais encore celles d'aujourd'hui. Le Conseil
municipal, dispensateur intelligent des revenus de la Cité,
n'a pas hésité à lui imposer, dans les limites du possible,
les sacrifices nécessaires, pour la création de nos collections. Il a même
dévancé l'avenir, en nous dotant d’un
observatoire, auquel des temps plus favorables réservent,
sans aucun doute, les instruments
vations astronomiques.
nécessaires aux obser-
h
L'expérience acquise, pendant la dernière année sco-
laire, nous a démontré que la Faculté des sciences, grâce
au local et aux moyens d’action dont elle dispose aujourd'hui, est enfin en mesure de donner une nouvelle vie
à son enseignement, d’en assurer à la fois les développements théorique et pratique et d’atteindre le but que le
Gouvernement de l'Empereur attend de nos efforts.
L'impression, que produit sur notre esprit cette situation
favorable, a développé
chez nous un sentiment
de
profonde reconnaissance envers une ville, qui a généreu-
sement pourvu à tous nos besoins et assuré, nous en avons
la confiance, la prospérité d’un établissement, aujourd’hui
solidement assis au milieu d’une population si avide d’être
initiéeà tous les enseignements et aux progrès incessants
de la science moderne.
—
15
—
ENSEIGNEMENT.
Je ne m'étendrai pas sur notre enseignement officiel.
Il a eu lieu conformément aux programmes qui nous sont
donnés comme direction et que nous suivons religieusement. Je ne me permettrai, à cet égard, qu'un détail.
Vous savez tous que le soleil, ne se contentant plus de
féconder, comme par le passé, notre nature terrestre et
‘d'entretenir la vie de tant d'êtres divers, s’est fait peintre
depuis quelques années; il vient d'accepter encore un nou-
veau
rôle, celui de chimiste, et, qui plus est, il nous a
révélé, au moyen de ses rayons décomposés par le prisme,
quelques-uns des éléments constituants de sa propre substance. Aussi la Faculté s’est hâtée d'acquérir l’ingénieux
appareil de MM. Kirschoff et Bunzen, qui a permis, cette.
année, à M. le Professeur de physique, de rendre son auditoire témoin des merveilleux phénomènes produits par
cet agént nouveau et si sensible d'analyse chimique.
Il ést un autre enseignefent, plus élémentaire et essentiellément pratique , que la Faculté s’est bénévolement
imposé, ‘dépuis sept ans, en faveur des ouvriers de la ville.
Cette tâche: elle la continue avec
persévérance,
qu elle est par la seule conviction que
soutenue
cette œuvre -est
utile à l’une des classes les plus intéressantes de la population.
Mais ici, les sujets d’études sont livrés à l'initiative du
professeur et l’enseignement ne-se meut pas périodique
ment dans le mème cercle. Il offre, chaque année, un
aliment nouveauà l'ardeur d'apprendre que témoignent
les habitués de ces cours. Qu'il me soit permis d’indiquer
—
16 —
|
ici, quelles ont été, cette année, les matières enseignées
dans ces leçons du soir.
M.
Nicklès, s'est occupé,
|
d’une manière
exclusive, de
l'étude du cuivre, de ce métal précieux qui, le premier de
tous, fut connu et employé par l’homme et qui a joué dans
l’histoire et dans les progrès de la civilisation un rôle si
important,à partir de l’époque reculée qui a succédé à
l'ége de pierre.
En traitant de son extraction et de son histoire métal
lurgique, notre collègue a dû signaler les importantes exploitations de ce métal, exécutées sous la domination
romaine, sur plusieurs points de notre province äcadémique. Mais, ce sont surtout les applications industrielles si
nombreuses auxquelles il donne lieu, qui ont été le sujet
plus spécial du cours.
|
Les principaux dérivés du cuivre, ces couleurs toujours
si employées qu’on prépare avec lui, la peinture rouge sur
verre du moyen âge et les secrets des anciens verriers,
tels que l'hématinon, V'avanturine,
V'émeraude artificielle,
etc., ont été l’objet d’une étude complète.
Il en a été de même des alliages du cuivre et surtout de
cette importante triade qui se compose du laiton, du
bronze et de l'airain et de l'application de ces substances
métalliques au doublage des navires, à la fonte des statues,
des eloches et des canons.
La conservation des bois par le sulfate de cuivre, opération pratiquée aujourd’hui, dans nos forêts des Vosges,
sur une assez large échelle, ne pouvait être oubliée, à titre
d'industrie du pays.
Enfin, M. le Professeur de chimie a terminé par l'étude
de cet art nouveau,
connu sous le nom d’électro-métal-
_—
7
—
lurgie, et a initié son auditoire aux procédés si ingénieux
employés,
soit pour
la reproduction
des
caraclères,
des
bas-reliefs, des médailles, des timbres-postes, etc., soit
pour cuivrer les vasques et les statues, qui ornent les
fontaines monumentales et que nous voudrions voir appliquerà celles de la place Stanislas de Nancy, ce qui
en compléterait la restauration entreprise, avec une si
louable sollicitude par l'autorité municipale,
M. Chautard s’est occupé spécialement de l’étude des
propriétés moléculaires des corps et d’une classe de phé-
nomènes qui dépendent intimement de ces propriétés, je
veux parler de l’acoustique. La production et la transmission des sons, la théorie physique de la musique, létude
des différents instruments à vent et à cordes ont été l’objet
de ces leçons.
|
M. Renard a enseigné les applications de la géométrie
descriptive à la coupe des pierres, à la charpente, à la
théorie des ombres, à la topographie et au nivellement.
La coupe des pierres comprend, relativementà une cons-
truction quelconque, quatre opérations principales : le
tracé des épures, la taille des pierres, la pose des pierres
et les conditions de stabilité, Les principales constructions
qui ont été étudiées sous ces différents rapports, sont les
diverses espèces de voûtes simples et composées, par exem-
ple, les voûtes plales, les voûtes cylindriques, les voûtes
sphériques, les voûtes biaises, les voûtes d’arête, les voûtes
en arc de cloître, etc., puis les escaliers et les voussures.
La charpente s'occupe de la taille des bois et des diffé-
rentes espèces d’assemhlages. Les principes posés ont élé
appliqués à la construction
des combles à deux pentes, à
quatre penies, enfin aux combles brisés ou à la Mansard.
2
— 18 —
|
Les principes de la topographie et du nivellement nonseulement ont été enseignés, mais les jeunes gens qui
suivent ces cours, ont été exercés à l'exécution des épures,
sous la direction du professeur et de M. Mélin, maître des
travaux graphiques. En été, des exercices pratiques ont eu
lieu sur le terrain et les élèves ont effectué successivément
le levé des environs de la ferme Saint-Jean, du petit Jéricho et des Grands-Moulins. Leurs plans sort conservés
dans les archives de la Faculté.
M. Lafon a enseigné la mécanique appliquée. En s’appuyant sur la géométrie, ila pu en exposer, d’une manière
élémentaire, les principes les plus importants, dont l’ignorance fait que souvent l'esprit s’égare dans de vaines recherches et s’obstine, par exemple,
à vouloir trouver le
mouvement perpétuel. Ces principes de mécanique ont été
plus particulièrement appliqués, cette année, à l'étude
des machines à vapeur.
|
M. le docteur L, Parisot continue à prêter à notre œuvre
l'appui de son talent. Il a entretenu son auditoire de Palimentation, en développant spécialement quelques questions importantes, qui touchent à la fois à l’économie
politique et à l'hygiène. Après avoir défini Paliment et
prouvé, par tous les résultats pratiques et par les nombreuses recherches expérimentales dont cette question a été
l’objet, que l'alimentation doit ètre variée chez l’homme
et empruntée à la fois aux deux règnes organiques, il s’est
attaché à l'étude du sel considéré dans ses effets sur la
nutrition de l’homme et des animaux domestiques. Il s’est
demandé,
si avec du sel on fait réellement de la viande,
comme on l’a prétendu et si la prospérité de notre agriculture tient d’une manière intime à l'usage de cetie subs-
—
tance,
19 —
Lo
dans l’engraissement des animaux de boucherie; il
est arrivé à ces conclusions, que le sel en petite quantité
excite la sécrétion du suc gastrique, mais ne se fixe dans
les organes qu’en une faible proportion qu’il est inutile de
dépasser, puisque cette substance minérale surabondante
est immédiatement expulsée par la voie des excrétions.
Abordant ensuite la question de la consommation de la
viande en France et en Europe, il a fait voir, qu’à Nancy,
la moyenne sous ce rapport est celle que la science indique
et que l'Angleterre consomme. Il s’est altaché aussi à démontrer que la salubrité de la viande ne dépend pas de
l'espèce animale qui la fournit, et que l’introduction dans
le régime de l’homme de la chair de cheval ou du pore
nourri de débris animaux est parfaitement rationnel au
point de vue de l’hygiène.
|
.
Après avoir jugé la valeur des différents modes de préparation des aliments, il a étudié les principaux procédés
de conservation de la viande et propose comme moyen de
maintenir à cet aliment
sa fraîcheur, sa saveur et sa cons-
ütution physique, l'emploi de l'acide sulfareux, déjà appliqué avec succès par notre célèbre chimiste, Braconnoi, à
la conservation, à l’état frais, de ce légume dont Pythagore
interdisait l'usage à ses nombreux disciples. Enfin, M. Parisot s’est altaché à combattre une foule d'idées fausses
répandues dans le monde et relatives à l’alimentation.
Détruire un préjugé est souvent une conquête plus utile
que de découvrir une vérité nouvelle.
s
TRAVAUX PARTICULIERS DES PROFESSEURS
PENDANT LA DERNIÈRE
ANNÉE CLASSIQUE.
En déhors de leur énseignement, mes laborieux collègués ne son pas restés inactifs. Cofnme les années précédentes,
ils ont produit des travaux,
dont les réglemenits
me prescrivent de vous rendre comple dans chacune de
nos séances de rentrée.
À côté de travaux de critique scientifique insérés dans
les Comptes rendus de l'Académie de sciences, dans le Jour-
nal de chimie et de pharmacie et dans lun des organes
de la presse scientifique américaine, M. Nicklès a publié
plusieurs mémoires originaux et exécuté une invention
sur laquelle nous fixerons tout d’abord l'attention.
En installant son nouveau
laboratoire,
il à fait cons-
truire un alambic, dont les divers organes ont été agencés
de manière à produire très-régulièrement dés effets multi-
ples. Si la chimie est toujours l'art de manier le feu sous
ses différentes formes, on peut presque dire que, grâce au
nouvel appareil imaginé par notre collègue, l'expérimen-
tateur peut exécuter presque toutes ses opérations sans se
noircir les mains et sans aspirer des vapeurs nuisibles.
Sous prétexte de donner de l’eau distillée, cet alambic
donne de la vapeur d’eau, des bains-marie, des bains de
sable, des étuves à divers degrés de température,
des sé-
choirs, une chambre à fermentation, des entonnoirs à
filtration chaude, de l’eau distillée bouillante et de l’eau
distillée froide; enfin, en hiver, lappareil chauffe suffisamment
la pièce où il a été construit et tous ces services
|
_—
D
—
-
sont obtenus au moyen d’une dépense peu considérable en
combustible.
Quatre mémoires ont été publiés par M. Nicklès et je
crois devoir en faire connaître l’objet avec quelques détails
qui en feront ressortir l'importance.
Appelé par un établissement métallurgique à examiner
quelques échantillons de fonte, qui se distinguaient par
des propriétés spéciales, notre collègue fut frappé de l'état
d’imperfection dans lequel se trouvaient les procédés d’analyse alors connus.
On
se fera une idée de cette situa-
tion, quand on saura que le métal devait être réduit tout
d’abord en poudre impalpable; mais, en raison de son
excessive dureté, il devait y avoir mélange de matières
étrangères, provenant des agents mécaniques eux-mêmes
mis en action pour obtenir la pulvérisation. Cette poudre
devait être ensuite attaquée par les acides au risque de
voir se-perdre,
sous forme gazeuze,
certains principes
constituants du métal. Pour éviter ces causes d'erreur et
faciliter le
travail,
M.
Nicklès eut l'idée de se servir du
brome qui, uni à l’eau, désagrège assez facilement la fonte,
sans occasionner, par volatilisation, aucune perte des éléments qu’il s’agit de rechercher.
Une
importante
affaire
criminelle,
qui s’est dénouée
devant la Cour d'assises, a conduit M. Nicklès à imaginer
un procédé nouveau, d’une sensibilité extrême, pour reconnaître la nature d’une tache placée sur du linge. En
s’aidant de l'électricité et de réactifs appropriés, il est par-
venu à caractériser le métal, contenu dans cette tache en
quantité très-minime et à l’isoler de manière à lui conser-
ver son aspect particulier. Ce métal était l'argent. Ce pro-
—
2
—
cédé, qui est appelé à rendre des services à la médecine
légale, a dû être publié par-son auteur. ‘
Dans l’ordre des sciences purement théoriques, notre
collègue a fait encore, cette année,
la découverte d’une
nouvelle classe de combinaisons chimiques. La plupart des
composés salins sont formés d’un acide et d’un oxyde; on
sait aussi que certains de ces composés peuvent s'unir
entre eux pour former ce qu’on appelle des sels doubles.
La science connait aussi quelques exemples de sels triples.
Mais, ce dont on ne se doutait pas, c’est l'existence des sels
quadruples; M. Nicklès nous en a révélé un certain nombre, nous a fait connaître leur composition et a déterminé
leurs formes cristallines.
Enfin, il à publié des recherches sur une maladie du
vin,
connue
sous le nom
de vin tourné et s’est assuré
qu’elle est due à la formation d’acide butyro-acétique,
composé qu’il a découvert, il y a seize ans, à ses premiers
débuts dans la carrière des sciences.
Tels sont les travaux que, pendant la dernière année
scolaire, M. Nicklès est venu ajouter encore à tous ceux
dont il à enrichi la science depuis la création de notre
Faculté, Aussi vous avez tous applaudi à la brillante
distinction
que
Son
Excellence, M. le Ministre de PIns-
truction publique, a bien voulu lui accorder, à son arrivée
à Nancy et qu'il avait si bien méritée, et par son enseignement et par son ardeur brûlante pour les recherches
scientifiques.
|
Tout en continuant ses recherches théoriques sur l’élec-
tricité, M. Rénard nous a donné une excellente biographie
d’un mathématicien aussi modeste que distingué, M. Gustave de Coriolis.
Après avoir tracé,
dans une
première
—
93
—
partie, une analyse complète de ses travaux, de manière à
caractériser le savant, il s’est attaché, dans une seconde
partieà faire connaître l’homme de bien, en découvrant
quelques-unes des belles qualités de son cœur (1).
M. Lafon, dans une note, présentéeà l’Académie de
Stanislas, a donné une démonstration nouvelle des formules relatives au mouvement d’un corps solide, Par des
considérations purement géométriques , il arrive, en
outre,
à démontrer
cette question (2).
les formules de Lagrange relatives à
EXAMENS.
Baccalauréat ès sciences. — Les candidats à ce grade
universitaire continuent à se présenter en grand nombre
devant notre Faculté des sciences; 414 jeunes gens sont
venus, celte année, affronter ces épreuves si redoutées et
(4) Ge
travail
est intitulé
: ÂWofice historique sur la vie eë les
| travaux de Gustave de Coriolis. Naney, 1862, in-8&.
(2} Pour compléter les travaux des membres de la Faculté des
sciences, il faudrait y ajouter, pour obéir au vœu, qui s’est produit, il
y a un an, au sein du Conseil académique, les travaux du Doyen,
pendant la dernière année scolaire. Nous nous contenterons d’en indi-
quer les titres :
4° Essai sur la géographie botanique de la Lorraine ; À vol. in-12,
2 Etude ethnologique sur les origines des populations lorraines ;
brochure in-8°.
3° Mémoire sur les feuilles inéquilatères, présenté à l'Académie des
sciences de Paris; brochure in-8°.
4 Deux faits nouveaux relatifs à l’histoire des Æ gilops hybrides ;;
brochure in-8°.
—
—
cependant si peu redoutables pour lous ceux qui, ayant
suivi
consciencieusement
classiques,
le cours
complet
des
études
nous arrivent nécessairement pourvus de toutes
les connaissances qui conduisent naturellement à ce grade,
par une voie largement ouverte et dégagée de tout obstacle. Aussi, nous ne pouvons trop prémunir les jeunes gens
contre l’impatience qui les pousse à quitter des études
régulières, pour se livrer à une préparation superficielle,
qui très-souvent devient pour eux une déception dans le
présent, et ne leur laisse,
pour
réussir, dans la carrière
qu’ils ambitionnent, que des connaissances frop vagues,
dont l'insuffisance compromet leur avenir.
Nous devons dire, toutefois, que cette propension fàcheuse, contre laquelle nous nous sommes fréquemment
élevé dans cette enceinte, tend chaque année à s’affaiblir. L'expérience, ce guide si sage de toutes les actions
humaines, paraît avoir exercé sur l'esprit des jeunes gens
une influence plus puissante que n’ont pu Île faire nos
conseils désintéressés. Les compositions, qui sauvegardent
lés candidats des, effets de la timidité, si générale parmi
eux, à en croire du moins toutes lés letires de recommandation
qui nous arrivent,
mais surtout la nature de ces
épreuves ne s’accommodent guère d’une préparation artificielle au moyen
de ces affreux
manuels, que nous vou-
drions voir banuir de tous les établissements d'instruction.
Aussi, dans chacun de nos derniers rapports, avons-nous
eu à constater des progrès sensibles dans le niveau des
examens;
ces progrès ont été, celle année,
l'homme,
commence
encore
plus
saillants el nous sommes heureux de le constater. L’émulation, toujours si féconde lorsqu'elle anime le travail de
à dominer
ces froids
calculs,
par
— 2% —
|
lesquels les candidats dirigeaient leur préparation pour
atteindre rigoureusement au but et semblaient cramdre
de le dépasser. L’ambition d'être reçu à la tête de la série
s’est manifestée, pendant la dernière année scolaire, d’une
manière plus évidente encore que pendant les années précédentes. Jamais nous n’avions eu la satisfaction de pro-
clamer les notes bien et très-bien un aussi grand nombre
de fois que cette année. Nous commençons donc à faire de
véritables bacheliers ét beaucoup moins de ces gradués,
qui se sont imprudemment aventurés sur l’un de ces es-
quifs,-dont je tairai le nom, si fragiles et si sujets à som-
brer, maisqui cependant abordent exceptionnellement au
port contre vents et marées.
Il est une
autre ambition , non moïns digne d’éloges,
qui se développe de plus en plus dans d'esprit de nos jeu- .
nes candidais, c’est celle de conquérir les deux diplômes.
Nous
comptens,
cette année, 74 candidats, qui se sont
présentés devant nous déjà.pourvus du grade de bachelier
ès lettres. Les avantages, qui sont faits aux jeunes gens
doublement bacheliers pour l’entrée dans certaines écoles
spéciales, est une heureuse
pensée qui engage un certain
nombre d’entre eux à compléter leurs études littéraires et
scientifiques. Mais ce n’est pas le seul mobile qui les pousse
ainsi en avant; il en est, ét nous en connaissons, qui ne se
destinant pas aux écoles tiennent à honneur de ne pas
quitter les bancs du lycée ou du collège, sans posséder un
double parchemin. Nous ne pouvons que les encourager et
les féliciter de leur bonne volonté.
Quant à l'examen du baccalauréat divisé en deux parties,
nous n'avons qu’à répéter ce que nous avons déjà cons-
tâté, dans nos précédents rapports, c'est que ce
d'examen facilite les réceptions.
o
mode
ON.
Nous résumons les résultats des trois sessions d’exa_ mens de la dernière année scolaire dans le tableau suivani :
Nombre
mis
| Candidats
es
admis
candidats. aux épreuves gratuitement
complet. ..,
Baccalauréat
restreint...
L
1" partie.
2% partie...
166
.
17
110
:
99
84
9
7
78
77
191
68
414
954
.
66
9234
*
Laeence ès sciences. — Les candidats, qui se sont présentés aux épreuves de la licence ès sciences, pendant nos
deux sessions réglementaires, ont été au nombre de treize,
chiffre relativement élevé, si on le compareà celui que
présentent annuellement les diverses Facultés provinciales
de l’Empire et si l’on songe que ce grade difficile à acqué-
rir ne conduit à une position que dans la carrière de l’Instruction. Parmi ces 13 candidats,
8 nous ont demandé la
licence ès sciences mathématiques, 4 la licence ès-sciences
physiques, un seul la licence és-sciences naturelles.
Le résultat de ces examens a été l'admission au grade
_
97
—
de licencié ès sciences mathématiqués de MM. Philippe
et Chrétien, maîtres-répétiteurs au lycée de Nancy et de
M. Maxant qui a le même grade au lycée de Bar-le-Duc;
MM. Ravier, Mathouillot et Langrogne, maîtres-répétiteurs
au lycée de Naney, ont obtenu le diplôme de licencié ès
sciences physiques et M. Seguinaud, pharmacien à l’hôpital
militaire
de Nancy,
sciences naturelles.
a mérité
celui de licencié
ès
Tels sont les faits qui se sont produits pendant la dernière année scolaire; telle est la situation que notre Faculté des Sciences a su jusqu'ici conserver; j'ai la confiance qu’elle ne déviera pas de la voie dans laquelle elle
s’est engagée et que mes laborieux collègues continueront
à prendre au sérieux la mission importante qui leur a été
confiée.
RAPPORT.
DE
M. Cu. BEN OIT,DOY EN DE LA FACULTÉ DES LETTRES.
Monieür
LE RECTEUR,
MoNSEIGNEUR,
Messreurs,
I semblé qu'aujourd'hui, après huit ans déjà écoulés
dépuis la fondation de nos Facultés, nous recommencions
une phase nouvelle d'existence. Nous voilà, en effet, ins-
tallés enfin dans le noble édifice que cette ville généréuse
a voulu consacrer aux Letires et aux Séiences. Les Muses
ont trouvé ici un temple digne d'elles. Mais, tout en
prenant possession avec reconnaissance de ceite nouvelle
demeure, nous ne pouvons cepéndant ne pas adresser un
pieux adieu au modeste réduit qui nous abrita longtémps
et où se sont formées nos premièrés amitiés: Tout austère
en effet, que fût notre vieillé salle, l'accoutumarice nous
y avait attachés; et il nous a semblé,
en la quittant, que
nous ÿ laissions-une partie de nous-mêmes. Mais non, je
mé trompe; nos mes ne s'étaient pas attächées aux pierres
—
30
—
de l'édifice. C’est vous, Messieurs, qui
étiez la parure
de
ces murs sévères; ce sont vos cœurs qui y frémissaient
comme un écho de nos paroles émues; c’est à vous que
nous tenions. Or, vous nous avez suivis, vous nous suivréez
dans cette demeure
nouvelle. Sans doute il vous faudra
venir plus loin à travers la grande place. Mais votre zèle
pour les choses de l'esprit est éprouvé; et nous avons lieu
de croire que nos entretiens littéraires sont désormais
entrés dans les habitudes durables et les mœurs de cette
ville.
|
Nancy, par la splendeur même de l'édifice, a montré
une fois de plus l’estime qu’il fait des choses de la pensée.
Qu'il me
soit permis, Messieurs, en cette occasion solen-
nelle, d'exprimer toute notre gratitude à ladministration
municipale, qui a pourvu avec tant de munificence aux
besoins de l'Enseignement supérieur présent et futur; et
surtout à l’homme de tête et de cœur, qui y préside et qui,
se souvenant du passé de notre ville et se confiant à sa
fortune dans l'avenir, la pousse d’une main si ferme et si
libérale vers sa destinée. Déjà le Ministre de l’Instruction .
publique s’est fait l'interprète de notre cœur. Par amitié
pour M. le baron Buquet, en mème temps que pour rendre:
hommage à la générosité de Nancy, M. Rouland a voulu
présider Iui-même à l'inauguration du Palais et témoigner
ainsi de la reconnaissance publique.
Ni lui, ni nous, Messieurs, n’oublierons de longtemps
et sa cordiale démarche et l'accueil que notre ville lui a
fait. Déjà, Messieurs, le Ministre avait été touché de l’ardeur avec laquelle vous aviez sollicité autrefois le rétablissement de votre Université, et de votre zèleà profiter de
ce qui vous. était rendu. Ce qu’il a vu depuis n’a fait
—
81
—
co
qu’augmenter son estime. Dans un temps où les affaires,
l’industrie, le cours de la Bourse fascinent, absorbent
toutes les âmes, il a rencontré une ville, où, tout en s’asso-
ciant aux vrais progrès du siècle, on a conservé le goût et
le culie désintéressé
des sciences
et des lettres, et où
les
Muses ne trouvent pas seulement un brillant sanctuaire,
mais (ce qui vaut mieux) un grand nombre de fidèles ado-
rafeurs. En venant ici, il a mieux compris que Nancy est
une de ces cités vraiment royales, que leur avenir autant
que leur passé appelle à devenir le centre d’uné grande
sphère et un foyer de hautes études. Il a senti que ce
n'était pas sans raison que nous réclamions avec insistance
le complément de notre établissement universitaire; et il
a laissé entrevoir que le vœu d’une Ecole de Droit pourrait
être réalisé un jour. Quand ce jour viendra-t-il? peu importe : il.ne s’agit que d'attendre. En principe, notre
cause est gagnée, la raison finit toujours par avoir raison :
et le bon droit hérite du temps.
Cette visite du Ministre a été une fête tout aimable dans
sa solennité. Vous n'avez
pas oublié en elfet, Messieurs,
: tant de paroles affables et surtout ces mots pleins d’à-pro-
pos avec lesquels cet hôte, charmé lui-même, distribuait
les Croix
suis sûr
acquitter
publique,
dans un Champ de Mars d’un nouveau genre. Je
que le Ministre, qui de loin pensait sans doute
pleinement avec ces Croix la dette de l’estime
a regretté alors d’en avoir si peu à décerner, au
milieu de tant de mérites divers. Il a su choisir à merveille,
sans doute; et vos applaudissements ont prouvé que vous
“choisissiez comme Jui. Mais pourtant que d'hommes distingués pour lesquels il a fallu ajourner encore notre espérance, et qui ne feraient pas moins d'honneur à la Croix
par leur caractère que par leur talent?
EXAMENS.
Doctorat. Noùs u’avons pas eu, celté année comme la
précédente, l’occasion de décerner le grade de Docteur.
Est-ce que personne ne songe plus à le conquérir? Non
pas. Deux candidats fort distingués, au- contraire, nous
deslinaient leurs thèses. L'un d'eux est M. Fialon, ce
maître excellent que le Lycée de Nancy est heureux de
garder encore cette année, et qui depuis longtemps pré-
“parait deux remarquables ouvrages, l'un en latin sur
Atticus, l’autre en français sur saint Basile. Mais, dans
notre estime pour ces deux thèses, nous avons cru devoir
donner à M. Fialon le conseil trop désintéressé peut-être
de se présenter de préférence à la Sorbonne pour y recueillir sur un plus grand théâtre le succès plus éclatant
dont il était digne. C’est pousser sans doute bien loin
l'abnégation. Mais pouvons-nous nous flatter de soutenir ici
ce grade contre le discréditattaché depuis longtemps à tort
ou à raison aux Doctorats de province? Nous avons la conscience assurément, qu'un docteur chez nous ne sera pas
admis à moindre prix qu'un docteur de Paris. Mais de son
grade lui tiendra t-on autant de compte dans l'Université?
Cela le recommandera-t-il autant pour sa carrière? Le préjugé est plus fort que nous. — L'autre candidat s’annonçail:
avec deux thèses d’une piquante curiosité, lune sur la
légende de Faust, l’autre sur le joli poëme où Musée nous
conte les amours et la mort romanesque d'Héro et de
Léandre. Nous étions disposés à faire fête à ce candidat
_—
335
—
plein de promesses. Mais il semble que les conseils, que
nous lui donnions dans le but d'améliorer encore son
œuvre, l’aient découragé, et qu’il ait cherché fortune
ailleurs.
Licence.
La
Licence
de son côté
ne
nous
a produit,
cette année, qu’une moisson bien modeste. Est-ce la faute
des candidats? Dieu me garde de leur adresser à ce sujet
aucun reproche. Témoin assidu au contraire de leurs
efforts, je dois louer leur laborieuse
persévérance. Mais,
pour la plupart, ils appartiennent maintenant à ces géné-
rations moins heureuses qui ont grandi et se sont formées
alors que les Lettres latines et grecques languissaient,
frappées de discrédit par les évènements. Il est difficile de
remédier plus tard à ce défaut de l’éducation classique.
Plusieurs toutefois
se mettent à l’œuvre avec courage;
mais la route est pénible et le but éloigné. Nos candidats
d’ailleurs, maîtres répéliteurs pour la plupart dans nos
Lycées, ou régents dans les colléges communaux, absorbés
par les devoirs de leur tâche quotidienne, ont trop peu de
loisir pour leurs études personnelles. N’y saurait-on remédier, Messieurs? Ne serait-il pas désirable, que, sinon dans
tous les Lycées, au moins dans ceux qui sont placés auprès
d’une Faculté, on doublât le nombre des maîtres répétiteurs, et que la surveillance ainsi partagée laissât à ces
jeunes gens quelque répit pour travailler et assurer leur
carrière? Ce serait, au dessous de l’École normale, comme
autant de pépinières où l’administration pourrait choisir
des maîtres aussi bien préparés pour l’enseignement acer
pour la discipline. Cette idée n’est pas nouvelle. Nôus
savons mêine qu’ellea déjà été prise en très-sérieuse con:
—
34
—
sidération, Mais nous en hâtons l’accomplissement de tous
nos vœux.
En attendant,
remercions M. le Recteur des
encouragements qu’il donne à la jeunesse universitaire,
en réservant, autant qu'il le peut, à nos licenciés toutes
les chaires d’humanités. Cette prime paraît toutefois insuffisante encore pour exciter l'émulation. Car dix Candidats seulement
se sont depuis
un
an
présentés
à cet
examen: à savoir, 3 en novembre 1864, et 7 en juillet
1862. Dans la première Session, deux sur trois ont été
jugés dignes du grade de Licencié, MM. de Roche du Teilloy et Thouvenot. Dans la seconde, trois Candidats
ment ont été admis,
MM.
Rosmann,
seule-
maître répétiteur au
Lycée de Reims, maintenant chargé de Cours au Lycée
de Brest; Schnox, maître répétiteur au Lycée de Nancy;
et Adam, élève libre de la Faculté.
Baccalauréat. Tci, Messieurs, au contraire chaque
an-
née le nombre de nos candidats s'accroît et le niveau
moyen de l’Examen s'élève. L'Éducation classique, tant
ébranlée, il y a tantôt dix ans, par des mesures que sem-
blait alors exiger l'esprit public, se raffermit de plus en
plus sous la main discrète
qui,
d’un
en gardant les avantages
Ministre, ami
des lettres
reconnus du système, en
corrige peu à peu les inconvénients. Car, à n’en voir que
les dehors, il semble que c’est toujours le même édifice;
_mais des changements dans la distribution intérieure l’ont
transformé sans bruit et rendu habitable. — Le Ministre
de l'instruction publique est le Ministre de l'avenir. C’est
à lui qu'appartient de préparer la prospérité future du
pays par l'éducation de la jeunesse, et de diriger Pesprit des générations nouvelles dans ces conquêtes de la
—_
55
—
pensée, qui ne sont pas une des parts les moins glorieuses
de l’activité de la France. Voilà ce que l'Empereur attend .
de lui, l'Empereur, qui veut que notre patrie reste en tête
de la civilisation du monde, et qui n’est pas moins jaloux
de la grandeur morale de la France que de sa richesse
industrielle et du prestige de son épée. Avec le sentiment
profond de sa mission et la conviction qu’il n’y a pas
d'éducation libérale, dont les Lettres ne soient le fondement, M. Rouland n’a cessé de travailler à rendre aux
Lettres dans nos études la place qu’elles n'auraient jamais
dû perdre. — Mais ajoutons que, dans ses mesures réparatrices, il a été admirablement secondé par le bon sens
public. En France, il peut y avoir des moments de surprise et d’engouement. On a pu
croire que les Sciences,
si fécondes de notre temps en grandes choses, pourraient
suffire à la culture des esprits et aux besoins de l’imagination; que les langues vivantes seraient substituées avec
plus de fruit aux langues mortes de la Grèce et de Rome ;
et qu'il valait mieux être en état de causer d'intérêts avec
un Allemand ou un Anglais, qu'admirer à grand’peine à
travers un texte mal compris les chefs-d’œuvre de Sophocle
et de
Démosthènes.
Pour
un
siècle
livré
aux
affaires,
c’était plausible. Mais, chez nous, ces erreurs du sens
commun ne sont pas longues. On a bientôt compris
combien il était insensé de couper en deux l'esprit
humain, tandis qu'il faudrait au contraire par l'éducalion en rapprocher
les deux
parties,
si elles étaient
séparées. L’instruction littéraire et l'instruction scientifique sont faites, en effet, pour se compléter mutuellement.
À l'éducation littéraire appartient de commencer le développement intellectuel et moral des esprits. Puis, quand
—
les Lettres,
donné
36
—
après avoir éveillé toutes
l'essor aux nobles instincts
les
facultés et
de l’âme, nous auront
appris ainsi à penser et à sentir, alors seulement l’intelligence ainsi faconnée pourra être appliquée avec succès
aux branches diverses de la science et de l’activité humaines. Que les Lettres donc soient encore la meilleure
préparation à l'étude des Sciences, c’est ce que nos jeunes
gens, tout pressés qu’ils soient d'arriver au but, ont eu le
bon sens de comprendre eux-mêmes. Quelques-uns peut-
être ont eu besoin d’y être quelque peu aidés par l’excel-
lente mesure, qui invite de la façon la plus éloquente les
candidats de Saint-Cyr et de l'Ecole forestière à se faire
recevoir bacheliers ès leltres, en attachant à ce grade une
grâce efficace pour leur en ouvrir les portes. Mais la plupart venaient d'eux-mêmes au Baccalauréat. Voyez en
effet les candidats à l'Ecole polytechnique; le plus grand
nombre et surtout les meilleurs, quoique le baccalauréat
ès lettres ne leur ässure aucun privilége, ne se montrent
pas moins.jaloux de s’en parer. Dans leur noble ambition,
il ne leur suffit plus d’être des ingénieurs ou des officiers :
ils veulent aussi être des hommes; et ils sentent de plus
en plus que, pour le devenir, la chimie ni lalgèbre ne
suffisent pas.
L'an
dernier, nous comptions
226
Candidats;
cette
année 275, c’est-à-dire, 49 de plus. Sur ce nombre, 165
ont été admis, et 110 ajournés. Les vainqueurs sont done
dans la proportion de 59 pour cent. Toutefois, si le niveau moyen des examens s'élève, les brillants succès
semblent devenir plus rares. Personne, en effet, n’a atieint
la mention Parfaitement bien. La note Très-bien a même
37
mme
été donnée rarement ; 41 Candidats seulement Pont obis-
nue, à Savoir:
. MM. Percez
de Vienne (Henri)
. MM. Blondel
_ Bayer
Lemaire
Ancel
Ferry
Martin.
Petiti.
Vincent
Briard
:
La note Pen n’a pas été plus fréquente : nous n'avons
| pu laccorder non plus qu'à 12 Candidats: tändis que
34 Candidats ont-été admis avec la mention Assez bien;
et 88 Passablement.
|
d'Avril, |
d'Août.
44 | 13 |
| 153 | 511
E
à
1 | 141
»
42l6e3l,
|
Passable.
IES
=
Bu,
ro
RE
D
&
Assez
‘ bien.
dats. | PE | 23
bien
SESSIONS | Qu. | © RERLTE
}
Bien,
Reçus.
|
Éliminés à
| Très-hier
Nombre.
98
49
EH
.
de
Novembre
TE
26
| T
|
| oraux.
978 | 90 ! 20
28
1331»
|110Ù
EE»
{1
1?
54
88
Total.
—
38 —
|
:
|
Le bataillon d'élite, comme on le voit, est peu nombreux,
À quoi cela tient-il? Est-ce que la discipline actuelle
des études,
en soutenant
mieux les médiocrités, dépri-
merait le talent? Je ne sais. Mais, fout en reconnaissant
que nos enfants aujourd’hui travaillent plus que jamais, je
vois avec regret que beaucoup le font trop en mercenaires,
et non pour le goût de savoir et d'ajouter ainsi à la valeur
de leur être. La noble éducation classique a perdu en
grande partie son caractère libéral. Le baccalauréat, qui
n’en devait être que le contrôle, en est devenu le but. Le
Manuel pour la plupart de nos écoliers est le livre de
chevet, l’abrégé de toute la science humaine; leur curiosité
et leur ambition ne vont pas au delà. Science bien superficielle et bien indigeste, mais qu’on n’amasse que pour
un jour marqué, et dont on se débarrassele lendemain.
Le Discours latin même, dans la pensée de plusieurs, n’est
encore qu’une machine de guerre, qu’on s'exerceà construire de pièces plus ou moins assorties, une espèce de
Cheval de bois, avec lequel on se flatte de pénétrer par
surprise dans les murs d’Ilion. On apprend par cœur des
lirades d’auteurs latins, qu’on est bien décidé à faire
entrer de gré ou de force dans la composition, quel qu’en
soit le sujet. Le sujet cependant se dérobe quelquefois à
toutes leurs prévisions et à leurs efforts : et il est triste
alors de voir ces pauvres désappointés s’agiter par terre
commes des papillons, auxquels on a coupé les ailes.
Cette discipline mécanique des études et la superstition
des programmes sont aujourd'hui généralement dénoncées conime un fléau de notre éducation elassique. Les
maîtres de l’enseignement s’en sont émus : plus que
personne, l’homme prévoyant, qui préside aux destinées
— 59 —
|
de l'instruction, et qui, après avoir tant fait déjà pour
raffermir les études, s'inquiète si justement encore de les
voir s’abaisser trop souvent à n'être plus que l’apprentissage d’un Examen. I} connaît la source du mal. On avait
trop peut-être asservi les études littéraires à des règle
ments minutieux : plus de liberté pour le travail spontané,
d’essor pour l'initiative personnelle; plus de loisir même
pour les lectures. Nos Lycées risquaient de devenir sem-
blables à une caserne, où les esprits seraient obligés de se
régler sur le ‘tambour et de marcher au pas uniforme.
Notre Ministre {comme il l’a dit en nobles parolesà la
distribulion des prix du Concours général) se préoccupe ”
de mieux concilier avec la discipline nécessaire une cer-
taine liberté des esprits; et dans le cercle régulier des
devoirs de la classe, il veut ménager une part légitime.
d'indépendance au développement des goûts et des aptitudes particulières. Après tant de réformes heureuses apportées déjà aux épreuves du baccalauréat, il songe surtout à
en diminuer autant que possible les hasards, en sorte que
le grade de bachelier soit réellement désormais le témoignage sérieux, et comme la consécration de la vraie
éducation classique. « N’est-il pas désirable (ajoutait-il)
» que cet examen devienne une épreuve plus intelligente
» et plus sûre, quand elle n’est encore trop souvent qu’une
» gymnastique de la mémoire, et qu’elle pousse ainsi à la
» désertion d'études solides ét régulières, pour favoriser
» les préparations hâtives et trompeuses?
Ces questions
» éclairées par l'expérience, sont dignes de la sollicitude
» de l'Université, qui prend l'engagement de les étudier et
» de les résoudre, » Jeunes gens, fiez-vous en à la parole
de ce Ministre si prudent et si décidé tout ensemble, Chez
_— 40 —.
lui, la mesure suit de près la promesse. Livrez-vous donc
à vos études de tout votre cœur, et brûlez vos manuels.
-ENSÉIGNEMENT,,
Je vous devais, Messieurs, ce compte de nos Examens,
à vous, qui suivez avec tant d'intérêt la marche de notre
éducation
nationale
dont
ces
examens
sont
comme
la
statistique, et qui, dans la tendance du présent, interrogez
les promesses de l'avenir. Laissez-moi maintenant vous
* parler de notre enseignement, qui ne vous intéresse pas
moins. Je tâcherai à dessus d’être bref. Vous connaissez et
nos Cours, et l'esprit qui les inspire. Dans les voies diverses, où nos
études nous
engagent,
vous
le savez, une
même pensée nous anime, c’est que le beau et le bien se
tiennent étroitement unis, et que dans l'enseignement des
Lettres on ne saurait séparer l’art et la morale.
Philosophie. M. de Margerie, l’an dernier, traitait de la
Morale sociale,
c’est-à-dire,
des droits et des devoirs
de
l’homme dans la Société civile. Après tant de sophismes,
par lesquels les fanatiques du Contrat social avaient fini
par obscurcir et troubler la conscience publique, il ne
faut pas se lasser de rétablir en leur lumière les vrais
principes de l’organisation politique. Pour cela, M. de
Margerie a voulu remonter jusqu'aux lois éternelles, que
Dieu lui-même a données pour fondements aux sociétés
humaines. Quelle est l’origine et la raison d’être de la
Société civile et politique? Quels sont les éléments consti-
tutifs du pouvoir, dans lequel elle se résume? Quel est le
_
H
rôle et la mission de lPEtat dans l’ordre économique,
l'ordre intellectuel et l’ordre moral? Jusqu'où doit s'é-
tendre son action légitime? Qu'est-il en droit d’exiger à
son tour des citoyens, en retour de la protection qu’il leur
accorde? — Après avoir demandé à la métaphysique même
la solution de ces questions, et ainsi établi sur des bases
inébranlables les principes de la Science politique, M. de
Margerie a repris à leur tour chacun des grands problèmes
sociaux les plus controversés de nos jours. Ainsi, le principe tant attaqué de la Propriété, les questions si graves et
si actuelles de l'Esclavage, du Paupérisme, de Assistance
publique, de la Loi pénale et du Régime pénitentiaire, ont
été discutés par lui avec cette solidité et cetie haute sagesse, auxquelles il vous a depuis longtemps accoutumés.
La fin de l’année l’a surpris, avant qu’il n’aït pu compléter
son Cours (comme il se proposait de le faire) par une étude
des principes du Droit internalionnal. Aussi, les premières
leçons de cette année seront-elles consacrées à acquitter
cette dette. Puis seulement après, le Professeur entamera
. son nouveau programme. — Îl se propose, cette année, de
vous retracer à travers les âges l’ Histoire de
Pulosophie morale et politique, dont il a établi
les principes, et de suivre les transformations
du Droit civil depuis Pantiquité jusqu'aux
dernes, en
cherchant
ainsi
la confirmation
cette même
l'an dernier
successives
temps mo-
ou
la contre
épreuve des doctrines qu’il a établies, dans l’expérience
du passé. C’est à Athènes et à Rome, qu'il ira donc d’abord recueillir tout ce que la civilisation antique, à son
époque la plus brillante, a répandu de lumière sur les
questions sociales. Puis, se transportant au cœur du Moyen
Age, il vous montrera les principes d’une civilisation plus
—
BR —
|
haute et d’une morale plus pure émanée de l'Évangile ar-
rivant peu à peu à se faire jour à travers la violence de la
conquête barbare et la confusion des temps féodaux. Enfin,
dans l’âge moderne, vous assisterez à l’enfantement labo-
rieux d’un nouvel ordre social, où la raison s'efforce de faire
prévaloir de plus en plus les principes de justice dans les
‘relations mutuelles des peuples, des gouvernements et.des
individus,
et y réussit d’autant
mieux,
qu’elle
s'inspire
plus directement des idées chrétiennes et spiritualistes.
Dans ceîte revue historique des systèmes, où les questions
sociales et les questions politiques sont sans cesse mêlées,
M. de Margerie (avec son tact ordinaire, et cette parole à
la fois discrèle et Joyale, qui lui permet de tout aborder
sans péril)
s’attachera
surtout
aux
premières;
et il ne
touchera aux secondes; que dans les généralités, et par les
seuls côtés où la politique est subordonnée à la métaphysique et à la morale. — Les deux années formeront (comme
vous le voyez) un Cours complet de droit public. Espérons
que de ces lecons M. de Margerie fera un livre (comme
il l’a fait pour ses leçons sur la Famille). Ce sera un excellent Manuel pour l’homme d'état et le citoyen.
Histoire. L'an dernier, M. Lacroix nous à retracé un
tableau des Croësades, et nous a transportés en esprit au
milieu
de
cet
âge
héroïque,
où
un
commun
enthou-
siasme de foi et d'ardeur guerrière soulève et réconcilie
l’Europe entière, pour l'entrainer à la délivrance du Saint
Sépulcre. Il lui a été facile
aujourd’hui, aux clartés de la
critique moderne, de dissiper les préjugés des politiques
et des historiens, qui en avaient presque jusqu'ici méconnu la sage inspiration et la grandeur, pour n’en voir
—
45
—
que les fautes et les revers. Dans ce duel entre l'Occident
et l'Orient, M. Lacroix s’est attaché à nous montrer, que
ce n’était rien moins que la civilisation chrétienne tout
entière qui était en péril; et tout en confessant que
l'exécution a trahi en partie Ja pensée de cette grande en-
treprise, en regrettant que la sainte cause ait été désertée
par ses défenseurs fatigués de désastres, alors qu’il aurait
suffi d’un peu plus de persévérance pour en assurer le
complet. triomphe, il à établi que l’Europe n'en fût pas
pas
moins sauvée par cet effort héroïque,
et le flot de
l'invasion musulmane pour jamais refoulé en Asie. À ses
leçons, nous avons ainsi appris à mieux comprendre et à
davantage admirer ce grand souvenir de notre histoire.
Car celte guerre sainte, glorieuse pour le monde, l’a particulièrement été pour la France, qui en a donné le signal
et soutenu surtout l'effort; la première arborant sa bannière aux tours de Jérusalem, la dernière à verser son sang
pour la même cause aux plages d'Egypte et de Tunis.
Restons
en fiers, Messieurs.
Ah!
si, du
reste, la France
s’est prodiguée dans cette cause généreuse, nulle nation
en Europe n’en a plus qu’elle recueilli les fruits. Quels
fruits? direz-vous. La trace des Croisés en Orient ne s’estelle pas aussitôt effacée, comme le sillage d'un navire?
Non pas: il est des conquêtes plus durables que celles
d’un coin de terre. Pour prix de son noble rôle, la France
restera désormais parmi les peuples une nation prédestinée. Elle sera l'attente du monde, l'espérance de toutes
les nobles causes opprimées, et comme la conscience du
genre humain. Elle gardera surtout en Orient un prestige
immortel. Son épée sera vouée à protéger tout ce qui est
juste, out ce qui est saint ; jadis Jérusalem, hier les chré-
=
—
o
tiens de Syrie, aujourd’hui Rome. Et en ses jours de péril
il semble que la Providence fasse des miracles manifestes
pour la sauver elle-même. Voilà la destinée,
Croisades lui ont faite.
:
Cette
monde
année,
M.
Lacroix
bien différent.
va nous. entraîner
que les
dans
un
C’est le siècle de Louis XV,
ou
plutôt de Voltaire, qui sera le sujet de ses leçons.Il y a
deux ans, vous le savez, M. Lacroix avait étudié les progrès
et l’organisation de la monarchie absolue sous Louis XIV.
Cependant, tout en vous en déroulant le ‘majestueux
tableau,
il vous avait fait entrevoir déjà
grand règne, au temps même
tout ce que
ce
de ses splendeurs, laissait
éclater de symptômes de ruine. Ce despotisme à outrance,
à force d’abuser du pouvoir,
de la richesse, de la gloire,
a fatigué la fortune et la patience des hommes. Du vivant
même du grand Roi, déjà l’idée d’une réforme fermentait
partout. À sa mort, le sentiment d’une immense lassitude
fait explosion. Mais c’est sous le règne surtout de son arrière petit-fils, que tout semble conspirer, et la faiblesse
des dépositaires du pouvoir et l'ardeur de l’esprit nou-
veau, à la dissolution de l’ancien régime. Ce travail de la
décomposition
sociale,
même temps l’œuvre de
que M. Lacroix a choisi
Sans négliger sans doute
gère, il s’attachera donc
à
travers
laquelle
s’élabore
en
la société future, voilà le sujet
pour ses études de cette année.
l'histoire de la politique étransurtout à suivre dans ses phases
diverses cette fermentation intérieure, et le mouvement de
l'opinion, qui commence dès lors à jouer sur la scène du
monde le principal rôle. I vous: montrera les idées novatrices, les unes vraiment justes et fécondes, les autres
subversives, minant d’abord en silence et souterrainement
—
45
—
LL
les fondements de l’ordre politique; puis, à mesure que le
succès les enhardit, toujours plus agressives, plus violentes,
et finissent comme un torrent par entraîner vers l’abîme
dans leurs ondes. troublées les débris du vieux monde.
En suivant ainsi la marche des idées et des événements
de 1715 à 1774, M. Lacroix vous acheminera vers la Révolution Française, cette Révolution unique entre toutes,
qui s’est faite au nom de la raison pure, plutôt qu’en vue
d'une amélioration prochaine et positive dans la constitution, et dont on ne saurait sans cela comprendre ni la
nalure, ni la marche, ni les excès, ni tant de redoutables
problèmes, qu’elle a légués à la société moderne, et dont
la plupart
pèsent encore sur notre avenir;
nuées d'orage, qui apportent à la terre dans
obscurs l’épouvante ou la fécondité.
comme
ces
leurs flancs
Littérature ancienne. À mesure qu’on gravit les pentes
de l'Himalaya, sans doute on voit sur sa tête grandir de
nouveaux sommets, mais aussi au-dessous de ses pieds
s'étendre
un
plus vaste horizon.
Ainsi
M. Burnouf,
re-
montant d’antiquité en antiquité presque jusqu’au berceau
du monde, nous a initiés l'an dernier au plus ancien
monument de la civilisation Aryenne, et à ce livre des
Vèdas, qui de tout temps à été comme la bible des populations de l’'Indus et du Gange, el comme la source sacrée,
d’où sont sorties les croyances religieuses, les institutions
sociales, les idées philosophiques ou littéraires de l'Orient.
— Cette année, il se propose de faire une étude analogue
de la Grèce
aux
temps héroïques,
en
considérant
cette
jeune société hellénique dans les tableaux qu'Homère nous
en a laissés. Sans doute les épopées homériques sont de
|
—
46 —.
beaucoup postérieures aux hymries du Vêda, et ne repré-
sentent plus ni les doctrines, ni l’état social des plus anciens
temps de la Grèce. Toutefois, malgré les altérations, que
la primitive civilisation de la Grèce a déjà subies à cette
époque,on entrevoit encore aisément que les idées, les tra-
ditions, la poésie helléniques sont sorties de la même
source que celles des Vèdas. — Parti lui-même, pour ainsi
dire, des bords du Gange pour arriver en Grèce, M. Bur-
nouf pourra éclairer ainsi d’une lumière nouvelle les antiques symboles de la mythologie homérique, si défigurés
depuis par la fantaisie des poëles, et leur restitugr leur
primitif esprit. Dans la comparaison, qui se présentera
naturellement à lui entre cette race des hellènes et les
peuples de l'Orient, il s'arrêtera à signaler les traits distinctifs de ce génie Grec, si flexible à la fois et si original,
qui transforme à son image tout ce qu'il prend ailleurs, et
le caractère propre de cette jeune et active société, qui
semble s'être organisée, pour donner plein essor à toutes
les facultés de la nature humaine. — Pour cette étude
comparée des plus anciennes civilisations du monde, qui
est mieux préparé que M. Burnouf? Depuis des années, il
vit dans un commerce intime avec ces antiques langues et
ces peuples de la jeunesse du monde; il a conversé avec les
brahmanes et les rhapsodes; et il a deviné ce qu’ils prétendaient lui cacher. En étudiant de plus près à leurs sources
les idées et les sentiments de ces peuples d’autrefois, il a
compris qu'il n’y avait pas seulement là une curiosité du
passé, mais encore un Intérêt d'avenir. L'Inde d’aujourd’hui, Messieurs, est encore un mystère en eflet pour qui ne
connaît pas la vieille histoire de ses idées et de ses mœurs.
Et maintenant que l'Orient semble de plus en plus s’ou-
—
ET —
:
vrir à la conquête
de notre civilisation occidentale, nous
ne pouvons nous flatter d’y exercer une influence efficace
et durable, qu'à la condition d’en bien connaître le tempéñ
rament intellectuel et moral. — Voilà surtout la pensée
généreuse, qui inspire M. Burnouf dans ses études sur
l'Inde : voilà ce qui lui a fait entreprendre ses Livres élé- .
mentaires,
sa
Grammaire,
son
Dictionnaire
destinés
à
populariser parmi nous la langue sanskrite. Cette noble et
intelligente ambition a frappé depuis longtemps l'esprit
du Ministre de l'instruction publique. En venantà Nancy,
il a promis à ces travaux tous les encouragements, dont
il peut disposer. Mais en même temps, il a été heureux
de profiter d’une occasion si solennelle, pour donner à
M. Burnouf cette décoration de la Légion d'honneur, que
votre estime et celle du monde savant lui décernait depuis
longtemps.
|
|
Littérature française. Van dernier, nous avons retracé le
tableau des Lettres Françaises pendant la révolution, avec
le dessein de le continuer jusqu’à la fin de l'Empire. Mais
l'espace pour cela nous a manqué. Nous étions restés trop
longtemps au pied de la tribune de l’Assemblée nationale,
tout émus des grandes luttes de l’éloquence parlementaire;
et nous n'avons pu qu'à grand'peine arriver à l’époque, où
la France, épuisée par cette crise formidable, se repose un
instant et se recueille à l'abri de l’ordre nouveau, que de
sa main puissante vient d'organiser le premier Consul.
À l'appel du pacificateur, on voit peu à peu revenir les
Muses, que l’orage avait dispersées. Sans doute, de quelque
temps, l'attention publique sera distraite encore des œuvres de la pensée .par la grandeur des événements politi-
OS
ques et militaires : la vraie épopée alors s'écrit à la pointe
du glaive : plus tard elle sera chaniée par les poëtes. Le
premier Consul toutefois a trouvé d’abord pour son œuvre
de restauration sociale deux admirables auxiliaires dans
Châteaubriand et M*° de Staël. Le premier, recueillant du
naufrage, où est venu échouer le dix-huitième
siècle,
les
débris des institutions et des croyances qui ne devaient pas
périr,
rattache
la France
nouvelle
aux traditions de son
glorieux et religieux passé. L'autre, au milieu du scepticisme, où étaient tombés les esprits découragés après tant
d'illusions déçues, ranime la foi au progrès et s’élance
pleine d'enthousiasme vers l'avenir. Vous savez, Messieurs,
si l’influence de l’un et de l’autre fut puissante ; si elle fut
féconde la moisson, dont ils avaient jeté les semences dans
une .terre profondément remuée. Le grand mouvement
philosophique, littéraire et poétique, qui éclatera bientôt
sous la Restauration et en fera une des brillantes époques
de l'esprit français, est leur ouvrage. Grâce à leur double
impulsion, notre littérature, en s’affranchissant des préjugés d’un faux classique, a renoué sa vieille et fertile
alliance avec la vraie antiquité grecque et latine, en même
temps qu'avec l'antiquité chrétienne. Grâce aussi à ces
deux novateurs, l'esprit français, qui s’appauvrissait dans
un isolement dédaigneux , initié enfin aux littératures
étrangères, y va puiser une foule d’inspirations heureuses,
et se renouvelle à ce contact. Byron, Walter Scott, Schiller, Gœthe susciteront chez nous une poésie nouvelle. —
Pourquoi faut-il, que cette révolution merveilleuse dans
les Lettres, ainsi que la Révolution politique et’ sociale
de 89,
dont elle était comme
le contre-coup
dans les
choses de l'esprit, ait été compromise et ait avorté en
—
49
—
partie par les excès de quelques esprits ardents et étroits ;
fanatiques à outrance, qui ne s'arrêtent que dans l’absurde? En dépit de leur folie cependant, nous verrons
combien de grandes œuvres demeurent de cette époque
mémorable, pour entrer dans le trésor immortel de l’esprit
humain.
Littérature étrangère. La Chaïre de Littérature étrangère
a été quelque temps voilée d’un crêpe. Après être restée
six mois vacante depuis le départ de M. Mézières, M. Huguenin en effet n’a fait qu'y apparaître, pour s’y consumer dans un suprême effort et y mourir. Ce regrettable
Collègue, qu’on avait appelé ici de Grenoble pour le rapprocher de Metz, sa ville natale, y apportait avec lui déjà
le germe de la maladie, qui nous l'a bientôt enlevé. Mais
surtout, de la perle récente d’une fille unique, if gardait
au cœur une blessure mortelle. Depuis ce temps, le malheureux père avait la nostalgie du ciel, où il devait aller
rejoindre son enfant ; et il semble que Dieu, en le rappelant à lui, ait pris pitié de son deuil paternel et ait voulu
abréger l’absence. Malgré le rapide déclin de ses forces,
Huguenin cependant a rempli jusqu’au bout sa tâche de
professeur; il se traînait de son lit à sa chaire. Sa pâle et
mélancolique figure, où déjà l’on voyait le sceau de la
mort, s’animait alors (vous l’avez remarqué maintes fois)
d’un rayon surnaturel, mais dont la flamme achevait de le
dévorer. On peut dire de lui, qu'il est tombé au champ
d'honneur.
Nous n'osions alors espérer que le vide, qu’il laissait
parmi nous, serait de sitôt comblé. Cette Chaire, depuis
un
an à demi
déserte,
allait-elle donc languir encore?
4
—
50
—
Mais non; le Ministre, pour ajouter aux bienfaits de sa
bienvenue
parmi
nous,
nous amenait avec lui M.
Emile
Chasles, destiné à compléter notre enseignement. Beaucoup d’entre vous connaissaient à l’avance notre nouveau .
Collègue par sa coopération dans nos grandes Revues littéraires et par l'éclat de son doctorat. Mais tous, vous l’avez
aussitôt vu à l’œuvre. Son Cours en quelques leçons seulement sur la Chanson du Cid, vous a permis. d'apprécier
son talent, et sa manière si nette, si piquante, si originale
de commenter avec l’histoire ce vieux monument poétique.
En vous jetant au cœur de cette croisade séculaire de l’Espagne contre l’Islamisme, le Professeur vous a montré en
ce fier Campéador, en ce batailleur infatigable, comme
une image idéale, où la Castille du Moyen-âge aimait à se
contempler pleine de jeunesse, d’orgueil et de foi. Ce n’est
pas cependant, que, de cette grande figure, quelque altérée qu’elle ait été depuis par la légende populaire, l’histoire ne doive tenir un compte sérieux. En réalité, Rodrigue Diaz était digne par ses exploits de devenir un héros
national. Si ensuite la tradition l’a ceint de l’auréole
poétique, ne doit-on pas dans celte espèce de transfiguration rechercher et reconnaître encore ce que rêvaif, ce
que voulait l'Espagne à cette époque?
Vous
avez accueilli,
Messieurs, avec faveur, cette pre-
mière excursion dans la Littérature Espagnole. Aussi bien,
était-ce un champ encore inexploré parmi nous. M. Chasles
se propose cette année d’y rester, et d'étudier le développement progressif de cette Littérature du onzième au dix-septième siècle. Après avoir suivi l’histoire du génie castillan
et ses variations sous l’influence successive de la France,
de la Provence, de F'talie, et jusqu’à un certain point aussi
—
5
—
“.
|
de la poésie arabe, il se hâtera d'arriver aux deux écrivains, qui, vers la fin de cette période, en résument en
eux-mêmes avec le plus d'éclat et de fidélité tout ensemble
la double inspiration, sainte Thérèse et Cervantes. Sainte
Thérèse en effet représente, comme en sa plus pure
expression, cet enthousiasme de
mystique, auxquels l'Espagne doit
génie, et qui éclatent dans toutes
avec une singulière éloquence. —
la foi et cette ferveur
plus de la moitié de son
les œuvres de la sainte
Cervantes, au contraire,
nous donnera comme le revers du génie castillan, lui qui
personnifie au plus haut degré cet esprit critique et moqueur, dont les ironiques créations ne forment pas la part
la moins riche et la moins originale de la littérature espagnolé. Car nul n’a mieux montré comment la raillerie, en
prenant le contrepied de l'enthousiasme, peut devenir à
son four une source non moins féconde d'inspiration.
Dans le génie si opposé de ces deux grands écrivains,
lun, qui nous emporte vers les régions éthérées sur les
ailes enflammées
de la foi et de l'amour; l’autre au con-
traire, qui nous rejette en riant du haut de
pleine et vulgaire réalité, M. Chasles se plaira
comme les deux pôles extrêmes, entre lesquels
ture espagnole a oscillé, également féconde et
dans cette double sphère de son activité.
Vous voyez, Messieurs,
d’après cet exposé
l'idéal en
à étudier
la littérapuissante
sommaire,
combien ces Cours, sans cesse renouvelés, offrent à votre
sérieuse curiosité de variété et d'intérêt. Nous espérons
qu’ils seront suivis comme par le passé. Mais jy convie
surtout nos jeunes gens. Ils ne se doutent pas assez de tout
ce que vaut ce noble aliment des hautes études littéraires
_
2
—
pour se préparer à -la vie. Qu'ils sachent bien pourtant,
que les temps
où ils doivent
vivre,
grands sans doute à
bien des égards, sont difficiles. Les principes n’ont été que
trop ébranlés par nos révolutions. La poussière, que soulè.
vent ces grandes ruines, et les fumées qui s’élèvent encore
de l’abime, même après que l’éruption semble éteinte, voilent souvent aux regards la lumière du ciel. Aussi, la route.
est quelquefois obscure ; on s’avance à tâtons vers un avenir
inconnu,
sans guide, sans barrières.
D’un autre côté, le
monde matériel, quoique asservi à nos besoins par l’industrie, nous domine, nous absorbe : notre pensée s’enferme
et se borne dans les jouissances de la terre; inclinée en
bas, elle a trop perdu de vue le soleil des âmes, Dieu; il
semble que le bien-être soit devenu l'unique objet de
notre destinée. Aussi, quand les jours d'orage sont venus,
nous ont-ils surpris incertains, éperdus; et nous avons été
nous-mêmes étonnés de notre faiblesse. — Ce malaise des
esprits, tout le monde le sent; tout le monde en appelle le
remède. Or, après la Religion, qui non-seulement a l’infaillible flambeau pour éclairer toutes les situations de la
vie, mais qui surtout nous donne la force de vouloir et
d'agir, je ne sache rien encore de plus efficace et de plus
propre que le commerce des bonnes Lettres, pour soutenir
les courages, pour rallumer le foyer de tous les sentiments
généreux, pour remettre en lumière les éternelles vérités,
qui font la grandeur, la dignité et la force de notre vie
morale.
Qu'est-ce donc, en effet, que cultiver les lettres, Mes-
sieurs? qu'est-ce? sinon vivre en société intime et journa-
lière avec les beaux génies de tous les temps; avec ceux
qui ont su trouver la forme immortelle pour exprimer
toutes les grandes pensées etles nobles sentiments de notre
âme? Car on n’est grand écrivain qu'à cette condition. La
haute poésie et l’héroïsme s’inspirent aux mêmes sources;
et il n’y a point de sublime éloquence, que la vertu au fond
ne soutienne et n’échauffe. En un mot, le beau, (comme
on l’a dit) n’est que la splendeur du bien.
Qui de vous, Messieurs, n’a ressenti maintes fois la contagion généreuse qu’exerce cette fréquentation des grandes âmes, et les divins prestiges de l’art sur nos imagina-
tions? Grâce à je ne sais quelle admirable illusion, nous
entrons dans toutes les pensées, dans les héroïques élans
de l’orateur ou du poëte;
leur âme
devient la nôtre. En
écoutant, par exemple, Démosthènes, dont la flamme
brûle encore après tant de siècles dans ses discours, ne nous
associons-nous pas aux résolutions magnanimes de son
patriotisme, et ne protestons-nous pas avec lui, qu’il valait
mieux pour Athènes tomber avec honneur dans la poudre
de Chéronée, que de se sauver en donnant les mains au
barbare pour l’asservissement de la Grèce? Avec Rodrigue,
ne se sent-on pas capable de sacrifier sa vie à son amour,
et son amour à son devoir? Est-ce que Polyeucte ne nous
ravit pas avec lui dans son religieux enthousiasme? Avec
lui exaités par l’ardeur du martyre, ne nous croyons-nous
pas prêts avec lui à confesser notre foi jusque dans la mort?
— Non, non: ce n’est point là une stérile illusion, dont
notre imagination est dupe, et qui ne laisse rien après elle.
L'âme entière en garde l’impression profonde. En l’associant ainsi avec une ardente sympathie
à la destinée du
héros, non-seulement cette espèce d'émotion intellectuelle
lui a fait connaître, par la grandeur morale d’un autre,
tout ce qu’elle a en elle-même de facultés en réserve pour
.
—
54
—
juger, pour sentir, pour oser; mais-elle se ressentira longtemps de ce contact avec l’héroïsme. En sortant de ces
spectacles ou de ces lectures, comme de l'entretien avec
un homme de bien, nous valons pour un temps mieux que
nous-mêmes. Que cette expérience se prolonge et devienne habituelle, et cette élévation de pensées et de sen-
timents finira par être comme le tempérament de notre
âme. Notre esprit restera naturellement ouvert à mieux
comprendre tout ce qui est grand, vrai, juste; notre cœur
plus prêtà embrasser ce qui est bien. A quelque épreuve
désormais, que la vie nous appelle, nous nous trouverons
mieux au niveau de notre rôle. Les Muses, ainsi cultivées,
nous assisteront dans toutes les situations. O douces Lettres
(comme dit Cicéron), après avoir formé notre jeunesse,
vous restez les plus fidèles et les plus charmantes compa.gnes de notre vie ; délaissés, vous peuplez notre solitude;
petits et dédaignés, vous éclairez d’un reflet doré notre
existence obscure ; que la fortune au contraire nous appelle
à un poste élevé, vous nous guidez de vos clartés, et nous
soutenez de vos conseils. Dans l’épreuve vous êtes encore
là, pour relever et calmer notre courage, en fixant notre
conscience sur nos devoirs ;'et c’est encore vous, vous toujours, que nous retrouvons pour enchanter nos douleurs
aux heures de l’adversité.
RAPPORT
SUR
L'ANNÉE
SCOLAIRE
1861-1862,
PRÉSENTÉ
ee
Par M. En. SIMONIN,
DIRECTEUR
DE L'ÉCOLE
DE
MÉDECINE
ET
DE
PHARMACIE,
âu
CONSEIL
DANS
LA
SESSION
ACADÉMIQUE
DE
NOVEMBRE
41869.
Monsieur LE Recteur,
Messieurs,
Les faits principaux de l’année scolaire 1861-62 qui
peuvent être passés en revue devant vous, dans la séance
de ce jour, se rapportent au personnel enseignant, aux
‘programmes des cours et aux résultats constatés dans les
divers ordres d'examens,
|
Le développement de l'instruction médicale qui, successivement, a fait porter à quinze le nombre des professeurs
de l’École de Nancy, permet de réunir les efforts d’un
grand nombre d'hommes qui se font un nom dans la
science médicale, mais ce nombre même nous condamne,
—
86
—
aussi, à des pertes fréquentes. Pour l’année qui vient de
finir l’École n’a, heureusement, à regretter qu’une séparation. M. le docteur Adolphe Simonin qui, après-avoir
pris part à la campagne de Rome, en qualité de chirurgien militaire, avait été attaché à la suppléance des cours
de médecine, s’est vu contraint par de cruelles souffrances
à chercher sous un ciel meilleur que le nôtre un soulagement qui a été bientôt suivi de guérison. N’osant plus se
fier à Nancy aux promesses si fréquemment démenties
d’un printemps ou d’un été, M. Adolphe Simonin s'est établi à Nice et a dû cesser de nous appartenir. Je suis
l'organe de tous mes collègues en adressant à cet excellent
confrère les regrets mérités par l'élévation et par la loyauté
de son caractère,
La nomination de M. Grandjean à la chaire de matière
médicale et de thérapeutique avait laissé vacantes les fonctions de professeur adjoint de clinique externe. Plusieurs
candidats de mérite présentaient des titres très-sérieux au
choix ministériel : M. Emile Parisot, professeur suppléant,
a été désigné pour succéder à M. Grandjean, et les fonctions de chef des travaux analomiques ont été confiées à
M. le docteur Edmond de Schacken (1). Quelques mutations ont eu lieu, également, parmi les fonctionnaires
d'un autre ordre. M, le docteur Claude, petit-fils et neveu
des trois professeurs Bonfils, qui ont, presque au même
moment, fait briller leur nom dans l’enseignement médica}, a été nommé chef de clinique externe et deux excellents élèves de l’École, MM. Winsbach et C. Valentin ont
mérité d’être choisis comme préparaieurs des Cours.
Un certain nombre de recherches scientifiques, entreprises depuis novembre dernier par les professeurs de l'École,
_—
87
—
ne sont point arrivées à leur terme, à raison même de l’importance des sujets traités au point de vue de la médecine
légale, de la toxicologie et de la physiologie (2). Deux tra-
vaux doivent, toutefois, vous être signalés. Dans lun
d’eux, M. Léon Parisot, à la suite d’essais nombreux et
importants tentés sur lui-même, a conclu que l’épiderme
était un obstacle infranchissable à l’absorption d’un grand
iombre
de substances médicamenteuses,
et si cette con-
clusion donne le regret de l’inutilité de certaines médications par l’intermédiaire des dissolutions salines ou végétales, elle prouve, d’un autre côté, la protection heureuse
qui est acquise à l’admirable économie humaine, au milieu
des nombreux agents déléières qui l'entourent (3). L’an
passé notre Directeur honoraire publiait sous le titre de
Météorologie et climat de la Meurthe, un résumé de 19
années d'observations et, en nous enlevant quelques illusions relalives au climat de notre contrée, il nous montrait
dans les brusques variations de la température la cause de
certaines affections graves et donnait, en même temps, aux
praticiens le droit de formuler, d’une manière plus impérative, certains préceptes concernant soit l’hygiène privée
soit l’hygiène générale. Le même auteur vient de terminer
vingt et une années d'observations par un dernier résumé
annuel de météorologie (4). Nous y trouvons une exception aux indications signalées l’an dernier comme règles
générales. En 1861, c’est le vent du sud qui a été noté le
plus grand nombre de fois, et pour atténuer, en partie du
moins, ce qui vient d’être dit sur les effets du climat de la
Lorraine, je m'empresse de vous donner sur le vent du
sud l'opinion d’un poëte de notre temps: Je ne connais
pas, dit-il, de souffle plus charmant et de vent plus litté-
7
8
—
raire que le vent du Sud. Il fait germer dans la tête les
idées riantes, profondes , sérieuses et nobles. En réchauffant les corps il semble qu’il éclaire l'esprit. Les Athéniens qui s’y connaissaient ont exprimé cette pensée dans
une de leurs plus ingénieuses sculptures. Dans les bas. re-
liefs de la tour des Vents, les vents glacés sont hideux et
poilus, ont l'air stupide et sont vêtus comme
bares : les Vents doux et chauds
des bar-
sont habillés comme
philosophes grecs (*).
.
Si des travaux particuliers (5) des
des
professeurs vous
reportez, Messieurs, votre pensée sur leurs travaux collec-
tifs, votre attention doit se fixer plus spécialement sur les
conséquences d’un récent décret impérial. Son Excellence
le Ministre de l’Instruction publique, frappée des heureux
résultats du stage fait dans les hôpitaux, depuis 1842, par
les élèves des Écoles préparatoires, a obtenu qu’à l’avenir
le stage dont il s’agit serait imposé, aussi, aux élèves des
trois Facultés de médecine, et il a dressé une nomencla-
ture des hôpitaux qui, dans toutes les Ecoles, peuvent
donner une instruction générale, cherchée presque uniquement jusqu’à ce jour dans les hôpitaux siéges des cliniques. L'École de Nancy, à laquelle l’administration municipale et la Commission administrative des hôpitaux civils
- prêtent
depuis longtemps un précieux
concours,
a été
heureuse de recevoir de M. le Préfet de la Meurthe, à l’oc-
casion du décret du
18, juin dernier,
l'autorisation
de
joindre aux services hospitaliers déjà affectés au stage des
élèves l’une des divisions importantes (6) de la Maison
départementale
de Secours,
et l’empressement de M. de
(} V. Hugo, de Rhin, t. IL, p. 304.
—
5)
—
Saint-Paul à favoriser le développement. des études cliniques à donné une haute valeur à l'autorisation demandée
par M. le Recteur de l’Académie.
Quant aux autres programmes des Cours, une seule
modification a eu lieu l’an passé. M. Blondlot a volontairement accru sa tâche annuelle en dépassant le chiffre de
110 leçons, et l’enseignement qui lui est confié s’est consi-
dérablement agrandi. Profitant de l'instruction déjà acquise
par les élèves dans le Cours de chimie générale, professé
d'une manière si ibrillante à la Faculté des Sciences,
M. Blondlot, tout en donnant les notions de toxicologie
et de pharmacie prescrites par les règlements, a exposé les
sérieuses applications de la chimie inorganique et de la
chimie organique à la médecine, et il a atteint, de la manière la plus heureuse, dans un cours élevé de chimie
médicale le but pratique signalé par M. Orfila.
Ces détails, Messieurs,
sont les seuls qui méritent
de
vous être cités et je me hâte de rentrer dans une question
générale pour rechercher le caractère spécial des efforts
collectifs de l'Ecole. En France l’on aime à donner à tous
les faits une signification, et, en ce qui concerne les trois
Facultés
de médecine
on s'est, dans le monde
non
mé-
dical, arrêté à des espèces de formules pour expliquer
les tendances de l’enseignement de Paris, de Strasbourg
et de Montpellier. Ce n’est pas ici le lieu, et d’ailleurs ce
n’est pas ma mission, de combattre les idées fort erronées
qui existent à ce sujet et qui ne semblent pas devoir se
modifier de sitôt, et je veux me borner à vous parler du
caractère spécial de l’enseignement donné à Nancy. Les
professeurs de l'École sont convaincus qu’il en est de la
science médicale comme des autres sciences; que succes-
—
60
—
.
sivement l'étude des apparences, l'analyse des phénomènes
et la recherche des lois doivent précéder la théorie définitive. Ils se souviennent toujours que l’explication la plus
éloignée de l'expérience et du raisonnement scientifique a
été en médecine,
comme
dans Îles autres sciences,
trop
souvent professée et acceptée et que l'erreur a été appelée
vérité. Cicéron déjà reconnaissait que les hommes, entraîinés par un désir naturel de savoir, tombent fréquemment dans deux écueils, Pun
de prendre pour connues
des choses totalement inconnues, et de les adopter imprudemment, l’autre de donner trop d’études et d'application
à des choses qui ne sont d'aucune nécessité. Ces remarques
qui n'étaient point faites spécialement en vue de la médecine
peuvent, toutefois, être la
critique
de
l’art médical
au temps de Pompée et de César, puisqu'il faut attendre
encore quinze siècles après la bataille de Pharsale pour
reconnaitre, dans les premiers débuts de l'anatomie pathologique, l'élément d'analyse qui devait changer la face
de la science médicale. Aujourd’hui que la recherche
heureuse des lois soutient le zèle des médecins instruits,
chacun des professeurs de l'École de Nancy s'efforce de
constituer un enseignement dans lequel la vérité seule
doit prendre place.
En regard des efforts dont il vient d’être question,
il convient,
de vous présenter,
Messieurs,
les
résultats
principaux qui ont été constatés, soit dans les examens de fin d'année, soit dans les épreuves subies pour
lobtention des titres professionnels. Je suis heureux de
n'avoir point à vous entretenir longuement de mesures
disciplinaires,
ear des 62 élèves inscrits, un seul,à raison
du défaut d’assiduité aux Cours, à motivé la radiation d’une
inscription.
_
6t
—
Quant aux examens de fin d'année, malgré les prévccupations très-légitimes causées par l’épreuve du baccalauréat ès sciences restreint, les jurys d'examen de fin d'année
n'ont eu qu’un seul ajournement à prononcer sur 32 examens dont 9 ont mérité la note Gen satisfait et dont 6 ont
donné lieu à la mention srés-satisfait. Les Commissions
chargées des épreuves, en vue des divers titres profession
nels, ont, en septembre 1862, consigné des résultats qui
sont les plus satisfaisants de tous ceux qui ont été notés
depuis 1855. Non-seulement les 34 sages-femmes examinées ont toutes donné les preuves d’une bonne instruction,
mais les examens pour le titre d’officier de santé et pour
celui de pharmacien de seconde classe ont été aussi très-
appréciés. Des 6 candidats pharmaciens, 3, en effet, ont
été reçus avec
note érès-bien.
distinction, et 2 autres l'ont été avec
Messieurs
LES
la
ELÈvES,
En ce jour où il vous semble fort naturel que vos pro-
fesseurs recherchent avec un soin tout particulier le bien
qu’ils doivent réaliser en faveur de vos études, et pendant
qu’un certain nombre d’entre vous s'emparent ordinairement de cette journée comme d’un supplémént à ajouter
aux vacances qui finissent à peine, il me semble utile de
vous associer à la solennité qui nous réunit. Si j'ai cherché
à être bref dans le rapport qui est appelé à prendre place
parmi les lectures de cette séance, c’est en partie pour me
trouver, pendant quelques instants, en communication
avec vous et pour vous parler de vos devoirs.
.
—
62
—.
Tout à l'heure je citais l'opinion d’un grand orateur, au
sujet des facilités qu'offre l'esprit humain de se contenter
d'explications faciles et je lui emprunte, encore, cette
pensée que dans le grand nombre de matières graves et
utiles qui ont été traitées par les philosophes avec quelque soin et quelque étendue, il n’en est pas de plus vaste
que les règles et les préceptes qu’ils ont laissés sur les
devoirs. Tout, en effet, dans la vie, que ce soit affaires pu-
bliques ou privées, domestiques ou civiles, que ce soient
actions particulières ou transactions sociales, tout est sou—
mis à des devoirs. J'espère donc, Messieurs les Élèves, que
‘ce mot n’entraîne pour vous aucune idée de triste contrainte et qu’il doit vibrer à votre oreille à l’égal du mot
honneur,
Dans un pays ou l’esprit chevaleresque régit, encore,
presque tous les actes importants, vous honorez sans doute
plus spécialement les faits éclatants qui se rattachent à
l'exécution des devoirs militaires, mais vous savez, également, apprécier les actions héroïques dont les exemples
fréquents se rencontrent dans nos fastes parlementaires et dans l’histoire de la magistrature française et
vous savez
honorer,
aussi,
certains
actes qui, accomplis
loin de la foule et sans le bruit de la renommée, ne perdent rien de leur prix pour rester dans l’obscurité, parcequ'ils sont de leur nature dignes de louange, lors même
qu'ils ne sont loués par personne. Aussi, je n’ai pas à
exciter votre ardeur,
vous, futurs chirurgiens militaires,
et vous aussi, Messieurs les Élèves,
vous rivaliseriez de zèle avec ces
l'École qui ont reçu 28 missions
sérieuse épidémie de choléra, en
je sais qu’au besoin
braves jeunes gens de
officielles pendant la
1854. Je laisse donc
— 65 —
de côté la partie militante de vos travaux
me borne à vous signaler quelques-uns des
vous eontractez en devenant des hommes
Tout à l'heure les efforts de vos professeurs
futurs et je
devoirs que
de science.
vous étaient
signalés et en les appréciant vous avez entrevu une partie
de vos propres obligations et vous avez acquis une idée
générale de leur haute importance.
Je ne connais pas, a écrit l’un de nos contemporains M,
de condition humaine qui plus que celle des médecins
favorise davantage la justesse de l'observation, la certitude
de l’expérience et qui satisfasse mieux le désir de faire le
bien. Quel vaste programme
de
devoirs, Messieurs, indi-
qué en quelques lignes, et comme l’on est parfois troublé profondément en songeant que le même homme
doit,
à la fois,
être observateur, logicien et dispensateur
du bien pour l'appréciation duquel il est transformé en
juge, et souvent sans appel et sans contrôle.
Aussi, Messieurs les Élèves, lorsque vous devrez aborder
l'observation de l’homme malade, comptez sur la connaissance des manifestations biologiques bien plus que sur
votre intelligence quelle qu’elle puisse être un jour; souvenez-vous que la pathologie ne doit être qu’une face de
l'étude de la physiologie, et approfondissez, sans relâche,
les conditions des choses humaines. Songez, comme l’a dit
M. Littré, que sous nos pieds sont placés une multitude
de piéges, vraies chausse-trappes, où l’on se prend de la
manière la plus inopinée et d’où l’on ne sort que sanglant
et mutilé, quand on en sort; car peu, bien peu, guos
œquus amavit Jupiter, arrivent au terme de leur vie sans
() Philareste Chasles.
_
64
—
avoir subi les effets de funestes influences. C’est aux yeux
du
médecin
que se déroulent
les
phases
de Pexistence
individuelle et il doit savoir combien de jours, combien
de mois sont enlevés à chacun par la maladie. I! doit
connaître avec quelle peine la vie est défendue contre les
agents de destruction qui surgissent de tous côtés, de l'air
ambiant,
du froid, du chaud, des climats, des peines
mo-
rales et aussi des chocs de la société. Dans le tourbillon
d'éléments incessamment transformés en matière vivante
et incessamment rendus au monde inorganique s'ertrecroissent mille causes de douleur et de mort trop inhérentes à la nature des choses pour être jamais abolies, mais
qu’un emploi judicieux de nos connaissances et de nos
ressources peut atténuer et tenir comme en échec, Appre-
nez done, Messieurs les Élèves,
à respecter l'observation de
chacun, afin d’en faire profiter les malades, et pour cela,
suivez, jour par jour, les progrès admirables de la science.
Respectez, aussi, votre propre observation et lorsque
vous devrez conclure pour déterminer votre action ou pour
décider une abstention qui bien souvent sera un pénible
devoir, craignez de mettre à la place des indications tirées
-de la vraie science vos passions ou vos faiblesses. Connaissez
bien votre
caractère;
modérez-le
pour ne point vous
laisser emporter dans un sens et affermissez-le pour ne
point tomber dans un autre écueil. Sans doute, le caractère
est à la fois le support
de l'esprit et celui du talent, mais
dans la pratique scientifique il doit apparaître, comme
dans les hauts sacerdoces, c’est-à-dire en vue de bien
appliquer les lois humaines ou les lois divines. Songez
que le premier devoir de votre justice est de ne faire aucun
mal à autrui. Souvenez-vous qu’il y a deux sortes d’injus-
_—
65 —
|
tices : celle que l’on commet soi-même et celle qu’on
laisse faire lorsque l’on pourrait l'empêcher. Je ne vous
expose pas les causes si nombreuses de l'injustice, parce
que, en mettant sous vos yeux, il y a quelques jours, les
admirables Gréceptes contenus dans le serment d’'Hippo-
crate, je vous: ai indiqué les tristes écueils qu’il a si franchement signalés dans la pratique médicale; puis aussi,
parce que je désire limiter ces considérations au seul point
de vue de la science. Vous devrez dans les cliniques apprendre à retenir votre ardeur, en acquérant la conviction
que le bien n’est pas aussi facile à réaliser que vous le
pensez aujourd'hui, et qu’il faut avant d’agir bien connaître de quel côté vient le danger auquel vous voulez soustraire un malade. Vous devrez 'vous pénétrer de cette
pensée que s’il est cruel de ne-pouvoir porter secours à ses
semblables, il y a dans le praticien qui agit, avec la certitude de ne pouvoir être utile, une faiblesse presque égale
à celle du praticien qui, voyant des indiéations d'agir, ne
sait pas s'y déterminer. Lorsque vous sortirez des hôpitaux,
n'oubliez pas ces préceptes qui, dans les leçons, vous paraîtront si logiques. Sans doute, à chacun des échelons de
la hiérarchie sociale, la forme de l’action peut varier,
comme, aussi, l’emploi d'un moyen thérapeutique peut
être le résultat d’une préférence, mais devant le médecin
digne de ce nom, l'application de la vraie science doit au
fond être la mème, malgré les situations diverses qui résultent des choses humaines.
Une citation fera mieux comprendre ma pensée sur ce
sujet si important pour votre conscience et pour votre
dignité. Peut-être connaissez-vous l’origine d’un titre de.
noblesse conféré, le 20 mars 1811, à un savant accou-
5
….
—
66
—
cheur, et comment, peu après la naissance d'un enfant
qui devait être l'héritier d’un trône, les talents du prati-
cien furent récompensés par ces mots : Baron, je vous
rends votre enfant? Mais vous ignorez, sans doute, les pa-
roles qui rendirent à Dubois une tranquillité d'esprit et
une fermeté devenues d'autant plus indispensables qu’un
danger éminent assumait sur lui une immense responsabilité et nécessitait l'intervention immédiate de l’art :
faites, lui dit l'Empereur, avec un admirable bon sens,
faites comme pour une bourgeoise de la rue Saint-Denis,
Détrompez-vous, Messieurs les Élèves, si vous croyez ne de-
voir jamais rencontrer des situations analogues à celle où se
trouvait placé le baron Dubois. Vous reconnaîitrez, trop fré-
quemment,
des prétentions à un traitement exceptionnel,
mais le mot de Napoléon [° vous rappellera la simplicité de
votre devoir.
.
En regard de ces écueils qui se trouvent autour de vous
et en vous-même,
être signalé.
un autre encore me parait devoir vous
Garez-vous
des satisfactions d’amour-propre
qui constituent un mirage capable d'enlever la perception
distincte des faits. En constatant
de
la science
quelques
médicale,
l’étendue de la puissance
il faut,
aussi,
savoir perdre
illusions sur ses limites. J'ai reçu, autrefois, les
confidences d’un jeune chirurgien dont le cœur tressaillait
d’aise en rencontrant ses malades sauvés par une amputation et à qui le choc strident d’une jambe de bois sur le
pavé rappelait ses jours de combats heureux contre la
maladie. Après dix années de pratique, c'était en 1845, il
lui vint à la pensée que les blessés qu’il rencontrait pouvaient bien
produire
l'effet des
comparses,
lors, d’une
grande mise en scène, qui, à force de reparaitre, font croire
—
au
défilé d'un
corps
67
—
d'armée, et, alors,
compulsant
ses
observations écrites, ilarriva à une conclusion bientôt cor-
roborée par celle de hautes notabilités chirurgicales, et il
découvrit, qu’en réalité un nombre bien notable des malades qui avaient subi de grandes amputations, n’avait pas
reparu, et pour cause, hélas ! Vous comprenez, Messieurs les
Élèves, les anxiétés qui, après de semblables découvertes,
précèdent, accompagnent et suivent les graves opérations,
et vous-mêmes lorsque vous vous livrerez à une étude statistique sérieuse, vous arriverez, aussi, sur certains points
à des résultats semblables. Malgré ces mécomptes et les
préoccupations qui en sont la suite, vous agirez, toutefois,
lorsque votre justice vous le prescrira; par la pensée du
devoir
vous
étoufferez les battements
de votre cœur,
dans l’accomplissement d’un devoir plus austère,
et
vous
rencontrerez, peut-être, un attrait de plus.
La recherche du bien à réaliser semble être l’une des
qualités naturelles
de la profession
médicale,
mais, vous
le voyez, il faut savoir faire ce bien et je serai heureux si
j'ai pu vous indiquer quelques-uns des points qui devront,
un jour, vous servir d'appui lorsque vous serez appelés à
bien faire. Malgré ces difficultés, faites le bien, Messieurs,
au plus grand nombre possible d'êtres souffrants. Vous
n’avez pu oublier, lorsqu’en juin dernier, cette enceinte
s’ouvrait pour la première fois aux solennités universitaires,
les belles paroles du Ministre de l’Instruction publique,
‘au moment où S. E. remettant à l’un des professeurs de
l'Ecole, la croix de la Légion
d'honneur,
lui disait, aux
applaudissements de tous : À côté du talent du professeur,
je trouve en vous le mérite du médecin qui n’a jamais
refusé les soins qu’il pouvait donner, car tous savent que
—
68
—
les pauvres ont toujours trouvé dans leurs bésoins, M. le
docteur Grandjean. Ces paroles, Méssieurs les Élèves, peu-
vent, aussi, vous servir de programme et vous aider à vous
“souvenir que si lhonneur et la grandeur de la France se
maintiennent à un si haut degré, c’est que le sentiment
profond du devoir se trouve dans le cœur de chacun de
ses enfants.
NOTES.
(1) 1 faut joindre à ces indications l’énoncé de la nomination de
M. Edmond de Schatken aux fonctions de professeur suppléant d’ana-
tomie et de physiologie. Gette nomination ministérielle, faite le 11 no
vembre, n’était pas encore parvenue à l'Ecole le 17 novembre, jour de
la séance solennelle de rentrée de l'Enseignement supérieur.
(2) M.
médecine
Poincaré, professeur de physiologie, a donné à la Société de
communication
d’un
mémoire
sur
un
des sujets les plus
importants de la pathologie. Ce travail portant pour titre : Du mode
d'action du bulbe dans la production du diabète, devant être suivi,
très-prochainement, d’un second mémoire sur le même sujet, il a
semblé convenable d’attendre les conclusions définitives de l’auteur,
basées sur des expérimentations et sur de sérieuses observations.
: (3) Voici les conclusions principales du travail de M. Léon Parisot.
4° L'épiderme est imprégné d’une matière grasse qui empêche Peau
des dissolutions salines ou végétales de pénétrer dans la peau.
2e L’épiderme seul de la paume des mains et de la plante des pieds
se laisse imbiber et encore très-difficilement, après une longue immer-
sion; Pabsence de matières sébacées dans ces régions rend compte du
phénomène.
3° Les phénomènes
endosmotiques n’ont pas lieu à travers la peau,
même lorsqu'elle est privée de vie.
4 Le chloroforme et lalcool en agissant chimiquement sur lépiderme, soit en dissolvant l’enduit gras, soit en irritant le derme, péné-
tent dans le torrent circulatoire avec les substances qu’ils tiennent en
dissolution.
'
70
—
{4) Résumé des observations météorologiques et médicale, faîtes : j
Naney pendant l' année 1861, par J.-B. Simonin père, 1862.
{5) Quelques œuvres à la fois ccieitiques et administratives complé..
tent pour 1864, la liste des travaux particuliers de MM. les professeurs
de l’École, ce sont:
1° Rapport général sur les travaux des Conseils d heygiène publique
et de salubrité du département de la Meurthe, pendant les années
1860
et 1864,
par M. le docleur Demange,
secrétaire du Conseil
central.
‘
20 Compte rendu dés travaux de la Société de. médecine de Nancy,
pendant, l’année 4860-61, par M. le docteur Edmond de Schacken,
secrétaire de la Société.
5° Compte rendu annuel de l'Association dé préboyence des médecins
de la Meurthe
{Assemblée
générale du 5 août 1862), suivi de l'éloge
de.M. Bertin père, décédé vice-président de l'Association, par M
docteur Grandjean, sécrétaire de l'Association.
le
45 Rapport sur le service de lassistänce médicale ét de la vaccine
dans le dépaïtément de la Meurthé, pendant l’éxertiée 1861, par M. le
docteur Edmond Simonin, inspecteur du service.
(6) Service de chirurgie contenant une division de vénériens (horñ-
mes) et une division consacrée aux affections cutanées, ayant aujour-
d’hui pour chirurgien, M. le professeur ‘Béchét.
|
PRIX
ACCORDÉS
PUBLIQUE.
——
PAR
S,.
EX.
MENTIONS
LE MINISTRE
HONORÂBLES.
DE
——
L'INSTRUCTION
RÉSULTATS
DES
CONCOURS.
Prix et Mentious honorables.
Les Professeurs de l’École de Médecine et de Pharmacie, réunis en
Conseil, le 50 août 1862, ont décerné les récompenses annuelles dans
ordre suivant :
4° ÉLÈVES EN MÉDECINE.
PREMIÈRE ANNÉE D’ÉTUDES.
Prix, M. Marc (Auguste), de Gironçourt {Vosges}.
{ M. Bagin (Edmond), de Vaubécourt (Meuse).
Mentions honoraëles,
M. Scampr(Albert), de Nancy (Meurthe).
DEUXIÈME
ANNÉE
D'ÉTUDES.
Premier prix, M. VALENTIN (Camille), de Nancy (Meurthe).
Second prix, M. Taomassin (Nicolas), de Vandeléville (Meurthe).
TROISIÈME ANNÉE D'ÉTUDES.
Prix, M. Zant (Emile), de Cirey (Meurthe).
Prix spéciaux pour Îla rédaction des observations
Clinique chirurgicale.
ville (Meurthe).
clinfqnes.
Prix, M. Tnomassix (Nicolas), de Vandelé.
Clinique médicale. Prix, M. ZaBé (Emile}, de Cirey (Meurthe).
—
| 2
79 _
ÉLÈVES EN PHARHAGE
Prix unique, M. EvranD» (Théophile), de Château-Salins (Meurthe),
” élève de première année.
Mention
honorable, M.
Winspac
selle), élève de premiére année,
(Alred),
de Saint-Avold (Mo-
‘Htésultats des Concours.
À la suite du concours ouvert, le 12 novembre 14862, pour les fonc-
tions de préparateur-aide du cours d'anatomie et de physiologie, a été
nommé:
M. Marc (Auguste), de Gironcourt (Vosges).
A la suite du concours ouvert, le 43 et le 14 novembre 1862, pour
les places d’interne, ont été nommés:
:
M. Vazenrin (Camille), de Nancy (Meurthe).
M. Lasauce (Apolonius), de Dombrot-le-Sec { Vosges).
#
Nancy, imprimerie de v® Rayhoïs, rue du faub. Slanislas, 3.
SOLENNELLE
DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.
UNIVERSITÉ
IMPÉRIALE.
——
ACADÉMIE
RENTRÉE
DE
NANCY.
SOLENNELLE |
DES FACULTÉS
SCIENCES ET DES LETTRES
ET
DE
L'ÉCOLE DE MÉDECINE
ET DE PHARMACIE
DE NANCY,
LE
17
NOVEMBRE
1862,
NANCY,
Ve RAYBOIS,
IMPRIMEUR
DE L'ACADÉMIE,
‘ Rue du faubourg Stanislas, 8,
1862
PRO CÈS- -VERBAL
© DE LA SÉANCE.
La séance solennelle de rentrée de la Faculté dés Scien-
ces,de la Faculté des Lettres et de l’École de Médecine
et
de Pharmacie de Nancy, a eu lieu le lundi 47 novembre
1862, sous la présidence de M. Dunoyer, Recteur de l'Académie.
.
A onze heures, une messe du Saint-Esprit célébrée par
Monseigneur l'Évêque de Nancy réunissait, dans la chapelle
de l'Évéché,
les Professeurs des trois établissements d'ins-
truction supérieure.
ere
|
A midi, la séance publique s’est ouverte dans le grand
amphithéâtre du palais de
Académie. M. le Recteur était
entouré des Inspecteurs d’Académie de. son ressort, des
Doyens et des Professeurs des Facultés des Sciences
et des
Lettres, du Directeur et des Professeurs de l'École de
Médecine, et aussi du Proviseur et des Professeurs du
Lycée impérial qui avaient été priés de prendre part à la
cérémonie.
La grande salle et ses tribunes suffisaient à peine à.
—
6
—
contenir l'assistance choisie qui,
à Nancy, s'intéresse si
vivement à la culture et au progrès des Sciences et des
Lettres.
On
remarquait
premier: Président
Paul,
Général
Préfet
dans
de la Cour
de la
commandant
l’assemblée,
impériale;
Meurthe; M.
le
M.
M.
comte
Lezaud,
de
Saint-
d’Alton,
le département -de la Meurthe;
Mgr Darboy, Évêque de Nancy et de Toul; M. le baron
Buquet, Député, Maire de Nancy; M. Drouot, Député de
la Meurthe; M. Neveu-Lemaire, Procureur général;
M. Garnier, Vice-Président du Conseil général. Des Membres du Conseil Académique, du Clergé, de la Magistrature, de l’Armée ; des Présidents et Membres des Sociétés
savantes du ressort Académique avaient bien voulu, aussi,
honorer la cérémonie de leur présence.
M. le Recteur a ouvert la séance et après avoir prononcé
le discours d’usage a donné, successivement, la parole à
M. Godron, Doyen de la Faculté des Sciences, à M. Benoit,
Doyen de la Faculté des Lettres, et à M.
Directeur de l'École de Médecine.
La séance a été terminée à 2 heures par la
des prix accordés par S. E. le Ministre de
publique.et des Cultes aux élèves de l’École
et de Pharmacie.
E, Simonin,
|
proclamation
l’Instruction
de Médecine
DISCOURS
PRONONCÉ
M. LE RECTEUR
PAR
DE L'ACADÉMIE DE NANCY.
MEssurs,
* Ma‘tâche est aujourd’hui facile.
Il ya quelques mois à peine, à cette même place que
j'oecupe en ce moment, un Ministre de l'Empereur inaugurait dans cette enceinte les travaux de nos Écoles de haut
enseignement. C’est un devoir pour moi de m’effacer
. devant un pareil souvenir et de vous laisser sous l’impression de ces parole. élevées et sympathiques qui sont encore
présentes à votre pensée.
Vous savez,
d’ailleurs,
Messieurs,
quel est le rôle
qui
me revient dans ces séances solennelles de rentrée.
Adresser à nos savants professeurs les éloges que leurs
travaux ont mérités ; leur dire ensuite comment ils pour-
ront continuer l’œuvre de perfectionnement à laquelle ils
sont voués : voilà le cercle qui m'est tracé.
Or,
ces
félicitations,
ces conseils,
M.
le Ministre
de
l'instruction publique a bien voulu nous les appporter, et
—
8
—
il leur à imprimé toute l'autorité de sa haute raison et de :
la mission qu’il venait remplir.
« Vos preuves sont faites, » disait M. Rouland aux honorables fonctionnaires que j'aürais à féliciter de leur
succès,
« l'estime
publique
a consacré
les résultats
de
» votre enseignement, la France savante et lettrée connaît
» VOS noms.
'
» Et puis, ajoutait Son Excellence, l'Empereur, en confé° » rant la croix de la Légion
d’honneur à MM.
Burnouf,
Y
» Nicklès et Grandjean, a daigné ajouter, à approbation
de leurs concitoyens, l'éclat du plus auguste suffrage. »
Quelles expressions ne pâliraient en présence de pareils
témoignages, en présence aussi des chaleureux applaudissements qui saluaient, naguère, les noms que je viens de
rappeler, et proclamaient les profondes sympathies de la
ville de Nancy pour ses Facultés et son École de médecine?
Resteraient les conseils.
Ici, comme pour les éloges, le respect me ferme la
bouche et m’ordonne de laisser parler le chef aussi aimé
- que vénéré qui préside avec tant de bienveillance et de
sagesse aux destinées de l'éducation publique en France.
Vous entendez encore, MM. les Professeurs, cette voix si
autorisée recommander :
_ A la science : de placer à côté de ses principes abstraits,
comme la lampe qui éclaire les mystères de l'autel, les
résultats des applications pratiques, et, en même temps,
de ne pas trop exalter la raison, de ne point se produire
comme
le dernier
mot
de
l'humanité,
de montrer
au
contraire, dans les prodiges de la matière, l'esprit divin
qui l’a créée, afin de devenir de la sorte le révélateur le
_—
9
—
plus énergique des rapports qui enchaînent l’homme à àà la
puissance de Dieu;
Aux lettres: de faire que leur enseignement se distingue
par la clarté, l'étendue,
la vigueur,
la sévérité du
goût;
qu’il éloigne la jeunesse des exagérations; qu’il forme
des hommes assez éclairés pour aïmer le progrès, mais
assez fermes pour ne jamais l'isoler de la modération des
idées, du respect de la paix publique.
Comme les Écoles d’enseignement supérieur, nos établissements d'instruction secondaire ont reçu,
de M. le
Ministre, pour leur bonne administration et pour leurs
succès, des témoignages de satisfaction.
.
Mais, de tous les souvenirs laissésà Nancy par la visite
de son Excellence, il n’en est pas de plus dignes d’être
pieusement conservés que ceux qui ont l'instruction primaire pour objet.
Personne, Messieurs, ne s’en étonnera.
En effet, s’il est bon de répandre dans les rangs élevés
de la’société l'amour des lettres et le goût des hautes
sciences ;. s’il faut désirer que les lycées et les colléges donnent aux pays des hommes capables de maintenir lhonneur des professions libérales et de conduire avec intelli-
gence lés entreprises de l’industrie; il est, je ne crains pas
de le dire, plus important encore d’assurer au peuple le
bienfait de celte instruction élémentaire qui lui rendra la
vie plus facile; de travailler à son éducation ; d'ouvrir son
âme aux sentiments honnêtes, son esprit à la saine appréciation des choses ; en un mot, d’affermir en lui le sens
moral et le bon sens.
Avant d’orner,
avant de couronner
en effet, d’en consolider
les bases.
l'édifice, il importe
—
10
—
Cette préoccupation est celle des hommes qui comprennent le mieux les grands intérêts de la société. La
droite et ferme
raison de notre sage Ministre
manquer de la partager.
ne pouvait
Aussi M. Roulaänd a-t-il voulu visiter ces belles écoles
municipales où la ville de Nancy offre aux enfants de la
classe
ouvrière un enseignement
approprié
aux besoins
de l’existence laborieuse qui les attend.
Ces marques de sollicitude pour le plus vital de nos intérêts sociaux ne devaient pas s'arrêter là.
Le lendemain du jour où il avait parcouru les écoles,
quelques instants avant de nous quitter, dans cette même
salle où nous sommes rassemblés, M. le Ministre réunissait
autour de lui trois cents instituteurs, venus de tous les
points du département.
Après les avoir prémunis contre les dangers de l'orgueil, qui compromettraità la fois leur bonheur personnel
et Le succès de leur belle mission, son Excellence faisait
ressortir les services que l'instituteur est appeléà rendre,
et, donnant
une auguste
sanctionà
ses conseils, disait à
son auditoire, avide de les recueillir : « Quand je vous
» parle ainsi; je vous parle au nom de l'Empereur, dont
» je ne suis que l'interprète et dont je m’efforce de réaliser
» les généreuses intentions. Au milieu de si graves et si
» nombreuses affaires, l'Empereur se préoccupe des inté-
%
» rêts de l’instruction primaire, qu'il place au premier
» rang des intérêts sociaux, et il vous aime parce qu’il
» aime profondément les classes ouvrières et les popula» tions rurales, et que vous en êtes les éducateurs. »
Maintenant, Messieurs, je cède la parole aux. doyens de
—
1
—
.
nos deux facultés et au directeur de notre école de méde-
cine.
Ce
Ils ont, et c’est l’objet spécial de cette solennité, à présenter l'exposé des travaux qui ont.rempli la dernière
année scolaire, à tracer le tableau de ceux qui auront lieu
pendant l’année qui commence.
J'ajouterai pourtant un dernier mot à cette allocution.
Il s’agit pour moi d’un devoir que je suis heureux de
remplir.
Je veux exprimer ma reconnaissance pour cette élite
d’une population éclairée et polie, pour les éminents dignitaires de l’église, de la magistrature, de l’administration, de l’armée, toujours empressés de venir à nos fêtes
universitaires, témoigner de leurs sympathies et de leur
intérêt pour l’œuvre de l'éducation publique.
Je veux dire aussi toute ma gratitude pour la ville de
Nancy.
‘
Depuis la création de cette académie, chaque année à
pareil jour, nous recevions, dans cette salle décorée par le
pinceau d’un enfant de la Lorraine, une gracieuse hospita-
lité. Que l'administration municipale veuille bien en recevoir mes remerciements.
|
Qu'elle les reçoive également pour la nouvelle demeure
qui nous est ouverte.
Mais, ici, encore, permettez-moi,
Messieurs, de me ser-
vir des expressions mêmes de M. le Ministre.
« Nous voici, disait son Excellence, dans ce palais des
» facultés, courageusement entrepris, rapidement terminé,
» qui atteste par sa vaste el belle ordonnance que les sacri-
_—
12
—
» fices n’arrêtent pas votre énergie, quand il s’agit d’hono» rer les lettres et les sciences, et de leur ouvrir un asile
» digne d’une grande et généreuse cité.
» [Il est bien que la reconnaissance publique récompense
» les services rendus. »
« À la ville de Nancy! à vous, Messieurs ses admi.» nistrateurs, honneur et merci! »
RAPPORT.
DE |
M. GODRON, DOYEN DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
Monsreur LE RECTEUR,
MonsEIGNEUR,
‘
Messieurs.
Une année s’est écoulée, depuis que la munificence de
la ville de Nancy a doté sa Faculté des Sciences de locaux
appropriés à ses besoins, où les différents services, parfai-
tement isolés les üns des autres, fonctionnent avec la régularité et Faisance indispensables dans tout établissement
d'instruction, depuis l’école primaire jusqu'aux institutions
destinées à donner, au nom de l’État, l’enseignement supé-
rieur. Les professeurs d’une Faculté des sciences ne peuvent pas dire comme le philosophe Bias : Omnia mea
mecum porto ; ils ne peuvent non plus, comme le stoïcien
Zénon, réunir leurs disciples sous le portique, pour y exposer devant eux les théories les plus simples comme les
plus élevées. Leur action serait stérile, leur enseignement
incompris et sans autorité si, à chaque pas, ils étaient
privés de l’avantage précieux d'appuyer les théories, qu'ils
—
14
—
|
exposent, sur l'observation et sur. l’expérimentation, ces
deux bases fondamentales de l’enseignement scientifique.
Il leur faut des amphithéâtres et des laboratoires; des collections importantes et variées, se complétant au fur et à
mesure que le mouvement scientifique , qui entraîne le
monde actuel, crée aux Facultés des sciences des besoins
et des devoirs nouveaux, sont également indispensables,
si l’on veut qu’elles enseignent non-seulement les découvertes d'hier, mais encore celles d'aujourd'hui. Le Conseil
municipal, dispensateur intelligent des revenus de la Cité,
n'a pas hésité à lui imposer, dans les limites du possible,
les sacrifices nécessaires, pour la création de nos collections. Il a même
dévancé l'avenir, en nous dotant d’un
observatoire, auquel des temps plus favorables réservent,
sans aucun doute, les instruments
vations astronomiques.
nécessaires aux obser-
h
L'expérience acquise, pendant la dernière année sco-
laire, nous a démontré que la Faculté des sciences, grâce
au local et aux moyens d’action dont elle dispose aujourd'hui, est enfin en mesure de donner une nouvelle vie
à son enseignement, d’en assurer à la fois les développements théorique et pratique et d’atteindre le but que le
Gouvernement de l'Empereur attend de nos efforts.
L'impression, que produit sur notre esprit cette situation
favorable, a développé
chez nous un sentiment
de
profonde reconnaissance envers une ville, qui a généreu-
sement pourvu à tous nos besoins et assuré, nous en avons
la confiance, la prospérité d’un établissement, aujourd’hui
solidement assis au milieu d’une population si avide d’être
initiéeà tous les enseignements et aux progrès incessants
de la science moderne.
—
15
—
ENSEIGNEMENT.
Je ne m'étendrai pas sur notre enseignement officiel.
Il a eu lieu conformément aux programmes qui nous sont
donnés comme direction et que nous suivons religieusement. Je ne me permettrai, à cet égard, qu'un détail.
Vous savez tous que le soleil, ne se contentant plus de
féconder, comme par le passé, notre nature terrestre et
‘d'entretenir la vie de tant d'êtres divers, s’est fait peintre
depuis quelques années; il vient d'accepter encore un nou-
veau
rôle, celui de chimiste, et, qui plus est, il nous a
révélé, au moyen de ses rayons décomposés par le prisme,
quelques-uns des éléments constituants de sa propre substance. Aussi la Faculté s’est hâtée d'acquérir l’ingénieux
appareil de MM. Kirschoff et Bunzen, qui a permis, cette.
année, à M. le Professeur de physique, de rendre son auditoire témoin des merveilleux phénomènes produits par
cet agént nouveau et si sensible d'analyse chimique.
Il ést un autre enseignefent, plus élémentaire et essentiellément pratique , que la Faculté s’est bénévolement
imposé, ‘dépuis sept ans, en faveur des ouvriers de la ville.
Cette tâche: elle la continue avec
persévérance,
qu elle est par la seule conviction que
soutenue
cette œuvre -est
utile à l’une des classes les plus intéressantes de la population.
Mais ici, les sujets d’études sont livrés à l'initiative du
professeur et l’enseignement ne-se meut pas périodique
ment dans le mème cercle. Il offre, chaque année, un
aliment nouveauà l'ardeur d'apprendre que témoignent
les habitués de ces cours. Qu'il me soit permis d’indiquer
—
16 —
|
ici, quelles ont été, cette année, les matières enseignées
dans ces leçons du soir.
M.
Nicklès, s'est occupé,
|
d’une manière
exclusive, de
l'étude du cuivre, de ce métal précieux qui, le premier de
tous, fut connu et employé par l’homme et qui a joué dans
l’histoire et dans les progrès de la civilisation un rôle si
important,à partir de l’époque reculée qui a succédé à
l'ége de pierre.
En traitant de son extraction et de son histoire métal
lurgique, notre collègue a dû signaler les importantes exploitations de ce métal, exécutées sous la domination
romaine, sur plusieurs points de notre province äcadémique. Mais, ce sont surtout les applications industrielles si
nombreuses auxquelles il donne lieu, qui ont été le sujet
plus spécial du cours.
|
Les principaux dérivés du cuivre, ces couleurs toujours
si employées qu’on prépare avec lui, la peinture rouge sur
verre du moyen âge et les secrets des anciens verriers,
tels que l'hématinon, V'avanturine,
V'émeraude artificielle,
etc., ont été l’objet d’une étude complète.
Il en a été de même des alliages du cuivre et surtout de
cette importante triade qui se compose du laiton, du
bronze et de l'airain et de l'application de ces substances
métalliques au doublage des navires, à la fonte des statues,
des eloches et des canons.
La conservation des bois par le sulfate de cuivre, opération pratiquée aujourd’hui, dans nos forêts des Vosges,
sur une assez large échelle, ne pouvait être oubliée, à titre
d'industrie du pays.
Enfin, M. le Professeur de chimie a terminé par l'étude
de cet art nouveau,
connu sous le nom d’électro-métal-
_—
7
—
lurgie, et a initié son auditoire aux procédés si ingénieux
employés,
soit pour
la reproduction
des
caraclères,
des
bas-reliefs, des médailles, des timbres-postes, etc., soit
pour cuivrer les vasques et les statues, qui ornent les
fontaines monumentales et que nous voudrions voir appliquerà celles de la place Stanislas de Nancy, ce qui
en compléterait la restauration entreprise, avec une si
louable sollicitude par l'autorité municipale,
M. Chautard s’est occupé spécialement de l’étude des
propriétés moléculaires des corps et d’une classe de phé-
nomènes qui dépendent intimement de ces propriétés, je
veux parler de l’acoustique. La production et la transmission des sons, la théorie physique de la musique, létude
des différents instruments à vent et à cordes ont été l’objet
de ces leçons.
|
M. Renard a enseigné les applications de la géométrie
descriptive à la coupe des pierres, à la charpente, à la
théorie des ombres, à la topographie et au nivellement.
La coupe des pierres comprend, relativementà une cons-
truction quelconque, quatre opérations principales : le
tracé des épures, la taille des pierres, la pose des pierres
et les conditions de stabilité, Les principales constructions
qui ont été étudiées sous ces différents rapports, sont les
diverses espèces de voûtes simples et composées, par exem-
ple, les voûtes plales, les voûtes cylindriques, les voûtes
sphériques, les voûtes biaises, les voûtes d’arête, les voûtes
en arc de cloître, etc., puis les escaliers et les voussures.
La charpente s'occupe de la taille des bois et des diffé-
rentes espèces d’assemhlages. Les principes posés ont élé
appliqués à la construction
des combles à deux pentes, à
quatre penies, enfin aux combles brisés ou à la Mansard.
2
— 18 —
|
Les principes de la topographie et du nivellement nonseulement ont été enseignés, mais les jeunes gens qui
suivent ces cours, ont été exercés à l'exécution des épures,
sous la direction du professeur et de M. Mélin, maître des
travaux graphiques. En été, des exercices pratiques ont eu
lieu sur le terrain et les élèves ont effectué successivément
le levé des environs de la ferme Saint-Jean, du petit Jéricho et des Grands-Moulins. Leurs plans sort conservés
dans les archives de la Faculté.
M. Lafon a enseigné la mécanique appliquée. En s’appuyant sur la géométrie, ila pu en exposer, d’une manière
élémentaire, les principes les plus importants, dont l’ignorance fait que souvent l'esprit s’égare dans de vaines recherches et s’obstine, par exemple,
à vouloir trouver le
mouvement perpétuel. Ces principes de mécanique ont été
plus particulièrement appliqués, cette année, à l'étude
des machines à vapeur.
|
M. le docteur L, Parisot continue à prêter à notre œuvre
l'appui de son talent. Il a entretenu son auditoire de Palimentation, en développant spécialement quelques questions importantes, qui touchent à la fois à l’économie
politique et à l'hygiène. Après avoir défini Paliment et
prouvé, par tous les résultats pratiques et par les nombreuses recherches expérimentales dont cette question a été
l’objet, que l'alimentation doit ètre variée chez l’homme
et empruntée à la fois aux deux règnes organiques, il s’est
attaché à l'étude du sel considéré dans ses effets sur la
nutrition de l’homme et des animaux domestiques. Il s’est
demandé,
si avec du sel on fait réellement de la viande,
comme on l’a prétendu et si la prospérité de notre agriculture tient d’une manière intime à l'usage de cetie subs-
—
tance,
19 —
Lo
dans l’engraissement des animaux de boucherie; il
est arrivé à ces conclusions, que le sel en petite quantité
excite la sécrétion du suc gastrique, mais ne se fixe dans
les organes qu’en une faible proportion qu’il est inutile de
dépasser, puisque cette substance minérale surabondante
est immédiatement expulsée par la voie des excrétions.
Abordant ensuite la question de la consommation de la
viande en France et en Europe, il a fait voir, qu’à Nancy,
la moyenne sous ce rapport est celle que la science indique
et que l'Angleterre consomme. Il s’est altaché aussi à démontrer que la salubrité de la viande ne dépend pas de
l'espèce animale qui la fournit, et que l’introduction dans
le régime de l’homme de la chair de cheval ou du pore
nourri de débris animaux est parfaitement rationnel au
point de vue de l’hygiène.
|
.
Après avoir jugé la valeur des différents modes de préparation des aliments, il a étudié les principaux procédés
de conservation de la viande et propose comme moyen de
maintenir à cet aliment
sa fraîcheur, sa saveur et sa cons-
ütution physique, l'emploi de l'acide sulfareux, déjà appliqué avec succès par notre célèbre chimiste, Braconnoi, à
la conservation, à l’état frais, de ce légume dont Pythagore
interdisait l'usage à ses nombreux disciples. Enfin, M. Parisot s’est altaché à combattre une foule d'idées fausses
répandues dans le monde et relatives à l’alimentation.
Détruire un préjugé est souvent une conquête plus utile
que de découvrir une vérité nouvelle.
s
TRAVAUX PARTICULIERS DES PROFESSEURS
PENDANT LA DERNIÈRE
ANNÉE CLASSIQUE.
En déhors de leur énseignement, mes laborieux collègués ne son pas restés inactifs. Cofnme les années précédentes,
ils ont produit des travaux,
dont les réglemenits
me prescrivent de vous rendre comple dans chacune de
nos séances de rentrée.
À côté de travaux de critique scientifique insérés dans
les Comptes rendus de l'Académie de sciences, dans le Jour-
nal de chimie et de pharmacie et dans lun des organes
de la presse scientifique américaine, M. Nicklès a publié
plusieurs mémoires originaux et exécuté une invention
sur laquelle nous fixerons tout d’abord l'attention.
En installant son nouveau
laboratoire,
il à fait cons-
truire un alambic, dont les divers organes ont été agencés
de manière à produire très-régulièrement dés effets multi-
ples. Si la chimie est toujours l'art de manier le feu sous
ses différentes formes, on peut presque dire que, grâce au
nouvel appareil imaginé par notre collègue, l'expérimen-
tateur peut exécuter presque toutes ses opérations sans se
noircir les mains et sans aspirer des vapeurs nuisibles.
Sous prétexte de donner de l’eau distillée, cet alambic
donne de la vapeur d’eau, des bains-marie, des bains de
sable, des étuves à divers degrés de température,
des sé-
choirs, une chambre à fermentation, des entonnoirs à
filtration chaude, de l’eau distillée bouillante et de l’eau
distillée froide; enfin, en hiver, lappareil chauffe suffisamment
la pièce où il a été construit et tous ces services
|
_—
D
—
-
sont obtenus au moyen d’une dépense peu considérable en
combustible.
Quatre mémoires ont été publiés par M. Nicklès et je
crois devoir en faire connaître l’objet avec quelques détails
qui en feront ressortir l'importance.
Appelé par un établissement métallurgique à examiner
quelques échantillons de fonte, qui se distinguaient par
des propriétés spéciales, notre collègue fut frappé de l'état
d’imperfection dans lequel se trouvaient les procédés d’analyse alors connus.
On
se fera une idée de cette situa-
tion, quand on saura que le métal devait être réduit tout
d’abord en poudre impalpable; mais, en raison de son
excessive dureté, il devait y avoir mélange de matières
étrangères, provenant des agents mécaniques eux-mêmes
mis en action pour obtenir la pulvérisation. Cette poudre
devait être ensuite attaquée par les acides au risque de
voir se-perdre,
sous forme gazeuze,
certains principes
constituants du métal. Pour éviter ces causes d'erreur et
faciliter le
travail,
M.
Nicklès eut l'idée de se servir du
brome qui, uni à l’eau, désagrège assez facilement la fonte,
sans occasionner, par volatilisation, aucune perte des éléments qu’il s’agit de rechercher.
Une
importante
affaire
criminelle,
qui s’est dénouée
devant la Cour d'assises, a conduit M. Nicklès à imaginer
un procédé nouveau, d’une sensibilité extrême, pour reconnaître la nature d’une tache placée sur du linge. En
s’aidant de l'électricité et de réactifs appropriés, il est par-
venu à caractériser le métal, contenu dans cette tache en
quantité très-minime et à l’isoler de manière à lui conser-
ver son aspect particulier. Ce métal était l'argent. Ce pro-
—
2
—
cédé, qui est appelé à rendre des services à la médecine
légale, a dû être publié par-son auteur. ‘
Dans l’ordre des sciences purement théoriques, notre
collègue a fait encore, cette année,
la découverte d’une
nouvelle classe de combinaisons chimiques. La plupart des
composés salins sont formés d’un acide et d’un oxyde; on
sait aussi que certains de ces composés peuvent s'unir
entre eux pour former ce qu’on appelle des sels doubles.
La science connait aussi quelques exemples de sels triples.
Mais, ce dont on ne se doutait pas, c’est l'existence des sels
quadruples; M. Nicklès nous en a révélé un certain nombre, nous a fait connaître leur composition et a déterminé
leurs formes cristallines.
Enfin, il à publié des recherches sur une maladie du
vin,
connue
sous le nom
de vin tourné et s’est assuré
qu’elle est due à la formation d’acide butyro-acétique,
composé qu’il a découvert, il y a seize ans, à ses premiers
débuts dans la carrière des sciences.
Tels sont les travaux que, pendant la dernière année
scolaire, M. Nicklès est venu ajouter encore à tous ceux
dont il à enrichi la science depuis la création de notre
Faculté, Aussi vous avez tous applaudi à la brillante
distinction
que
Son
Excellence, M. le Ministre de PIns-
truction publique, a bien voulu lui accorder, à son arrivée
à Nancy et qu'il avait si bien méritée, et par son enseignement et par son ardeur brûlante pour les recherches
scientifiques.
|
Tout en continuant ses recherches théoriques sur l’élec-
tricité, M. Rénard nous a donné une excellente biographie
d’un mathématicien aussi modeste que distingué, M. Gustave de Coriolis.
Après avoir tracé,
dans une
première
—
93
—
partie, une analyse complète de ses travaux, de manière à
caractériser le savant, il s’est attaché, dans une seconde
partieà faire connaître l’homme de bien, en découvrant
quelques-unes des belles qualités de son cœur (1).
M. Lafon, dans une note, présentéeà l’Académie de
Stanislas, a donné une démonstration nouvelle des formules relatives au mouvement d’un corps solide, Par des
considérations purement géométriques , il arrive, en
outre,
à démontrer
cette question (2).
les formules de Lagrange relatives à
EXAMENS.
Baccalauréat ès sciences. — Les candidats à ce grade
universitaire continuent à se présenter en grand nombre
devant notre Faculté des sciences; 414 jeunes gens sont
venus, celte année, affronter ces épreuves si redoutées et
(4) Ge
travail
est intitulé
: ÂWofice historique sur la vie eë les
| travaux de Gustave de Coriolis. Naney, 1862, in-8&.
(2} Pour compléter les travaux des membres de la Faculté des
sciences, il faudrait y ajouter, pour obéir au vœu, qui s’est produit, il
y a un an, au sein du Conseil académique, les travaux du Doyen,
pendant la dernière année scolaire. Nous nous contenterons d’en indi-
quer les titres :
4° Essai sur la géographie botanique de la Lorraine ; À vol. in-12,
2 Etude ethnologique sur les origines des populations lorraines ;
brochure in-8°.
3° Mémoire sur les feuilles inéquilatères, présenté à l'Académie des
sciences de Paris; brochure in-8°.
4 Deux faits nouveaux relatifs à l’histoire des Æ gilops hybrides ;;
brochure in-8°.
—
—
cependant si peu redoutables pour lous ceux qui, ayant
suivi
consciencieusement
classiques,
le cours
complet
des
études
nous arrivent nécessairement pourvus de toutes
les connaissances qui conduisent naturellement à ce grade,
par une voie largement ouverte et dégagée de tout obstacle. Aussi, nous ne pouvons trop prémunir les jeunes gens
contre l’impatience qui les pousse à quitter des études
régulières, pour se livrer à une préparation superficielle,
qui très-souvent devient pour eux une déception dans le
présent, et ne leur laisse,
pour
réussir, dans la carrière
qu’ils ambitionnent, que des connaissances frop vagues,
dont l'insuffisance compromet leur avenir.
Nous devons dire, toutefois, que cette propension fàcheuse, contre laquelle nous nous sommes fréquemment
élevé dans cette enceinte, tend chaque année à s’affaiblir. L'expérience, ce guide si sage de toutes les actions
humaines, paraît avoir exercé sur l'esprit des jeunes gens
une influence plus puissante que n’ont pu Île faire nos
conseils désintéressés. Les compositions, qui sauvegardent
lés candidats des, effets de la timidité, si générale parmi
eux, à en croire du moins toutes lés letires de recommandation
qui nous arrivent,
mais surtout la nature de ces
épreuves ne s’accommodent guère d’une préparation artificielle au moyen
de ces affreux
manuels, que nous vou-
drions voir banuir de tous les établissements d'instruction.
Aussi, dans chacun de nos derniers rapports, avons-nous
eu à constater des progrès sensibles dans le niveau des
examens;
ces progrès ont été, celle année,
l'homme,
commence
encore
plus
saillants el nous sommes heureux de le constater. L’émulation, toujours si féconde lorsqu'elle anime le travail de
à dominer
ces froids
calculs,
par
— 2% —
|
lesquels les candidats dirigeaient leur préparation pour
atteindre rigoureusement au but et semblaient cramdre
de le dépasser. L’ambition d'être reçu à la tête de la série
s’est manifestée, pendant la dernière année scolaire, d’une
manière plus évidente encore que pendant les années précédentes. Jamais nous n’avions eu la satisfaction de pro-
clamer les notes bien et très-bien un aussi grand nombre
de fois que cette année. Nous commençons donc à faire de
véritables bacheliers ét beaucoup moins de ces gradués,
qui se sont imprudemment aventurés sur l’un de ces es-
quifs,-dont je tairai le nom, si fragiles et si sujets à som-
brer, maisqui cependant abordent exceptionnellement au
port contre vents et marées.
Il est une
autre ambition , non moïns digne d’éloges,
qui se développe de plus en plus dans d'esprit de nos jeu- .
nes candidais, c’est celle de conquérir les deux diplômes.
Nous
comptens,
cette année, 74 candidats, qui se sont
présentés devant nous déjà.pourvus du grade de bachelier
ès lettres. Les avantages, qui sont faits aux jeunes gens
doublement bacheliers pour l’entrée dans certaines écoles
spéciales, est une heureuse
pensée qui engage un certain
nombre d’entre eux à compléter leurs études littéraires et
scientifiques. Mais ce n’est pas le seul mobile qui les pousse
ainsi en avant; il en est, ét nous en connaissons, qui ne se
destinant pas aux écoles tiennent à honneur de ne pas
quitter les bancs du lycée ou du collège, sans posséder un
double parchemin. Nous ne pouvons que les encourager et
les féliciter de leur bonne volonté.
Quant à l'examen du baccalauréat divisé en deux parties,
nous n'avons qu’à répéter ce que nous avons déjà cons-
tâté, dans nos précédents rapports, c'est que ce
d'examen facilite les réceptions.
o
mode
ON.
Nous résumons les résultats des trois sessions d’exa_ mens de la dernière année scolaire dans le tableau suivani :
Nombre
mis
| Candidats
es
admis
candidats. aux épreuves gratuitement
complet. ..,
Baccalauréat
restreint...
L
1" partie.
2% partie...
166
.
17
110
:
99
84
9
7
78
77
191
68
414
954
.
66
9234
*
Laeence ès sciences. — Les candidats, qui se sont présentés aux épreuves de la licence ès sciences, pendant nos
deux sessions réglementaires, ont été au nombre de treize,
chiffre relativement élevé, si on le compareà celui que
présentent annuellement les diverses Facultés provinciales
de l’Empire et si l’on songe que ce grade difficile à acqué-
rir ne conduit à une position que dans la carrière de l’Instruction. Parmi ces 13 candidats,
8 nous ont demandé la
licence ès sciences mathématiques, 4 la licence ès-sciences
physiques, un seul la licence és-sciences naturelles.
Le résultat de ces examens a été l'admission au grade
_
97
—
de licencié ès sciences mathématiqués de MM. Philippe
et Chrétien, maîtres-répétiteurs au lycée de Nancy et de
M. Maxant qui a le même grade au lycée de Bar-le-Duc;
MM. Ravier, Mathouillot et Langrogne, maîtres-répétiteurs
au lycée de Naney, ont obtenu le diplôme de licencié ès
sciences physiques et M. Seguinaud, pharmacien à l’hôpital
militaire
de Nancy,
sciences naturelles.
a mérité
celui de licencié
ès
Tels sont les faits qui se sont produits pendant la dernière année scolaire; telle est la situation que notre Faculté des Sciences a su jusqu'ici conserver; j'ai la confiance qu’elle ne déviera pas de la voie dans laquelle elle
s’est engagée et que mes laborieux collègues continueront
à prendre au sérieux la mission importante qui leur a été
confiée.
RAPPORT.
DE
M. Cu. BEN OIT,DOY EN DE LA FACULTÉ DES LETTRES.
Monieür
LE RECTEUR,
MoNSEIGNEUR,
Messreurs,
I semblé qu'aujourd'hui, après huit ans déjà écoulés
dépuis la fondation de nos Facultés, nous recommencions
une phase nouvelle d'existence. Nous voilà, en effet, ins-
tallés enfin dans le noble édifice que cette ville généréuse
a voulu consacrer aux Letires et aux Séiences. Les Muses
ont trouvé ici un temple digne d'elles. Mais, tout en
prenant possession avec reconnaissance de ceite nouvelle
demeure, nous ne pouvons cepéndant ne pas adresser un
pieux adieu au modeste réduit qui nous abrita longtémps
et où se sont formées nos premièrés amitiés: Tout austère
en effet, que fût notre vieillé salle, l'accoutumarice nous
y avait attachés; et il nous a semblé,
en la quittant, que
nous ÿ laissions-une partie de nous-mêmes. Mais non, je
mé trompe; nos mes ne s'étaient pas attächées aux pierres
—
30
—
de l'édifice. C’est vous, Messieurs, qui
étiez la parure
de
ces murs sévères; ce sont vos cœurs qui y frémissaient
comme un écho de nos paroles émues; c’est à vous que
nous tenions. Or, vous nous avez suivis, vous nous suivréez
dans cette demeure
nouvelle. Sans doute il vous faudra
venir plus loin à travers la grande place. Mais votre zèle
pour les choses de l'esprit est éprouvé; et nous avons lieu
de croire que nos entretiens littéraires sont désormais
entrés dans les habitudes durables et les mœurs de cette
ville.
|
Nancy, par la splendeur même de l'édifice, a montré
une fois de plus l’estime qu’il fait des choses de la pensée.
Qu'il me
soit permis, Messieurs, en cette occasion solen-
nelle, d'exprimer toute notre gratitude à ladministration
municipale, qui a pourvu avec tant de munificence aux
besoins de l'Enseignement supérieur présent et futur; et
surtout à l’homme de tête et de cœur, qui y préside et qui,
se souvenant du passé de notre ville et se confiant à sa
fortune dans l'avenir, la pousse d’une main si ferme et si
libérale vers sa destinée. Déjà le Ministre de l’Instruction .
publique s’est fait l'interprète de notre cœur. Par amitié
pour M. le baron Buquet, en mème temps que pour rendre:
hommage à la générosité de Nancy, M. Rouland a voulu
présider Iui-même à l'inauguration du Palais et témoigner
ainsi de la reconnaissance publique.
Ni lui, ni nous, Messieurs, n’oublierons de longtemps
et sa cordiale démarche et l'accueil que notre ville lui a
fait. Déjà, Messieurs, le Ministre avait été touché de l’ardeur avec laquelle vous aviez sollicité autrefois le rétablissement de votre Université, et de votre zèleà profiter de
ce qui vous. était rendu. Ce qu’il a vu depuis n’a fait
—
81
—
co
qu’augmenter son estime. Dans un temps où les affaires,
l’industrie, le cours de la Bourse fascinent, absorbent
toutes les âmes, il a rencontré une ville, où, tout en s’asso-
ciant aux vrais progrès du siècle, on a conservé le goût et
le culie désintéressé
des sciences
et des lettres, et où
les
Muses ne trouvent pas seulement un brillant sanctuaire,
mais (ce qui vaut mieux) un grand nombre de fidèles ado-
rafeurs. En venant ici, il a mieux compris que Nancy est
une de ces cités vraiment royales, que leur avenir autant
que leur passé appelle à devenir le centre d’uné grande
sphère et un foyer de hautes études. Il a senti que ce
n'était pas sans raison que nous réclamions avec insistance
le complément de notre établissement universitaire; et il
a laissé entrevoir que le vœu d’une Ecole de Droit pourrait
être réalisé un jour. Quand ce jour viendra-t-il? peu importe : il.ne s’agit que d'attendre. En principe, notre
cause est gagnée, la raison finit toujours par avoir raison :
et le bon droit hérite du temps.
Cette visite du Ministre a été une fête tout aimable dans
sa solennité. Vous n'avez
pas oublié en elfet, Messieurs,
: tant de paroles affables et surtout ces mots pleins d’à-pro-
pos avec lesquels cet hôte, charmé lui-même, distribuait
les Croix
suis sûr
acquitter
publique,
dans un Champ de Mars d’un nouveau genre. Je
que le Ministre, qui de loin pensait sans doute
pleinement avec ces Croix la dette de l’estime
a regretté alors d’en avoir si peu à décerner, au
milieu de tant de mérites divers. Il a su choisir à merveille,
sans doute; et vos applaudissements ont prouvé que vous
“choisissiez comme Jui. Mais pourtant que d'hommes distingués pour lesquels il a fallu ajourner encore notre espérance, et qui ne feraient pas moins d'honneur à la Croix
par leur caractère que par leur talent?
EXAMENS.
Doctorat. Noùs u’avons pas eu, celté année comme la
précédente, l’occasion de décerner le grade de Docteur.
Est-ce que personne ne songe plus à le conquérir? Non
pas. Deux candidats fort distingués, au- contraire, nous
deslinaient leurs thèses. L'un d'eux est M. Fialon, ce
maître excellent que le Lycée de Nancy est heureux de
garder encore cette année, et qui depuis longtemps pré-
“parait deux remarquables ouvrages, l'un en latin sur
Atticus, l’autre en français sur saint Basile. Mais, dans
notre estime pour ces deux thèses, nous avons cru devoir
donner à M. Fialon le conseil trop désintéressé peut-être
de se présenter de préférence à la Sorbonne pour y recueillir sur un plus grand théâtre le succès plus éclatant
dont il était digne. C’est pousser sans doute bien loin
l'abnégation. Mais pouvons-nous nous flatter de soutenir ici
ce grade contre le discréditattaché depuis longtemps à tort
ou à raison aux Doctorats de province? Nous avons la conscience assurément, qu'un docteur chez nous ne sera pas
admis à moindre prix qu'un docteur de Paris. Mais de son
grade lui tiendra t-on autant de compte dans l'Université?
Cela le recommandera-t-il autant pour sa carrière? Le préjugé est plus fort que nous. — L'autre candidat s’annonçail:
avec deux thèses d’une piquante curiosité, lune sur la
légende de Faust, l’autre sur le joli poëme où Musée nous
conte les amours et la mort romanesque d'Héro et de
Léandre. Nous étions disposés à faire fête à ce candidat
_—
335
—
plein de promesses. Mais il semble que les conseils, que
nous lui donnions dans le but d'améliorer encore son
œuvre, l’aient découragé, et qu’il ait cherché fortune
ailleurs.
Licence.
La
Licence
de son côté
ne
nous
a produit,
cette année, qu’une moisson bien modeste. Est-ce la faute
des candidats? Dieu me garde de leur adresser à ce sujet
aucun reproche. Témoin assidu au contraire de leurs
efforts, je dois louer leur laborieuse
persévérance. Mais,
pour la plupart, ils appartiennent maintenant à ces géné-
rations moins heureuses qui ont grandi et se sont formées
alors que les Lettres latines et grecques languissaient,
frappées de discrédit par les évènements. Il est difficile de
remédier plus tard à ce défaut de l’éducation classique.
Plusieurs toutefois
se mettent à l’œuvre avec courage;
mais la route est pénible et le but éloigné. Nos candidats
d’ailleurs, maîtres répéliteurs pour la plupart dans nos
Lycées, ou régents dans les colléges communaux, absorbés
par les devoirs de leur tâche quotidienne, ont trop peu de
loisir pour leurs études personnelles. N’y saurait-on remédier, Messieurs? Ne serait-il pas désirable, que, sinon dans
tous les Lycées, au moins dans ceux qui sont placés auprès
d’une Faculté, on doublât le nombre des maîtres répétiteurs, et que la surveillance ainsi partagée laissât à ces
jeunes gens quelque répit pour travailler et assurer leur
carrière? Ce serait, au dessous de l’École normale, comme
autant de pépinières où l’administration pourrait choisir
des maîtres aussi bien préparés pour l’enseignement acer
pour la discipline. Cette idée n’est pas nouvelle. Nôus
savons mêine qu’ellea déjà été prise en très-sérieuse con:
—
34
—
sidération, Mais nous en hâtons l’accomplissement de tous
nos vœux.
En attendant,
remercions M. le Recteur des
encouragements qu’il donne à la jeunesse universitaire,
en réservant, autant qu'il le peut, à nos licenciés toutes
les chaires d’humanités. Cette prime paraît toutefois insuffisante encore pour exciter l'émulation. Car dix Candidats seulement
se sont depuis
un
an
présentés
à cet
examen: à savoir, 3 en novembre 1864, et 7 en juillet
1862. Dans la première Session, deux sur trois ont été
jugés dignes du grade de Licencié, MM. de Roche du Teilloy et Thouvenot. Dans la seconde, trois Candidats
ment ont été admis,
MM.
Rosmann,
seule-
maître répétiteur au
Lycée de Reims, maintenant chargé de Cours au Lycée
de Brest; Schnox, maître répétiteur au Lycée de Nancy;
et Adam, élève libre de la Faculté.
Baccalauréat. Tci, Messieurs, au contraire chaque
an-
née le nombre de nos candidats s'accroît et le niveau
moyen de l’Examen s'élève. L'Éducation classique, tant
ébranlée, il y a tantôt dix ans, par des mesures que sem-
blait alors exiger l'esprit public, se raffermit de plus en
plus sous la main discrète
qui,
d’un
en gardant les avantages
Ministre, ami
des lettres
reconnus du système, en
corrige peu à peu les inconvénients. Car, à n’en voir que
les dehors, il semble que c’est toujours le même édifice;
_mais des changements dans la distribution intérieure l’ont
transformé sans bruit et rendu habitable. — Le Ministre
de l'instruction publique est le Ministre de l'avenir. C’est
à lui qu'appartient de préparer la prospérité future du
pays par l'éducation de la jeunesse, et de diriger Pesprit des générations nouvelles dans ces conquêtes de la
—_
55
—
pensée, qui ne sont pas une des parts les moins glorieuses
de l’activité de la France. Voilà ce que l'Empereur attend .
de lui, l'Empereur, qui veut que notre patrie reste en tête
de la civilisation du monde, et qui n’est pas moins jaloux
de la grandeur morale de la France que de sa richesse
industrielle et du prestige de son épée. Avec le sentiment
profond de sa mission et la conviction qu’il n’y a pas
d'éducation libérale, dont les Lettres ne soient le fondement, M. Rouland n’a cessé de travailler à rendre aux
Lettres dans nos études la place qu’elles n'auraient jamais
dû perdre. — Mais ajoutons que, dans ses mesures réparatrices, il a été admirablement secondé par le bon sens
public. En France, il peut y avoir des moments de surprise et d’engouement. On a pu
croire que les Sciences,
si fécondes de notre temps en grandes choses, pourraient
suffire à la culture des esprits et aux besoins de l’imagination; que les langues vivantes seraient substituées avec
plus de fruit aux langues mortes de la Grèce et de Rome ;
et qu'il valait mieux être en état de causer d'intérêts avec
un Allemand ou un Anglais, qu'admirer à grand’peine à
travers un texte mal compris les chefs-d’œuvre de Sophocle
et de
Démosthènes.
Pour
un
siècle
livré
aux
affaires,
c’était plausible. Mais, chez nous, ces erreurs du sens
commun ne sont pas longues. On a bientôt compris
combien il était insensé de couper en deux l'esprit
humain, tandis qu'il faudrait au contraire par l'éducalion en rapprocher
les deux
parties,
si elles étaient
séparées. L’instruction littéraire et l'instruction scientifique sont faites, en effet, pour se compléter mutuellement.
À l'éducation littéraire appartient de commencer le développement intellectuel et moral des esprits. Puis, quand
—
les Lettres,
donné
36
—
après avoir éveillé toutes
l'essor aux nobles instincts
les
facultés et
de l’âme, nous auront
appris ainsi à penser et à sentir, alors seulement l’intelligence ainsi faconnée pourra être appliquée avec succès
aux branches diverses de la science et de l’activité humaines. Que les Lettres donc soient encore la meilleure
préparation à l'étude des Sciences, c’est ce que nos jeunes
gens, tout pressés qu’ils soient d'arriver au but, ont eu le
bon sens de comprendre eux-mêmes. Quelques-uns peut-
être ont eu besoin d’y être quelque peu aidés par l’excel-
lente mesure, qui invite de la façon la plus éloquente les
candidats de Saint-Cyr et de l'Ecole forestière à se faire
recevoir bacheliers ès leltres, en attachant à ce grade une
grâce efficace pour leur en ouvrir les portes. Mais la plupart venaient d'eux-mêmes au Baccalauréat. Voyez en
effet les candidats à l'Ecole polytechnique; le plus grand
nombre et surtout les meilleurs, quoique le baccalauréat
ès lettres ne leur ässure aucun privilége, ne se montrent
pas moins.jaloux de s’en parer. Dans leur noble ambition,
il ne leur suffit plus d’être des ingénieurs ou des officiers :
ils veulent aussi être des hommes; et ils sentent de plus
en plus que, pour le devenir, la chimie ni lalgèbre ne
suffisent pas.
L'an
dernier, nous comptions
226
Candidats;
cette
année 275, c’est-à-dire, 49 de plus. Sur ce nombre, 165
ont été admis, et 110 ajournés. Les vainqueurs sont done
dans la proportion de 59 pour cent. Toutefois, si le niveau moyen des examens s'élève, les brillants succès
semblent devenir plus rares. Personne, en effet, n’a atieint
la mention Parfaitement bien. La note Très-bien a même
37
mme
été donnée rarement ; 41 Candidats seulement Pont obis-
nue, à Savoir:
. MM. Percez
de Vienne (Henri)
. MM. Blondel
_ Bayer
Lemaire
Ancel
Ferry
Martin.
Petiti.
Vincent
Briard
:
La note Pen n’a pas été plus fréquente : nous n'avons
| pu laccorder non plus qu'à 12 Candidats: tändis que
34 Candidats ont-été admis avec la mention Assez bien;
et 88 Passablement.
|
d'Avril, |
d'Août.
44 | 13 |
| 153 | 511
E
à
1 | 141
»
42l6e3l,
|
Passable.
IES
=
Bu,
ro
RE
D
&
Assez
‘ bien.
dats. | PE | 23
bien
SESSIONS | Qu. | © RERLTE
}
Bien,
Reçus.
|
Éliminés à
| Très-hier
Nombre.
98
49
EH
.
de
Novembre
TE
26
| T
|
| oraux.
978 | 90 ! 20
28
1331»
|110Ù
EE»
{1
1?
54
88
Total.
—
38 —
|
:
|
Le bataillon d'élite, comme on le voit, est peu nombreux,
À quoi cela tient-il? Est-ce que la discipline actuelle
des études,
en soutenant
mieux les médiocrités, dépri-
merait le talent? Je ne sais. Mais, fout en reconnaissant
que nos enfants aujourd’hui travaillent plus que jamais, je
vois avec regret que beaucoup le font trop en mercenaires,
et non pour le goût de savoir et d'ajouter ainsi à la valeur
de leur être. La noble éducation classique a perdu en
grande partie son caractère libéral. Le baccalauréat, qui
n’en devait être que le contrôle, en est devenu le but. Le
Manuel pour la plupart de nos écoliers est le livre de
chevet, l’abrégé de toute la science humaine; leur curiosité
et leur ambition ne vont pas au delà. Science bien superficielle et bien indigeste, mais qu’on n’amasse que pour
un jour marqué, et dont on se débarrassele lendemain.
Le Discours latin même, dans la pensée de plusieurs, n’est
encore qu’une machine de guerre, qu’on s'exerceà construire de pièces plus ou moins assorties, une espèce de
Cheval de bois, avec lequel on se flatte de pénétrer par
surprise dans les murs d’Ilion. On apprend par cœur des
lirades d’auteurs latins, qu’on est bien décidé à faire
entrer de gré ou de force dans la composition, quel qu’en
soit le sujet. Le sujet cependant se dérobe quelquefois à
toutes leurs prévisions et à leurs efforts : et il est triste
alors de voir ces pauvres désappointés s’agiter par terre
commes des papillons, auxquels on a coupé les ailes.
Cette discipline mécanique des études et la superstition
des programmes sont aujourd'hui généralement dénoncées conime un fléau de notre éducation elassique. Les
maîtres de l’enseignement s’en sont émus : plus que
personne, l’homme prévoyant, qui préside aux destinées
— 59 —
|
de l'instruction, et qui, après avoir tant fait déjà pour
raffermir les études, s'inquiète si justement encore de les
voir s’abaisser trop souvent à n'être plus que l’apprentissage d’un Examen. I} connaît la source du mal. On avait
trop peut-être asservi les études littéraires à des règle
ments minutieux : plus de liberté pour le travail spontané,
d’essor pour l'initiative personnelle; plus de loisir même
pour les lectures. Nos Lycées risquaient de devenir sem-
blables à une caserne, où les esprits seraient obligés de se
régler sur le ‘tambour et de marcher au pas uniforme.
Notre Ministre {comme il l’a dit en nobles parolesà la
distribulion des prix du Concours général) se préoccupe ”
de mieux concilier avec la discipline nécessaire une cer-
taine liberté des esprits; et dans le cercle régulier des
devoirs de la classe, il veut ménager une part légitime.
d'indépendance au développement des goûts et des aptitudes particulières. Après tant de réformes heureuses apportées déjà aux épreuves du baccalauréat, il songe surtout à
en diminuer autant que possible les hasards, en sorte que
le grade de bachelier soit réellement désormais le témoignage sérieux, et comme la consécration de la vraie
éducation classique. « N’est-il pas désirable (ajoutait-il)
» que cet examen devienne une épreuve plus intelligente
» et plus sûre, quand elle n’est encore trop souvent qu’une
» gymnastique de la mémoire, et qu’elle pousse ainsi à la
» désertion d'études solides ét régulières, pour favoriser
» les préparations hâtives et trompeuses?
Ces questions
» éclairées par l'expérience, sont dignes de la sollicitude
» de l'Université, qui prend l'engagement de les étudier et
» de les résoudre, » Jeunes gens, fiez-vous en à la parole
de ce Ministre si prudent et si décidé tout ensemble, Chez
_— 40 —.
lui, la mesure suit de près la promesse. Livrez-vous donc
à vos études de tout votre cœur, et brûlez vos manuels.
-ENSÉIGNEMENT,,
Je vous devais, Messieurs, ce compte de nos Examens,
à vous, qui suivez avec tant d'intérêt la marche de notre
éducation
nationale
dont
ces
examens
sont
comme
la
statistique, et qui, dans la tendance du présent, interrogez
les promesses de l'avenir. Laissez-moi maintenant vous
* parler de notre enseignement, qui ne vous intéresse pas
moins. Je tâcherai à dessus d’être bref. Vous connaissez et
nos Cours, et l'esprit qui les inspire. Dans les voies diverses, où nos
études nous
engagent,
vous
le savez, une
même pensée nous anime, c’est que le beau et le bien se
tiennent étroitement unis, et que dans l'enseignement des
Lettres on ne saurait séparer l’art et la morale.
Philosophie. M. de Margerie, l’an dernier, traitait de la
Morale sociale,
c’est-à-dire,
des droits et des devoirs
de
l’homme dans la Société civile. Après tant de sophismes,
par lesquels les fanatiques du Contrat social avaient fini
par obscurcir et troubler la conscience publique, il ne
faut pas se lasser de rétablir en leur lumière les vrais
principes de l’organisation politique. Pour cela, M. de
Margerie a voulu remonter jusqu'aux lois éternelles, que
Dieu lui-même a données pour fondements aux sociétés
humaines. Quelle est l’origine et la raison d’être de la
Société civile et politique? Quels sont les éléments consti-
tutifs du pouvoir, dans lequel elle se résume? Quel est le
_
H
rôle et la mission de lPEtat dans l’ordre économique,
l'ordre intellectuel et l’ordre moral? Jusqu'où doit s'é-
tendre son action légitime? Qu'est-il en droit d’exiger à
son tour des citoyens, en retour de la protection qu’il leur
accorde? — Après avoir demandé à la métaphysique même
la solution de ces questions, et ainsi établi sur des bases
inébranlables les principes de la Science politique, M. de
Margerie a repris à leur tour chacun des grands problèmes
sociaux les plus controversés de nos jours. Ainsi, le principe tant attaqué de la Propriété, les questions si graves et
si actuelles de l'Esclavage, du Paupérisme, de Assistance
publique, de la Loi pénale et du Régime pénitentiaire, ont
été discutés par lui avec cette solidité et cetie haute sagesse, auxquelles il vous a depuis longtemps accoutumés.
La fin de l’année l’a surpris, avant qu’il n’aït pu compléter
son Cours (comme il se proposait de le faire) par une étude
des principes du Droit internalionnal. Aussi, les premières
leçons de cette année seront-elles consacrées à acquitter
cette dette. Puis seulement après, le Professeur entamera
. son nouveau programme. — Îl se propose, cette année, de
vous retracer à travers les âges l’ Histoire de
Pulosophie morale et politique, dont il a établi
les principes, et de suivre les transformations
du Droit civil depuis Pantiquité jusqu'aux
dernes, en
cherchant
ainsi
la confirmation
cette même
l'an dernier
successives
temps mo-
ou
la contre
épreuve des doctrines qu’il a établies, dans l’expérience
du passé. C’est à Athènes et à Rome, qu'il ira donc d’abord recueillir tout ce que la civilisation antique, à son
époque la plus brillante, a répandu de lumière sur les
questions sociales. Puis, se transportant au cœur du Moyen
Age, il vous montrera les principes d’une civilisation plus
—
BR —
|
haute et d’une morale plus pure émanée de l'Évangile ar-
rivant peu à peu à se faire jour à travers la violence de la
conquête barbare et la confusion des temps féodaux. Enfin,
dans l’âge moderne, vous assisterez à l’enfantement labo-
rieux d’un nouvel ordre social, où la raison s'efforce de faire
prévaloir de plus en plus les principes de justice dans les
‘relations mutuelles des peuples, des gouvernements et.des
individus,
et y réussit d’autant
mieux,
qu’elle
s'inspire
plus directement des idées chrétiennes et spiritualistes.
Dans ceîte revue historique des systèmes, où les questions
sociales et les questions politiques sont sans cesse mêlées,
M. de Margerie (avec son tact ordinaire, et cette parole à
la fois discrèle et Joyale, qui lui permet de tout aborder
sans péril)
s’attachera
surtout
aux
premières;
et il ne
touchera aux secondes; que dans les généralités, et par les
seuls côtés où la politique est subordonnée à la métaphysique et à la morale. — Les deux années formeront (comme
vous le voyez) un Cours complet de droit public. Espérons
que de ces lecons M. de Margerie fera un livre (comme
il l’a fait pour ses leçons sur la Famille). Ce sera un excellent Manuel pour l’homme d'état et le citoyen.
Histoire. L'an dernier, M. Lacroix nous à retracé un
tableau des Croësades, et nous a transportés en esprit au
milieu
de
cet
âge
héroïque,
où
un
commun
enthou-
siasme de foi et d'ardeur guerrière soulève et réconcilie
l’Europe entière, pour l'entrainer à la délivrance du Saint
Sépulcre. Il lui a été facile
aujourd’hui, aux clartés de la
critique moderne, de dissiper les préjugés des politiques
et des historiens, qui en avaient presque jusqu'ici méconnu la sage inspiration et la grandeur, pour n’en voir
—
45
—
que les fautes et les revers. Dans ce duel entre l'Occident
et l'Orient, M. Lacroix s’est attaché à nous montrer, que
ce n’était rien moins que la civilisation chrétienne tout
entière qui était en péril; et tout en confessant que
l'exécution a trahi en partie Ja pensée de cette grande en-
treprise, en regrettant que la sainte cause ait été désertée
par ses défenseurs fatigués de désastres, alors qu’il aurait
suffi d’un peu plus de persévérance pour en assurer le
complet. triomphe, il à établi que l’Europe n'en fût pas
pas
moins sauvée par cet effort héroïque,
et le flot de
l'invasion musulmane pour jamais refoulé en Asie. À ses
leçons, nous avons ainsi appris à mieux comprendre et à
davantage admirer ce grand souvenir de notre histoire.
Car celte guerre sainte, glorieuse pour le monde, l’a particulièrement été pour la France, qui en a donné le signal
et soutenu surtout l'effort; la première arborant sa bannière aux tours de Jérusalem, la dernière à verser son sang
pour la même cause aux plages d'Egypte et de Tunis.
Restons
en fiers, Messieurs.
Ah!
si, du
reste, la France
s’est prodiguée dans cette cause généreuse, nulle nation
en Europe n’en a plus qu’elle recueilli les fruits. Quels
fruits? direz-vous. La trace des Croisés en Orient ne s’estelle pas aussitôt effacée, comme le sillage d'un navire?
Non pas: il est des conquêtes plus durables que celles
d’un coin de terre. Pour prix de son noble rôle, la France
restera désormais parmi les peuples une nation prédestinée. Elle sera l'attente du monde, l'espérance de toutes
les nobles causes opprimées, et comme la conscience du
genre humain. Elle gardera surtout en Orient un prestige
immortel. Son épée sera vouée à protéger tout ce qui est
juste, out ce qui est saint ; jadis Jérusalem, hier les chré-
=
—
o
tiens de Syrie, aujourd’hui Rome. Et en ses jours de péril
il semble que la Providence fasse des miracles manifestes
pour la sauver elle-même. Voilà la destinée,
Croisades lui ont faite.
:
Cette
monde
année,
M.
Lacroix
bien différent.
va nous. entraîner
que les
dans
un
C’est le siècle de Louis XV,
ou
plutôt de Voltaire, qui sera le sujet de ses leçons.Il y a
deux ans, vous le savez, M. Lacroix avait étudié les progrès
et l’organisation de la monarchie absolue sous Louis XIV.
Cependant, tout en vous en déroulant le ‘majestueux
tableau,
il vous avait fait entrevoir déjà
grand règne, au temps même
tout ce que
ce
de ses splendeurs, laissait
éclater de symptômes de ruine. Ce despotisme à outrance,
à force d’abuser du pouvoir,
de la richesse, de la gloire,
a fatigué la fortune et la patience des hommes. Du vivant
même du grand Roi, déjà l’idée d’une réforme fermentait
partout. À sa mort, le sentiment d’une immense lassitude
fait explosion. Mais c’est sous le règne surtout de son arrière petit-fils, que tout semble conspirer, et la faiblesse
des dépositaires du pouvoir et l'ardeur de l’esprit nou-
veau, à la dissolution de l’ancien régime. Ce travail de la
décomposition
sociale,
même temps l’œuvre de
que M. Lacroix a choisi
Sans négliger sans doute
gère, il s’attachera donc
à
travers
laquelle
s’élabore
en
la société future, voilà le sujet
pour ses études de cette année.
l'histoire de la politique étransurtout à suivre dans ses phases
diverses cette fermentation intérieure, et le mouvement de
l'opinion, qui commence dès lors à jouer sur la scène du
monde le principal rôle. I vous: montrera les idées novatrices, les unes vraiment justes et fécondes, les autres
subversives, minant d’abord en silence et souterrainement
—
45
—
LL
les fondements de l’ordre politique; puis, à mesure que le
succès les enhardit, toujours plus agressives, plus violentes,
et finissent comme un torrent par entraîner vers l’abîme
dans leurs ondes. troublées les débris du vieux monde.
En suivant ainsi la marche des idées et des événements
de 1715 à 1774, M. Lacroix vous acheminera vers la Révolution Française, cette Révolution unique entre toutes,
qui s’est faite au nom de la raison pure, plutôt qu’en vue
d'une amélioration prochaine et positive dans la constitution, et dont on ne saurait sans cela comprendre ni la
nalure, ni la marche, ni les excès, ni tant de redoutables
problèmes, qu’elle a légués à la société moderne, et dont
la plupart
pèsent encore sur notre avenir;
nuées d'orage, qui apportent à la terre dans
obscurs l’épouvante ou la fécondité.
comme
ces
leurs flancs
Littérature ancienne. À mesure qu’on gravit les pentes
de l'Himalaya, sans doute on voit sur sa tête grandir de
nouveaux sommets, mais aussi au-dessous de ses pieds
s'étendre
un
plus vaste horizon.
Ainsi
M. Burnouf,
re-
montant d’antiquité en antiquité presque jusqu’au berceau
du monde, nous a initiés l'an dernier au plus ancien
monument de la civilisation Aryenne, et à ce livre des
Vèdas, qui de tout temps à été comme la bible des populations de l’'Indus et du Gange, el comme la source sacrée,
d’où sont sorties les croyances religieuses, les institutions
sociales, les idées philosophiques ou littéraires de l'Orient.
— Cette année, il se propose de faire une étude analogue
de la Grèce
aux
temps héroïques,
en
considérant
cette
jeune société hellénique dans les tableaux qu'Homère nous
en a laissés. Sans doute les épopées homériques sont de
|
—
46 —.
beaucoup postérieures aux hymries du Vêda, et ne repré-
sentent plus ni les doctrines, ni l’état social des plus anciens
temps de la Grèce. Toutefois, malgré les altérations, que
la primitive civilisation de la Grèce a déjà subies à cette
époque,on entrevoit encore aisément que les idées, les tra-
ditions, la poésie helléniques sont sorties de la même
source que celles des Vèdas. — Parti lui-même, pour ainsi
dire, des bords du Gange pour arriver en Grèce, M. Bur-
nouf pourra éclairer ainsi d’une lumière nouvelle les antiques symboles de la mythologie homérique, si défigurés
depuis par la fantaisie des poëles, et leur restitugr leur
primitif esprit. Dans la comparaison, qui se présentera
naturellement à lui entre cette race des hellènes et les
peuples de l'Orient, il s'arrêtera à signaler les traits distinctifs de ce génie Grec, si flexible à la fois et si original,
qui transforme à son image tout ce qu'il prend ailleurs, et
le caractère propre de cette jeune et active société, qui
semble s'être organisée, pour donner plein essor à toutes
les facultés de la nature humaine. — Pour cette étude
comparée des plus anciennes civilisations du monde, qui
est mieux préparé que M. Burnouf? Depuis des années, il
vit dans un commerce intime avec ces antiques langues et
ces peuples de la jeunesse du monde; il a conversé avec les
brahmanes et les rhapsodes; et il a deviné ce qu’ils prétendaient lui cacher. En étudiant de plus près à leurs sources
les idées et les sentiments de ces peuples d’autrefois, il a
compris qu'il n’y avait pas seulement là une curiosité du
passé, mais encore un Intérêt d'avenir. L'Inde d’aujourd’hui, Messieurs, est encore un mystère en eflet pour qui ne
connaît pas la vieille histoire de ses idées et de ses mœurs.
Et maintenant que l'Orient semble de plus en plus s’ou-
—
ET —
:
vrir à la conquête
de notre civilisation occidentale, nous
ne pouvons nous flatter d’y exercer une influence efficace
et durable, qu'à la condition d’en bien connaître le tempéñ
rament intellectuel et moral. — Voilà surtout la pensée
généreuse, qui inspire M. Burnouf dans ses études sur
l'Inde : voilà ce qui lui a fait entreprendre ses Livres élé- .
mentaires,
sa
Grammaire,
son
Dictionnaire
destinés
à
populariser parmi nous la langue sanskrite. Cette noble et
intelligente ambition a frappé depuis longtemps l'esprit
du Ministre de l'instruction publique. En venantà Nancy,
il a promis à ces travaux tous les encouragements, dont
il peut disposer. Mais en même temps, il a été heureux
de profiter d’une occasion si solennelle, pour donner à
M. Burnouf cette décoration de la Légion d'honneur, que
votre estime et celle du monde savant lui décernait depuis
longtemps.
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Littérature française. Van dernier, nous avons retracé le
tableau des Lettres Françaises pendant la révolution, avec
le dessein de le continuer jusqu’à la fin de l'Empire. Mais
l'espace pour cela nous a manqué. Nous étions restés trop
longtemps au pied de la tribune de l’Assemblée nationale,
tout émus des grandes luttes de l’éloquence parlementaire;
et nous n'avons pu qu'à grand'peine arriver à l’époque, où
la France, épuisée par cette crise formidable, se repose un
instant et se recueille à l'abri de l’ordre nouveau, que de
sa main puissante vient d'organiser le premier Consul.
À l'appel du pacificateur, on voit peu à peu revenir les
Muses, que l’orage avait dispersées. Sans doute, de quelque
temps, l'attention publique sera distraite encore des œuvres de la pensée .par la grandeur des événements politi-
OS
ques et militaires : la vraie épopée alors s'écrit à la pointe
du glaive : plus tard elle sera chaniée par les poëtes. Le
premier Consul toutefois a trouvé d’abord pour son œuvre
de restauration sociale deux admirables auxiliaires dans
Châteaubriand et M*° de Staël. Le premier, recueillant du
naufrage, où est venu échouer le dix-huitième
siècle,
les
débris des institutions et des croyances qui ne devaient pas
périr,
rattache
la France
nouvelle
aux traditions de son
glorieux et religieux passé. L'autre, au milieu du scepticisme, où étaient tombés les esprits découragés après tant
d'illusions déçues, ranime la foi au progrès et s’élance
pleine d'enthousiasme vers l'avenir. Vous savez, Messieurs,
si l’influence de l’un et de l’autre fut puissante ; si elle fut
féconde la moisson, dont ils avaient jeté les semences dans
une .terre profondément remuée. Le grand mouvement
philosophique, littéraire et poétique, qui éclatera bientôt
sous la Restauration et en fera une des brillantes époques
de l'esprit français, est leur ouvrage. Grâce à leur double
impulsion, notre littérature, en s’affranchissant des préjugés d’un faux classique, a renoué sa vieille et fertile
alliance avec la vraie antiquité grecque et latine, en même
temps qu'avec l'antiquité chrétienne. Grâce aussi à ces
deux novateurs, l'esprit français, qui s’appauvrissait dans
un isolement dédaigneux , initié enfin aux littératures
étrangères, y va puiser une foule d’inspirations heureuses,
et se renouvelle à ce contact. Byron, Walter Scott, Schiller, Gœthe susciteront chez nous une poésie nouvelle. —
Pourquoi faut-il, que cette révolution merveilleuse dans
les Lettres, ainsi que la Révolution politique et’ sociale
de 89,
dont elle était comme
le contre-coup
dans les
choses de l'esprit, ait été compromise et ait avorté en
—
49
—
partie par les excès de quelques esprits ardents et étroits ;
fanatiques à outrance, qui ne s'arrêtent que dans l’absurde? En dépit de leur folie cependant, nous verrons
combien de grandes œuvres demeurent de cette époque
mémorable, pour entrer dans le trésor immortel de l’esprit
humain.
Littérature étrangère. La Chaïre de Littérature étrangère
a été quelque temps voilée d’un crêpe. Après être restée
six mois vacante depuis le départ de M. Mézières, M. Huguenin en effet n’a fait qu'y apparaître, pour s’y consumer dans un suprême effort et y mourir. Ce regrettable
Collègue, qu’on avait appelé ici de Grenoble pour le rapprocher de Metz, sa ville natale, y apportait avec lui déjà
le germe de la maladie, qui nous l'a bientôt enlevé. Mais
surtout, de la perle récente d’une fille unique, if gardait
au cœur une blessure mortelle. Depuis ce temps, le malheureux père avait la nostalgie du ciel, où il devait aller
rejoindre son enfant ; et il semble que Dieu, en le rappelant à lui, ait pris pitié de son deuil paternel et ait voulu
abréger l’absence. Malgré le rapide déclin de ses forces,
Huguenin cependant a rempli jusqu’au bout sa tâche de
professeur; il se traînait de son lit à sa chaire. Sa pâle et
mélancolique figure, où déjà l’on voyait le sceau de la
mort, s’animait alors (vous l’avez remarqué maintes fois)
d’un rayon surnaturel, mais dont la flamme achevait de le
dévorer. On peut dire de lui, qu'il est tombé au champ
d'honneur.
Nous n'osions alors espérer que le vide, qu’il laissait
parmi nous, serait de sitôt comblé. Cette Chaire, depuis
un
an à demi
déserte,
allait-elle donc languir encore?
4
—
50
—
Mais non; le Ministre, pour ajouter aux bienfaits de sa
bienvenue
parmi
nous,
nous amenait avec lui M.
Emile
Chasles, destiné à compléter notre enseignement. Beaucoup d’entre vous connaissaient à l’avance notre nouveau .
Collègue par sa coopération dans nos grandes Revues littéraires et par l'éclat de son doctorat. Mais tous, vous l’avez
aussitôt vu à l’œuvre. Son Cours en quelques leçons seulement sur la Chanson du Cid, vous a permis. d'apprécier
son talent, et sa manière si nette, si piquante, si originale
de commenter avec l’histoire ce vieux monument poétique.
En vous jetant au cœur de cette croisade séculaire de l’Espagne contre l’Islamisme, le Professeur vous a montré en
ce fier Campéador, en ce batailleur infatigable, comme
une image idéale, où la Castille du Moyen-âge aimait à se
contempler pleine de jeunesse, d’orgueil et de foi. Ce n’est
pas cependant, que, de cette grande figure, quelque altérée qu’elle ait été depuis par la légende populaire, l’histoire ne doive tenir un compte sérieux. En réalité, Rodrigue Diaz était digne par ses exploits de devenir un héros
national. Si ensuite la tradition l’a ceint de l’auréole
poétique, ne doit-on pas dans celte espèce de transfiguration rechercher et reconnaître encore ce que rêvaif, ce
que voulait l'Espagne à cette époque?
Vous
avez accueilli,
Messieurs, avec faveur, cette pre-
mière excursion dans la Littérature Espagnole. Aussi bien,
était-ce un champ encore inexploré parmi nous. M. Chasles
se propose cette année d’y rester, et d'étudier le développement progressif de cette Littérature du onzième au dix-septième siècle. Après avoir suivi l’histoire du génie castillan
et ses variations sous l’influence successive de la France,
de la Provence, de F'talie, et jusqu’à un certain point aussi
—
5
—
“.
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de la poésie arabe, il se hâtera d'arriver aux deux écrivains, qui, vers la fin de cette période, en résument en
eux-mêmes avec le plus d'éclat et de fidélité tout ensemble
la double inspiration, sainte Thérèse et Cervantes. Sainte
Thérèse en effet représente, comme en sa plus pure
expression, cet enthousiasme de
mystique, auxquels l'Espagne doit
génie, et qui éclatent dans toutes
avec une singulière éloquence. —
la foi et cette ferveur
plus de la moitié de son
les œuvres de la sainte
Cervantes, au contraire,
nous donnera comme le revers du génie castillan, lui qui
personnifie au plus haut degré cet esprit critique et moqueur, dont les ironiques créations ne forment pas la part
la moins riche et la moins originale de la littérature espagnolé. Car nul n’a mieux montré comment la raillerie, en
prenant le contrepied de l'enthousiasme, peut devenir à
son four une source non moins féconde d'inspiration.
Dans le génie si opposé de ces deux grands écrivains,
lun, qui nous emporte vers les régions éthérées sur les
ailes enflammées
de la foi et de l'amour; l’autre au con-
traire, qui nous rejette en riant du haut de
pleine et vulgaire réalité, M. Chasles se plaira
comme les deux pôles extrêmes, entre lesquels
ture espagnole a oscillé, également féconde et
dans cette double sphère de son activité.
Vous voyez, Messieurs,
d’après cet exposé
l'idéal en
à étudier
la littérapuissante
sommaire,
combien ces Cours, sans cesse renouvelés, offrent à votre
sérieuse curiosité de variété et d'intérêt. Nous espérons
qu’ils seront suivis comme par le passé. Mais jy convie
surtout nos jeunes gens. Ils ne se doutent pas assez de tout
ce que vaut ce noble aliment des hautes études littéraires
_
2
—
pour se préparer à -la vie. Qu'ils sachent bien pourtant,
que les temps
où ils doivent
vivre,
grands sans doute à
bien des égards, sont difficiles. Les principes n’ont été que
trop ébranlés par nos révolutions. La poussière, que soulè.
vent ces grandes ruines, et les fumées qui s’élèvent encore
de l’abime, même après que l’éruption semble éteinte, voilent souvent aux regards la lumière du ciel. Aussi, la route.
est quelquefois obscure ; on s’avance à tâtons vers un avenir
inconnu,
sans guide, sans barrières.
D’un autre côté, le
monde matériel, quoique asservi à nos besoins par l’industrie, nous domine, nous absorbe : notre pensée s’enferme
et se borne dans les jouissances de la terre; inclinée en
bas, elle a trop perdu de vue le soleil des âmes, Dieu; il
semble que le bien-être soit devenu l'unique objet de
notre destinée. Aussi, quand les jours d'orage sont venus,
nous ont-ils surpris incertains, éperdus; et nous avons été
nous-mêmes étonnés de notre faiblesse. — Ce malaise des
esprits, tout le monde le sent; tout le monde en appelle le
remède. Or, après la Religion, qui non-seulement a l’infaillible flambeau pour éclairer toutes les situations de la
vie, mais qui surtout nous donne la force de vouloir et
d'agir, je ne sache rien encore de plus efficace et de plus
propre que le commerce des bonnes Lettres, pour soutenir
les courages, pour rallumer le foyer de tous les sentiments
généreux, pour remettre en lumière les éternelles vérités,
qui font la grandeur, la dignité et la force de notre vie
morale.
Qu'est-ce donc, en effet, que cultiver les lettres, Mes-
sieurs? qu'est-ce? sinon vivre en société intime et journa-
lière avec les beaux génies de tous les temps; avec ceux
qui ont su trouver la forme immortelle pour exprimer
toutes les grandes pensées etles nobles sentiments de notre
âme? Car on n’est grand écrivain qu'à cette condition. La
haute poésie et l’héroïsme s’inspirent aux mêmes sources;
et il n’y a point de sublime éloquence, que la vertu au fond
ne soutienne et n’échauffe. En un mot, le beau, (comme
on l’a dit) n’est que la splendeur du bien.
Qui de vous, Messieurs, n’a ressenti maintes fois la contagion généreuse qu’exerce cette fréquentation des grandes âmes, et les divins prestiges de l’art sur nos imagina-
tions? Grâce à je ne sais quelle admirable illusion, nous
entrons dans toutes les pensées, dans les héroïques élans
de l’orateur ou du poëte;
leur âme
devient la nôtre. En
écoutant, par exemple, Démosthènes, dont la flamme
brûle encore après tant de siècles dans ses discours, ne nous
associons-nous pas aux résolutions magnanimes de son
patriotisme, et ne protestons-nous pas avec lui, qu’il valait
mieux pour Athènes tomber avec honneur dans la poudre
de Chéronée, que de se sauver en donnant les mains au
barbare pour l’asservissement de la Grèce? Avec Rodrigue,
ne se sent-on pas capable de sacrifier sa vie à son amour,
et son amour à son devoir? Est-ce que Polyeucte ne nous
ravit pas avec lui dans son religieux enthousiasme? Avec
lui exaités par l’ardeur du martyre, ne nous croyons-nous
pas prêts avec lui à confesser notre foi jusque dans la mort?
— Non, non: ce n’est point là une stérile illusion, dont
notre imagination est dupe, et qui ne laisse rien après elle.
L'âme entière en garde l’impression profonde. En l’associant ainsi avec une ardente sympathie
à la destinée du
héros, non-seulement cette espèce d'émotion intellectuelle
lui a fait connaître, par la grandeur morale d’un autre,
tout ce qu’elle a en elle-même de facultés en réserve pour
.
—
54
—
juger, pour sentir, pour oser; mais-elle se ressentira longtemps de ce contact avec l’héroïsme. En sortant de ces
spectacles ou de ces lectures, comme de l'entretien avec
un homme de bien, nous valons pour un temps mieux que
nous-mêmes. Que cette expérience se prolonge et devienne habituelle, et cette élévation de pensées et de sen-
timents finira par être comme le tempérament de notre
âme. Notre esprit restera naturellement ouvert à mieux
comprendre tout ce qui est grand, vrai, juste; notre cœur
plus prêtà embrasser ce qui est bien. A quelque épreuve
désormais, que la vie nous appelle, nous nous trouverons
mieux au niveau de notre rôle. Les Muses, ainsi cultivées,
nous assisteront dans toutes les situations. O douces Lettres
(comme dit Cicéron), après avoir formé notre jeunesse,
vous restez les plus fidèles et les plus charmantes compa.gnes de notre vie ; délaissés, vous peuplez notre solitude;
petits et dédaignés, vous éclairez d’un reflet doré notre
existence obscure ; que la fortune au contraire nous appelle
à un poste élevé, vous nous guidez de vos clartés, et nous
soutenez de vos conseils. Dans l’épreuve vous êtes encore
là, pour relever et calmer notre courage, en fixant notre
conscience sur nos devoirs ;'et c’est encore vous, vous toujours, que nous retrouvons pour enchanter nos douleurs
aux heures de l’adversité.
RAPPORT
SUR
L'ANNÉE
SCOLAIRE
1861-1862,
PRÉSENTÉ
ee
Par M. En. SIMONIN,
DIRECTEUR
DE L'ÉCOLE
DE
MÉDECINE
ET
DE
PHARMACIE,
âu
CONSEIL
DANS
LA
SESSION
ACADÉMIQUE
DE
NOVEMBRE
41869.
Monsieur LE Recteur,
Messieurs,
Les faits principaux de l’année scolaire 1861-62 qui
peuvent être passés en revue devant vous, dans la séance
de ce jour, se rapportent au personnel enseignant, aux
‘programmes des cours et aux résultats constatés dans les
divers ordres d'examens,
|
Le développement de l'instruction médicale qui, successivement, a fait porter à quinze le nombre des professeurs
de l’École de Nancy, permet de réunir les efforts d’un
grand nombre d'hommes qui se font un nom dans la
science médicale, mais ce nombre même nous condamne,
—
86
—
aussi, à des pertes fréquentes. Pour l’année qui vient de
finir l’École n’a, heureusement, à regretter qu’une séparation. M. le docteur Adolphe Simonin qui, après-avoir
pris part à la campagne de Rome, en qualité de chirurgien militaire, avait été attaché à la suppléance des cours
de médecine, s’est vu contraint par de cruelles souffrances
à chercher sous un ciel meilleur que le nôtre un soulagement qui a été bientôt suivi de guérison. N’osant plus se
fier à Nancy aux promesses si fréquemment démenties
d’un printemps ou d’un été, M. Adolphe Simonin s'est établi à Nice et a dû cesser de nous appartenir. Je suis
l'organe de tous mes collègues en adressant à cet excellent
confrère les regrets mérités par l'élévation et par la loyauté
de son caractère,
La nomination de M. Grandjean à la chaire de matière
médicale et de thérapeutique avait laissé vacantes les fonctions de professeur adjoint de clinique externe. Plusieurs
candidats de mérite présentaient des titres très-sérieux au
choix ministériel : M. Emile Parisot, professeur suppléant,
a été désigné pour succéder à M. Grandjean, et les fonctions de chef des travaux analomiques ont été confiées à
M. le docteur Edmond de Schacken (1). Quelques mutations ont eu lieu, également, parmi les fonctionnaires
d'un autre ordre. M, le docteur Claude, petit-fils et neveu
des trois professeurs Bonfils, qui ont, presque au même
moment, fait briller leur nom dans l’enseignement médica}, a été nommé chef de clinique externe et deux excellents élèves de l’École, MM. Winsbach et C. Valentin ont
mérité d’être choisis comme préparaieurs des Cours.
Un certain nombre de recherches scientifiques, entreprises depuis novembre dernier par les professeurs de l'École,
_—
87
—
ne sont point arrivées à leur terme, à raison même de l’importance des sujets traités au point de vue de la médecine
légale, de la toxicologie et de la physiologie (2). Deux tra-
vaux doivent, toutefois, vous être signalés. Dans lun
d’eux, M. Léon Parisot, à la suite d’essais nombreux et
importants tentés sur lui-même, a conclu que l’épiderme
était un obstacle infranchissable à l’absorption d’un grand
iombre
de substances médicamenteuses,
et si cette con-
clusion donne le regret de l’inutilité de certaines médications par l’intermédiaire des dissolutions salines ou végétales, elle prouve, d’un autre côté, la protection heureuse
qui est acquise à l’admirable économie humaine, au milieu
des nombreux agents déléières qui l'entourent (3). L’an
passé notre Directeur honoraire publiait sous le titre de
Météorologie et climat de la Meurthe, un résumé de 19
années d'observations et, en nous enlevant quelques illusions relalives au climat de notre contrée, il nous montrait
dans les brusques variations de la température la cause de
certaines affections graves et donnait, en même temps, aux
praticiens le droit de formuler, d’une manière plus impérative, certains préceptes concernant soit l’hygiène privée
soit l’hygiène générale. Le même auteur vient de terminer
vingt et une années d'observations par un dernier résumé
annuel de météorologie (4). Nous y trouvons une exception aux indications signalées l’an dernier comme règles
générales. En 1861, c’est le vent du sud qui a été noté le
plus grand nombre de fois, et pour atténuer, en partie du
moins, ce qui vient d’être dit sur les effets du climat de la
Lorraine, je m'empresse de vous donner sur le vent du
sud l'opinion d’un poëte de notre temps: Je ne connais
pas, dit-il, de souffle plus charmant et de vent plus litté-
7
8
—
raire que le vent du Sud. Il fait germer dans la tête les
idées riantes, profondes , sérieuses et nobles. En réchauffant les corps il semble qu’il éclaire l'esprit. Les Athéniens qui s’y connaissaient ont exprimé cette pensée dans
une de leurs plus ingénieuses sculptures. Dans les bas. re-
liefs de la tour des Vents, les vents glacés sont hideux et
poilus, ont l'air stupide et sont vêtus comme
bares : les Vents doux et chauds
des bar-
sont habillés comme
philosophes grecs (*).
.
Si des travaux particuliers (5) des
des
professeurs vous
reportez, Messieurs, votre pensée sur leurs travaux collec-
tifs, votre attention doit se fixer plus spécialement sur les
conséquences d’un récent décret impérial. Son Excellence
le Ministre de l’Instruction publique, frappée des heureux
résultats du stage fait dans les hôpitaux, depuis 1842, par
les élèves des Écoles préparatoires, a obtenu qu’à l’avenir
le stage dont il s’agit serait imposé, aussi, aux élèves des
trois Facultés de médecine, et il a dressé une nomencla-
ture des hôpitaux qui, dans toutes les Ecoles, peuvent
donner une instruction générale, cherchée presque uniquement jusqu’à ce jour dans les hôpitaux siéges des cliniques. L'École de Nancy, à laquelle l’administration municipale et la Commission administrative des hôpitaux civils
- prêtent
depuis longtemps un précieux
concours,
a été
heureuse de recevoir de M. le Préfet de la Meurthe, à l’oc-
casion du décret du
18, juin dernier,
l'autorisation
de
joindre aux services hospitaliers déjà affectés au stage des
élèves l’une des divisions importantes (6) de la Maison
départementale
de Secours,
et l’empressement de M. de
(} V. Hugo, de Rhin, t. IL, p. 304.
—
5)
—
Saint-Paul à favoriser le développement. des études cliniques à donné une haute valeur à l'autorisation demandée
par M. le Recteur de l’Académie.
Quant aux autres programmes des Cours, une seule
modification a eu lieu l’an passé. M. Blondlot a volontairement accru sa tâche annuelle en dépassant le chiffre de
110 leçons, et l’enseignement qui lui est confié s’est consi-
dérablement agrandi. Profitant de l'instruction déjà acquise
par les élèves dans le Cours de chimie générale, professé
d'une manière si ibrillante à la Faculté des Sciences,
M. Blondlot, tout en donnant les notions de toxicologie
et de pharmacie prescrites par les règlements, a exposé les
sérieuses applications de la chimie inorganique et de la
chimie organique à la médecine, et il a atteint, de la manière la plus heureuse, dans un cours élevé de chimie
médicale le but pratique signalé par M. Orfila.
Ces détails, Messieurs,
sont les seuls qui méritent
de
vous être cités et je me hâte de rentrer dans une question
générale pour rechercher le caractère spécial des efforts
collectifs de l'Ecole. En France l’on aime à donner à tous
les faits une signification, et, en ce qui concerne les trois
Facultés
de médecine
on s'est, dans le monde
non
mé-
dical, arrêté à des espèces de formules pour expliquer
les tendances de l’enseignement de Paris, de Strasbourg
et de Montpellier. Ce n’est pas ici le lieu, et d’ailleurs ce
n’est pas ma mission, de combattre les idées fort erronées
qui existent à ce sujet et qui ne semblent pas devoir se
modifier de sitôt, et je veux me borner à vous parler du
caractère spécial de l’enseignement donné à Nancy. Les
professeurs de l'École sont convaincus qu’il en est de la
science médicale comme des autres sciences; que succes-
—
60
—
.
sivement l'étude des apparences, l'analyse des phénomènes
et la recherche des lois doivent précéder la théorie définitive. Ils se souviennent toujours que l’explication la plus
éloignée de l'expérience et du raisonnement scientifique a
été en médecine,
comme
dans Îles autres sciences,
trop
souvent professée et acceptée et que l'erreur a été appelée
vérité. Cicéron déjà reconnaissait que les hommes, entraîinés par un désir naturel de savoir, tombent fréquemment dans deux écueils, Pun
de prendre pour connues
des choses totalement inconnues, et de les adopter imprudemment, l’autre de donner trop d’études et d'application
à des choses qui ne sont d'aucune nécessité. Ces remarques
qui n'étaient point faites spécialement en vue de la médecine
peuvent, toutefois, être la
critique
de
l’art médical
au temps de Pompée et de César, puisqu'il faut attendre
encore quinze siècles après la bataille de Pharsale pour
reconnaitre, dans les premiers débuts de l'anatomie pathologique, l'élément d'analyse qui devait changer la face
de la science médicale. Aujourd’hui que la recherche
heureuse des lois soutient le zèle des médecins instruits,
chacun des professeurs de l'École de Nancy s'efforce de
constituer un enseignement dans lequel la vérité seule
doit prendre place.
En regard des efforts dont il vient d’être question,
il convient,
de vous présenter,
Messieurs,
les
résultats
principaux qui ont été constatés, soit dans les examens de fin d'année, soit dans les épreuves subies pour
lobtention des titres professionnels. Je suis heureux de
n'avoir point à vous entretenir longuement de mesures
disciplinaires,
ear des 62 élèves inscrits, un seul,à raison
du défaut d’assiduité aux Cours, à motivé la radiation d’une
inscription.
_
6t
—
Quant aux examens de fin d'année, malgré les prévccupations très-légitimes causées par l’épreuve du baccalauréat ès sciences restreint, les jurys d'examen de fin d'année
n'ont eu qu’un seul ajournement à prononcer sur 32 examens dont 9 ont mérité la note Gen satisfait et dont 6 ont
donné lieu à la mention srés-satisfait. Les Commissions
chargées des épreuves, en vue des divers titres profession
nels, ont, en septembre 1862, consigné des résultats qui
sont les plus satisfaisants de tous ceux qui ont été notés
depuis 1855. Non-seulement les 34 sages-femmes examinées ont toutes donné les preuves d’une bonne instruction,
mais les examens pour le titre d’officier de santé et pour
celui de pharmacien de seconde classe ont été aussi très-
appréciés. Des 6 candidats pharmaciens, 3, en effet, ont
été reçus avec
note érès-bien.
distinction, et 2 autres l'ont été avec
Messieurs
LES
la
ELÈvES,
En ce jour où il vous semble fort naturel que vos pro-
fesseurs recherchent avec un soin tout particulier le bien
qu’ils doivent réaliser en faveur de vos études, et pendant
qu’un certain nombre d’entre vous s'emparent ordinairement de cette journée comme d’un supplémént à ajouter
aux vacances qui finissent à peine, il me semble utile de
vous associer à la solennité qui nous réunit. Si j'ai cherché
à être bref dans le rapport qui est appelé à prendre place
parmi les lectures de cette séance, c’est en partie pour me
trouver, pendant quelques instants, en communication
avec vous et pour vous parler de vos devoirs.
.
—
62
—.
Tout à l'heure je citais l'opinion d’un grand orateur, au
sujet des facilités qu'offre l'esprit humain de se contenter
d'explications faciles et je lui emprunte, encore, cette
pensée que dans le grand nombre de matières graves et
utiles qui ont été traitées par les philosophes avec quelque soin et quelque étendue, il n’en est pas de plus vaste
que les règles et les préceptes qu’ils ont laissés sur les
devoirs. Tout, en effet, dans la vie, que ce soit affaires pu-
bliques ou privées, domestiques ou civiles, que ce soient
actions particulières ou transactions sociales, tout est sou—
mis à des devoirs. J'espère donc, Messieurs les Élèves, que
‘ce mot n’entraîne pour vous aucune idée de triste contrainte et qu’il doit vibrer à votre oreille à l’égal du mot
honneur,
Dans un pays ou l’esprit chevaleresque régit, encore,
presque tous les actes importants, vous honorez sans doute
plus spécialement les faits éclatants qui se rattachent à
l'exécution des devoirs militaires, mais vous savez, également, apprécier les actions héroïques dont les exemples
fréquents se rencontrent dans nos fastes parlementaires et dans l’histoire de la magistrature française et
vous savez
honorer,
aussi,
certains
actes qui, accomplis
loin de la foule et sans le bruit de la renommée, ne perdent rien de leur prix pour rester dans l’obscurité, parcequ'ils sont de leur nature dignes de louange, lors même
qu'ils ne sont loués par personne. Aussi, je n’ai pas à
exciter votre ardeur,
vous, futurs chirurgiens militaires,
et vous aussi, Messieurs les Élèves,
vous rivaliseriez de zèle avec ces
l'École qui ont reçu 28 missions
sérieuse épidémie de choléra, en
je sais qu’au besoin
braves jeunes gens de
officielles pendant la
1854. Je laisse donc
— 65 —
de côté la partie militante de vos travaux
me borne à vous signaler quelques-uns des
vous eontractez en devenant des hommes
Tout à l'heure les efforts de vos professeurs
futurs et je
devoirs que
de science.
vous étaient
signalés et en les appréciant vous avez entrevu une partie
de vos propres obligations et vous avez acquis une idée
générale de leur haute importance.
Je ne connais pas, a écrit l’un de nos contemporains M,
de condition humaine qui plus que celle des médecins
favorise davantage la justesse de l'observation, la certitude
de l’expérience et qui satisfasse mieux le désir de faire le
bien. Quel vaste programme
de
devoirs, Messieurs, indi-
qué en quelques lignes, et comme l’on est parfois troublé profondément en songeant que le même homme
doit,
à la fois,
être observateur, logicien et dispensateur
du bien pour l'appréciation duquel il est transformé en
juge, et souvent sans appel et sans contrôle.
Aussi, Messieurs les Élèves, lorsque vous devrez aborder
l'observation de l’homme malade, comptez sur la connaissance des manifestations biologiques bien plus que sur
votre intelligence quelle qu’elle puisse être un jour; souvenez-vous que la pathologie ne doit être qu’une face de
l'étude de la physiologie, et approfondissez, sans relâche,
les conditions des choses humaines. Songez, comme l’a dit
M. Littré, que sous nos pieds sont placés une multitude
de piéges, vraies chausse-trappes, où l’on se prend de la
manière la plus inopinée et d’où l’on ne sort que sanglant
et mutilé, quand on en sort; car peu, bien peu, guos
œquus amavit Jupiter, arrivent au terme de leur vie sans
() Philareste Chasles.
_
64
—
avoir subi les effets de funestes influences. C’est aux yeux
du
médecin
que se déroulent
les
phases
de Pexistence
individuelle et il doit savoir combien de jours, combien
de mois sont enlevés à chacun par la maladie. I! doit
connaître avec quelle peine la vie est défendue contre les
agents de destruction qui surgissent de tous côtés, de l'air
ambiant,
du froid, du chaud, des climats, des peines
mo-
rales et aussi des chocs de la société. Dans le tourbillon
d'éléments incessamment transformés en matière vivante
et incessamment rendus au monde inorganique s'ertrecroissent mille causes de douleur et de mort trop inhérentes à la nature des choses pour être jamais abolies, mais
qu’un emploi judicieux de nos connaissances et de nos
ressources peut atténuer et tenir comme en échec, Appre-
nez done, Messieurs les Élèves,
à respecter l'observation de
chacun, afin d’en faire profiter les malades, et pour cela,
suivez, jour par jour, les progrès admirables de la science.
Respectez, aussi, votre propre observation et lorsque
vous devrez conclure pour déterminer votre action ou pour
décider une abstention qui bien souvent sera un pénible
devoir, craignez de mettre à la place des indications tirées
-de la vraie science vos passions ou vos faiblesses. Connaissez
bien votre
caractère;
modérez-le
pour ne point vous
laisser emporter dans un sens et affermissez-le pour ne
point tomber dans un autre écueil. Sans doute, le caractère
est à la fois le support
de l'esprit et celui du talent, mais
dans la pratique scientifique il doit apparaître, comme
dans les hauts sacerdoces, c’est-à-dire en vue de bien
appliquer les lois humaines ou les lois divines. Songez
que le premier devoir de votre justice est de ne faire aucun
mal à autrui. Souvenez-vous qu’il y a deux sortes d’injus-
_—
65 —
|
tices : celle que l’on commet soi-même et celle qu’on
laisse faire lorsque l’on pourrait l'empêcher. Je ne vous
expose pas les causes si nombreuses de l'injustice, parce
que, en mettant sous vos yeux, il y a quelques jours, les
admirables Gréceptes contenus dans le serment d’'Hippo-
crate, je vous: ai indiqué les tristes écueils qu’il a si franchement signalés dans la pratique médicale; puis aussi,
parce que je désire limiter ces considérations au seul point
de vue de la science. Vous devrez dans les cliniques apprendre à retenir votre ardeur, en acquérant la conviction
que le bien n’est pas aussi facile à réaliser que vous le
pensez aujourd'hui, et qu’il faut avant d’agir bien connaître de quel côté vient le danger auquel vous voulez soustraire un malade. Vous devrez 'vous pénétrer de cette
pensée que s’il est cruel de ne-pouvoir porter secours à ses
semblables, il y a dans le praticien qui agit, avec la certitude de ne pouvoir être utile, une faiblesse presque égale
à celle du praticien qui, voyant des indiéations d'agir, ne
sait pas s'y déterminer. Lorsque vous sortirez des hôpitaux,
n'oubliez pas ces préceptes qui, dans les leçons, vous paraîtront si logiques. Sans doute, à chacun des échelons de
la hiérarchie sociale, la forme de l’action peut varier,
comme, aussi, l’emploi d'un moyen thérapeutique peut
être le résultat d’une préférence, mais devant le médecin
digne de ce nom, l'application de la vraie science doit au
fond être la mème, malgré les situations diverses qui résultent des choses humaines.
Une citation fera mieux comprendre ma pensée sur ce
sujet si important pour votre conscience et pour votre
dignité. Peut-être connaissez-vous l’origine d’un titre de.
noblesse conféré, le 20 mars 1811, à un savant accou-
5
….
—
66
—
cheur, et comment, peu après la naissance d'un enfant
qui devait être l'héritier d’un trône, les talents du prati-
cien furent récompensés par ces mots : Baron, je vous
rends votre enfant? Mais vous ignorez, sans doute, les pa-
roles qui rendirent à Dubois une tranquillité d'esprit et
une fermeté devenues d'autant plus indispensables qu’un
danger éminent assumait sur lui une immense responsabilité et nécessitait l'intervention immédiate de l’art :
faites, lui dit l'Empereur, avec un admirable bon sens,
faites comme pour une bourgeoise de la rue Saint-Denis,
Détrompez-vous, Messieurs les Élèves, si vous croyez ne de-
voir jamais rencontrer des situations analogues à celle où se
trouvait placé le baron Dubois. Vous reconnaîitrez, trop fré-
quemment,
des prétentions à un traitement exceptionnel,
mais le mot de Napoléon [° vous rappellera la simplicité de
votre devoir.
.
En regard de ces écueils qui se trouvent autour de vous
et en vous-même,
être signalé.
un autre encore me parait devoir vous
Garez-vous
des satisfactions d’amour-propre
qui constituent un mirage capable d'enlever la perception
distincte des faits. En constatant
de
la science
quelques
médicale,
l’étendue de la puissance
il faut,
aussi,
savoir perdre
illusions sur ses limites. J'ai reçu, autrefois, les
confidences d’un jeune chirurgien dont le cœur tressaillait
d’aise en rencontrant ses malades sauvés par une amputation et à qui le choc strident d’une jambe de bois sur le
pavé rappelait ses jours de combats heureux contre la
maladie. Après dix années de pratique, c'était en 1845, il
lui vint à la pensée que les blessés qu’il rencontrait pouvaient bien
produire
l'effet des
comparses,
lors, d’une
grande mise en scène, qui, à force de reparaitre, font croire
—
au
défilé d'un
corps
67
—
d'armée, et, alors,
compulsant
ses
observations écrites, ilarriva à une conclusion bientôt cor-
roborée par celle de hautes notabilités chirurgicales, et il
découvrit, qu’en réalité un nombre bien notable des malades qui avaient subi de grandes amputations, n’avait pas
reparu, et pour cause, hélas ! Vous comprenez, Messieurs les
Élèves, les anxiétés qui, après de semblables découvertes,
précèdent, accompagnent et suivent les graves opérations,
et vous-mêmes lorsque vous vous livrerez à une étude statistique sérieuse, vous arriverez, aussi, sur certains points
à des résultats semblables. Malgré ces mécomptes et les
préoccupations qui en sont la suite, vous agirez, toutefois,
lorsque votre justice vous le prescrira; par la pensée du
devoir
vous
étoufferez les battements
de votre cœur,
dans l’accomplissement d’un devoir plus austère,
et
vous
rencontrerez, peut-être, un attrait de plus.
La recherche du bien à réaliser semble être l’une des
qualités naturelles
de la profession
médicale,
mais, vous
le voyez, il faut savoir faire ce bien et je serai heureux si
j'ai pu vous indiquer quelques-uns des points qui devront,
un jour, vous servir d'appui lorsque vous serez appelés à
bien faire. Malgré ces difficultés, faites le bien, Messieurs,
au plus grand nombre possible d'êtres souffrants. Vous
n’avez pu oublier, lorsqu’en juin dernier, cette enceinte
s’ouvrait pour la première fois aux solennités universitaires,
les belles paroles du Ministre de l’Instruction publique,
‘au moment où S. E. remettant à l’un des professeurs de
l'Ecole, la croix de la Légion
d'honneur,
lui disait, aux
applaudissements de tous : À côté du talent du professeur,
je trouve en vous le mérite du médecin qui n’a jamais
refusé les soins qu’il pouvait donner, car tous savent que
—
68
—
les pauvres ont toujours trouvé dans leurs bésoins, M. le
docteur Grandjean. Ces paroles, Méssieurs les Élèves, peu-
vent, aussi, vous servir de programme et vous aider à vous
“souvenir que si lhonneur et la grandeur de la France se
maintiennent à un si haut degré, c’est que le sentiment
profond du devoir se trouve dans le cœur de chacun de
ses enfants.
NOTES.
(1) 1 faut joindre à ces indications l’énoncé de la nomination de
M. Edmond de Schatken aux fonctions de professeur suppléant d’ana-
tomie et de physiologie. Gette nomination ministérielle, faite le 11 no
vembre, n’était pas encore parvenue à l'Ecole le 17 novembre, jour de
la séance solennelle de rentrée de l'Enseignement supérieur.
(2) M.
médecine
Poincaré, professeur de physiologie, a donné à la Société de
communication
d’un
mémoire
sur
un
des sujets les plus
importants de la pathologie. Ce travail portant pour titre : Du mode
d'action du bulbe dans la production du diabète, devant être suivi,
très-prochainement, d’un second mémoire sur le même sujet, il a
semblé convenable d’attendre les conclusions définitives de l’auteur,
basées sur des expérimentations et sur de sérieuses observations.
: (3) Voici les conclusions principales du travail de M. Léon Parisot.
4° L'épiderme est imprégné d’une matière grasse qui empêche Peau
des dissolutions salines ou végétales de pénétrer dans la peau.
2e L’épiderme seul de la paume des mains et de la plante des pieds
se laisse imbiber et encore très-difficilement, après une longue immer-
sion; Pabsence de matières sébacées dans ces régions rend compte du
phénomène.
3° Les phénomènes
endosmotiques n’ont pas lieu à travers la peau,
même lorsqu'elle est privée de vie.
4 Le chloroforme et lalcool en agissant chimiquement sur lépiderme, soit en dissolvant l’enduit gras, soit en irritant le derme, péné-
tent dans le torrent circulatoire avec les substances qu’ils tiennent en
dissolution.
'
70
—
{4) Résumé des observations météorologiques et médicale, faîtes : j
Naney pendant l' année 1861, par J.-B. Simonin père, 1862.
{5) Quelques œuvres à la fois ccieitiques et administratives complé..
tent pour 1864, la liste des travaux particuliers de MM. les professeurs
de l’École, ce sont:
1° Rapport général sur les travaux des Conseils d heygiène publique
et de salubrité du département de la Meurthe, pendant les années
1860
et 1864,
par M. le docleur Demange,
secrétaire du Conseil
central.
‘
20 Compte rendu dés travaux de la Société de. médecine de Nancy,
pendant, l’année 4860-61, par M. le docteur Edmond de Schacken,
secrétaire de la Société.
5° Compte rendu annuel de l'Association dé préboyence des médecins
de la Meurthe
{Assemblée
générale du 5 août 1862), suivi de l'éloge
de.M. Bertin père, décédé vice-président de l'Association, par M
docteur Grandjean, sécrétaire de l'Association.
le
45 Rapport sur le service de lassistänce médicale ét de la vaccine
dans le dépaïtément de la Meurthé, pendant l’éxertiée 1861, par M. le
docteur Edmond Simonin, inspecteur du service.
(6) Service de chirurgie contenant une division de vénériens (horñ-
mes) et une division consacrée aux affections cutanées, ayant aujour-
d’hui pour chirurgien, M. le professeur ‘Béchét.
|
PRIX
ACCORDÉS
PUBLIQUE.
——
PAR
S,.
EX.
MENTIONS
LE MINISTRE
HONORÂBLES.
DE
——
L'INSTRUCTION
RÉSULTATS
DES
CONCOURS.
Prix et Mentious honorables.
Les Professeurs de l’École de Médecine et de Pharmacie, réunis en
Conseil, le 50 août 1862, ont décerné les récompenses annuelles dans
ordre suivant :
4° ÉLÈVES EN MÉDECINE.
PREMIÈRE ANNÉE D’ÉTUDES.
Prix, M. Marc (Auguste), de Gironçourt {Vosges}.
{ M. Bagin (Edmond), de Vaubécourt (Meuse).
Mentions honoraëles,
M. Scampr(Albert), de Nancy (Meurthe).
DEUXIÈME
ANNÉE
D'ÉTUDES.
Premier prix, M. VALENTIN (Camille), de Nancy (Meurthe).
Second prix, M. Taomassin (Nicolas), de Vandeléville (Meurthe).
TROISIÈME ANNÉE D'ÉTUDES.
Prix, M. Zant (Emile), de Cirey (Meurthe).
Prix spéciaux pour Îla rédaction des observations
Clinique chirurgicale.
ville (Meurthe).
clinfqnes.
Prix, M. Tnomassix (Nicolas), de Vandelé.
Clinique médicale. Prix, M. ZaBé (Emile}, de Cirey (Meurthe).
—
| 2
79 _
ÉLÈVES EN PHARHAGE
Prix unique, M. EvranD» (Théophile), de Château-Salins (Meurthe),
” élève de première année.
Mention
honorable, M.
Winspac
selle), élève de premiére année,
(Alred),
de Saint-Avold (Mo-
‘Htésultats des Concours.
À la suite du concours ouvert, le 12 novembre 14862, pour les fonc-
tions de préparateur-aide du cours d'anatomie et de physiologie, a été
nommé:
M. Marc (Auguste), de Gironcourt (Vosges).
A la suite du concours ouvert, le 43 et le 14 novembre 1862, pour
les places d’interne, ont été nommés:
:
M. Vazenrin (Camille), de Nancy (Meurthe).
M. Lasauce (Apolonius), de Dombrot-le-Sec { Vosges).
#
Nancy, imprimerie de v® Rayhoïs, rue du faub. Slanislas, 3.
Fichiers
seance_rentree_1862_complet.pdf, application/pdf, 3,26 Mo,
Classe
Document
Université Impériale / Académie de Nancy. (1862). Rentrée solennelle des Facultés des sciences et des lettres et de l'École de médecine et de pharmacie de Nancy, le 17 Novembre 1862. https://histoire-universite-nancy.fr/s/una2gm/item/8462, accès le 19 mai 2022