Rentrée solennelle des Facultés des sciences et des lettres et de l'École de médecine et de pharmacie de Nancy, le 15 Novembre 1856
1856
; Nancy (Meurthe-et-Moselle)
; Discours Officiel
;
Document
;
partie, publication en série imprimée
; sr1856
;
par : Université Impériale / Académie de Nancy
seance_rentree_1856_complet.pdf, application/pdf, 3,08 Mo,
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Identifiant (dcterms:identifier)
sr1856
Créateur (dcterms:creator)
Université Impériale / Académie de Nancy
Titre (dcterms:title)
Rentrée solennelle des Facultés des sciences et des lettres et de l'École de médecine et de pharmacie de Nancy, le 15 Novembre 1856
Sujet (dcterms:subject)
Discours Officiel
Editeur (dcterms:publisher)
Grimblot et veuve Raybois, Imprimeurs-Libraires de l'Académie de Nancy, Place Stanislas, 7, et rue Saint-Dizier, 125.
Direction de la Documentation et de l’Édition (Université de Lorraine)
Institut François Gény (EA 7301 Université de Lorraine)
Décanat de la Faculté des Sciences (Université de Lorraine)
Décanat de la Faculté de Droit Sciences économiques et gestion de Nancy (Université de Lorraine)
Maison des sciences de l'homme Lorraine (Université de Lorraine)
Bibliothèque-médiathèque de Nancy
Date (dcterms:date)
1856
Droits (dcterms:rights)
Couverture spatiale (dcterms:spatial)
Nancy (Meurthe-et-Moselle)
Type (dcterms:type)
partie
publication en série imprimée
Date de publication (dcterms:issued)
1856
Format (dcterms:format)
PDF avec ocr
Langue (dcterms:language)
fr
extracted text (extracttext:extracted_text)
RENTRÉE
DE
SOLENNELLE
L'ENSEIGNEMENT
SUPÉRIEUR.
UNIVERSITÉ IMPÉRIALE.
ACADÉMIE DE NANCY.
8
DES FACULTÉS
SCIENCES ET DES LETTRES
ET
DE
L'ÉCOLE DE MÉDECINE
ET DE PITARMACIE
DE NANCY
Le
15
Novembre
1856.
NANCY,
SRIMBLOT,
VÉ RAYBOIS
ET
C!F,
IMPRIM.-LIBR.
DE
L'ACADÉMIE
Place Stanislas, 7, et rue Saint-Dizier, 4195.
1856.
DE
NANCY,
PROCÈS-VERBAL
DE LA SÉANCE.
Le samedi 43 novernbre 1856, les Facultés des Sciences et des.
Lettres et l'École de Médecine et de Pharmacie de Naney ont tenu
leur séance solennelle de Rentrée, sous la présidence de M. le
‘ Recteur de l'Académie, Membre
Inspecteurs du ressort.
de l'Institut, assisté des quatre
Après la Messe du Saint-Esprit, qui a êté célébrée en l'église
cathédrale, le Conseil académique et tout le Corps enseignant sont
venus prendre séance dans le grand salon de l'Hôtel de ville.
Les premières autorités du département
et de la ville, les hauts
fonctionnaires etl’élite de la population assistaient à cette solennité,
heureux de donner à nos Écoles d'Enseignement supérieur cette
marque éclatante de leur sympathie. Au premier rang on rémar-
quait M. Lezaud, premier Président de la Cour impériale; M. le
Prince de Beauvau; Me l'Évéque de Nancy, premier aumonier de
l'Empereur; M5 l'Évêque de Saint-Dié; M. Albert Lengilé, Préfet
de la Meurthe; M. le Président Garnier, et M. l'Abbé Bureaux,
—
6
—
tous Membres du Conseil académique. À ces nobles auditeurs
s'étaient réunis M. le Baron Buquet, député au Corps législatif et
Maire de Naney, accompagné de M. Ottenheimer et de M. le
Comte Molitor, ses Adjoints, et de plusieurs Membres du Conseil
municipal ; M. Drouot, Député; M. le Général
de Saint-Mars ; un
grand nombre d'Officiers et d'Ecclésiastiques, enfin tout ce que
Nancy compte de personnes considérables. C'était une occasion
pour cette ville généreuse, qui a sollicité avec tant d’ardeur et
accueilli avec tant d’empressement l'institution des Facultés, de
témoigner une fois de plus de l'intérêt qu’elle prend à leurs succès
et à leurs espérances.
.
M. Faye, Recteur de l'Académie a ouvert la séance par le discours
suivant:
DISCOURS
M. LE RECTEUR DE L'ACADÉMIE DE NANCY.
MESS&IGNEURS,
Messieurs,
_
Le seul fait capital que j'aie à signaler cette année à votre attention, c’est le succès encourageant de l'École supérieure des
sciences appliquées que nous avons organisée prés de la Faculté
des sciences de Nancy. Cette création nouvelle, bien des villes
vous
l'envieraient, et pourtant, en pensant au brillant auditoiré
qui nous entoure dans ces solennilés, je me suis demandé quel
accueil-elle trouverait prés de vous. À Lyon, à Lille ou à Marseille, je n'eusse point éprouvé d’incértitude, mais, je le sens,
dans une ville comme Nancy, vouée à toutes les élégances de
l'esprit et du luxe, l'annonce d’une École de droit répondrait bien
mieux à lPattente générale que le tableau détaillé des efforts que
vos Facultés viennent de faire pour doter cette ville d’une grande
École des arts et manufactures. Et cependant Nancy se doit dé-
—
8
—
sormais à la province dont elle est devenue le chef-lieu universitaire; il ne lui suffit plus de briller, il fant qu’elle soit ulile, et que
son influence bienfaisante s'étende aussi loin que son nouveau
ressort.
:
Pour le reste, Messiéurs, remetfons-nous-en à la haute sagesse
du Ministre que l'Empereur vient de placer à notre tête, et que
l'Université a vu, avec tant de confiance et d'espoir, saisir d'une
main ferme les rênes que la mort a fait tomber des mains d'un
homnie dont le souvenir vivra longtemps dans ee pays.
Vous l'avouerai-je, une autre inquiétude me préoccupe encore
plus. Ici même, j'ai entendu déplorer en paroles éloquentes la
passion industrielle de notre époque. Jusque dans le sein de l'Université, par toute la France, que de discours récents, et des meilleurs, sur le culte envahissant du veau d'or, le mépris de tout ce
qui n’est ni gain, ni spéculation, l’abandon croissant des choses
de l'esprit, et, pour conclusion dernière, k1 dégénérescence de
notre jeunesse! Le cri du satirique romain, le 4e nos facimus, foruna, deam (1) est bien vieux, mais on le rajeunit avec tant d'art
que je me sens presque embarrassé de vous dire tous les efforts que
nous avons faits cette année, ceux que nous ferons l'an prochain,
pour aider vos jeunes concitoyens à faire fortune, honorablement
il est vrai, et par un travail intelligent, maïs enfin par les voies si
décrièes de l’industrie.
-Au fait, Messieurs, il appartient 4 l'honorable doyen de la Facullé des sciences et même au digne chef de notre Faculté des
lettres, de vous tracer ce tableau; moi, je tâcherai de répondre
à des accusations d’autant plus graves qu'elles partent des plus
nobles cœurs. Il est grand temps de réhabiliter notre époque méconnue au milieu même de sa gloire, la plus pure qui fut jamais,
et surtout de restituer à l'Université son véritable rôle.
L'Université ne saurait s'isoler du mouvement social sans
compromettre sa mission. Bien qu'elle soit chargée de guider les
généralions naissantes, il ne lui appartient pas de fixer le but ni
même les moyens, et, quand la société marche légitimement dans
1) Non pas Sat. #, mais Sat. XIV.
_
9
—
ua sens, elle ne doit pas s'obstiner à la tirailler en sens con
traire.
D
Tel fut, Messieurs, le sentiment de ceux qui présidérent à no
grandes réformes où Nancy a gagné son Académie et ses Facultés;
telle fat aussi, j'ose le dire, la pensée premiére qui régla en France
les destinées de l'enseignement supérieur. Au besoin je citerais
comme preuves l'institution des Conseils académiques, où l'Uni-
versité reconnaît pour juges les représentanis les plus autorisés
de la société, et surtout celle des séances solennelles de rentrée,
qui mettent périodiquement les Facultés en contact intime avec le
public, non plus pour dogmatiser du haut d’une chaire, maïs pour
exposer leur but, leur œuvre actuelle et leurs projets d'avenir,
C'est même par K, pour le dire en passant, que nos réunions annuelles conserveront toujours de l'intérét, même à l'époque où.
vous n'aurez plus rien à réclamer pour cette province académique,
même au temps où linstitütion, complétée selon vos vœux, aura
donné à votre ville le genre d'importance dont elle était fiére autrefois, et que vous avez quelque raison, ce me semble, de rêver
pour elle dans un prochain avenir.
:
Je me ferais bien mal comprendre, je me hâte de le dire, sion
induisait de ces paroles, qu'à mon gré, le noble sacerdoce de l'en.
seignement public doit flotter au hasard des temps. Non, l'Univer. sité est un corps conservateur.
La plus cruelle injure qu'on pût lui
faire, ce serait de l’accuser de nourrir le dessein de faire sortir la
sociélé de ses voies éternelles, pour la lancer dans les aventures
d'une science sans frein et sans contrôle. Qu'ailleurs on affiche
d'autres sentiments; en France, du moins, et sous vos yeux, à
Nancy, l'élévation morale de l’enseignement littéraire, unie à la
sagesse de l’enseignement scientifique, réalisent un idéal dont les
plus scrupuleux n’ont pas lieu de s’alarmer.
Mais, tout en conservant le dépôt de ses traditions-et de ses méthodes longuement éprouvées, l'Université n’entend point s’immobiliser quand toui marche autour d'elles son rôle est de suivre le.
monde dans ses progrés, d'en étudier les tendances légitimes, afin
de porter son action là où elle est réclamée.
C'était donc pour nous un devoir d'étudier l'immense mouve-
_—
19
—
ment industriel de notre époque. Fallait-il résister au torrent,
élever des digues à la hâte, amonceler des obstacles, ou lui ménager un lit et rendre ses eaux fécondantes? Nous avons préféré
suivre la pente des esprits; pour
conserver
sur eux une
aclion
directrice, nous nous sommes associés à leur mouvement.
* L’alternative, en effet, se réduisait pour nous à ces termes : la
tendance de l'époque est-elle morale?
Les esprits généreux, qui, par regret du passé, dédaignent d’aller au fond des choses du présent, y voient avec douleur une forme
hideuse de l'égoïsme humain; ils prophétisent la décadence. Cest
qu'il est trop facile, hélas, de confondre l'agiotage avec le commerce loyal, et la spéculation hasardeuse avec l'industrie vivifiante. S'ils allaient au fond des choses, ils y verraient la marche
progressive d’une société qui conquiert, par le travail, la liberté :
non cette liberté orageuse, dont les autels fument de sang ou retentissent du vain bruit des paroles; mais la liberté virile, fruit du
travail quotidien, qui donne à chaque homme de bien une noble
indépendance, qui crée les familles en chassant la misére, assure
le sort de nos enfants, pousse en avant les masses intelligentes, et
grandit les peuples plus sûrement que les conquêtes ou les révolutions.
|
C’est pour moi un amer chagrin que d'entendre dénigrer une
pareille tendance. Pourquoi donc s'inquiéter de l'avenir, pourquoi pousser le cri d'alarme comme si les œuvres du génie étaient
en danger d’indifférence, comme si les nobles spéculations de la
science pure allaient fuir celte terre désormais vouée aux
préoccupations
dégradantes
des plus vils intérêts? Est-ce
donc
au moment, où les grandes entreprises revêtent une incomparable
élévation morale, que ces plaintes devraient se produire? est-ce
l’époque, où la France vient de sacrifier son sang le plus pur et
ses millions, pour une idée désinléressée, que l'on devrait accuser d'industrialisme? Mais, Messieurs, jamais on ne vit un temps
où l'idée pure de la justice se soit plus largement incarnée dans
les faits.
Si, malgré tout, le spectacle de ces exhibitions splendides qui
nous révélait naguëre avec tant d'éclat Pindustrie des nations, vous
_—
À
—
chagtine et vous scandalise, détournez les yeux, considérez celte
autre manifestation de l’industrie française, dont nous lisions hier,
avec un fier battement de cœur, les détails incroyables dans le
rapport du maréchal Vaillant : industrie meurtriére, il est vrai,
énorme puissance de destruction accumulée sur un seul point, à
huit cents lieues de la France, par la magie des forces brutes que
l'esprit humain s'est asservies, mais instrument gigantesque mis
au service de l'idée moderne, au service du droit dans la politique
des nations. Eh bien! dites-le nous, existerait-elle, cette industrie formidable, si l’autre, celle qui fait vivre, était encore à.
créer?
Heureusenient
l'Empereur
connaît mieux
la France;
il °
sait qu'elle n'a pas dégénéré pour être devenue plus puissante et
plus riche: des ruines de Sébastopol, i il la mêne au traité de
Paris.
.
‘ Dans les œuvres de la paix, l'industrie, de nos jours, ne se
montre ni moins grandiose, ni plus égoïste d'inspirations, ni plus
ignorante des voies de Dieu. Un exemple va suffire, Laissons la
Crimée où elle vient d'accomplir un prodige, sans bruit, sans
efforts apparents (il a fallu nous le révéler), et poussons jusqu'à
l'étroite langue de terre placée entre l'Egypte et la Judée, ce double
berceau du monde chrétien. Là, lindustrie entreprend, de Suez
à Peluze, un travail herculéen que les poëtes de l'antiquité eussent porté jusqu'aux nues {ceux d'aujourd'hui n'y font pas attenlion). Croyez-vous qu'elle n'ait pas conscience de son œuvre?
Supposera-t-on que les chefs de l'entreprise, ses commanditaires
généreux, ses savants ingénieurs, — parmi eux, Messieurs, vous
comptez un compatriote (1), — et jusqu'à ses ouvriers intelligents
ignorent pour quel but providentiel ils travaillent? Ouvrir au
commerce européen le chemin de l'Orient, mais c'est rappelerà
la vie le monde gréco-romain enterré sous les ruines d'une bar
barie séculaire; c'est donner un but d'activité à l'Espagne qui n'en
a plus, à l'Italie qui cessera d'inquiéter l'Europe, quand elle jouera
dans le monde un rôle digne de son passé; c'est élargir pour
toutes les nations le cercle où la civilisation semblait naguëre
{1} Mougel-Bey, Vosgien.
—
12
—
condamnée à se mouvoir ou plutôt à se replier douloureusement
sur elle-même.
:
Cessons de nous alarmer. La France marche vers ses destinées.
On ne lui dit pas : « Enrichissez-vous pour jouir, » mais : « Travaillez, afin d'être libre et grande parmi les nations. »
C'est un des éléments du travail intelligent et moral que nous
avons voulu offrir à votre cités vous savez si notre appel a été
entendu: Le nombre, l’assiduité, l'intelligence de nos auditeurs
ont dépassé
notre attente et sans doute aussi [a vôtre.
Pour moi, je l’espére fermement, la jeunesse qui depuis Ja
dernière rentrée des Facultés s’est pressée à nos cours du soir,
où elle trouvait l’utile, ne s'empressera pas moins cette année à
nos cours d'histoire et de littérature, où elle viendra, le soir encore, s'assimiler le génie de la France dans sa plus haute expression. La Faculié des lettres, habituée à parler aux classes les
plus élevées de la société nancéienne,
s'applaudit
d'avance du
nouveau rôle qu’elle vient de saisir : elle imprimera à l'œuvre de
la Faculté des sciences un caractère que l'Université ne saurait
sacrifier.
:
- ‘A est un autre genre de concours dont nous nous glorifierons
devant vous. Ainsi que je le disais ici même, l'an passé, les ressources matérielles que la Ville et l'État mettent à notre disposition, nos professeurs, notre excellent personnel de préparateurs,
ne suffraient pas à la tâche de créer à Nancy l’enseignement des
sciences appliquées, ou plutôt une grande École des arts et manu. factures, si nous n'avions obtenu le concours d'hommes éminents
qui ont bien voulu associer leurs efforts aux nôtres. Déjà, l'an
dernier, MM. Morey, L. Parisot, Melin, nous ont donné le secours
de leurs talents; cette année, notre enseignement se complétera,
grâce à l’adjonction de MM. Monnier et Volmerange, qui ont bien
voulu se charger des cours d'agriculture et de constructions civiles. Félicitons-nous d'avoir obtenu un tel appui; de pareils
noms en disent plus-en faveur de notre œuvre que les plus beaux
discours. Dans sa récente session, le Conseil académique, frappé
de tant de dévoûment au bien général, s'est fait un devoir de signaler les noms de nos savants collaborateurs
à son Exec, M. le
_
43
—
Ministre de l'instruction publique: c'est en son nom que je les
prie de recevoir ici de sincères remerciments.
Jusqu'ici, Messieurs, je n'ai parlé que d'une seule branche de.
notre enseignement, et pourtant Nancy compte déjà quatre écoles
bien distinctes : Ia Faculté
des sciences, la Faculté des lettres,
l'École de médecine et l'École supérieure des sciences appliquées
à l'industrie. Bien que chacun de ces corps ait son organisation
propre, donne un enseignement spécial, prépare à des carrières
différentes et conféré des diplômes particuliers, ils n’en forment
pas moins un ensemble, une Université véritable. MM. les doyens
et M. le directeur de l'École de médecine vont vous dire comment
on est parvenuà établir entre eux une solidarité qui double leurs
forces. S'agit-il de l'École d'application? Ja Faculté des lettres
s'unit à la Facullé des sciences, laquelle,à son tour, emprunte
le secours de l'École de médecine. S'agit-il de l'enseignement
médical? la Faculié des sciences vient meltre, au service de
votre belle fondation municipale, ses collections, ses laboratoires
et ses cours. Un tel mélange n'est pas confusion, mais harmonie.
Grâce au mutuel appui de nos quatre établissements, l'École de
médecine et de pharmacie complète et renforce ses cours; l'École
des sciences appliquées se développe; la Faculté des sciences gagne un triple auditoire; celle des lettres élargit le cercle de son
action journaliére,
Que serait-ce, Messieurs, si cette organisation, déjà solide, recevait son indispensable complément? Du moins, il ne nous est
plus interdit d'entrevoir, dans un prochain avenir, l'achèvement
de l’œuvre qui doit rendre à cette province académique une institution toujours regrettée en Lorraine et même plus loin, par-delä
nos frontiéres. Si notre espoir se réalise, souvenez-vous que vous
ne le devrez pas seulement aux droits de Nancy, au vœu de cinq
départements, à l'appui si constant et si autorisé du conseil général de la Meurthe, mais encore & la sympathie de nos voisins
étrangers, qui désirent, comme nous, renouer de vieilles relations
d'amitié, de camaraderie, de famille même, dont le souvenir vit
encore chez eux et dont la politique n'a point à s ’alarmer. Nous
le devrons surtout aux efforts généreux de votre municipalité, et,
—
14
—
|
aprés elle, 4 nos Facultés naissantes, car ces Facultés ont prouvé,
jusqu'à Paris même, que les institutions d'enseignement supérieur
répondent ici aux vrais besoins de l'époque, qu'elles y peuvent
prospérer, et que Île terrain où quelques graines d'essai ont été
semées est capable de fournir de magnifiques récolies.
Après cette allocution, qui a produit une vive sensation dans
l'auditoire, M. le Recteur a successivement donné la parole à MM.
les Doyens des Facultés et à M. le Directeur de l'Ecole de Médecine, pour exposer la situation, les résultats et les tendances de
l'enseignement dont la direction leur est confiée.
© RAPPORT
M. GODRON, DOYEN DE LA FACULTÉ DES SCIENCES.
. M. ze Recreur,
MEessEeiGNEuRs,
Messœurs,
… L'expérience, ce juge souverain de toutes les institutions hu
- .maines, continue à justifier de plus en plus l'établissement de la
.… Faculté des Sciences de Nancy; vous savez lous que .ses cours
sont été suivis, pendant cette secénde année scolaire, avec le même
| empressement qui avait marqué ses débuts. De plus, un ensei=.
gnement nouveau, celui des sciences appliquées, destiné à popu-
lariser dans nos contrées l'instruction supérieure, a été inauguré
à la rentrée dernière et a été accueilli également, avec une
extrême sympathie, par une classe nouvelle d'audileurs, composée
presque :exclusivement de jeunes gens. Le Ministre éminent,
qu'une
mort
prémalurée est venu surpendre au moment même.
où il mettait: la derniére main à la réorganisation de l'Instruction
publique, n'avait donc pas trop préjugé des tendances et des
besoins de notre pays, en établissant à Nancy un centre d’ensei. gneient scientifique. Nos populations. si sérieuses, si intelligentes,
“enfin, si avides d'instruction, ne pouvaient accepter avec ‘indif-
—
16
—
férence ce nouveau bienfait du. Gouvernement impérial. Une
situation aussi favorable rendait facile la fâche confiée à Ja Faculté
et devenait pour elle un encouragement puissant, Car, s'il est
vrai, comme on l’affirme, que le professeur fasse l'auditoire, il est
bien plus évident qu'un auditoire zélé et bienveillant exerceà son
tour sur l’enseignement du professeur une influence considérable.
Nous sommes heureux de constater de nouveau, devant vous,
cette situation prospére, et nous ne croyons pas dépasser les
limites du probable, en osant émettre l'espoir, que les antécédents
de Nancy nous assurent l'avenir,
Tenu à vous rendre compte de l'enseignement de Ia derniére
année scolaire, je vais passer successivement en revue : 1° les
différents cours de la Faculté ; 9° les cours de sciences appliquées,
et 5° l'enseignement pratique.
:
Cours de la Faculté. — M, le Professeur de mathématiques
pures et appliquées a traité du calcul différentiel et de ses
diverses applications à la géométrie et au développement en
série des fonctions principales. Toutes les parties du programme
de la Licence és Sciences Mathématiques ont été enseignées, et les
applications numériques qui, dans l'examen pour l'obtention de
ce grade, font l’objet de l’une des épreuves écrites, n’ont pas été
négligées. Enfin, la théorie des surfaces et celle des courbes à
double courbure ont été exposées aussi complétement que pos* sible. En général, le professeur a évité de suivre les méthodes
devenues classiques, soit pour donner plus d'intérêt à son cours,
soit pour réserver aux auditeurs l'avantage de retrouver dans
l'étude des Hivres spéciaux les mêmes sujets traités d’une manière
différente. Ce cours qui, pour être suivi avec fruit, exige des
connaissances mathématiques préalables très-étendues, à compté
une dizaine d'auteurs assidus, chiffre relativement considérable et
qui démontre dans notre ville une tendance prononcée à s’oceuper de l'étude des Sciences à la fois les plus ardues et les plus
élevées.
|
|
M. le Professeur de chimie
s'est occupé de chimie miné-
rale, et a pu exposer d'une maniére à peu près complète cette
—
17
—
partie importante de la sçience. Après avoir établi les règles de
ja nomenclature chimique française, il a fait avec beaucoup de
développement l'histoire des corps simples et de leurs nembreuses
combinaisons. Îl s'est aftaché principalement à l'étudé des corps
métalliques,
et,
aprés
fabrication des métaux
avoir
étudié
d'une
les plus importants
maniére
par
spéciale
la
les procédés en
usage dans l'industrie, il a complété cet enseignement par l’exposé de leur extraction au
moyen
de l'action si merveilleuse de
la pile.
M. le Professeur de physique a exposé d'abord les lois de l'équilibre des liquides et des gaz. Abordant ensuite l’électro-magnétisme, il a tracé le tableau rapide de l’état actuel de nos connaissances sur celte partie si importante des Sciences physiques. Aprés
avoir rappelé les découvertes si fécondes dues au génie d'OErstæd,
d'Arago, d'Ampére et d’autres physiciens célèbres, il a exposé les
lois générales des phénomènes électro-magnétiques, et en a présenté les étonnantes
applications à la télégraphie électrique, et à
plusieurs autres appareils dont le jeu repose sur l’action des électro=
aimants. À cette occasion, il ne pouvait oublier de faire connaître
à son auditoire les électre-aimants circulaires et trifurqués, dont
l'invention est due aux laborieuses recherches de notre collégue,
M. le professeur Nicklés, et qui sont aujourd'hui l’objet de nouveaux essais d'application à Findustrie. L’électricité d’induction
sur
laquelle
années, les
nous suffira
rappeler les
entiérement
se sont portés,
principalement dans ces
derniéres
efforts des physiciens a été traitée avec détails, et ïl
de citer l'ingénieux appareil de Rubmkorff pour
effets si nombreux, si brillants, et pour la plupart
nouveaux, qui ont captivé pendant plusieurs séances
l'attention de l'auditoire. Pressé par le temps, M.
le Professeur
de physique n’a pu accorder qu'un petit nombre de lecons de
son cours officiel à l'étude de la lumiére; il a dà développer
rapidement les lois relatives à la réflexion, à la réfraction, à la
dispersion, et il a lerminé cet enseignement par une étude comparée des raies dans les spectres produits par la lumiére solaire,
par la lumiére électrique et par les métaux en fusion ; mais pour
remédier, autant que possible, au nombre insuffisant de lecons
2
PE
consacrées cette année à l'optique, notre vollègue s'est imposé
bénévolement la tâche d'y suppléer, en traitant, pendant le second
semestre, dans des conférences supplémentaires, des lois de la
double réfraction et de la polarisation de la lumière.
Il est une science malheureusement trop négligée qui se rattache
à la physique, et que la Faculté cherche à rendre plus familiére
dans nos contrées, je veux parler de la météorologie. Sur l'invi{ation du chef de cette Académie, M. le Professeur de physique à
rédigé une instruction pratique, relative aux observations météorologiques, qui a été distribuée dans les différentes écoles normales primaires du ressort académique. Depuis huit mois déjà
. les éléves-maîtres
de ces utiles établissements
font chaque jour :
des observations trihoraires sur le barométre, le thermomètre,
le pluviométre, la direction du vent, l'état du ciel. Ces documents
sont adressés à la Faculté et contrôlés, en quelque sorte, par les
observations qui se font également à la Faculté par les soins de
M. le Préparateur de physique, et deviendront par la suite les
éléments d’un travail d'ensemble sur le climat de la Lorraine.
Le professeur d'histoire naturelle s'est, comme l’année précédente, occupé de zoologie pendant le semestre d'hiver et. de
botanique pendant le semestre d'été.
Les oiseaux, les reptiles, les poissons ont été’ étudiés dans leur
organisation générale; tous leurs systèmes organiques ont été
passés en revue et leurs modifications principales ont été expo” sées, en même temps que le professeur s'appliquait à démontrer
qu’elles ne rompent pas néanmoins l'unité de plan. Le mécanisme
des diverses fonctions qui, dans leurs phénomènes accessoires, ne
s'accomplissent pas de tous points comme chez les mammiféres
étudiés l'année précédente, ont été l'objet d'une étude détaillée,
Voulant donner, conformément à l'esprit des nouveaux programmes une. direction pratique à cet enseignement, il s’est
attaché à faire connaître spécialement les espèces utiles à
l'homme, soit directement par les produits qu'elles lui fournissent ef qu'il emploie dans l'économie domestique, dans l'industrie ou en médecine, soit indirectement par la destruction des
animaux nuisibles à nos récoltes et aux autres produits alimen-
—
19
—
taires ou industriels conservés dans nos habitations. Les princi-
pales races d'oiseaux de basse-cour n'ont pas été oubliées, pas
plus que'les modifications imprimées à leur organisation par l’action si puissante de la domesticité. L'histoire de l’incubation
artificielle des œufs des oiseaux et la pisciculture ont été l'objet
de plusieurs leçons.
Pendant le second semestre, le même professeur a exposé les
principes des classifications
du règne végétal et spécialement ceux
de la méthode naturelle, la seule rationnelle, la seule philosophi-
que qu’on puisse adopter. Il a recherché quels sont les progrès
qu’elle a faits, depuis les immortels travaux de Bernard et d’An-
toine-Laurent de Jussieu, et ce qu'il reste encore à accomplir,
pour la compléter dans ses détails. Passant ensuite à l'étude des
familles les plus importantes, il a décrit et fait voir à ses auditeurs,
sur les plantes vivantes, les caractéres qui distinguent chacune
d'elles et les affinités qu’elles présentent avec les familles voisines.
L'examen des modifications que chaque organe de la floraison et
de la fructification éprouve dans les plantes d’une même famille,
Jui a permis d'en déduire les caractères sur lesquels sont établis
les genres. La symétrie des organes floraux, malgré les exceptions
apparentes qui se rencontrent assez souvent, a été ramenée dans
toutes à un seul et même principe, la loi d’alternance. Le mode
d'inflorescence et ses différents axes ; les feuilles considérées dans
leur rapports entre elles et avec le système axile; le mode de
végétation des tiges et des racines n'ont pas été négligés. Chemin faisant, le professeur s'est occupé, lorsque l'occasion s'en présentait, de l'examen de certains organes dont la nature et la signification organogénique ne sont pas évidentes au premier abord,
tels que les staminodes, les phyllodes, les vrilles, etc.
Il a conclu de ces recherches, que toutes les plantes, constituant
une famille, ne sont que des modifications d'un même type organique; mais poussant plus loin ses investigations, il a cherché à
démontrer que chaque famille n'est pas moins naturelle, si l'on
compare les éléments chimiques qui se rencontrent dans les tissus
des espèces qu'elle renferme et auxquels ces végétaux doivent
leurs proprietés alimentaires, industrielles ou leur action thérapeutique.
—
20
—
Quant aux espèces, il s’est borné à faire connaître celles qui
nous fournissent des produits utiles et à signaler les principales
races de nos champs et de nos jardins, véritables créations, dues
aux soins assidus et à l'intelligence de l'homme.
Enfin il a terminé l'étude de chaque famille par l'indication de
la distribution géographique des végétaux qui la constituent, et a
signalé celles des espèces fossiles, les mieux connues, qui lui appartiennent et que renferment les différentes formations géolosiques, dont est formée la croûte de notre planète.
Enseignement des sciences
à l'improviste, avant même
culté fut terminée et dans
elle se meut péniblement,
a néammoins
appliquées. — Tnauguré pour ainsi dire
que l'organisation matérielle de la Fa.
le local provisoire trop restreint où
l'enseignement des sciences appliquées
fonctionné réguliérement pendant toute la durée de
la derniére année scolaire. La Faculté a été puissamment secondée
dans l'accomplissement de cette tâche par l’activité de M. le Rec-
teur, qui, malgré les nombreuses occupations qui pèsent sur lai,
s'est réservé une large part dans nos travaux. Nous devons en
outre au dévoüment de M. L. Parisot, professeur à l'École de
médecine, de MM. Morey et Mélin, architectes, un concours
aussi habile que bienveillant, sans lequel il nous eût été difficile
de suffire à cet enseignement nouveau, dont les exigences n'ont
pu être prévues à l'époque de-la création de la Faculté.
La géométrie descriptive est la base essentielle de l'enseigne
ment mathématique des sciences appliquées et s'adresse à des
hommes,en général peu familiarisés avec l'analyse mathématique;
mais l'intelligence et la force d'attention de l’auditoire ayant dépassé toute attente, M. le professeur de mathématiques a pu
développer fortement celte partie fondamentale et même franchir
les bornes des programmes officiels. Puis la théorie des ombres
et ses applications au lavis ont été exposées d'une manière compléte. Les principes de la perspective et de la stéréoscopie avec
leurs applications principales au dessin, à la peinture, aux décors
ont été l'objet d'une troisième série de leçons par lesquelles le
professeur a terminé ses cours du premier semestre.
|
—
D
—
Le second semestre a été partagé entre la topographie usuelle
et la coupe des pierres. Chaque semaine une séance à été consacrée au levé des plans et au nivellement. Les instruments principaux ont été seuls étudiés, ainsi que les méthodes les plus générales aujourd’hui en usage. Lorsque cette étude a été faile avec
soin, lorsqu'elle repose sur une préparation suffisante, immense
variété des instruments particuliers et des méthodes spéciales ne
peut présenter aucune difficulié et a dû être écartée. L'autre leçon de chaque semaine à été réservée à la coupe des pierres. Le
professeur à eu pour but de faire comprendre non-seulement l'esprit des méthodes, maïs aussi d’initier l'auditoire aux conditions
les plus essentielles de la pratique. Pour faire apprécier l'étendue
de ce cours, il suffit de dire, qu'on y a compris l'étude assez com
plète des arches-biaises, dont les canaux et les chemins de fer
surtout présentent de si fréquentes applications.
M. le professeur de mathématiques, comme on peut en
juger par cet exposé, et nous n'avons pas encore parlé des exercices pratiques, auxquels il a pris une part non moins active, s'est .
chargé, cette année, d’une lourde tâche et le temps lui a manqué
pour les leçons qu'il se proposait de faire sur la charpente. Il en
résulterait une lacune regrettable dans notre enseignement, si le
cours de construction, que M. Volmerange, ingénieur des ponts
et chaussées, veut bien faire cette année, ne devait compenser
cette omission d'une manière doublement profitable pour les auditeurs.
L'enseignement de la chimie appliquée a été inauguré par létude des combustibles et des matériaux propres à l'éclairage, sujet d'un intérêt général et qui constitue l’une des bases les plus
importantes de l'industrie moderne. Après avoir considéré, d'une
manière générale, la combustion dans ses matériaux, dans ses
causes, dans ses phénomémes et dans ses produits, M. le professeur de chimie devait naturellement s'occuper de la flamme.
Au moyen d'un appareil de son invention, il en a exposé la théorie et s’est attaché à démontrer, que la flamme, quelle qu'elle soit,
est toujours produite par un gaz en combustion. Les diverses essences de bois, éludiées aw point de vue de leur état d'hydratation
&
et de leur richesse en cendres, la tourbe, le lignite, l'anthracite
et surtout la houille, ont fourni le sujet de plusieurs leçons. Le
professeur a été naturellement conduit à exposer quelqües notions géologiques sur les bassins houilliers, à s'occuper de leur
exploitation,à décrire les différents modes de carbonisation, et, en
particulier, ceux qui concernent la fabrication du coke. Il a examiné ensuite, au point de vue chimique, la question pratique du
chauffage, celle des fumivores et s’est étendu sur l'emploi de
Poxygène condensé et de l'air comprimé, appliqués à la combnstion. L'étude des moyens propres à évaluer la puissance calorique des ‘combustibles a donné occasion de constater l'influence
exercée sur la rapidité de la combustion par la densité ou état de
division du combustible, d'expliquer et de justifier certains usages
depuis longiemps adoptés dans la pratique. Quelques lecons, sur
les combustibles liquides et gazeux, n’ont pas seulement eu pour
objet leurs matières premières et leurs produits
de décomposition, elles ont aussi embrassé les grandes industries issues du besoin d'un éclairage plus en rapport avec notre état de civilisation.
La bougie stéarique, le gaz de l'éclairage et les résidus de sa fabrication ont été soumis à une étude approfondie. Enfin les instruments et les appareïs, fondés sur les principes, qui président
à la combustion et qui ont pour but de tirer un parti déterminé
de la chaleur et de la lumière engendrées par elle, tels que la
lampe à émailleur, le chalumeau oxyhydrique, la lumière Drammond, ont aussi été examinés au point de vue théorique et pratique.
Abordant ensuite la technologie des alcalis et des terres, M.
le professeur de chimie a eu plus d'une fois l'occasion de
faire remarquer la part immense que la chimie a prise à l'extention de la richesse nationale, 4 dater de 4792, époque de l'invension du procédé de fabrication de la soude artificielle, qui affranchit la France d’un tribut énorme payé à l'étranger et qui ouvrit
une ère nouvelle à l'industrie, en montrant aux praticiens la nécessité d'éclairer la pratique par la théorie. Aprés avoir étudié
Ja potasse et ses principaux dérivés, tels que la potasse caustique,
le salpétre, la poudreà canon, etc., il s'est occupé du sodium et
_—
23
—
de ses nombreuses combinaisons, en commençant par la matiére
premiére, le sel gemme, qui, à Nancy, offre un intérêt tout spécial. Ce précieux minéral, qui forme en Lorraine un gisement
trés-puissant et qui s'étend même jusque sous nos pieds, ses dif.
férentes méthodes d'exploitation, la préparation du chlorure de
sodium, les différents produits auxquels ce sel donne naissance,
ont fourni la matière de leçons pleines-d'intérêt, dans lesquelles le
professeur s'est attaché à faire comprendre le brillant avenir ré
servé, dans notre département, aux différentes indusiries dont le
sel gemme est la base matérielle,
Le cours de physique appliquée à eu pour objet, pendant le
semestre d'hiver, l'étude des usages industriels de la chaleur,
Après avoir jeté un coup d'œil rapide sur les principales sources du
calorique et indiqué les moyens d'arriver à la mesure exacte des
températures, M. le professeur de physique a décrit les différents
modes de chauffage, tels que celui par la vapeur, par l'air chaud,
ete., et il a examiné comparativement les moyens les plus avantageux dans la pratique. Le tirage des cheminées, les diverses. dispositions des foyers l'ont occupé pendant plusieurs séances.
Pendant le semestre d'été, M. le professeur de physique a dû
interrompre ses leçons sur les applications de la chaleur et a exposé les notions les plus élémentaires de Poptique, indispensables
aux élèves des sciences appliquées, pour l'intelligence des divers
instruments employés en topographie. Enfin, il a terminé son
cours par l'étude des proeëdés photographiques principaux aujourd'hui en usage.
M. le professeur d'histoire naturelle a exposé l'organisation des
animaux supérieurs et les notions les plus élémentaires de la
physiologie, étndes préliminaires indispensables pour s'occuper,
avec succès, de deux sciences éminemment pratiques, qui rentrent
dans notre programme, je veux parler de l’hygiéne et de la zo0logie appliquée.
°
Le cours d'hygiéne a été confié à M. le docteur L. Parisot, qui
déjà trés-occupé, comme professeur à l'École de médecine, s'est
empressé néammoins d'accepter une nouvelle tâche et de prêter
le concours de ses connaissances et de son talent à l'œuvre utile
—
2%
—
enireprise par la Faculté des sciences. Qu'il me soit permis, au
nom de mes collègues et au mien, de remercier M. Parisot de cet
acte de bonne confraternité.
« Il n'a pas eu pour but de donner un enseignement dogmatique,
mais il s'est attaché à rendre son cours éminemment pratique et,
sans négliger les données purement scientiques, qui éclairent l'hygiène, il a eu surtout en vue les questions les plus usuelles, Ïl s’est
occupé tout d’abord de ce qui constitue le régime alimentaire et
il est entré, à ect égard, dans beaucoup de développement sur la
nalure des diverses espèces d'aliments et de boissons; il a insisté
sur leur choix pour constituer un régime diététique convenable
et il n'a pas dédaigné d'aller jusqu'à donner des préceptes généraux sur leur préparation. Chemin faisant, il n’a pas négligé de
combattre une foule de préjugés, relatifs à l'alimentation, qui, en
plein dix-neuvième siéele, asservissent encore nos populations.
Passant ensuite à l'usage des différentes espèces de bains, il en a
fait comprendre l'importance, au point de vue des fonctions de la
peau et de la santé générale. Enfin, dans une derniére leçon, il a
traité des différents modes d'asphyxie, des moyens de prévenir ces
accidents redoutables et des premiers secours à donner aux asphyxiés, Nous éprouvons toutefois un regret, relativement à ce
cours, c'est que M. Parisot n’ait pas donné suite au projet, qu'il
avait formé, de publier ses utiles leçons.
Les leçons d'architecture de M. Morey, bien qu'elles n'aient été
l’objet d'aucune annonce spéciale dans le public, ont été suivies
avec un empressement bien digne de remarque. Dans ces leçons,
qui seront complétées cette année, le professeur a fait marcher de
front la partie technique et la partie artistique de l'architecture.
Âu second point de vue, l'architecture est à la fois le premier, le
plus ancien et le plus important des beaux-arts, À ce titre son histoire se mêle intimement à celle de l'humanité, et quoique nos
cours aient pour but principal l'utilité, cependant, lorsque le professeur a rencontré sur son chemin les questions de cet ordre, il
devait à son enseignement et à son auditoire de ne pas les éviter.
L'intérêt avec lequel le cours de M. Morey a été suivi, prouve
que nos auditeurs sont aussi aples à s'assimiler les considérations
—
95
—
où l’art et l'histoire se confondent et s'interprétént l'un par l'avtre,
qu'à saisir les démonstrations géométriques ou à suivre les détails
souvent compliqués de la pratique.
Telles sont les matières qui ont été enseignées, pendant
la dernière année scolaire, dans nos cours de sciences appliquées. Elles
constituent déjà un ensemble de connaissances trés-importantes,
et, cependant, elles ne forment que le programme des cours de
première année. Cet enseignement va donc recevoir immédialement une extension nouvelle: des éours de mécanique, de construction, de zoologie appliquée, de métallurgie et d'agriculture
voñt être ajoutésà ceux, qui, organisés déjà depuis une année,
continueront à être professés
concurremment. Mais celte exten-
sion, donnée à l'enseignement des sciences appliquées, exigeait
un personnel de professeurs plus nombreux que celui dont ia Fa.
culté a disposé jusqu'aujourd'hui. Aux savants, qui déjà prêtent à
notre œuvre un concours efficacé et désintéressé, viennent se
joindre encoré, M. Monnier, président de notre société centraie
d’agriculturé, et M. Volmerange, ingénieur des ponts et chaussées. Ces faits prouvent non-seulement la confiance qu'inspirent
les résultats qu'on doit attendre de cet eriséignement nouveau,
mais aussi les ressources en hommes éclairés et le dévoñement
aux choses utiles, qu’on peut trouver à Naney.
J'ajouterai enfin, que les cours si importants de littérature
française, d'histoire de France et de géographie commerciale,
confiés à deux de nos savants collêgues de Ïa Faculté des lettres,
auront lieu cette année, à une heure plus convenable pour les
rendre plus accessibles aux nombreux auditeurs qui fréquentent
déjà les cours scientifiques.
Enseignement pratique. — Mais ce qui forme aujourd’hui Pun
des caractères les plus saïllants de l'organisation des Facultés des
sciences, c'est l'enseignement pratique, qui a été inauguré égale
ment au commencement de la derniére année scolaire. C'est le
complément indispensable des cours de la Faculté et spécialement
des cours de sciences appliquées; pour qu'il atteigne son but,
pour qu'il soit une préparation sérieuse aux carriéres indus-
—
26
—
trielles , il faut que la pratique accompagne
théorie.
Les
LL
manipulations
chimiques
constamment
n’ont pu commencer
la
que le 2
janvier, dans une salle provisoire, que l’autorité municipale a fait
construire, pour cet objet, dans la cour du bâtiment de l'Université. Bientôt une vingtaine de jeunes gens, élèves en médecine ou
en pharmacie, candidats à la licence ès sciences physiques, et candidats au certificat d'aptitude pour les sciences appliquées, se sont
empressés de s'inscrire. En présence d'éléves se proposant des
buts si divers, M. le professeur de chimie a dû,néanmoins, adopter
un programme
qui permit d'appliquer aux manipulations chimi-
ques une marche uniforme et méthodique, et capable, en même
temps, d'entretenir l'émulation. Des préparations fort simples
d’abord, plus complexes ensuite, ont été faites par les élèves, qui
ont _constaté
immédiatement,
sous les yeux
du professeur,
les
principales propriétés des corps isolés par eux; mais, en outre,
leur attention a été fixée sur les résidus de ces préparations et,
aprés avoir obtenu et étudié le produit principal, ils ont dù encore
présenter à l'état de pureté le produit secondaire, reconnaître ses
caractères et indiquer ses usages. Chacun d'eux a été tenu de
rédiger ses observations, de les soumettre au professeur, qui en
a rectifié les erreurs ou les incertitudes. À chaque séance, tous
les élèves ont préparé le même corps, mais par des procédés di-
vers, ce qui a permis à chacun, tout en remplissant sa tâche spéciale, de bénéficier encore du travail.de ses condisciples. Aprés
avoir été ainsi familiarisés avec les opérations les plus usuelles de
la chimie minérale, ils ont étéexercés aux procédés de l'analyse qualitative. Cette opération consiste, comme on le sait, non-seulement
à reconnaître les éléments constituants d’un mélange ou d’une
combinaison donnés, mais encore à séparer ces éléments, de facon
à pouvoir les étudier isolément et constater leur individualité.
Connaissant bien les groupes naturels, que forment les corps métalliques, ainsi que leurs caractéres distinctifs, les élèves ont procédé constamment, dans leurs recherches, par voie d’élimi-
nation, suivant ainsi la méthode dichotomique, inventée par les
botanistes et appliquée, avec tant de succès, à la détermination
des espèces végétales.
_
97
—
Les manipulations de physique ont eu lieu réguliérement, pen-
dant toute l'année, sous la direction du professeur, et il me suffit
d'énumérer les différents sujets d'étude proposés aux étudiants,
pour en faire apprécier l'importance. La recherche des densités,
la construction
des baromètres et des thermomètres,
ainsi que
Pemploi de ces précieux instruments, l’usage des piles, la galvanoplastie et la photographie, telles sont les principales opérations
avec lesquelles ont a cherché à familiariser les élèves.
Les exercices pratiques de zoologie, auxquels le semestre d’hiver a été consacré, ont eu pour objet l'examen, sur la nature
elle-même, des principaux appareils d'organes des différentes
classes d'animaux vertébrés, et l'étude microscopique des tissus et
des liquides organiques. :
Des herborisations ont eu lieu pendant le semestre d'été, dans
les environs de Nancy, et ces excursions scientifiques ont initié les
élèves non-seulement à la connaissance des plantes du pays et
spécialement des plantes médicinales, à celle de leurs stations et
des rapports qui existent entre la nature de ja végétation et la consütution physique et minéralogique des terrains; mais aussi à la
connaissance d'un certain nombre de faits d'organographie et de
tératologie végétale, qui se sont fortuitement présentés à leur
observation. Je ne puis passer sous silence une particularité, qui
prouve en faveur d'un certain-nombre de jeunes gens, la plupart
élèves de notre École de médecine, c’est que, pendant l'été pluvieux qui vient de s'écouler, j'ai toujours trouvé, quelque fût
Fétat de l'atmosphère, ces mêmes jeunes gens au lieu du rendervous, bien décidés à poursuivre ces promenades botaniques. Aussi,
grâce à ce zèle exceptionnel, elles ont eu lieu chaque semaine avec
beaucoup de régularité.
Les travaux graphiques ont été suivis par une partie des auditeurs du cours de géométrie descriptive. Les uns apportaient des
épures achevées; d’autres, ayant moins de loisirs, présentaient
leurs cahiers de croquis et réclamaient des explications sur les
points qui étaient restés obscurs ou douteux pour eux. Les cours
d'ombre et de perspective, celui de coupe de pierres ont donné ‘
lieu également à des travaux graphiques assiduement suivis, Enfin
—
28
—
.
oo
le cours de topographie réclamait un tout autre genre d'exercices
pratiques. Là l'intelligence de la théorie serait d’une bien médiocre utilité, si on n’y joignait l'habitude de manier les instruments,
de les rectifier, de les employer sur le terrain, Aussi M, le professeur de mathématiques a-t-il consacré un temps assez considérable à ces exercices. Les occupations habituelles des auditeurs né
leur laissant qu'un seul jour de liberté par semaine,
‘on a été contraint de remettre au dimanche matin les opérations topographiques; maïs on a eu soin de choisir les heures, qui précédent les
offices, afin de ne détourner personne de l'accomplissement régu-.
her des devoirs religieux. Aussi, dès quatre heures du matin, les
élèves n'hésitaient pas à se rendre au lieu désigné et se livraient
avec ardeur à l'exercice des opérations topographiques, tantôt sur
un terrain uni, tantôt sur ur sol accidenté.
Il est juste de rendre hommage ici au zèle, à l'intelligence du
directeur dés travaux graphiques, M. Mélin, qui a donné constamment à M, le professeur de mathématiques, dans les exercices
pratiques, le concours le plus entier et le plus utile. Son excellence
M. le Ministre de l'Instruction publique, a déjà témoigné à ce digne collaborateur toute sa satisfaction, en lui conférant le titre
d'officier d'académie et la Faculté est heureuse de s'associer publiquement à cet acte si justement rémunératoire, en priant M. MéEn d'accepter ses remerciements.
Travaux particuliers des professeurs. — Bien que la tâche des
professeurs ait êté singuliérement augmentée par la création des
cours des sciences appliquées et par l'établissement des exercices
pratiques, l'année. qui vient de s’écouler, n’a pas été néanmoins
stérile, au point de vue de leurs travaux particuliers.
M. le professeur de mathématiques a présenté à l'institut un
stéréoscope de son invention, remarquable par une construction
si simple, si économique et d'un usage si facile, qu'il est à la fois
à la portée de toutes les fortunes et de toutes les intelligences.
M. le professeur de chimie a constaté la présence de la vivianite cristalisée dans des ossements humains trouvés aux environs
de Nancy el par conséquent la formation -contemporaine de ce
—
99
—
minéral. Ï a mis au jour également un travail étendu sur la vie.
et les travaux scientifiques
de l'illustre chimiste dont Nancy de-
plore la perte récente, Enfin il a signalé à l'Académie des sciences
la présence du fluor dans le sang, le lait, la bile et les autres liquides de l’économie animale.
.
M. le professeur de physique, qui s’est occupé avec succés des
phénomènes de la polarisation appliqués à l'étude des corps isoméres, a publié des recherches nouvelles sur l’action que plusieurs
acides végétaux de même composition centésimale exercent sur la
lumiére polarisée.
Enfin M. le professeur d'histoire naturelle a produit un nouveau mémoire sur l'origine et la nature de F'Æyilops triticoïdes,
un travail sur le Drosera obovata, et il a édité le sixième et der-
nier volume de la Flore de France, qu'il a élaborée avec la collaboration de M. le professeur Grenier de la faculté des sciences de
Besançon.
Examens. — Ïl me reste à vous entretenir des examens et de la
collation des grades. La Faculté n’a pas eu, cette année, à conférer
Quatre candidats se sont inscrits pour subir l'épreuve de la licence, et la Faculté a eu la satisfaction de pouvoir conférer le
grade de licencié és sciences mathématiques à MM, Legrand et
Bodemer, et celui de licencié ès sciences physiques à M. Schlagdenhauffen,
La Faculté a eu en outre à examiner, pendant les trois sessions
de l’année scolaire, 2352 candidats au baccalauréat és sciences.
Sur ce nombre, 104 ont succombé aux épreuves écrites et 80 ont
été ajournés par suite de la faiblesse de l'examen oral; 104 ont
été jugés dignes du grade de bachelier és sciences.
TH résulte de ces chiffres, que le nombre des candidats à été
plus considérable que l'année dernière et que la proportion des
réceptions a été moindre. Ce double résultat s'explique facilement,
Aux
sessions
de décembre et d'avril,
le nombre
des candidats
inscrits a été exceptionnel; les aspirants au grade de bachelier
ês sciences nous sont arrivés de fous les points de la province aca-
\
name
celui de docteur ès sciences.
—
30
—
.
démique. C'est qu'à la session de juillet, le programme fransitoire
devait être remplacé par le programme complet; pour se soustraire à ces exigences nouvelles, un certain nombre de jeunes
gens, dont les études étaient sans aucun doute imcomplétes, ont
cru devoir s’exposer aux chances, évidemment bien peu favora-
bles, d'un examen prématuré. La Faculté n'a pas été plus sévére
dans ses appréciations que précédemment, mais elle a dû simplement maintenir
le niveau des examens, comme la garantie la plus
certaine des études sérieuses, et pour combattre, autant qu'il est
en son pouvoir, la fâcheuse tendance de quelques jeunes gens qui
ont l'ambition d'arriver, dans le plus bref délai et avec le moins
de travail possible, à un grade, qui, bien qu'à la portée de toutes
les intelligences, exige cependant des efforts soutenus et une
instruction classique assez compléte.
RAPPORT
M. CH. BENOIT, DOYEN DE LA FACULTÉ DES LETTRES.
M, Le Recreut,
MessrienEuRs,
Messieurs,
La réunion d'aujourd'hui n’est plus pour vous chose nouvélle.
Il y a deux ans déjà que nous inaugurions l'enseignement des
Facultés dans cette ville si empressée à l'accueillir. Nous ne pouvions vous entretenir alors que de nos desseins et de nos espérances; aujourd'hui, nous avons à constater déjà des résultats
obtenus : : l'œuvre commenceà porter ses fruits. Sans doute il
est regrêttable que l'étranger, en visitant cette ville des palais,
nous voie encore campés au lieu où nous sommes; él, qu'aprés
deux ans, les fondements de l’édifice qui nous est destiné né
soient pas encore près de sortir de terre; mais nous savons qu’en
cela, nous ne pouvons accuser ni le zèle ni la munificence de
nos magistrats municipaux; que, loin de 1ä, la grandeur de leur
projet en a fait l'an des principaux obstacles ; et que, si l'arche
sainte est encore sous là tente, c'est qu’on ne voulait la fixer enfin
que dans un temple digne d'elle, Du moins, en attendant l'édifice
_ de pierre, nous avons cherché, de notre côté, à fonder moralement sur des bases solides notre enseignement dans ce pays; el
_
32
—
tout ce qui s'intéresse ici aux nobles études à répondu à notre
appel. C’est désormais une généreuse habitude pour l'élite de
notre population, de venir, aprés les occupations de la journée, se
recueillir le soir autour de nos chaires dans Ia contemplation des
choses de l'âme. En face de cet auditoire distingué, le professeur
peut-il s'apercevoir encore du délabrement du lieu où il siége?
Et vous-mêmes, voyez-vous encore la nudité des murailles, alors
qu'une parole sympathique vous ravit dans le monde des idées?
Les Muses se sont fait longtemps entendre au fond des grottes de
l'Hélicon, jusqu'à ce que la Grèce, aux jours de sa grandeur, leur
érigeât des temples.
Tout en remerciant ce public choisi du concours assidu qu'il nous
prête, nous ne pouvons cependant nous empêcher de regretter
que le goût de nos études littéraires ne soit pas
encore plus ré-
pandu, surtout parmi la jeunesse, Combien, en effet, d'absents
encore, que nos yeux cherchent dans l'auditoire? Jeunes gens,
où êtes-vous? C'est à vous pourtant, que notre enseignement est
particulièrement destiné. Vous avez tant besoin de ces entretiens
généreux, pour échapper à la prostration morale, où la contagion
du siècle et la passion des intérêts matériels nous a plongés! Au
seuil de la carrière de la vie, où vous allez entrer, nous voudrions
vous retenir quelque temps dans ce culte des lettres, qu'on a si
bien nommées humaines par excellence, humaniores litteræ, et vous
munir de ces nobles études, pour vous assister dans Îles luttes qui
vous attendent, vous ranimer dans vos défaillances, vous conso-
ler dans vos disgrâces, vous charmer aux heures de loisir, et
faire la grâce de votre vieillesse, après avoir nourri vos jeunes
années de leurs sucs généreux.
L
Les lettres, je le sais, ne sont plus aujourd'hui en aussi grande
faveur, qu’elles le furent jadis en France. L'esprit public s’en est
pour un temps détourné. Pourquoi? Peut-être faut-il y voir un
juste retour contre l'abus que tant d'écrivains avaient fait de leur
empire. Le culte des Muses, convenons-en, n'avait été que trop
profané parmi nous. Nous avons vu la poésie, cette fille du ciel,
infidèle à sa mission, qui est de relever les âmes vers les pures
contemplations de l'idéal, se faire honteusement l'entremetteuse
—
33
—
de la corrüption ; et la philosophie, enivrée d'orgueil, s'attaquer
à nos plus saintes croyances. La France, en récapitulant sès catastrophes depuis plus d'un siècle, a pu en accuser, én grande
. partie, les abus de l'esprit et de la parole. D'un autre côté, la
gloire des lettres a bien pu être éclipsée un instant par l'éclat de
ces découvertes scientifiques, dont notre époque se montre si justement fiére. N'est-ce pas en effet dans les progrès des sciences
physiques, et leurs applications à l'industrie, que notre siècle a
trouvé surtout sa grandeur? Faut-il s'étonner, que les esprits en
soient éblouis, et y restent absorbés? Je ne suis pas vieux encore;
et quels miracles pourtant n'ai-je pas vu accomplis sous mes yeux
par le génie de la science moderne! Voici la
viathan de la mécanique, qui s'élance sur les
emportant dans sa course des peuples entiers
éloignés de l'espace; tandis qu'à côté d'elle,
locomotive, ce Léailes de la tempête,
aux points les plus
dans un fil merveil-
Jeux, le fluide, plus agile que la pensée, porte la nouvelle messa-
gére à travers les airs ou les abimes de l'Océan. La science a
changé la face de la terre; la science en fouille es entrailles,
pour y retreuver écrite en caractères éclatants l'histoiredes révo-
lutions primitives du globe; la science, en même temps, s'empare
du ciel et saisit par le calcul la planète invisible aux confins de
l'immensité. Partout, elle m'étonne de ses conquêtes, m'entoure
de ses féeries, soit qu'elle fasse circuler les gaz sous les pavés de
la cité, comme le sang dans les veines, pour nous inonder tout
d'un coup le soir de flots de lumière, soit qu’elle trempe le
métal en un bain mystérieux, où il se revêt d'or; soit qu'à la
clarté du soleil, elle fixe sur le papier du daguerréotype, changé
en miroir, l'image désormais durable. Quand je contemple ces
victoires journalières, que l’homme remporte sur les forces
physiques, et par lesquelles ce roi déchu de la création semble
reconquérir l'empire perdu de la nature, je ne puis me défendre
moi-même d'être ravi d’un tel spectacle. Aussi, loin dem ‘inquiéter,
ï
avec cértains esprits chagrins, de la part qu'on a faite aux scienccés Ÿ
107 \
naturelles dans l'éducation publique,j'y applaudis: je veux qu
initie nos jeunes gens à ces secrets de la nature, et aux applicätions, que le génie de l’homme en a su faire; mais à la condition...
3
Die
—
4
qu'en faisant à ces éludes scientifiques üne place considérable, om
maintiendra
aux lettres le rang
élevé, qu'elles doivent toujours
garder dans une éducation libérale. Rendons un juste hommage,
Messieurs, aux inventeurs de l'industrie moderne ; mais réservons
notre adoralion pour ces autres inventeurs, bien autrement utiles
au monde et plus grands, que l’on appelle Homëére, Sophocle,
Platon, Virgile, Corneille, Racine, Bossuet, Fénélon, qui ont exploré et nous ont livré... quoi? Messieurs, les plus hautes et
les plus belles régions de la nature humaine.
Voilà en effet les
premiers bienfaiteurs des peuples : ils ont inventé mieux que la
vapeur; ils ont inventé la joie et la tristesse, la consolation et l’espérance; ils ont trouvé ces accents divins, par lesquels ils éveil.
lent, émeuvent, enflamment tout ce qu'il y a de généreux en nous,
et prouvé par leurs œuvres, que l'homme est vihiment fils du ciel,
et créé à l’image de Dieu. Qu'est-ce en effet, que ces merveilles
de la science moderne, dont je chantais l'hymne tout à l'heure,
en comparaison des merveilles de l'éloquence et de la poésie?
L'homme aura transformé la foudre du ciel en moteur pour ses
manufactures, avant de refaire les dieux d’Andromaque; ei le
daguerréotype aura trouvé le secret de fixer, avec les ombres,
les couleurs, avant qu’on n'ait dépassé le Qu'il mourdt du vieil
Horace.
Mais qu'ai-je besoïîn de réclamer ici pour les lettres ce culte
qui leur est dû, dans cette ville, qui semble, au milieu de l'en
irainement universel vers les choses de la matière, avoir conservé
plus fidèlement la religion des choses de l'esprit? Je vous connais;
je sais qu'ici on trouvera toujours un auditoire nombreux et sympathique, pour entendre parler de littérature et d'art, et une foule
de nobles
cœurs, pour tressaillir d'une émotion généreuse
à la
lecture d'un beau morceau d'éloquence ou de poésie. Vous tons,
Messieurs, qui avez pris à cœur les destinées de notre enseigne
ment, qui croyez à l'influence bienfaisante des lettres, et qui augurez de l'avenir de la patrie, selon que les études littéraires se…
ront plus où moins en honneur auprés de la jeunesse, je ne crains
point de fatiguer votre attention, en vous rendant compte, avee
quelque détail, des résultats, que nous avons constatés ou obtenus
à cet égard, dans l’année qui vient de s'écouler.
——.
5
—
“Vous le savez, Messieurs, l'objet de notre institution est double. - En méme temps que nous ouvrons des Cours à ceux qui se montrent jaloux de poursuivre leurs études littéraires, nous sommes
. chargés de maintenir et d'élever par des examens le niveau de
l'enseignement secondaire. Quelques mots d’abord sur les Eramens.
EXAMENS.
DOCTORAT:
Le Doctorat, longtemps négligé dans l'Université, a repris faveur. Plusieurs candidais travaillent, sous la direction de nes
conseils, à préparer des thèses pour notre Facullé. Jusqu'ici cependant, aucune des thèses proposées à.notre appréciation prékiminaire, ne nous a semblé réunir, à un degré suffisant, l'érudition
müre et solide, l'intérêt et le mérite des recherches, et l'originalité
de vues, qu'on est en droit d'exiger pour ce grade élevé qui ouvre
l'accès de l'enseignement supérieur, La Faculté de Paris, depuis
Jongtemps dejà, a marqué à quel prix on devait dispenser ce titre:
nous ne consentirons pas, pour notre part, à laisser s'établir en
province un Doctorat inférieur.
LICENCE.
| Aux examens de
la Licence
nous
pourrions nous
aftendre à
compter un plas grand nombre de candidats. Une mesure, pleine
de sollicitude pour l'avenir de nos jeunes
maîtres,
leur impose
depuis quelques années l'obligation de prendre le grade de Licencié,
et, à ce prix, leur assure
l'avancement,
Pourquoi
done
ne répondent-ils pas avec plus de confiance et d’ardeur à cet appel
d'une administration bienveillante? Guelques-uns, je le sais, intimidés par la faiblesse de leurs premières études, et effrayés de la
distance qui les sépare encore du niveau de épreuve, ajournent
dans
un avenir indéfini de s'y présenter,
pour
mieux
assurer,
disent-ils, par une longue préparation Île succés de l'épreuve. Je
loue leur prudence, en les invitant toutefois à se défier de ces
“échéances trop lointaines, et à fixer à leurs efforts un but plus
—
36
—
.
voisin. D'autres, qui trouvent la route longue et difficile, aiment
mieux s'asseoir par terre, et se croiser les bras. Sur quoi comptent-ils ? sur l'avenir? mais l'avenir ne sera que ce que nous l'aurons fait. Levez-vous donc, vous qui dormez. C'est maintenant le
temps propice : consentez à faire un effort. Aïdez-vous seulement,
et le ciel vous aidera. Nous
vous
tendons la main.
Vous
fous,
jeunes gens, qui avez la noble ambition de faire votre carrière
par le travail, et de devoir votre avancement à votre mérite, vous
trouverez en nous des guides, des conseillers, des amis. Le Ministre excellent, dont la perte laissera parmi nous d’éternels
regrets, et qui s’intéressait plus à vous, que vous-mêmes, en
vous obligeant à être Licenciés, a voulu vous en faciliter les
moyens, Îl a demandé aux Facultés de vous consacrer une partie
de leurs leçons, Déjà, dans notre intérêt pour vous, nous
Favions prévenu. De voire côté, sachez profiter de ces ressources. Nous invitons ceux d’entre vous, qui habitent cette
ville, à entretenir désormais avec nous des relations de travail
plus’ assidues encore, Quant à ceux qui sont au loin, et ne peuvent fréquenter nos Conférences, qu'ils nous écrivent pour nous
envoyer les fruits de leurs études solitaires, et réclamer à ce sujet
nos conseils. Nous aimerons à étendre pour eux le cerele de cette
direction spirituelle, que, depuis nos débuts ici, nous avons com-
mencé à instituer par correspondance. Le niveau des examens de
Licence, qui se relève sensiblement en cette Académie, témoigne
assez de la salutaire influence que la Faculté exerce ainsi, de
Join ou de près, sur la studieuse jeunesse qui s’y prépare. Nonsenlement ces disciples plus fidèles de notre enseignement y ont
trouvé un succés certain; mais je puis ajouter encore, pour la.
derniére session, que les candidats, qui en sont sortis les premiers,
MM, Jacoulet et Gœury, se seraient présentés avec honneur à
Paris, er concurrence même avec les élèves de l'Ecole Normale
supérieure, et auraient su s'y maintenir dans un rang distingué.
Que leur exemple éveille chez les autres l'espérance et une heureuse émulation. Voilà le plus éloquent appel, que nous leur
puissions adresser. Mais, avec eux,
nous convions à nos Confé-
rences tous les jeunes gens qui ont gardé de leurs études le goût
_
97
—
des lettres, et qui croient avoir intérêt, pour leur carrière;-à… _
s'exercer dans l’art d'écrire, et à se familiariser avec les maîtres
de la pensée humaine. Candidats à la Licence, ou auditeurs libres,
il suffit d’aimer les lettres, pour être des nôtres, et de travailler,
pour avoir droit à tous nos soins.
BACCALAURÉAT.
Les candidats au Baccalauréat ès Lettres n'ont pas dépassé le.
nombre total de 105. C'est quatre de plus que l’än dernier, Mais
si le nombre des candidats demeure à peu près stationnaire, leniveau moyen.de leurs études semble s'élever. Nous aimons à.
constater chaque année une préparation plus solide, un fonds plus.
vrai de connaissances acquises. Ainsi commence à se faire sentir.
le résultat de la mesure, qui, au lieu d'acheminer pêle-méle tous
les élèves de nos Collèges vers un Baccalauréat unique, a partagé.
en deux sections la division des classes supérieures. Avec ce large.
débouché ouvert aux élèves, qu'une vocation plus où moins mar-.
quée entraine vers les sciences et leurs applications, il ne reste.
plus dans la section des lettres qu'un bataillon sacré, réduit sans.
doute, mais choisi; et le Baccalauréat ès Lettres, destiné ainsi à.
ve plus consacrer qu'une élite, reprend sa véritable valeur. Surles 405 candidats quise sont présentés dans les diverses sessions,
48 ont été admis, et 57 encore ajournés, Parmi ces derniers, 12seulement, aprés avoir franchi les épreuves écrites, sont venus.
échouer à l'examen oral; les 45 autres. avaient été condamnés.
sur leurs compositions écrites seulement. C'est que ces composiz..
tions seront toujours à nos yeux le fondement de l'épreuve, et la.
plussûre garantie d'études classiques, aussi prennent-elles dans rios.
jugements une importance souveraine. L'examen oral a eertaïne.
ment sa valeur : maïs-il est trop facilé encore, avee une mémoire.
heureuse et le manuel,
de faire ici illusion par une
préparation,
artificielle. Mais une composition, et surtout la dissertation latine,
nous livre du premier coup le secret des études d’un candidat,
Combien, à la derniére session d'août, combien de jeunes gens
ont fait naufrage sur cet écueil? Les échecs se sont multipliés,
parce que l'aveugle fortune, qui décide pour les sujets de compe-
—
38
—
sition éntre le latin et le français, s'est obstinée à ramener presque
toujours l'obligation d'écrire en latin. Sans doute il est regrettable
qu'une alternative d’une si grande conséquence soit livrée au ha-
sard. Mais nous avons souvent demandé, et nous espérons obtenir que désormais toutes les chances de l'examen soient égales
pour tous les candidats, et qu'on s’en tienne uniquement à la
dissertation laline, qui seule, pour témoigner des études classiques,
peut avoir une signification complète et décisive. Quoi qu'il en
advienne, jeunes gens, qu'en attendant, celte leçon de nos examens vous instruise. Cessez de vous soucier autant du programme;
brülez vos Manuels ; pour mieux préparer votre baccalauréat, ne
vous en préoccupez pas autant que vous le faites. Ne songez qu'à
faire de bonnes classes, à profiter des lecons de vos maîtres, à
former votre goût par des lectures désintéressées, à cultiver enfin:
les lettres pour le plaisir de vous instruire; et le reste vous sera
donné par sureroît.
Parmi les 48 candidats admis au grade de Bachelier és Lettres,
deux seulement l'ont été avec la mention Très-bien; ce sont MM.
Félix, de Remiremont, et Gérard, de Nancy.
Cinq autres ont été
reçus avec Ja mention Bien; ce sont MM. Gebhart, Rossignol, de
Roche, Bouché et Larziliére. Tout le reste n’a obtenu que la modeste note Assez bien. On nous trouvera peut-être bien avares de nos
distinctions, Mais ce n’est pas parti pris chez nous, afin d'en rehausser la valeur ; c'est que trop peu de candidats aujourd'hui sont
en état de satisfaire également à toutes les questions de l'examen,
. comme le réglement l'exige d'eux, pour obtenir ces mentions plus
honorables. Excellents parfois dans tout le reste de l'épreuve, ils
se montrent trop souvent mal préparés dans les questions qui
touchent à la philosophie et aux sciences. La cause de ces déplorables lacunes, vous la connaissez, Messieurs. À peine en Rhélorique, parfois même en sortant de Seconde, on voit les meilleurs
élèves de nos Lycées accourir avec une folle impatience au Bac
calauréat. Pourquoi tant se hâter? Pourquoi se privent-ils inconsidérément, en précipitant leur examen, des ressources qu'ils
devaient trouver dans leur dernière année d'études, pour s'assurer
un succès plus complet? Ah! je le sais. Îls veulent en finir plus
_.
—
39
—
vite avec le Collège; ïils déclarent que, pour leur éarriére, ‘ils -
n'ont que faire de cette logique et de ces sciences mathématiques
et physiques, dont cette derniére année est encombrée. Impru‘ dents, vous ne comprenez pas assez ce qu'à l'âge où vous êtes,
un sérieux enseignement philosophique pourrait donner de solidité à votre esprit et de fermeté à votre caracière; vous ne savez
pas combien un cours de mathématiques peut servir à discipliner
la pensée; et quant à l'histoire naturelle, à la physique et 4 la
chimie, rassurez-vous , on ne vous en apprendra que ce que
tout homme bien élevé est tenu rigoureusement de savoir aujourd'hui, pour ne pas demeurer en dehors des grandes choses de son
siècle. Comment n’étes-vous donc pas plus curieux de connaître? Et
pourquoi ne renconire-t-on pas plus souvent chez nos bons élèves
la louable ambition, non-seulement de réussir à la fois dans les
sciences et dans les letires, maïs aussi de montrer qu'un jeune
homme intelligent et studieux peut facilement atteindre à la fois
aux deux Baccalauréats,
ENSEIGNEMENT.
J'arrive maintenant, Messieurs, au tableau de notre enseigne
ment.
PHILOSOPHIE.
Il a été jusqu'ici dans la destinée de notre chaire de Philosophie, de changer souvent de maîtres. Le talent de ceux qui
en étaient chargés les faisait bientôt appeler sur un plus grand
théâtre.
Vous avez tous regretté
avec nous
M. Aîbert
Lemoine,
ce sage consommé de trente ans, qui par sa haute raison, son
amour profond du vrai et du bien, son exquise mesure, comme
aussi par sa parole si nette, si ferme, si égale à sa pensée et si
lumineuse, avait conquis sur nos âmes un ascendant souverain.
Ï laissait un héritage difficile. Mais comment se défendre contre
le jeune maître qui est venu le remplacer, et qui tout de suite nous
a étonnés et dominés par la vigueur généreuse de ses convictions,
le mouvement de son esprit, la grâce et la vivacité éloquente de
sa parole? Tout d'abord on à dû reconnaitre en lui un apôtre de
_
la vraie philosophie chrétienne.
0
—
Pour M. de Margerie,
enseigner
est un ministére sacré; quiconque a l'honneur de monter dans une
chaire et d'y élever la voix parmi les hommes doit s’en servir,
pour rappeler à ceux qui Pécoutent ces grandes vérités morales,
que notre siécle, dans son étourdissément, oublie trop aisément.
Mais croyez-vous, que, pour rester docile à l'autorité chrétienne,
il restreigne le champ
des questions philosophiques, et réduise
Fesprit humain à un rôle subalterne? Tout au contraire,
il a bien-
tôt prouvé, que la raison humaine, en se subordonnant à la foi
religieuse, y trouve un point d'appui et une force nouvelle, et
qu'elle peut désormais avancer avec d'autant plus de hardiesse
dans sa voie, qu'elle y est guidée par des principes plus solides.
Elle marche alors dans la lumière venue d'en haut, au lieu d'errer
à la lueur
douteuse
de sa propre
clarté, qui la laisse à chaque
instant incertaine, éperdue, sur le sol mouvant des opinions et
des contradictions humaines.L'année derniére, le Professeur ayant
à prendre le sujet de son cours dans la morale, a traité de l'Education ; avec quelle élévation de vues? vous le savez. El a rendu
ä l'éducation morale toute sa grandeur, en montrant qu'elle est
le travail de perfectionnement, que l’homme doit sans cesse opérer sur lui-même, pour atteindre au but suprême de ses destinées.
Or, si Dieu, qui est le principe de nos âmes, est aussi la seule fin
qui en soit digne, l’homme doit s’attacher à développer en soi les
nobles facultés, qui sont comme la marque de son origine céleste,
et à combattre au contraire ces penchants égoïstes et bas, qui se
disputent son cœur, rabaïssent
sa pensée vers la terre, et en ar-
rêtent l'élan vers son bien suprême. Ce travail sur soi-même, c'est
l'éducation, que chaque homme est tenu de se faire pour son
compte ; éducation de tous les jours, et qui ne se termine qu'a la
mort;
car chaque pas dans la vie nous met en présence de nou-
veaux devoirs, et exige de nous un nouvel apprentissage. L'éducation, comme l'entend M. de Margerie, c'est donc dans l'ordre
moral ce progrés continu, qui est la loi de notre existence ici-bas.
À quelque hauteur cependant, que le professeur relevât son sujet,
nous admirions, comme il savait dans les applications demeurer
pratique, et accommoder son enseignement à l’état actuel de nos
4
——
ET
—
mœurs et à nos relations sociales, tout en ramenant sans cesse.
devant nos yeux l'exemplaire éternel et idéal du bien. — Cette
année, où le programme l'invite à étudier quelque grande époque
de la pensée philosophique, M. de Margerie se propose de nous.
retracer l'histoire de la philosophie chrétienne, depuis les temps héroïques où elle prit naissance au milieu des persécutions, jusqu'à
cet incomparable X VIfssiécle, qui vit la philosophie enfin délivrée
des liens de la scolastique, mais toute pénétrée encore de la pensée
chrétienne, associer dans une merveilléuse harmonie la raison et la
foi,et,présidant à l'épanouissement dugénie françaisà cette époque,
marquer de sa noble empreinte les plus belles productions de la
littérature et de l'art. Le sujet est immense sans doute; maïs le
Professeur s'attachera surtout aux trois époques principales, et
aux trois grands noms qui dominent toute cette histoire, Saint
Augustin, Saint Thomas, Bossuet, lesquels semblent se donner la
main à travers les siècles, pour fonder cette école d'infaillible
sagesse.
Voilà certes,
Messieurs, une admirable
carrière à par-
courir ; et nous ne doutons pas que le talent du Professeur, autant
que l'intérêt même du sujet, ne ramëne au pied de sa chaire son
auditoire nombreux et fidéle.
|
HISTOIRE.
_
M. Louis Lacroix avait entrepris de nous retracer l'année dernière les envahissements de la civilisation européenne dans les
Indes orientales, depuis le jour où Vasco, un téméraire de génie,
ouvrait à travers des océans inconnus les routes nouvelles qui
devaient rapprocher deux mondes, jusqu’à l'époque actuelle, où
nous voyons les derniers débris de l'empire Moghol absorbés par
l'âpre domination de la compagnie
Anglaise.
Dans ce tableau, le
Professeur se plaisait à mettre en regard le génie de progrés, qui
anime les races occidentales, filles du christianisme, avec l'éternelle immobilité, qui semble enchaîner les nations de l'Asie dans
les vieux cultes des premiers âges. Mais surtout, à côté des irrésistibles conquêtes accomplies par le démon de la guerre, de la
politique ou du commerce, il aimait à nôus raconter les pacifiques
conquêtes de la parole évangélique; et à mesure qu'il pénétrait,
—
42
—
à la suite des aventuriers de la convoitise ou de la charité, dans
quelqu'un de ces vieux empires de PAsie condamnés 4 périr, il
se hâtait, avant leur chute, de nous donner une esquisse de leur
état social, religieux ou politique; et de nous montrer le genre
d'influence, que leurs envahisseurs Portugais, Hollandais, Espagnols, Français, Anglais, y avaient successivement exercée, selon
la diversité de leur génie. EE ne reculait pas non plus devant aucune des questions importantes, qui s'offrent à chaque pas dans
une pareille histoire, au sujet des destinées générales de l’humanité, et du rôle que le Christianisme est appelé à jouer dans l'ex
tension de la civilisation; graves et difficiles problèmes sans doute,
mais qu'il est toujours intéressant de poser, alors même qu'on est
impuissant à les résoudre. — Cette année, le sujet de Cours qu'il a
choisi, n’est pas moins fécond en enseignements élevés. Il revient
en France, etse propose de vous en exposer l’histoire aux XVI
et
cœur de l'Europe et le centre commun
Si
XVEÏ siècles; mais à cette époque déjà, la France est comme le
de la vie des peuples.
ce n'est pas la France qui prend toujours l'initiative dans lé mouvement ardent, qui semble à cette époque entraîner le monde vers
de nouvelles destinées, c’est elle qui y jouera le principal rôle.
Dans ses aventureuses expéditions d'Italie, elle montre déjà, combien au lendemain de la désastreuse guerre de cent ans, elle renferme de séve et de vie prêtes à déborder au dehors. Son ambition excite entre elle et la maison d'Autriche une rivalité, qui va
embraser l'Europe entiére. Mais, pendant ce grand conflit, couve
dans l'ombre, au sein même de l'Église, le germe d’une autre lutte
bien autrement acharnée et sanglante, et où il ne s’agit plus seulement de l'ambition des princes et de l'équilibre des états, mais
où tous les fondements religieux et politiques, sur lesquels reposait la vieille société, sont ébranlés. Luther à inauguré le rationalisme dans le monde. On sait combien la France surtout fut
déchirée par ces guerres civiles et religieuses, qu'avait provoquées
apparition du protestantisme, Mais enfin Henry IV profita de
l'épuisement des partis, pour y mettre un terme. M. Lacroix exposera avec détail la restauration politique et administrative de
la France, commencée sous les auspices de ce prince habile, con-
_—
33
—
tinuée par le génie de Richelieu, et. qui doit aboutir à la splendeur:
et à la puissance de Louis XIV. Il s'arrêtera en particulier au
tableau de ce rêgne, qui semble avoir pour un temps réconcilié
dans sa majestueuse unité tous les éléments qui fermentaient dans.
la confusion de l'âge précédent. Gette histoire, sans doute, à été.
souvent
refaite
: mais
elle pourra
l'être souvent
encore
avec
avantage. Elle ne saurait être de sitôt finie; car les événements
des siècles suivants viennent l'éclairer chaque jour d'une lumiére
nouvelle, et nous en faire sentir les conséquences prolongées.
Combien, en effet, de questions sociales ou religieuses, soulevées
par le XVI siècle, et auxquelles le XVII n’a donné qu'une solution provisoire, jusqu'à ce que la révolution française ies tranchât violemment? combien d’autres, sous le poids desquelles notre
âge se débat encore douloureusement, et dont le secret redoutatable se cache encore dans les mystères de l'avenir? À mesure que
le temps marche, l'horizon de l’histoire s'étend, les points de vus
changent. C'est ainsi que le progrés de la vie nous instruit à modifier les jugements de notre jeunesse.
LITTÉRATURE
ANCIENNE,
M. Emile Burnouf a consacré le premier semestre de son cours
à compléter son tableau du génie et des arts de Ja Gréce au siècle
.de Périclés. Après avoir étudié suceessivement les progrès de
lhistoire avec Hérodote, Thucydides et Xénophon, il s'est ensuite
attaché aux philosophes, ou plutôt à Platon, dans lequel il s’est
plu à considérer principalement l'artiste inspiré, qui, aprés un
siécle de chefs-d'œuvre, en révèle la divine théorie, et, ravi sur
les ailes de feu de son génie, en va dérober les secrets jusque
dans le sein de Dieu. An deuxième semestre, il nous a transportés
dans l'Italie antique, et nous à montré Rome, au premier contact
de la Grèce, comme éblouie de la splendeur de cette civilisation
étrangère, s'abdiquant en partie elle-même pour se parer des arts
et des sciences des vaincus. Lucrèce devait d’abord attirer ses
regards, comme l'un des plus anciens et peut-être le plus grand
des poëtes de Rome, Lucréce, qui tout en développant dans ses
vers les sombres et désolanies doctrines d'Bpicure, nous ravit à
—
4h
—
son enthousiasme, ou remue si profondément nos âmes, soit qu'il
célèbre avec ivresse les conquêtes de la raison humaine, soit qu'il
contemple les spectacles de la nature avec une voluptueuse et
irrésistible mélancolie.— Cette année,le professeur va poursuivre
cette histoire des lettres en Italie. H étudiera d'abord les essais
d’épopée nationale, qu'y provoque l'exemple d'Homére, depuis
Ennius jusqu'à Virgile, et simultanément les efforts impuissants
des vieux poëtes Latins, pour transporter et naturaliser sur le sol
du Latium les merveilles de la tragédie Athénienne. Rome sera
plus heureuse dans ses tentatives, pour s’approprier les idées phiJosophiques des Grecs, et imiter leurs compositions historiques.
Mais la philosophie même, pour se faire accepter de ce peuple
romain, qui cherche partout lutilité pratique, devra descendre des
hauteurs. de la métaphysique et se borner à la morale. C’est dans
l'histoire seulement, que le génie Latin pourra vraiment rivaliser
avec le génie Grec : Aussi Salluste, Tite-Live, Tacite arrêterontils de préférence le Professeur. Ce n’est pas, néammoins, qu’en
embrassant un si vaste cadre, il puisse entrer dans la critique détaillée de tant de grandes œuvres. H se propose surtout d’y rechercher les traits propres du génie romain, en opposition avec
le génie de la Grèce, qui a été jusqu'ici l'objet de son étude.
Comment se fait-il que Rome, si supérieure par son esprit politique, ses lois et ses mœurs, semble impuissante pour tout ce qui
tient aux arts, et végête dans la barbarie, jusqu’à ce qu'éveillée
enfin au souffle de la Gréce elle cherche à s'approprier les œuvres
de cette civilisation brillante, qu'elle copie avec une docilité plus
ou moins maladroite? Jusqu'à quel point, en prenant au peuple
Grec, avec ses autres dépouilles, ses sciences et ses arts, a-t-elle
su les assimiler à sa propre raison, et accommoder à son esprit
positif ces libres créations de l'imagination hetlénique ? De quelle
maniére enfin, ces productions de la Grèce, importées sur le sol
du Latium, s'y sont-elles encore transformées sous l'influence des
révolutions survenues dans l'état politique, dans les croyances
religieuses.
et dans les mœurs, depuis les guerres puniques, jusqu’à la chute de la République? C’est à ce point de vue, bien
digne des méditations d’un homme de goût et d’un sage, que
M. Burnouf étudiera surtout le développement des lettres Latines.
Combien il sait, avec ces aperçus élevés et ces comparaisons lit.
téraires, rajeunir les études dè l'antiquité classique, c'est ce que
peuvent apprécier seulement les auditeurs de son cours, Son érudition, aussi variée qu'étendue, lui offre à chaque pas les rapprochements les plus curieux. — Du reste, l’activité originale de son
esprit ne se déploie pas seulemeñt dans son enseignement. Pendant qu’il nous apprend à goûter mieux Îles Hittératures grecque et
latine, il envoie à l'Académie des sciences un Mémoire sur la
vitesse de l'électricité; il publie un ravissant épisode du Mahäbarata, l'histoire de Nala; et prépare l'impression d’une grammaire
sanskrite élémentaire, où il ramène le mécanisme de cette langue
primitive à ses lois les plus simples, avec un instinct du génie des
langues qui semble un héritage dans sa famille.
En même temps,nous
voyons paraître de lui un vaste plan de l'antique Athènes, où il
reléve,avecune scrupuleuse sagacité, sur les rochers qui entourent
l'Athènes moderne, les moindres traces des anciennes constructions. { semble ainsi, qu'après avoir fait un plus long séjour que
nous en Orient, il se charge d'acquitter pour tous la dette de la
science.
LITTÉRATURE
FRANÇAISE.
Dans ce cours, nous avons entrepris de retracer depuis le commencement l'histoire des lettres en France. L'an dernier, nous
exposions leurs variations et leurs progrès tumulineux au milieu
des tempêtes religieuses et politiques du XVI siècle. C'est avec
complaisance que nous nous arrêtions auspectacle de cette époque,
qui a tant d’analogie avec la nôtre, et où il est si intéressant d'observer l'influence des événements sur les œuvres de la pensée;
nous étions curieux d'assister ainsi au laborieux enfantement du
monde moderne. Où pouvait-on d'ailleurs mieux suivre qu'en
France cette lutte opiniâtre engagée entre le génie de l'avenir et
le génie du passé? La France est destinée à être éternellement le
foyer des idées, le champ de bataille des principes; c'est là surtout qu’on vit aux prises l'esprit de nouveauté avec la tradition,
ue
46
|
la raison avec la foi, les théories démocratiques avec les vieux
préjugés de la monarchie, la civilisation payenne avec les croyan-
ces catholiques, et le génie national comme subjugué par l’imitation de l'antiquité ou de l'Etalie. Nous nous sommes assis, pour
ainsi dire, au bord de ce confluent orageux, où tous les courants
de la civilisation antique et moderne, l’art des anciens et la pensée
du moyen âge, la philosophie chrétienne et la sagesse retrouvée
de la Grèce et de Rome, venaient se réunir, pour former sous
Louis XIV ce grand et majestueux fleuve, où l’Europe toute entièrea puisé.—Aprés avoir ainsi amené celte histoire jusqu'au seuil
du grand règne, c'est là, que, cette année, nous nous proposons
de la reprendre. Nous sommes enfin arrivés à l'heure incomparable, où l'esprit français, comme s’il'eût rencontré pour un ins-
tant, entre les influences diverses qui le sollicitaient, l'harmonieux
équilibre
qui convenait
le mieux
à son tempérament,
maître
enfin de lui-même, va prendre son puissant essor, et enfanter
celte liltérature glorieuse, dont la France peut avec orgueil op
poserla splendeur aux plus beaux siècles de l'esprit humain. Nous
comptons passer l'année entiére dans la compagnie des beaux
génies
de
cette
époque.
Est-ce
trop?
Pour
nous,
aprés
avoir
goûté de leur noble commerce, nous voudrions ne les quitter plus
jamais,
LITTÉRATURE
ÉTRANGÈRE.
M. Alfred Mézières retraçait l'an dernier l'histoire de la Poésie
en Angleterre, depuis Chaucer, jusqu'à la fin da XVII siécle.
. L'époque de la reine Anne, où la litiéraiture Anglaise est à son
tour entraînée dans l'imitation de la France; mais particulièrement le temps d'Elisabeth, où le génie britannique, fécondé par
l'antiquité, avait éclaté en productions si originales, l'ont de préférence arrêté dans sa revue. Shakspeare, surtout, l’a retenu.
Une fois que cet enchantear vous tient, comment s'en déprendre?
Mais quelle étude, d’ailleurs, plus intéressante et plus instructive,
que de comparer ce glorieux choryphée du drame romantique
avec les maitres de notre scène? et comme ici, toutes les grandes
questions de l’art venaient s'offrir en foule au Professeur? — Cette
»
nn
47 ee
ps
année, c'est l'Allemagne, que ce jeune maitre cosmopolite a choisie
pour le sujet de son cours, la mystérieuse Allemagne, qui, bien
que notre voisine, se dérobe plus à nos yeux par les étrangetés
de son génie, et la demi-obscurité qu'elle aime à laisser flotter sur
ses œuvres, que si elle était reléguée aux confins du monde.
Gar
ne dirait- on pas, au tour contemplatif et rêveur de son imagina—
tion, à son caractère à la fois enthousiaste et impuissant, au sentiment si mélancolique qu'elle garde de ia poésie de la nature, à
sa langue enfin, vraiment primitive, et si propre à retenir dans le
clair obscur les vagues aspirations de sa pensée, ne dirait-on pas,
que la race germanique est encore assise aux bords du Gange, qui
fut sans doute son berceau? Le professeur s'efforcera de nous
initier aux secrets de ce génie si élaïgné-du nôtre. Laïssant derriére Jui dans la nuit du moyen âge les chants des Minnesängers,
il commencera l'histoire de la Littérature Allemande au moment,
où Luther, d'une plume hardie, s'adressant dans leur langage aux
peuples qu'il veut soulever, fait de ce jargon populaire, jusqu'ici
délaissé, une langue désormais propre à l'éloquence et à la poésie.
H passera rapidement sur le siècle suivant, où la Muse Allemande
ne sait encore que copier gauchement la France, pour arriver au
XVIIE siécie, où l'on voit enfin l'Allemagne, à force d'érudition,
de critique et de patriotisme, se créer une littérature nationale.
-Le Suisse Bodmer a donné le signal. À sa voix une jeunesse généreuse à fressailli. Voici le jeune Klopstock, qui essaie d'accorder
la harpe des vieux bardes, ou de répéter dans sa langue les cantiques du ciel : voici Wieland, qu'on a nommé le Voltaire de l'AIlemagne; voici Lessing, Winckelmann, Herder, qui apportent du
génie dans la critique; Schiller et Gœthe dominent le groupe, et
forment à eux seuls toute la poésie classique de l'Allemagne. Ces
maîtres de l’art germanique, les deux derniers surtout, seront
étudiés, avec respect à la fois et liberté, dans leurs fhéories aussi
bien que dans leurs œuvres. Il y a chez eux de quoi justifier l'ad=
miration de leurs compatriotes. Mais, tout en cherchant à vous
faire goûter tout ce qu'on découvre souvent de rêverie profonde,
et de sentiment exquis de l'invisible, dans les conceptions et le langage de cette poésie, le professeur fera justice de celte vague et
—
48
—
ambitieuse phraséologie, par laquélle les écrivains d'outre-Rhin
se font souvent illusion à eux-mêmes; il dissipera ce vain mirage,
qui n'est propre parfois qu'à dissimuler une idée commune, et
fera évanouir à la pleine lumière beaucoup de pensées, qui ne
semblaient profondes, que parce qu’elles restaient plongées dans
les ténèbres d'une expression énigmatique.
ÉCOLE DES SCIENCES APPLIQUÉES.
Dans ce tableau d'ensemble des Cours, que la Faculté des Let.
tres ouvre au public de cetté ville, ai-je tout dit? Non, Messieurs.
Outre cet enseignement principal, outre ses Conférences pour la
préparation de la Licence, la Faculté a pris amplement sa place |
dans les Cours qui se fontà l'École des sciences appliquées. Dès
Van dernier, M. Lacroix a bien voulu s'y charger du Cours d’histoire de France; pour moi, je me suis réservé le Cours de Littérature. Gette collaboration cependant n'a produit jusqu'ici que des
résultats médiocres. C’est que nous n'avions pu d'abord, à l'imitation de nos collégues, transporter nos Cours à la fin de la journée,
et, comme eux, y convier librement les jeunes gens de cette ville,
curieux de s'instruire, mais qui, engagés déjà dans les carrières
industrielles, et absorbés tout le jour par le travail dé leur profession, n'ont qu'au soir le loisir de venir chercher ici l'instruction
qu’on leur offre. Cette année, nous suivrons l'exemple de nos
collègues : nos Gours spéciaux se feront le soir. Nous sommes
trop frappés de ce que l’enseignement scientifique laisse de lacunes
“dans lesprit, et offre même de dangereux, quand il n’est pas
complété par l'enseignement fittéraire, pour que nous n’apportions pas tout notre zêle à ces nouvelles fonctions. Comment,
d’ailleurs, ne pas être touché de l’ardeur et de l'intelligence, avec
lesquelles la jeunesse de cette ville a répondu à l'appel généreux
qu’on lui faisait? Quoique des cours d’histoire ét de littérature ne
semblent point leur promettre la même utilité immédiate, nous ne
doutons pas néanmoins, que ces studieux jeunes gens ne goütent
ces fruits d’une autre nature, qu’ils en doivent retirer. Artistes,
industriels, commerçants, ils sont en outre citoyens et fils de la
patrie française; et, à ce titre, ils sentiront qu’ils sont tenus de ne
_—
49
—
point rester élrangers au passé de la France. Tous aussi comprendront, que, s’il y a un art de mieux exprimer ses pensées, tout
je monde est intéressé à s’en instruire. Îls apprendront du même |
coup à goûter le commerce de ces esprits d'élite, auprès desquels
l'âme s’agrandit, en même temps que l'esprit s'éclaire, et pourront
reconnaître
combien
Fhomme,
sigrand par les conquêtes de la
science sur les forces de la nature, est plus grand encore par ses
découvertes et ses créations dans l'ordre moral.
Plus notre siècle devient positif, plus notre vie s’enferme dans
une médiocrité monotone
et vulgaire, et plus nous avons besoin,
pour relever notre âme et en maintenir l’équilibre, de nous mé-
nager comme un refuge, où nous puissions par intervalle respirer
un air plus pur, et retrouver quelque chose de ce monde idéal,
auquel notre cœur aspire loujours, comme soulevé par le mystérieux mais irrésistible sentiment de sa divine destinée, et dont ül.
poursuit en vain le fantôme à travers les choses d’ici-bas. Or, cet
asile nécessaire, où donc pouvons-nous le trouver, aux heures de
fatigue et d’aridité? sinon dans la culture des bonnes lettres et
Pentretien de ces écrivains de génie, qui n’ont été si grands, que
parce qu’ils ont su pénétrer plus avant dans les mystères de notre
nature morale, ou saisir et révéler aux hommes dans un divin
langage quelqu’une des éternelles vérités? Aussi, vous tous, que
le mouvement des affaires et la frénésie des spéculations ne sau-
raient entièrement absorber, vous qui ressentez parfois un dégoût
salutaire de la vie commune et l'inquiétade de Pidéal, venez, et
vous trouverez dans le commerce des lettres ce doux refuge, que
vous souhaitez. Que nos Facultés soient pour vous comme ces
lieux d'asile que l'Église, au moyen âge, ouvrait non-seulement
aux proscrits du monde, mais à tous les cœurs tristes, qui venaient
s’y recueillir et s’y retremper, pour rentrer ensuite plus forts à la
fois et plus doux dans les luttes de la vie. Pourquoi donc le Gouvernement, au moment même où il donnait aux sciences positives
et à leurs applications une telle impulsion, s’est-il dans sa sagesse,
appliqué à restaurer et à multiplier sur le territoire de la France
ces Facultés destinées à ranimer et à entretenir la religion des
lettres? C'est qu’il y voyait comme autant de sanctuaires consaà
.
—
50
—
crés au culle des idées morales; et qu’il a pensé, qu’aprés la
religion, rien n’était plus propre encore, que ce haut enseignement
littéraire, à contre-balancer les tendances matérialistes de notre
siècle, et à rappeler les esprits vers les régions sereines, où germent les bonnes et les grandes pensées. Jusqu'à quel point sommes-nous entrés, pour notre part, dans ce noble dessein du chef
de l’État, et du jeune et regrettable ministre, qui comprenait si
bien la vertu morale des lettres? vous avez pu lPapprécier vousmêmes, Messieurs. Nous ne sommes plus nouveaux-venus parmi
vous; et l'esprit qui préside à notre enseignement vous est connu.
Vous le savez; si en étudiant les grands penseurs de tous les
temps nous essayons de nous rendre compte de leurs méthodes de
composition et des secrets de leur art, pour en faire notre profit,
nous nous altachons bien plus encore à remonter autant que nous
le pouvons, aux sources mêmes où ils ont puisé leur inspiration,
et à nous pénétrer des nobles sentiments qui ont fait leur éloquence;
ou à relever avec eux nos regards vers ces grandes idées morales,
qui sont comme les rayons de infinie beauté, et dont la contemplation a enflammé leur génie. Pour nous, en effet, nous sommes
convaincus que la beauté dans les arts n’est que le reflet du bien,
et que l’éloquence est une des formes de l’héroïsme. Et nous estimons qu'un Cours de liitérature n’a qu’à demi rempli son but, si
ceux qui n’y sont venus chercher qu’un délassement d'esprit ou
une leçon de goût, n’en sortent pas en même temps meilleurs.
SUR
_ L'ANNÉE
co LAIRE 1855-56
PRÉSENTÉ PAR M. Er. SIMONIN
DIRECTEUR
DE
LÉCOËE
DE
MÉDECINE
EŸ
DE
PHARMACIE
AU
… CONSEIL ACADÉMIQUE
BANS
LA
SESSION
DE NOVEMBRE
1856
M, re Recreus,
MESSEIGNEURS,
” MESSIEURS,
Lors des séances annuelles qui ont précédé cette réunion, j'ai.
eu l'honneur de vous soumettre les vues générales qui règlent
tous les détails de l'organisation de l'École et les décisions qui
ont, successivement, constitué un système disciplinaire regardé,
aujourd'hui, comme complet. Je puis donc vous parler de l’année
scolaire qui vient de s'écouler d'une manière plus large que par
le passé: je puis aussi être plus court.
Le 7 août 1835, une circulaire ministérielle enlevait aux écoles
de médecine le droit, reconnu depuis quinze années, de constater
définitivement les résultats des examens annuels, et, en portant
une sérieuse alleinte à la considération de ces écoles, elle replacait les élèves de premiére et de seconde année sous un contrôle
étranger. Celte décision, qui éloigna sur-le-champ de Nancy un
mr
HD
grand nombre d'éléves (1), faisait prévoir, avec certitude, une
ruine prochaine de l'École ; etl'on ne peut être étonné-que l’annulation
de la circulaire, qui avait eu, déjà, une
conséquence
si
fatale, soit indiquée avant tous les autres faits qui se rapportent à
l'exercice 1855-56. C'est d’ailleurs, aujourd'hui, un devoir de vous
faire connaître que M, le Ministre, mieux éclairé, n'a pas hésité
à accomplir, hautement, un acte de réparation et de justice, et
que, par un arrêté, en date du 18 avril 1856, il a restitué aux
Écoles le droit de jugement définitif, lors des examens de fin
d'année. Le sentiment de gratitude de l'École eût été exprimé
certainement, lors même que $. Exe. M. Fortoul eût encore pré- sidé aux destinées de l'instruction publique, mais la mort est
venue fournir la triste facilité de donner une libre expansion à ce
sentiment, en même temps qu'une certitude de sa sincérité.
Bien que le péril qui vient d'être signalé n'ait été écarté, en
principe, qu'au mois d'avril dernier, l'École, attristée, n’en a pas
moins poursuivi la réalisation de plusieurs des améliorations prévues par le décret constitutif de décembre 1854, Ainsi, le cadre
des huit professeurs titulaires a été complété, et le concours st
empressé de l'administration municipale a permis à MM. Béchet
et Demange d'échanger le titre d'adjoint contre celui de professeur titulaire, que treize années de travaux à l'École de Nancy
leur avaient si bien mérité. Le nombre des professeurs suppléants
a été également régularisé, et, aujourd'hui, quatre professeurs,
cultivant chacun, d'une maniêre spéciale, certaines branches des
connaissances médicales, sont chargés d'assurer, contre toutes
{1) Les élèves, pendant P année 1855-56, ont été au nombre de 33, divisés
ainsi qu'il suit :
19 Elèves en médecine : 47° année, 18 élèves;
année, 9 élèves,
2e année,
18 élèves;
è
3e
20 Elèves en pharmucie : ÎTe année, 5 élèves; 2e et 5e années, 5 élèves.
Le chiffre des inscriptions a été, pour l’année entière, 174,
Sous le rapport du titre à obtenir, les élèves ont été divisés en: 37 futurs
docteurs; 8 futurs officiers de santé; 4 pharmaciens de 47 classe; 6 pharmaciens de 2 classe. — Des B5 élèves, 29 étaient bacheliers ès sciences, et de
ces 29 élèves, 6 étaient bacheliers ès lettres,
—
les éventualités, la continuité
aux- professeurs titulaires. Il
titres acquis par M. le docteur
de clinique, et qui lui ont valu
53
—.
de l’enseignement qui a été confié
n’est pas besoin d'insister sur les
Xardel, dans les fonctions de chef
la suppléance des cours de patho-
logie interne et de clinique médicale, car là vie de notre hono-
rable confrère s’est passée au milieu de nous, depuis sa sortie du
corps de la médecine militaire. Je dois, au contraire, vous faire
connaître M. le docteur Bastien, chargé de suppléer le professeur d'anatomie et de physiologie, parce qu'il est complétement
étranger à Naney. Notre nouveau collaborateur, que des devoirs,
contractés avant sa nomination à l'École, fétiennent encore, pour
quelques semaines, loin de nous,a conquis, parmi les plus hautes
notabilités scientifiques, le renom d’un analomiste sérieux, infatigable; et ses préparations ont, par leur remarquable valeur,
contribué à enrichir le musée de la Faculté de médecine de Paris:
Une nouvelle fonction a, aussi, été créée à l'hôpital St-Chärles,
et M. le docteur Eugène Bertin a été nommé chef de clinique
dans le service chirurgical.
Ces modifications heureuses, opérées dans le personnel enseignant, amènent, naturéllement, à vous parler, Messieurs, de
celles que l'administration des-hôpitaux civils à bien voulu réàliser, en faveur des élèves, dans le régime intérieur de l'hôpital
des cliniques, Des places d'internes ont été créées; un réglement:
a été rédigé pour donner à l'administration toutes les garanties.
de savoir, d’exactitude et de moralité que l'on doit exiger däns.
l'accomplissement de fonctions importantes, et, en janvier der-
nier, à la suite d'un concours, M. Brocard a été nommé à l’ho-
pital St-Charles, au moment où la haute bienveillance de M. le-
Préfet pour l'École appelait M. Sizaret, l’un de ses élèves, à.
prendre place dans l'internat de l'asile public de Maréville-
Nous sommes heureux de voir d'honorables traditions se perpétuer parmi les élèves, et de pouvoir ajouter des noms nouveaux.
à ceux qui, déjà, vous ont été cités, soit à l’occasion de nobles dévouements dans la pratique civile, pendant les diverses épidémies
de choléra, soit à l'occasion de longs services rendus dans les
hôpitaux militairés qui ont reçu la moitié de nos éléves pendant
la campagne d'Orient.
—
54
—
Cette glorieuse guerre a motivé une transformation des institutions médicales militaires qui est devenue, pour l'École, le
motif de nouveaux
devoirs,
en vue de coopérer à une récente
organisation. Le gouvernement, convaincu que le nom de médecine militaire ne peut avoir de rapport qu'avec
non point
désormais,
s'exercer
armées. Il
une inslitution et
avec la science qui est une et invariable, a voulu que,
l’unité vint régner dans l'art médical, soït qu'il dût
dans les cités, dans les campagnes ou au milieu des
a compris que le médecin, ou le chirurgien, éclairé par
un enseignement
bien ordonné,
et riche
des leçons
de l'expé-
‘
rience clinique, était également habile à remplir son utile ministère sur tous les individus, dans toutes les circonstances
et dans
tous les lieux. C'est, en conséquence de cette idée vraie, et par.
cela même élevée, que le décret du 12 juin 1856 a décidé que
les jeunes gens qui se destinent à la médecine militaire seraient,
aprés deux années d’études, soumis à un concours pour ladmission dans le corps de santé, et qu'ils termineraient leur éducation
médicale et acquerraient les grades universitaires dans des centres
déterminés où, en même. temps, ils seraient formés à la subordination qu'implique toute hiérarchie, et prendraient la connaissance des réglements émanés de l'intendance.
C’est à la Faculié de médecine de Strasbourg, puis au Val-deGrâce, à Paris, que se rendent, aujourd'hui même, les élus à
la suite des concours, et nous savons que, dans la liste d'admission, les élèves de Nancy, qui ont abordé les épreuves, on£
été classés trés-favorablement {1}. Ces élèves vont ainsi, dans
notre contrée, continuer la tradition
de recrutement
la médecine militaire.
(4)
Admissions dans le corps de santé.
ire année, à Strasbourg :
M. Bouramirr, |
M. CHATELAIN.
2e année, à Strasbourg:
M. Duranr.
Au Val-de-Grâce de Paris :
M. SPrEMANx.
sérieux dé.
+
—
LE
99
7
Ce n'est pas d'aujourd'hui seulement, en effet, que “PÉcole de
Nancy fournit des membres distingués 4 ce corps, qui, depuis
Henry IV, s'est successivement élevé au degré de splendeur où
il est arrivé pendant les grandes guerres de l'Empire, et beaucoup de nos concitoyens ont acquis, dans cette partie de l'armée,
une juste célébrité, en s'inspirant du dévouement de ce grand
Ambroise Paré, à qui le siége de Metz donna l’occasion de reconnaître, le premier, le traitement le plus convenable aux
blessures causées par les armes, qui, depuis linvention de la
poudre, ont changé toute la tactique militaire.
Au temps où quatorze armées françaises repoussaient les efforts
de la coalition européenne, un des hommes qui, déjà, comptait
au nombre des illustres chefs de la chirurgie militaire de cette
grande époque, Perey, qui, plus tard, devait compter parmi les
barons de l'Empire, adressait au chirurgien en chef des hôpitaux
civils et militaire de Nancy, un hillet que je demande la permis
sion de vous lire ; il conlient une affirmation qui, je l'espère, me .
fera excuser de citer un nom propre: « Je salue bien cordiale.
» ment mon estimable et cher coafrére Simonin, et j'ai recours à
» Jui pour avoir quatre ou six bons élèves de sa façon. L’espéce
» en est bonne à Nancy, et j'eus loujours à me louer du choix du
» cher confrère, à qui je n'ai que le temps de faire d'avance mes
» remerciments et de dire que je suis toutà lui, » Le 10 vendémiaire an XIV (2 octobre 1805), Percy, devenu inspecteur général à la grande armée, rappelait au fondateur de notre École,
dans une longue lettre dont je conserve les expressions, les bons
collaborateurs fournis par ses soins et par ses leçons, et lui des
mandait des jeunes gens instruits et en état de le seconder pen
dant la mémorable campagne qui commençait: et J.-B. Simonia
envoyait à Percy de ces élèves qui, ainsi qu'il se plaisait lui-même
à le dire, ne pouvaient Ini donner que de la satisfaction.
Je regrette de re pouvoir, Messieurs, vous parler plus long.
temps de cette brillante époque de la chirurgie militaire, rappelée
surtout par les noms de Larrey, de Percy, de Desgenette, et je
m'éloigne, à regret, de ces mâles caractères que notre dernière
guerre a fait mieux comprendre, en montrant, dans les hommes
—
56
—
|
d'aujourd'hui, les vertus et le savoir que nous admirons dans les
hommes d'élite pour lesquels la postérité est commencée, et que
TEmpereur appelait, à si juste titre, ses braves chirurgiens. Aux
‘uns comme aux autres, s'applique cette affirmation, contenue
däns le rapport de l'état-major, après la bataille d'Eylau : que les
chirurgiens de l’armée ont fait tout ce que la saison, le pays et
les circonstances n'ont pas rendu physiquement impossible. Pendant les deux dernières années, n’avons-nous pas, eu effet, contemplé les plus hautes abnégations? Combien de fatigues sur
montées par les chirurgiens militaires, forsqu'aprés de longues
marches commencaient de nouveaux devoirs! combien leur in-.
telligence ne s'est-elle point exercée, plus vive que jamais et
pendant de longs jours, après les sanglants combats dont ils ont
partagé les périls? et notre admiration peut-elle étre assez grande
pour ces confréres héroïques, dont plusieurs furent nos amis,
quand, aprés le bruit des batailles, dans le repos inquiet des
camps, au milieu de sinistres épidémies, ils cherchaient à relever
Île moral de ceux dont ils sentaient qu'ils partageraïent bientôt Hà
triste destinée, en devenant, comme eux, la victime de fléaux
meurtriers ?
‘
Mais il faut que je dise comment l'École de Nancy veut que
l'espéce des médecins militaires, suivant l'expression de linspecteur généralà la grande armée, reste bonne à Nancy. Le 25 du
dernier mois d'octobre, le chef éminent de notre Académie, toujours préoccupé des intérêts de l'enseignement médical, a rendu
officiel un nouveau règlement d'études qui offre aux futurs chirurgiens d'armée foutes les facilités nécessaires d'instruction, en
vue des concours d'admission. Cette catégorie d'étudiants, ainsi
que tous les autres éléves de l'École, recevront, dans les cours
de chimie générale, de chimie médicale, de physique, de botanique et de zoologie, fortifiés par des exercices pratiques, un
enseignement scientifique qui ne paraît laisser rien à désirer, par
suite de l’union de l'École, plus intime encore que par le passé,
avec la Faculté des sciences. La coordination des dix autres
cours, consacrés spécialement aux sciences médicales proprement
dites, donnera, également, aux futurs chirurgiens militaires, la
_—
1
—
connaissance de toutes les parties de ces sciences dont ils doivent
faire preuve aprés deux années.
Grâce à ce nouveau programme, les élèves futurs officiers de
santé recevront, en trois années, l'instruction solide qui, aujourd'hui, est exigée d'eux, à si bon droit; et les élèves qui aspirent
au'titre de docteur, trouveront, dans le nouveau cours d’études,
un parallélisme suffisant avec l'enseignement des Facultés, et, en
quittant l'École de Nancy, à quelque moment que ce puisse être
de leur temps d’études, ils pourront renouer, dans les Facultés, la
chaîne logique de leurs travaux, sans tâtonnements et sans perte
de temps. De leur côté, les éléves en pharmacie et les sous-aides
envoyés à Nancy par M. le ministre de la guerre, en vue des
facilités d'instruction qu'offre l'École, auront, à côté des cours de
sciences, l’enseignement de la chimie appliquéeà la médecine,
celui de la matière médicale, et ils rencontreront, dans un cours
spécial de pharmacie, une théorie fortifiée par une habile pratique.
Je ne m'arrête, Messieurs, ni sur les résultats des examens de
fin d'année {1}, ni sur le chiffre.des peines prononcées (2), parce
que je dois, avant la proclamation des prix et des résultats des
concours, qui sera faite tout à l'heure par M, le professeur-secrétaire de l'École, vous dire quelques mots de la session ouverte
en septembre pour l'examen ‘des quatre catégories de candidals
aux titres professionnels (3), L'École a suivi avec fermeté la réso(4) Les notes données aux élèves admisà examen de fin d’année, à raison
de leur temps de scolarité, ont été les suivantes : 2 fois la note érès-satisfait ;
8 fois la note bien satisfait; 16 fois la note satisfait; 8 fois la note médiocrement satisfait; À fois l’ajournement.
(2) 28 fois un avis officieux a été envoyé; 21 fois un avis a été rendu officiel;
15 fois la réprimande officielle a été prononcée; 3 fois l'inscription trimestrielle
a été annulée.
.
(3)À la session de septembre 1856, cinq candidats se sont présentés pour
obtenir le diplôme d’officier de santé. Trois ont échoué au troisième examen,
les deux autres ont été reçus avec les notes médiocrement satisfait et satisfait.
Ces cinq candidats étaient inscrits par département, de la manière suivante, au
point de vue de Pexercice: pour la Meurthe, 4; pour ia Moselle, O; pour la
Meuse, 5; pour les Vosges, 4,
” Deux candidats pour le titre de pharmacien de deuxième classe se sont pré-
—
58
—
|
|
lution qu'elle avait indiquée l’année derniére, à l’occasion des
certificats d'aptitude,
de ne tenir compte que
de la
capacité
prouvée par les examens, et elle a dû, à regret, considérer comme
nuls deux diplômes d'officiers de santé, délivrés par les Facultés
de Paris et de Montpellier.
‘
En
regard des faits qui concernent
l'enseignement,
ceux qui
se rapportent à nos collections doivent être rapidement indiqués.
Je signaleraïi, comme les plus importants, la création d'une riche
matiére médicale et les accroissements opérés dans le laboratoire
de chimie, qui, d'après le vœu exprimé par M. le maire de
Nancy, recoit, chaque année, tout ce qui doit le mettre en état
de répondre aux exigences créées par la session des examens des
futurs pharmaciens {4}. Cette partie du matériel scientifique et la
collection de géologie viennent, il y a peu de jours, d'être enrichies par suite d’un legs important fait à l'École par l'honorable
famille de M. Aimé Parisot.
Je termine ce rapport, Messieurs, en émettant le vœu ardent
de l'École, qu'un nouveau règlement ministériel, marquant nos
devoirs d'une maniére plus précise, devienne l’occasion de nouveaux progrès. N'est-il pas logique de désirer que tout éléve reçoive, dans la même école, une instruction premiére, progressive
et habilement coordonnée, au lieu de quitter des cours, après en
avoir entendu des fragments qu'il va, peut-être, retrouver encore dans les Facultés, sans avoir la certitude d'y renconirer, en
temps apportun, l’enseignement des matiéres qui font lacune dans
sentés. Tous deux ont été reeus pour exercer dans le département de la Moselle:
avec les notes : médiocrement satisfait et bien satisfait.
53 sages-femmes ont été examinées, et 6 ont échangé le diplôme reçu à Paris,
contre ie droit d'exercice dans l’un des 4 départements de Facadémie de Nancy.
Sous le rapport de la résidence, les sages-femmes du 2 degré ont été réparties
de la manière suivante : Meurthe, 24; Moselle, 45; Meuse, 10; Vosges, 10.
Aueun candidat ne s’est présenté pour obtenir le titre d’herboriste du 2° degré.
4
(43 916 fr. ont été affectés à la matière médicale; 256 fr. 25 ont été attribués.
à la collection de Panatomie normale; 68 fr. ont servi à transformer le matériel
de la collection de tératologie et d’embryclogie. Le laboratoire de chimie a reçu
en 1854-55, la somme totale de 405 fr. 85, et en 1855-56, celle de 312 fr.
—
son instruction? Aprés
59
—
trois années passées. dans les écoles -de -
province, et qui doivent suffire au futur officier de santé, deux
autres années ne seraient-elles point suffisantes à l'élève futur
docteur, pour puiser dans les Facultés, avec une maturité d'appréciation qui lui fait défaut, nécessairement, lors de ses premiéres études, des aperçus nouveaux sur les objets de ses travaux
antérieurs, et pour agrandir ses connaissances dans certaines:
parties spéciales des sciences médicales? La justice rendue aux
écoles de médecine, le 18 avril 1856, après un examen approfondi, est pour elles le garant de la protection efficace qui doit,
désormais, s'étendre,
de
plus en
plus, aux travaux sérieux des
centres secondaires, et elle donne le légitime espoir de voir le
fatur réglement d'études remplir la condition de résulter de la
nature même des choses que Montesquieu a indiquée comme la
base de toute bonne législation.
PRIX ACCORDÉS PAR S. E. M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION
PUBLIQUE. —— MENTIONS HONORABLES. — RÉSULTATS DES
CONCOURS.
|
LL
Prix et Mentions honorables.
Les Professeurs de FÉcole de médecine, réunis en conseil, le 5 novembre 1886,
ont décerné lés récompenses
suivant :.
annuelles
dans
l'ordre
40 ÉLEVES EN MÉDECINE.
PREMIÈRE ANNÉE D'ÉTUDES.
4% prix. M. Laurewenr (Edmond), de Nancy (Meurthe).
® prix. M. Benc£ (Théophile), de Lebeuville (Meurthe), .
DEUXIÈME ANNÉE D'ÉTUDES.
Priz ex œquo.
M. Bourreirr (Camille), de Nancy (Meurthe).
M. CnarTeLain (Gustave), de Blainville (Meurthe).
Mention honorable.
M. Guénarp (Alphonse), de Cirey-le-Château (Haute-Marne),
Prix spécial pour la redaction des observations cliniques.
M. Bourræirr (Camille), de Nancy (Meurthe).
Mention honorable.
M. GuénanD (Alphonse), de Cirey-le-Château (Haute-Marne).
àà
.
29 ÉLÈVES EN PHARMACIE.
Prix unique.
M. Vounrzemm (Charles), de Bourmont {Haute-Marne}, élève de
2° année.
Mention honorable.
M. RecuLarto (Charles), de Sarreguemines (Moselle), élève de 2°
année.
Mésultats
des
Concours.
À la suite du concours ouvert, le 14 janvier 1856, pour la placé
d’interne dans le service de la clinique chirurgicale,
M. Brocar» (Valentin), de Rogéville (Meurthe), a été nommé
terne à l’hôpital Saint-Charles.
in-
À la suite du concours ouvert, le 8 novembre 1856, pour deux
places de préparateur-aide des cours d’anatomie et de physiologie, ont
été nommés :
M. Brera (Théophile), de Lebeuville (Meurthe), premier prépa-
rateur-aide.
M. LazuemenT (Edmond), de Nancy (Meurthe), deuxième prépara-
teur-aide.
À la suité du concours ouvert, le 6 novembre 1856, pour la place
d’aide des cours de médecine opératoire et de déligation,
M. BernanD (Prosper), de Montmort (Marne), a été nommé aide de
ces cours,
|
ROLONENDSS
Naney, imprimerie de Grimblot, veuve Raybois et Comp.
DE
SOLENNELLE
L'ENSEIGNEMENT
SUPÉRIEUR.
UNIVERSITÉ IMPÉRIALE.
ACADÉMIE DE NANCY.
8
DES FACULTÉS
SCIENCES ET DES LETTRES
ET
DE
L'ÉCOLE DE MÉDECINE
ET DE PITARMACIE
DE NANCY
Le
15
Novembre
1856.
NANCY,
SRIMBLOT,
VÉ RAYBOIS
ET
C!F,
IMPRIM.-LIBR.
DE
L'ACADÉMIE
Place Stanislas, 7, et rue Saint-Dizier, 4195.
1856.
DE
NANCY,
PROCÈS-VERBAL
DE LA SÉANCE.
Le samedi 43 novernbre 1856, les Facultés des Sciences et des.
Lettres et l'École de Médecine et de Pharmacie de Naney ont tenu
leur séance solennelle de Rentrée, sous la présidence de M. le
‘ Recteur de l'Académie, Membre
Inspecteurs du ressort.
de l'Institut, assisté des quatre
Après la Messe du Saint-Esprit, qui a êté célébrée en l'église
cathédrale, le Conseil académique et tout le Corps enseignant sont
venus prendre séance dans le grand salon de l'Hôtel de ville.
Les premières autorités du département
et de la ville, les hauts
fonctionnaires etl’élite de la population assistaient à cette solennité,
heureux de donner à nos Écoles d'Enseignement supérieur cette
marque éclatante de leur sympathie. Au premier rang on rémar-
quait M. Lezaud, premier Président de la Cour impériale; M. le
Prince de Beauvau; Me l'Évéque de Nancy, premier aumonier de
l'Empereur; M5 l'Évêque de Saint-Dié; M. Albert Lengilé, Préfet
de la Meurthe; M. le Président Garnier, et M. l'Abbé Bureaux,
—
6
—
tous Membres du Conseil académique. À ces nobles auditeurs
s'étaient réunis M. le Baron Buquet, député au Corps législatif et
Maire de Naney, accompagné de M. Ottenheimer et de M. le
Comte Molitor, ses Adjoints, et de plusieurs Membres du Conseil
municipal ; M. Drouot, Député; M. le Général
de Saint-Mars ; un
grand nombre d'Officiers et d'Ecclésiastiques, enfin tout ce que
Nancy compte de personnes considérables. C'était une occasion
pour cette ville généreuse, qui a sollicité avec tant d’ardeur et
accueilli avec tant d’empressement l'institution des Facultés, de
témoigner une fois de plus de l'intérêt qu’elle prend à leurs succès
et à leurs espérances.
.
M. Faye, Recteur de l'Académie a ouvert la séance par le discours
suivant:
DISCOURS
M. LE RECTEUR DE L'ACADÉMIE DE NANCY.
MESS&IGNEURS,
Messieurs,
_
Le seul fait capital que j'aie à signaler cette année à votre attention, c’est le succès encourageant de l'École supérieure des
sciences appliquées que nous avons organisée prés de la Faculté
des sciences de Nancy. Cette création nouvelle, bien des villes
vous
l'envieraient, et pourtant, en pensant au brillant auditoiré
qui nous entoure dans ces solennilés, je me suis demandé quel
accueil-elle trouverait prés de vous. À Lyon, à Lille ou à Marseille, je n'eusse point éprouvé d’incértitude, mais, je le sens,
dans une ville comme Nancy, vouée à toutes les élégances de
l'esprit et du luxe, l'annonce d’une École de droit répondrait bien
mieux à lPattente générale que le tableau détaillé des efforts que
vos Facultés viennent de faire pour doter cette ville d’une grande
École des arts et manufactures. Et cependant Nancy se doit dé-
—
8
—
sormais à la province dont elle est devenue le chef-lieu universitaire; il ne lui suffit plus de briller, il fant qu’elle soit ulile, et que
son influence bienfaisante s'étende aussi loin que son nouveau
ressort.
:
Pour le reste, Messiéurs, remetfons-nous-en à la haute sagesse
du Ministre que l'Empereur vient de placer à notre tête, et que
l'Université a vu, avec tant de confiance et d'espoir, saisir d'une
main ferme les rênes que la mort a fait tomber des mains d'un
homnie dont le souvenir vivra longtemps dans ee pays.
Vous l'avouerai-je, une autre inquiétude me préoccupe encore
plus. Ici même, j'ai entendu déplorer en paroles éloquentes la
passion industrielle de notre époque. Jusque dans le sein de l'Université, par toute la France, que de discours récents, et des meilleurs, sur le culte envahissant du veau d'or, le mépris de tout ce
qui n’est ni gain, ni spéculation, l’abandon croissant des choses
de l'esprit, et, pour conclusion dernière, k1 dégénérescence de
notre jeunesse! Le cri du satirique romain, le 4e nos facimus, foruna, deam (1) est bien vieux, mais on le rajeunit avec tant d'art
que je me sens presque embarrassé de vous dire tous les efforts que
nous avons faits cette année, ceux que nous ferons l'an prochain,
pour aider vos jeunes concitoyens à faire fortune, honorablement
il est vrai, et par un travail intelligent, maïs enfin par les voies si
décrièes de l’industrie.
-Au fait, Messieurs, il appartient 4 l'honorable doyen de la Facullé des sciences et même au digne chef de notre Faculté des
lettres, de vous tracer ce tableau; moi, je tâcherai de répondre
à des accusations d’autant plus graves qu'elles partent des plus
nobles cœurs. Il est grand temps de réhabiliter notre époque méconnue au milieu même de sa gloire, la plus pure qui fut jamais,
et surtout de restituer à l'Université son véritable rôle.
L'Université ne saurait s'isoler du mouvement social sans
compromettre sa mission. Bien qu'elle soit chargée de guider les
généralions naissantes, il ne lui appartient pas de fixer le but ni
même les moyens, et, quand la société marche légitimement dans
1) Non pas Sat. #, mais Sat. XIV.
_
9
—
ua sens, elle ne doit pas s'obstiner à la tirailler en sens con
traire.
D
Tel fut, Messieurs, le sentiment de ceux qui présidérent à no
grandes réformes où Nancy a gagné son Académie et ses Facultés;
telle fat aussi, j'ose le dire, la pensée premiére qui régla en France
les destinées de l'enseignement supérieur. Au besoin je citerais
comme preuves l'institution des Conseils académiques, où l'Uni-
versité reconnaît pour juges les représentanis les plus autorisés
de la société, et surtout celle des séances solennelles de rentrée,
qui mettent périodiquement les Facultés en contact intime avec le
public, non plus pour dogmatiser du haut d’une chaire, maïs pour
exposer leur but, leur œuvre actuelle et leurs projets d'avenir,
C'est même par K, pour le dire en passant, que nos réunions annuelles conserveront toujours de l'intérét, même à l'époque où.
vous n'aurez plus rien à réclamer pour cette province académique,
même au temps où linstitütion, complétée selon vos vœux, aura
donné à votre ville le genre d'importance dont elle était fiére autrefois, et que vous avez quelque raison, ce me semble, de rêver
pour elle dans un prochain avenir.
:
Je me ferais bien mal comprendre, je me hâte de le dire, sion
induisait de ces paroles, qu'à mon gré, le noble sacerdoce de l'en.
seignement public doit flotter au hasard des temps. Non, l'Univer. sité est un corps conservateur.
La plus cruelle injure qu'on pût lui
faire, ce serait de l’accuser de nourrir le dessein de faire sortir la
sociélé de ses voies éternelles, pour la lancer dans les aventures
d'une science sans frein et sans contrôle. Qu'ailleurs on affiche
d'autres sentiments; en France, du moins, et sous vos yeux, à
Nancy, l'élévation morale de l’enseignement littéraire, unie à la
sagesse de l’enseignement scientifique, réalisent un idéal dont les
plus scrupuleux n’ont pas lieu de s’alarmer.
Mais, tout en conservant le dépôt de ses traditions-et de ses méthodes longuement éprouvées, l'Université n’entend point s’immobiliser quand toui marche autour d'elles son rôle est de suivre le.
monde dans ses progrés, d'en étudier les tendances légitimes, afin
de porter son action là où elle est réclamée.
C'était donc pour nous un devoir d'étudier l'immense mouve-
_—
19
—
ment industriel de notre époque. Fallait-il résister au torrent,
élever des digues à la hâte, amonceler des obstacles, ou lui ménager un lit et rendre ses eaux fécondantes? Nous avons préféré
suivre la pente des esprits; pour
conserver
sur eux une
aclion
directrice, nous nous sommes associés à leur mouvement.
* L’alternative, en effet, se réduisait pour nous à ces termes : la
tendance de l'époque est-elle morale?
Les esprits généreux, qui, par regret du passé, dédaignent d’aller au fond des choses du présent, y voient avec douleur une forme
hideuse de l'égoïsme humain; ils prophétisent la décadence. Cest
qu'il est trop facile, hélas, de confondre l'agiotage avec le commerce loyal, et la spéculation hasardeuse avec l'industrie vivifiante. S'ils allaient au fond des choses, ils y verraient la marche
progressive d’une société qui conquiert, par le travail, la liberté :
non cette liberté orageuse, dont les autels fument de sang ou retentissent du vain bruit des paroles; mais la liberté virile, fruit du
travail quotidien, qui donne à chaque homme de bien une noble
indépendance, qui crée les familles en chassant la misére, assure
le sort de nos enfants, pousse en avant les masses intelligentes, et
grandit les peuples plus sûrement que les conquêtes ou les révolutions.
|
C’est pour moi un amer chagrin que d'entendre dénigrer une
pareille tendance. Pourquoi donc s'inquiéter de l'avenir, pourquoi pousser le cri d'alarme comme si les œuvres du génie étaient
en danger d’indifférence, comme si les nobles spéculations de la
science pure allaient fuir celte terre désormais vouée aux
préoccupations
dégradantes
des plus vils intérêts? Est-ce
donc
au moment, où les grandes entreprises revêtent une incomparable
élévation morale, que ces plaintes devraient se produire? est-ce
l’époque, où la France vient de sacrifier son sang le plus pur et
ses millions, pour une idée désinléressée, que l'on devrait accuser d'industrialisme? Mais, Messieurs, jamais on ne vit un temps
où l'idée pure de la justice se soit plus largement incarnée dans
les faits.
Si, malgré tout, le spectacle de ces exhibitions splendides qui
nous révélait naguëre avec tant d'éclat Pindustrie des nations, vous
_—
À
—
chagtine et vous scandalise, détournez les yeux, considérez celte
autre manifestation de l’industrie française, dont nous lisions hier,
avec un fier battement de cœur, les détails incroyables dans le
rapport du maréchal Vaillant : industrie meurtriére, il est vrai,
énorme puissance de destruction accumulée sur un seul point, à
huit cents lieues de la France, par la magie des forces brutes que
l'esprit humain s'est asservies, mais instrument gigantesque mis
au service de l'idée moderne, au service du droit dans la politique
des nations. Eh bien! dites-le nous, existerait-elle, cette industrie formidable, si l’autre, celle qui fait vivre, était encore à.
créer?
Heureusenient
l'Empereur
connaît mieux
la France;
il °
sait qu'elle n'a pas dégénéré pour être devenue plus puissante et
plus riche: des ruines de Sébastopol, i il la mêne au traité de
Paris.
.
‘ Dans les œuvres de la paix, l'industrie, de nos jours, ne se
montre ni moins grandiose, ni plus égoïste d'inspirations, ni plus
ignorante des voies de Dieu. Un exemple va suffire, Laissons la
Crimée où elle vient d'accomplir un prodige, sans bruit, sans
efforts apparents (il a fallu nous le révéler), et poussons jusqu'à
l'étroite langue de terre placée entre l'Egypte et la Judée, ce double
berceau du monde chrétien. Là, lindustrie entreprend, de Suez
à Peluze, un travail herculéen que les poëtes de l'antiquité eussent porté jusqu'aux nues {ceux d'aujourd'hui n'y font pas attenlion). Croyez-vous qu'elle n'ait pas conscience de son œuvre?
Supposera-t-on que les chefs de l'entreprise, ses commanditaires
généreux, ses savants ingénieurs, — parmi eux, Messieurs, vous
comptez un compatriote (1), — et jusqu'à ses ouvriers intelligents
ignorent pour quel but providentiel ils travaillent? Ouvrir au
commerce européen le chemin de l'Orient, mais c'est rappelerà
la vie le monde gréco-romain enterré sous les ruines d'une bar
barie séculaire; c'est donner un but d'activité à l'Espagne qui n'en
a plus, à l'Italie qui cessera d'inquiéter l'Europe, quand elle jouera
dans le monde un rôle digne de son passé; c'est élargir pour
toutes les nations le cercle où la civilisation semblait naguëre
{1} Mougel-Bey, Vosgien.
—
12
—
condamnée à se mouvoir ou plutôt à se replier douloureusement
sur elle-même.
:
Cessons de nous alarmer. La France marche vers ses destinées.
On ne lui dit pas : « Enrichissez-vous pour jouir, » mais : « Travaillez, afin d'être libre et grande parmi les nations. »
C'est un des éléments du travail intelligent et moral que nous
avons voulu offrir à votre cités vous savez si notre appel a été
entendu: Le nombre, l’assiduité, l'intelligence de nos auditeurs
ont dépassé
notre attente et sans doute aussi [a vôtre.
Pour moi, je l’espére fermement, la jeunesse qui depuis Ja
dernière rentrée des Facultés s’est pressée à nos cours du soir,
où elle trouvait l’utile, ne s'empressera pas moins cette année à
nos cours d'histoire et de littérature, où elle viendra, le soir encore, s'assimiler le génie de la France dans sa plus haute expression. La Faculié des lettres, habituée à parler aux classes les
plus élevées de la société nancéienne,
s'applaudit
d'avance du
nouveau rôle qu’elle vient de saisir : elle imprimera à l'œuvre de
la Faculté des sciences un caractère que l'Université ne saurait
sacrifier.
:
- ‘A est un autre genre de concours dont nous nous glorifierons
devant vous. Ainsi que je le disais ici même, l'an passé, les ressources matérielles que la Ville et l'État mettent à notre disposition, nos professeurs, notre excellent personnel de préparateurs,
ne suffraient pas à la tâche de créer à Nancy l’enseignement des
sciences appliquées, ou plutôt une grande École des arts et manu. factures, si nous n'avions obtenu le concours d'hommes éminents
qui ont bien voulu associer leurs efforts aux nôtres. Déjà, l'an
dernier, MM. Morey, L. Parisot, Melin, nous ont donné le secours
de leurs talents; cette année, notre enseignement se complétera,
grâce à l’adjonction de MM. Monnier et Volmerange, qui ont bien
voulu se charger des cours d'agriculture et de constructions civiles. Félicitons-nous d'avoir obtenu un tel appui; de pareils
noms en disent plus-en faveur de notre œuvre que les plus beaux
discours. Dans sa récente session, le Conseil académique, frappé
de tant de dévoûment au bien général, s'est fait un devoir de signaler les noms de nos savants collaborateurs
à son Exec, M. le
_
43
—
Ministre de l'instruction publique: c'est en son nom que je les
prie de recevoir ici de sincères remerciments.
Jusqu'ici, Messieurs, je n'ai parlé que d'une seule branche de.
notre enseignement, et pourtant Nancy compte déjà quatre écoles
bien distinctes : Ia Faculté
des sciences, la Faculté des lettres,
l'École de médecine et l'École supérieure des sciences appliquées
à l'industrie. Bien que chacun de ces corps ait son organisation
propre, donne un enseignement spécial, prépare à des carrières
différentes et conféré des diplômes particuliers, ils n’en forment
pas moins un ensemble, une Université véritable. MM. les doyens
et M. le directeur de l'École de médecine vont vous dire comment
on est parvenuà établir entre eux une solidarité qui double leurs
forces. S'agit-il de l'École d'application? Ja Faculté des lettres
s'unit à la Facullé des sciences, laquelle,à son tour, emprunte
le secours de l'École de médecine. S'agit-il de l'enseignement
médical? la Faculié des sciences vient meltre, au service de
votre belle fondation municipale, ses collections, ses laboratoires
et ses cours. Un tel mélange n'est pas confusion, mais harmonie.
Grâce au mutuel appui de nos quatre établissements, l'École de
médecine et de pharmacie complète et renforce ses cours; l'École
des sciences appliquées se développe; la Faculté des sciences gagne un triple auditoire; celle des lettres élargit le cercle de son
action journaliére,
Que serait-ce, Messieurs, si cette organisation, déjà solide, recevait son indispensable complément? Du moins, il ne nous est
plus interdit d'entrevoir, dans un prochain avenir, l'achèvement
de l’œuvre qui doit rendre à cette province académique une institution toujours regrettée en Lorraine et même plus loin, par-delä
nos frontiéres. Si notre espoir se réalise, souvenez-vous que vous
ne le devrez pas seulement aux droits de Nancy, au vœu de cinq
départements, à l'appui si constant et si autorisé du conseil général de la Meurthe, mais encore & la sympathie de nos voisins
étrangers, qui désirent, comme nous, renouer de vieilles relations
d'amitié, de camaraderie, de famille même, dont le souvenir vit
encore chez eux et dont la politique n'a point à s ’alarmer. Nous
le devrons surtout aux efforts généreux de votre municipalité, et,
—
14
—
|
aprés elle, 4 nos Facultés naissantes, car ces Facultés ont prouvé,
jusqu'à Paris même, que les institutions d'enseignement supérieur
répondent ici aux vrais besoins de l'époque, qu'elles y peuvent
prospérer, et que Île terrain où quelques graines d'essai ont été
semées est capable de fournir de magnifiques récolies.
Après cette allocution, qui a produit une vive sensation dans
l'auditoire, M. le Recteur a successivement donné la parole à MM.
les Doyens des Facultés et à M. le Directeur de l'Ecole de Médecine, pour exposer la situation, les résultats et les tendances de
l'enseignement dont la direction leur est confiée.
© RAPPORT
M. GODRON, DOYEN DE LA FACULTÉ DES SCIENCES.
. M. ze Recreur,
MEessEeiGNEuRs,
Messœurs,
… L'expérience, ce juge souverain de toutes les institutions hu
- .maines, continue à justifier de plus en plus l'établissement de la
.… Faculté des Sciences de Nancy; vous savez lous que .ses cours
sont été suivis, pendant cette secénde année scolaire, avec le même
| empressement qui avait marqué ses débuts. De plus, un ensei=.
gnement nouveau, celui des sciences appliquées, destiné à popu-
lariser dans nos contrées l'instruction supérieure, a été inauguré
à la rentrée dernière et a été accueilli également, avec une
extrême sympathie, par une classe nouvelle d'audileurs, composée
presque :exclusivement de jeunes gens. Le Ministre éminent,
qu'une
mort
prémalurée est venu surpendre au moment même.
où il mettait: la derniére main à la réorganisation de l'Instruction
publique, n'avait donc pas trop préjugé des tendances et des
besoins de notre pays, en établissant à Nancy un centre d’ensei. gneient scientifique. Nos populations. si sérieuses, si intelligentes,
“enfin, si avides d'instruction, ne pouvaient accepter avec ‘indif-
—
16
—
férence ce nouveau bienfait du. Gouvernement impérial. Une
situation aussi favorable rendait facile la fâche confiée à Ja Faculté
et devenait pour elle un encouragement puissant, Car, s'il est
vrai, comme on l’affirme, que le professeur fasse l'auditoire, il est
bien plus évident qu'un auditoire zélé et bienveillant exerceà son
tour sur l’enseignement du professeur une influence considérable.
Nous sommes heureux de constater de nouveau, devant vous,
cette situation prospére, et nous ne croyons pas dépasser les
limites du probable, en osant émettre l'espoir, que les antécédents
de Nancy nous assurent l'avenir,
Tenu à vous rendre compte de l'enseignement de Ia derniére
année scolaire, je vais passer successivement en revue : 1° les
différents cours de la Faculté ; 9° les cours de sciences appliquées,
et 5° l'enseignement pratique.
:
Cours de la Faculté. — M, le Professeur de mathématiques
pures et appliquées a traité du calcul différentiel et de ses
diverses applications à la géométrie et au développement en
série des fonctions principales. Toutes les parties du programme
de la Licence és Sciences Mathématiques ont été enseignées, et les
applications numériques qui, dans l'examen pour l'obtention de
ce grade, font l’objet de l’une des épreuves écrites, n’ont pas été
négligées. Enfin, la théorie des surfaces et celle des courbes à
double courbure ont été exposées aussi complétement que pos* sible. En général, le professeur a évité de suivre les méthodes
devenues classiques, soit pour donner plus d'intérêt à son cours,
soit pour réserver aux auditeurs l'avantage de retrouver dans
l'étude des Hivres spéciaux les mêmes sujets traités d’une manière
différente. Ce cours qui, pour être suivi avec fruit, exige des
connaissances mathématiques préalables très-étendues, à compté
une dizaine d'auteurs assidus, chiffre relativement considérable et
qui démontre dans notre ville une tendance prononcée à s’oceuper de l'étude des Sciences à la fois les plus ardues et les plus
élevées.
|
|
M. le Professeur de chimie
s'est occupé de chimie miné-
rale, et a pu exposer d'une maniére à peu près complète cette
—
17
—
partie importante de la sçience. Après avoir établi les règles de
ja nomenclature chimique française, il a fait avec beaucoup de
développement l'histoire des corps simples et de leurs nembreuses
combinaisons. Îl s'est aftaché principalement à l'étudé des corps
métalliques,
et,
aprés
fabrication des métaux
avoir
étudié
d'une
les plus importants
maniére
par
spéciale
la
les procédés en
usage dans l'industrie, il a complété cet enseignement par l’exposé de leur extraction au
moyen
de l'action si merveilleuse de
la pile.
M. le Professeur de physique a exposé d'abord les lois de l'équilibre des liquides et des gaz. Abordant ensuite l’électro-magnétisme, il a tracé le tableau rapide de l’état actuel de nos connaissances sur celte partie si importante des Sciences physiques. Aprés
avoir rappelé les découvertes si fécondes dues au génie d'OErstæd,
d'Arago, d'Ampére et d’autres physiciens célèbres, il a exposé les
lois générales des phénomènes électro-magnétiques, et en a présenté les étonnantes
applications à la télégraphie électrique, et à
plusieurs autres appareils dont le jeu repose sur l’action des électro=
aimants. À cette occasion, il ne pouvait oublier de faire connaître
à son auditoire les électre-aimants circulaires et trifurqués, dont
l'invention est due aux laborieuses recherches de notre collégue,
M. le professeur Nicklés, et qui sont aujourd'hui l’objet de nouveaux essais d'application à Findustrie. L’électricité d’induction
sur
laquelle
années, les
nous suffira
rappeler les
entiérement
se sont portés,
principalement dans ces
derniéres
efforts des physiciens a été traitée avec détails, et ïl
de citer l'ingénieux appareil de Rubmkorff pour
effets si nombreux, si brillants, et pour la plupart
nouveaux, qui ont captivé pendant plusieurs séances
l'attention de l'auditoire. Pressé par le temps, M.
le Professeur
de physique n’a pu accorder qu'un petit nombre de lecons de
son cours officiel à l'étude de la lumiére; il a dà développer
rapidement les lois relatives à la réflexion, à la réfraction, à la
dispersion, et il a lerminé cet enseignement par une étude comparée des raies dans les spectres produits par la lumiére solaire,
par la lumiére électrique et par les métaux en fusion ; mais pour
remédier, autant que possible, au nombre insuffisant de lecons
2
PE
consacrées cette année à l'optique, notre vollègue s'est imposé
bénévolement la tâche d'y suppléer, en traitant, pendant le second
semestre, dans des conférences supplémentaires, des lois de la
double réfraction et de la polarisation de la lumière.
Il est une science malheureusement trop négligée qui se rattache
à la physique, et que la Faculté cherche à rendre plus familiére
dans nos contrées, je veux parler de la météorologie. Sur l'invi{ation du chef de cette Académie, M. le Professeur de physique à
rédigé une instruction pratique, relative aux observations météorologiques, qui a été distribuée dans les différentes écoles normales primaires du ressort académique. Depuis huit mois déjà
. les éléves-maîtres
de ces utiles établissements
font chaque jour :
des observations trihoraires sur le barométre, le thermomètre,
le pluviométre, la direction du vent, l'état du ciel. Ces documents
sont adressés à la Faculté et contrôlés, en quelque sorte, par les
observations qui se font également à la Faculté par les soins de
M. le Préparateur de physique, et deviendront par la suite les
éléments d’un travail d'ensemble sur le climat de la Lorraine.
Le professeur d'histoire naturelle s'est, comme l’année précédente, occupé de zoologie pendant le semestre d'hiver et. de
botanique pendant le semestre d'été.
Les oiseaux, les reptiles, les poissons ont été’ étudiés dans leur
organisation générale; tous leurs systèmes organiques ont été
passés en revue et leurs modifications principales ont été expo” sées, en même temps que le professeur s'appliquait à démontrer
qu’elles ne rompent pas néanmoins l'unité de plan. Le mécanisme
des diverses fonctions qui, dans leurs phénomènes accessoires, ne
s'accomplissent pas de tous points comme chez les mammiféres
étudiés l'année précédente, ont été l'objet d'une étude détaillée,
Voulant donner, conformément à l'esprit des nouveaux programmes une. direction pratique à cet enseignement, il s’est
attaché à faire connaître spécialement les espèces utiles à
l'homme, soit directement par les produits qu'elles lui fournissent ef qu'il emploie dans l'économie domestique, dans l'industrie ou en médecine, soit indirectement par la destruction des
animaux nuisibles à nos récoltes et aux autres produits alimen-
—
19
—
taires ou industriels conservés dans nos habitations. Les princi-
pales races d'oiseaux de basse-cour n'ont pas été oubliées, pas
plus que'les modifications imprimées à leur organisation par l’action si puissante de la domesticité. L'histoire de l’incubation
artificielle des œufs des oiseaux et la pisciculture ont été l'objet
de plusieurs leçons.
Pendant le second semestre, le même professeur a exposé les
principes des classifications
du règne végétal et spécialement ceux
de la méthode naturelle, la seule rationnelle, la seule philosophi-
que qu’on puisse adopter. Il a recherché quels sont les progrès
qu’elle a faits, depuis les immortels travaux de Bernard et d’An-
toine-Laurent de Jussieu, et ce qu'il reste encore à accomplir,
pour la compléter dans ses détails. Passant ensuite à l'étude des
familles les plus importantes, il a décrit et fait voir à ses auditeurs,
sur les plantes vivantes, les caractéres qui distinguent chacune
d'elles et les affinités qu’elles présentent avec les familles voisines.
L'examen des modifications que chaque organe de la floraison et
de la fructification éprouve dans les plantes d’une même famille,
Jui a permis d'en déduire les caractères sur lesquels sont établis
les genres. La symétrie des organes floraux, malgré les exceptions
apparentes qui se rencontrent assez souvent, a été ramenée dans
toutes à un seul et même principe, la loi d’alternance. Le mode
d'inflorescence et ses différents axes ; les feuilles considérées dans
leur rapports entre elles et avec le système axile; le mode de
végétation des tiges et des racines n'ont pas été négligés. Chemin faisant, le professeur s'est occupé, lorsque l'occasion s'en présentait, de l'examen de certains organes dont la nature et la signification organogénique ne sont pas évidentes au premier abord,
tels que les staminodes, les phyllodes, les vrilles, etc.
Il a conclu de ces recherches, que toutes les plantes, constituant
une famille, ne sont que des modifications d'un même type organique; mais poussant plus loin ses investigations, il a cherché à
démontrer que chaque famille n'est pas moins naturelle, si l'on
compare les éléments chimiques qui se rencontrent dans les tissus
des espèces qu'elle renferme et auxquels ces végétaux doivent
leurs proprietés alimentaires, industrielles ou leur action thérapeutique.
—
20
—
Quant aux espèces, il s’est borné à faire connaître celles qui
nous fournissent des produits utiles et à signaler les principales
races de nos champs et de nos jardins, véritables créations, dues
aux soins assidus et à l'intelligence de l'homme.
Enfin il a terminé l'étude de chaque famille par l'indication de
la distribution géographique des végétaux qui la constituent, et a
signalé celles des espèces fossiles, les mieux connues, qui lui appartiennent et que renferment les différentes formations géolosiques, dont est formée la croûte de notre planète.
Enseignement des sciences
à l'improviste, avant même
culté fut terminée et dans
elle se meut péniblement,
a néammoins
appliquées. — Tnauguré pour ainsi dire
que l'organisation matérielle de la Fa.
le local provisoire trop restreint où
l'enseignement des sciences appliquées
fonctionné réguliérement pendant toute la durée de
la derniére année scolaire. La Faculté a été puissamment secondée
dans l'accomplissement de cette tâche par l’activité de M. le Rec-
teur, qui, malgré les nombreuses occupations qui pèsent sur lai,
s'est réservé une large part dans nos travaux. Nous devons en
outre au dévoüment de M. L. Parisot, professeur à l'École de
médecine, de MM. Morey et Mélin, architectes, un concours
aussi habile que bienveillant, sans lequel il nous eût été difficile
de suffire à cet enseignement nouveau, dont les exigences n'ont
pu être prévues à l'époque de-la création de la Faculté.
La géométrie descriptive est la base essentielle de l'enseigne
ment mathématique des sciences appliquées et s'adresse à des
hommes,en général peu familiarisés avec l'analyse mathématique;
mais l'intelligence et la force d'attention de l’auditoire ayant dépassé toute attente, M. le professeur de mathématiques a pu
développer fortement celte partie fondamentale et même franchir
les bornes des programmes officiels. Puis la théorie des ombres
et ses applications au lavis ont été exposées d'une manière compléte. Les principes de la perspective et de la stéréoscopie avec
leurs applications principales au dessin, à la peinture, aux décors
ont été l'objet d'une troisième série de leçons par lesquelles le
professeur a terminé ses cours du premier semestre.
|
—
D
—
Le second semestre a été partagé entre la topographie usuelle
et la coupe des pierres. Chaque semaine une séance à été consacrée au levé des plans et au nivellement. Les instruments principaux ont été seuls étudiés, ainsi que les méthodes les plus générales aujourd’hui en usage. Lorsque cette étude a été faile avec
soin, lorsqu'elle repose sur une préparation suffisante, immense
variété des instruments particuliers et des méthodes spéciales ne
peut présenter aucune difficulié et a dû être écartée. L'autre leçon de chaque semaine à été réservée à la coupe des pierres. Le
professeur à eu pour but de faire comprendre non-seulement l'esprit des méthodes, maïs aussi d’initier l'auditoire aux conditions
les plus essentielles de la pratique. Pour faire apprécier l'étendue
de ce cours, il suffit de dire, qu'on y a compris l'étude assez com
plète des arches-biaises, dont les canaux et les chemins de fer
surtout présentent de si fréquentes applications.
M. le professeur de mathématiques, comme on peut en
juger par cet exposé, et nous n'avons pas encore parlé des exercices pratiques, auxquels il a pris une part non moins active, s'est .
chargé, cette année, d’une lourde tâche et le temps lui a manqué
pour les leçons qu'il se proposait de faire sur la charpente. Il en
résulterait une lacune regrettable dans notre enseignement, si le
cours de construction, que M. Volmerange, ingénieur des ponts
et chaussées, veut bien faire cette année, ne devait compenser
cette omission d'une manière doublement profitable pour les auditeurs.
L'enseignement de la chimie appliquée a été inauguré par létude des combustibles et des matériaux propres à l'éclairage, sujet d'un intérêt général et qui constitue l’une des bases les plus
importantes de l'industrie moderne. Après avoir considéré, d'une
manière générale, la combustion dans ses matériaux, dans ses
causes, dans ses phénomémes et dans ses produits, M. le professeur de chimie devait naturellement s'occuper de la flamme.
Au moyen d'un appareil de son invention, il en a exposé la théorie et s’est attaché à démontrer, que la flamme, quelle qu'elle soit,
est toujours produite par un gaz en combustion. Les diverses essences de bois, éludiées aw point de vue de leur état d'hydratation
&
et de leur richesse en cendres, la tourbe, le lignite, l'anthracite
et surtout la houille, ont fourni le sujet de plusieurs leçons. Le
professeur a été naturellement conduit à exposer quelqües notions géologiques sur les bassins houilliers, à s'occuper de leur
exploitation,à décrire les différents modes de carbonisation, et, en
particulier, ceux qui concernent la fabrication du coke. Il a examiné ensuite, au point de vue chimique, la question pratique du
chauffage, celle des fumivores et s’est étendu sur l'emploi de
Poxygène condensé et de l'air comprimé, appliqués à la combnstion. L'étude des moyens propres à évaluer la puissance calorique des ‘combustibles a donné occasion de constater l'influence
exercée sur la rapidité de la combustion par la densité ou état de
division du combustible, d'expliquer et de justifier certains usages
depuis longiemps adoptés dans la pratique. Quelques lecons, sur
les combustibles liquides et gazeux, n’ont pas seulement eu pour
objet leurs matières premières et leurs produits
de décomposition, elles ont aussi embrassé les grandes industries issues du besoin d'un éclairage plus en rapport avec notre état de civilisation.
La bougie stéarique, le gaz de l'éclairage et les résidus de sa fabrication ont été soumis à une étude approfondie. Enfin les instruments et les appareïs, fondés sur les principes, qui président
à la combustion et qui ont pour but de tirer un parti déterminé
de la chaleur et de la lumière engendrées par elle, tels que la
lampe à émailleur, le chalumeau oxyhydrique, la lumière Drammond, ont aussi été examinés au point de vue théorique et pratique.
Abordant ensuite la technologie des alcalis et des terres, M.
le professeur de chimie a eu plus d'une fois l'occasion de
faire remarquer la part immense que la chimie a prise à l'extention de la richesse nationale, 4 dater de 4792, époque de l'invension du procédé de fabrication de la soude artificielle, qui affranchit la France d’un tribut énorme payé à l'étranger et qui ouvrit
une ère nouvelle à l'industrie, en montrant aux praticiens la nécessité d'éclairer la pratique par la théorie. Aprés avoir étudié
Ja potasse et ses principaux dérivés, tels que la potasse caustique,
le salpétre, la poudreà canon, etc., il s'est occupé du sodium et
_—
23
—
de ses nombreuses combinaisons, en commençant par la matiére
premiére, le sel gemme, qui, à Nancy, offre un intérêt tout spécial. Ce précieux minéral, qui forme en Lorraine un gisement
trés-puissant et qui s'étend même jusque sous nos pieds, ses dif.
férentes méthodes d'exploitation, la préparation du chlorure de
sodium, les différents produits auxquels ce sel donne naissance,
ont fourni la matière de leçons pleines-d'intérêt, dans lesquelles le
professeur s'est attaché à faire comprendre le brillant avenir ré
servé, dans notre département, aux différentes indusiries dont le
sel gemme est la base matérielle,
Le cours de physique appliquée à eu pour objet, pendant le
semestre d'hiver, l'étude des usages industriels de la chaleur,
Après avoir jeté un coup d'œil rapide sur les principales sources du
calorique et indiqué les moyens d'arriver à la mesure exacte des
températures, M. le professeur de physique a décrit les différents
modes de chauffage, tels que celui par la vapeur, par l'air chaud,
ete., et il a examiné comparativement les moyens les plus avantageux dans la pratique. Le tirage des cheminées, les diverses. dispositions des foyers l'ont occupé pendant plusieurs séances.
Pendant le semestre d'été, M. le professeur de physique a dû
interrompre ses leçons sur les applications de la chaleur et a exposé les notions les plus élémentaires de Poptique, indispensables
aux élèves des sciences appliquées, pour l'intelligence des divers
instruments employés en topographie. Enfin, il a terminé son
cours par l'étude des proeëdés photographiques principaux aujourd'hui en usage.
M. le professeur d'histoire naturelle a exposé l'organisation des
animaux supérieurs et les notions les plus élémentaires de la
physiologie, étndes préliminaires indispensables pour s'occuper,
avec succès, de deux sciences éminemment pratiques, qui rentrent
dans notre programme, je veux parler de l’hygiéne et de la zo0logie appliquée.
°
Le cours d'hygiéne a été confié à M. le docteur L. Parisot, qui
déjà trés-occupé, comme professeur à l'École de médecine, s'est
empressé néammoins d'accepter une nouvelle tâche et de prêter
le concours de ses connaissances et de son talent à l'œuvre utile
—
2%
—
enireprise par la Faculté des sciences. Qu'il me soit permis, au
nom de mes collègues et au mien, de remercier M. Parisot de cet
acte de bonne confraternité.
« Il n'a pas eu pour but de donner un enseignement dogmatique,
mais il s'est attaché à rendre son cours éminemment pratique et,
sans négliger les données purement scientiques, qui éclairent l'hygiène, il a eu surtout en vue les questions les plus usuelles, Ïl s’est
occupé tout d’abord de ce qui constitue le régime alimentaire et
il est entré, à ect égard, dans beaucoup de développement sur la
nalure des diverses espèces d'aliments et de boissons; il a insisté
sur leur choix pour constituer un régime diététique convenable
et il n'a pas dédaigné d'aller jusqu'à donner des préceptes généraux sur leur préparation. Chemin faisant, il n’a pas négligé de
combattre une foule de préjugés, relatifs à l'alimentation, qui, en
plein dix-neuvième siéele, asservissent encore nos populations.
Passant ensuite à l'usage des différentes espèces de bains, il en a
fait comprendre l'importance, au point de vue des fonctions de la
peau et de la santé générale. Enfin, dans une derniére leçon, il a
traité des différents modes d'asphyxie, des moyens de prévenir ces
accidents redoutables et des premiers secours à donner aux asphyxiés, Nous éprouvons toutefois un regret, relativement à ce
cours, c'est que M. Parisot n’ait pas donné suite au projet, qu'il
avait formé, de publier ses utiles leçons.
Les leçons d'architecture de M. Morey, bien qu'elles n'aient été
l’objet d'aucune annonce spéciale dans le public, ont été suivies
avec un empressement bien digne de remarque. Dans ces leçons,
qui seront complétées cette année, le professeur a fait marcher de
front la partie technique et la partie artistique de l'architecture.
Âu second point de vue, l'architecture est à la fois le premier, le
plus ancien et le plus important des beaux-arts, À ce titre son histoire se mêle intimement à celle de l'humanité, et quoique nos
cours aient pour but principal l'utilité, cependant, lorsque le professeur a rencontré sur son chemin les questions de cet ordre, il
devait à son enseignement et à son auditoire de ne pas les éviter.
L'intérêt avec lequel le cours de M. Morey a été suivi, prouve
que nos auditeurs sont aussi aples à s'assimiler les considérations
—
95
—
où l’art et l'histoire se confondent et s'interprétént l'un par l'avtre,
qu'à saisir les démonstrations géométriques ou à suivre les détails
souvent compliqués de la pratique.
Telles sont les matières qui ont été enseignées, pendant
la dernière année scolaire, dans nos cours de sciences appliquées. Elles
constituent déjà un ensemble de connaissances trés-importantes,
et, cependant, elles ne forment que le programme des cours de
première année. Cet enseignement va donc recevoir immédialement une extension nouvelle: des éours de mécanique, de construction, de zoologie appliquée, de métallurgie et d'agriculture
voñt être ajoutésà ceux, qui, organisés déjà depuis une année,
continueront à être professés
concurremment. Mais celte exten-
sion, donnée à l'enseignement des sciences appliquées, exigeait
un personnel de professeurs plus nombreux que celui dont ia Fa.
culté a disposé jusqu'aujourd'hui. Aux savants, qui déjà prêtent à
notre œuvre un concours efficacé et désintéressé, viennent se
joindre encoré, M. Monnier, président de notre société centraie
d’agriculturé, et M. Volmerange, ingénieur des ponts et chaussées. Ces faits prouvent non-seulement la confiance qu'inspirent
les résultats qu'on doit attendre de cet eriséignement nouveau,
mais aussi les ressources en hommes éclairés et le dévoñement
aux choses utiles, qu’on peut trouver à Naney.
J'ajouterai enfin, que les cours si importants de littérature
française, d'histoire de France et de géographie commerciale,
confiés à deux de nos savants collêgues de Ïa Faculté des lettres,
auront lieu cette année, à une heure plus convenable pour les
rendre plus accessibles aux nombreux auditeurs qui fréquentent
déjà les cours scientifiques.
Enseignement pratique. — Mais ce qui forme aujourd’hui Pun
des caractères les plus saïllants de l'organisation des Facultés des
sciences, c'est l'enseignement pratique, qui a été inauguré égale
ment au commencement de la derniére année scolaire. C'est le
complément indispensable des cours de la Faculté et spécialement
des cours de sciences appliquées; pour qu'il atteigne son but,
pour qu'il soit une préparation sérieuse aux carriéres indus-
—
26
—
trielles , il faut que la pratique accompagne
théorie.
Les
LL
manipulations
chimiques
constamment
n’ont pu commencer
la
que le 2
janvier, dans une salle provisoire, que l’autorité municipale a fait
construire, pour cet objet, dans la cour du bâtiment de l'Université. Bientôt une vingtaine de jeunes gens, élèves en médecine ou
en pharmacie, candidats à la licence ès sciences physiques, et candidats au certificat d'aptitude pour les sciences appliquées, se sont
empressés de s'inscrire. En présence d'éléves se proposant des
buts si divers, M. le professeur de chimie a dû,néanmoins, adopter
un programme
qui permit d'appliquer aux manipulations chimi-
ques une marche uniforme et méthodique, et capable, en même
temps, d'entretenir l'émulation. Des préparations fort simples
d’abord, plus complexes ensuite, ont été faites par les élèves, qui
ont _constaté
immédiatement,
sous les yeux
du professeur,
les
principales propriétés des corps isolés par eux; mais, en outre,
leur attention a été fixée sur les résidus de ces préparations et,
aprés avoir obtenu et étudié le produit principal, ils ont dù encore
présenter à l'état de pureté le produit secondaire, reconnaître ses
caractères et indiquer ses usages. Chacun d'eux a été tenu de
rédiger ses observations, de les soumettre au professeur, qui en
a rectifié les erreurs ou les incertitudes. À chaque séance, tous
les élèves ont préparé le même corps, mais par des procédés di-
vers, ce qui a permis à chacun, tout en remplissant sa tâche spéciale, de bénéficier encore du travail.de ses condisciples. Aprés
avoir été ainsi familiarisés avec les opérations les plus usuelles de
la chimie minérale, ils ont étéexercés aux procédés de l'analyse qualitative. Cette opération consiste, comme on le sait, non-seulement
à reconnaître les éléments constituants d’un mélange ou d’une
combinaison donnés, mais encore à séparer ces éléments, de facon
à pouvoir les étudier isolément et constater leur individualité.
Connaissant bien les groupes naturels, que forment les corps métalliques, ainsi que leurs caractéres distinctifs, les élèves ont procédé constamment, dans leurs recherches, par voie d’élimi-
nation, suivant ainsi la méthode dichotomique, inventée par les
botanistes et appliquée, avec tant de succès, à la détermination
des espèces végétales.
_
97
—
Les manipulations de physique ont eu lieu réguliérement, pen-
dant toute l'année, sous la direction du professeur, et il me suffit
d'énumérer les différents sujets d'étude proposés aux étudiants,
pour en faire apprécier l'importance. La recherche des densités,
la construction
des baromètres et des thermomètres,
ainsi que
Pemploi de ces précieux instruments, l’usage des piles, la galvanoplastie et la photographie, telles sont les principales opérations
avec lesquelles ont a cherché à familiariser les élèves.
Les exercices pratiques de zoologie, auxquels le semestre d’hiver a été consacré, ont eu pour objet l'examen, sur la nature
elle-même, des principaux appareils d'organes des différentes
classes d'animaux vertébrés, et l'étude microscopique des tissus et
des liquides organiques. :
Des herborisations ont eu lieu pendant le semestre d'été, dans
les environs de Nancy, et ces excursions scientifiques ont initié les
élèves non-seulement à la connaissance des plantes du pays et
spécialement des plantes médicinales, à celle de leurs stations et
des rapports qui existent entre la nature de ja végétation et la consütution physique et minéralogique des terrains; mais aussi à la
connaissance d'un certain nombre de faits d'organographie et de
tératologie végétale, qui se sont fortuitement présentés à leur
observation. Je ne puis passer sous silence une particularité, qui
prouve en faveur d'un certain-nombre de jeunes gens, la plupart
élèves de notre École de médecine, c’est que, pendant l'été pluvieux qui vient de s'écouler, j'ai toujours trouvé, quelque fût
Fétat de l'atmosphère, ces mêmes jeunes gens au lieu du rendervous, bien décidés à poursuivre ces promenades botaniques. Aussi,
grâce à ce zèle exceptionnel, elles ont eu lieu chaque semaine avec
beaucoup de régularité.
Les travaux graphiques ont été suivis par une partie des auditeurs du cours de géométrie descriptive. Les uns apportaient des
épures achevées; d’autres, ayant moins de loisirs, présentaient
leurs cahiers de croquis et réclamaient des explications sur les
points qui étaient restés obscurs ou douteux pour eux. Les cours
d'ombre et de perspective, celui de coupe de pierres ont donné ‘
lieu également à des travaux graphiques assiduement suivis, Enfin
—
28
—
.
oo
le cours de topographie réclamait un tout autre genre d'exercices
pratiques. Là l'intelligence de la théorie serait d’une bien médiocre utilité, si on n’y joignait l'habitude de manier les instruments,
de les rectifier, de les employer sur le terrain, Aussi M, le professeur de mathématiques a-t-il consacré un temps assez considérable à ces exercices. Les occupations habituelles des auditeurs né
leur laissant qu'un seul jour de liberté par semaine,
‘on a été contraint de remettre au dimanche matin les opérations topographiques; maïs on a eu soin de choisir les heures, qui précédent les
offices, afin de ne détourner personne de l'accomplissement régu-.
her des devoirs religieux. Aussi, dès quatre heures du matin, les
élèves n'hésitaient pas à se rendre au lieu désigné et se livraient
avec ardeur à l'exercice des opérations topographiques, tantôt sur
un terrain uni, tantôt sur ur sol accidenté.
Il est juste de rendre hommage ici au zèle, à l'intelligence du
directeur dés travaux graphiques, M. Mélin, qui a donné constamment à M, le professeur de mathématiques, dans les exercices
pratiques, le concours le plus entier et le plus utile. Son excellence
M. le Ministre de l'Instruction publique, a déjà témoigné à ce digne collaborateur toute sa satisfaction, en lui conférant le titre
d'officier d'académie et la Faculté est heureuse de s'associer publiquement à cet acte si justement rémunératoire, en priant M. MéEn d'accepter ses remerciements.
Travaux particuliers des professeurs. — Bien que la tâche des
professeurs ait êté singuliérement augmentée par la création des
cours des sciences appliquées et par l'établissement des exercices
pratiques, l'année. qui vient de s’écouler, n’a pas été néanmoins
stérile, au point de vue de leurs travaux particuliers.
M. le professeur de mathématiques a présenté à l'institut un
stéréoscope de son invention, remarquable par une construction
si simple, si économique et d'un usage si facile, qu'il est à la fois
à la portée de toutes les fortunes et de toutes les intelligences.
M. le professeur de chimie a constaté la présence de la vivianite cristalisée dans des ossements humains trouvés aux environs
de Nancy el par conséquent la formation -contemporaine de ce
—
99
—
minéral. Ï a mis au jour également un travail étendu sur la vie.
et les travaux scientifiques
de l'illustre chimiste dont Nancy de-
plore la perte récente, Enfin il a signalé à l'Académie des sciences
la présence du fluor dans le sang, le lait, la bile et les autres liquides de l’économie animale.
.
M. le professeur de physique, qui s’est occupé avec succés des
phénomènes de la polarisation appliqués à l'étude des corps isoméres, a publié des recherches nouvelles sur l’action que plusieurs
acides végétaux de même composition centésimale exercent sur la
lumiére polarisée.
Enfin M. le professeur d'histoire naturelle a produit un nouveau mémoire sur l'origine et la nature de F'Æyilops triticoïdes,
un travail sur le Drosera obovata, et il a édité le sixième et der-
nier volume de la Flore de France, qu'il a élaborée avec la collaboration de M. le professeur Grenier de la faculté des sciences de
Besançon.
Examens. — Ïl me reste à vous entretenir des examens et de la
collation des grades. La Faculté n’a pas eu, cette année, à conférer
Quatre candidats se sont inscrits pour subir l'épreuve de la licence, et la Faculté a eu la satisfaction de pouvoir conférer le
grade de licencié és sciences mathématiques à MM, Legrand et
Bodemer, et celui de licencié ès sciences physiques à M. Schlagdenhauffen,
La Faculté a eu en outre à examiner, pendant les trois sessions
de l’année scolaire, 2352 candidats au baccalauréat és sciences.
Sur ce nombre, 104 ont succombé aux épreuves écrites et 80 ont
été ajournés par suite de la faiblesse de l'examen oral; 104 ont
été jugés dignes du grade de bachelier és sciences.
TH résulte de ces chiffres, que le nombre des candidats à été
plus considérable que l'année dernière et que la proportion des
réceptions a été moindre. Ce double résultat s'explique facilement,
Aux
sessions
de décembre et d'avril,
le nombre
des candidats
inscrits a été exceptionnel; les aspirants au grade de bachelier
ês sciences nous sont arrivés de fous les points de la province aca-
\
name
celui de docteur ès sciences.
—
30
—
.
démique. C'est qu'à la session de juillet, le programme fransitoire
devait être remplacé par le programme complet; pour se soustraire à ces exigences nouvelles, un certain nombre de jeunes
gens, dont les études étaient sans aucun doute imcomplétes, ont
cru devoir s’exposer aux chances, évidemment bien peu favora-
bles, d'un examen prématuré. La Faculté n'a pas été plus sévére
dans ses appréciations que précédemment, mais elle a dû simplement maintenir
le niveau des examens, comme la garantie la plus
certaine des études sérieuses, et pour combattre, autant qu'il est
en son pouvoir, la fâcheuse tendance de quelques jeunes gens qui
ont l'ambition d'arriver, dans le plus bref délai et avec le moins
de travail possible, à un grade, qui, bien qu'à la portée de toutes
les intelligences, exige cependant des efforts soutenus et une
instruction classique assez compléte.
RAPPORT
M. CH. BENOIT, DOYEN DE LA FACULTÉ DES LETTRES.
M, Le Recreut,
MessrienEuRs,
Messieurs,
La réunion d'aujourd'hui n’est plus pour vous chose nouvélle.
Il y a deux ans déjà que nous inaugurions l'enseignement des
Facultés dans cette ville si empressée à l'accueillir. Nous ne pouvions vous entretenir alors que de nos desseins et de nos espérances; aujourd'hui, nous avons à constater déjà des résultats
obtenus : : l'œuvre commenceà porter ses fruits. Sans doute il
est regrêttable que l'étranger, en visitant cette ville des palais,
nous voie encore campés au lieu où nous sommes; él, qu'aprés
deux ans, les fondements de l’édifice qui nous est destiné né
soient pas encore près de sortir de terre; mais nous savons qu’en
cela, nous ne pouvons accuser ni le zèle ni la munificence de
nos magistrats municipaux; que, loin de 1ä, la grandeur de leur
projet en a fait l'an des principaux obstacles ; et que, si l'arche
sainte est encore sous là tente, c'est qu’on ne voulait la fixer enfin
que dans un temple digne d'elle, Du moins, en attendant l'édifice
_ de pierre, nous avons cherché, de notre côté, à fonder moralement sur des bases solides notre enseignement dans ce pays; el
_
32
—
tout ce qui s'intéresse ici aux nobles études à répondu à notre
appel. C’est désormais une généreuse habitude pour l'élite de
notre population, de venir, aprés les occupations de la journée, se
recueillir le soir autour de nos chaires dans Ia contemplation des
choses de l'âme. En face de cet auditoire distingué, le professeur
peut-il s'apercevoir encore du délabrement du lieu où il siége?
Et vous-mêmes, voyez-vous encore la nudité des murailles, alors
qu'une parole sympathique vous ravit dans le monde des idées?
Les Muses se sont fait longtemps entendre au fond des grottes de
l'Hélicon, jusqu'à ce que la Grèce, aux jours de sa grandeur, leur
érigeât des temples.
Tout en remerciant ce public choisi du concours assidu qu'il nous
prête, nous ne pouvons cependant nous empêcher de regretter
que le goût de nos études littéraires ne soit pas
encore plus ré-
pandu, surtout parmi la jeunesse, Combien, en effet, d'absents
encore, que nos yeux cherchent dans l'auditoire? Jeunes gens,
où êtes-vous? C'est à vous pourtant, que notre enseignement est
particulièrement destiné. Vous avez tant besoin de ces entretiens
généreux, pour échapper à la prostration morale, où la contagion
du siècle et la passion des intérêts matériels nous a plongés! Au
seuil de la carrière de la vie, où vous allez entrer, nous voudrions
vous retenir quelque temps dans ce culte des lettres, qu'on a si
bien nommées humaines par excellence, humaniores litteræ, et vous
munir de ces nobles études, pour vous assister dans Îles luttes qui
vous attendent, vous ranimer dans vos défaillances, vous conso-
ler dans vos disgrâces, vous charmer aux heures de loisir, et
faire la grâce de votre vieillesse, après avoir nourri vos jeunes
années de leurs sucs généreux.
L
Les lettres, je le sais, ne sont plus aujourd'hui en aussi grande
faveur, qu’elles le furent jadis en France. L'esprit public s’en est
pour un temps détourné. Pourquoi? Peut-être faut-il y voir un
juste retour contre l'abus que tant d'écrivains avaient fait de leur
empire. Le culte des Muses, convenons-en, n'avait été que trop
profané parmi nous. Nous avons vu la poésie, cette fille du ciel,
infidèle à sa mission, qui est de relever les âmes vers les pures
contemplations de l'idéal, se faire honteusement l'entremetteuse
—
33
—
de la corrüption ; et la philosophie, enivrée d'orgueil, s'attaquer
à nos plus saintes croyances. La France, en récapitulant sès catastrophes depuis plus d'un siècle, a pu en accuser, én grande
. partie, les abus de l'esprit et de la parole. D'un autre côté, la
gloire des lettres a bien pu être éclipsée un instant par l'éclat de
ces découvertes scientifiques, dont notre époque se montre si justement fiére. N'est-ce pas en effet dans les progrès des sciences
physiques, et leurs applications à l'industrie, que notre siècle a
trouvé surtout sa grandeur? Faut-il s'étonner, que les esprits en
soient éblouis, et y restent absorbés? Je ne suis pas vieux encore;
et quels miracles pourtant n'ai-je pas vu accomplis sous mes yeux
par le génie de la science moderne! Voici la
viathan de la mécanique, qui s'élance sur les
emportant dans sa course des peuples entiers
éloignés de l'espace; tandis qu'à côté d'elle,
locomotive, ce Léailes de la tempête,
aux points les plus
dans un fil merveil-
Jeux, le fluide, plus agile que la pensée, porte la nouvelle messa-
gére à travers les airs ou les abimes de l'Océan. La science a
changé la face de la terre; la science en fouille es entrailles,
pour y retreuver écrite en caractères éclatants l'histoiredes révo-
lutions primitives du globe; la science, en même temps, s'empare
du ciel et saisit par le calcul la planète invisible aux confins de
l'immensité. Partout, elle m'étonne de ses conquêtes, m'entoure
de ses féeries, soit qu'elle fasse circuler les gaz sous les pavés de
la cité, comme le sang dans les veines, pour nous inonder tout
d'un coup le soir de flots de lumière, soit qu’elle trempe le
métal en un bain mystérieux, où il se revêt d'or; soit qu'à la
clarté du soleil, elle fixe sur le papier du daguerréotype, changé
en miroir, l'image désormais durable. Quand je contemple ces
victoires journalières, que l’homme remporte sur les forces
physiques, et par lesquelles ce roi déchu de la création semble
reconquérir l'empire perdu de la nature, je ne puis me défendre
moi-même d'être ravi d’un tel spectacle. Aussi, loin dem ‘inquiéter,
ï
avec cértains esprits chagrins, de la part qu'on a faite aux scienccés Ÿ
107 \
naturelles dans l'éducation publique,j'y applaudis: je veux qu
initie nos jeunes gens à ces secrets de la nature, et aux applicätions, que le génie de l’homme en a su faire; mais à la condition...
3
Die
—
4
qu'en faisant à ces éludes scientifiques üne place considérable, om
maintiendra
aux lettres le rang
élevé, qu'elles doivent toujours
garder dans une éducation libérale. Rendons un juste hommage,
Messieurs, aux inventeurs de l'industrie moderne ; mais réservons
notre adoralion pour ces autres inventeurs, bien autrement utiles
au monde et plus grands, que l’on appelle Homëére, Sophocle,
Platon, Virgile, Corneille, Racine, Bossuet, Fénélon, qui ont exploré et nous ont livré... quoi? Messieurs, les plus hautes et
les plus belles régions de la nature humaine.
Voilà en effet les
premiers bienfaiteurs des peuples : ils ont inventé mieux que la
vapeur; ils ont inventé la joie et la tristesse, la consolation et l’espérance; ils ont trouvé ces accents divins, par lesquels ils éveil.
lent, émeuvent, enflamment tout ce qu'il y a de généreux en nous,
et prouvé par leurs œuvres, que l'homme est vihiment fils du ciel,
et créé à l’image de Dieu. Qu'est-ce en effet, que ces merveilles
de la science moderne, dont je chantais l'hymne tout à l'heure,
en comparaison des merveilles de l'éloquence et de la poésie?
L'homme aura transformé la foudre du ciel en moteur pour ses
manufactures, avant de refaire les dieux d’Andromaque; ei le
daguerréotype aura trouvé le secret de fixer, avec les ombres,
les couleurs, avant qu’on n'ait dépassé le Qu'il mourdt du vieil
Horace.
Mais qu'ai-je besoïîn de réclamer ici pour les lettres ce culte
qui leur est dû, dans cette ville, qui semble, au milieu de l'en
irainement universel vers les choses de la matière, avoir conservé
plus fidèlement la religion des choses de l'esprit? Je vous connais;
je sais qu'ici on trouvera toujours un auditoire nombreux et sympathique, pour entendre parler de littérature et d'art, et une foule
de nobles
cœurs, pour tressaillir d'une émotion généreuse
à la
lecture d'un beau morceau d'éloquence ou de poésie. Vous tons,
Messieurs, qui avez pris à cœur les destinées de notre enseigne
ment, qui croyez à l'influence bienfaisante des lettres, et qui augurez de l'avenir de la patrie, selon que les études littéraires se…
ront plus où moins en honneur auprés de la jeunesse, je ne crains
point de fatiguer votre attention, en vous rendant compte, avee
quelque détail, des résultats, que nous avons constatés ou obtenus
à cet égard, dans l’année qui vient de s'écouler.
——.
5
—
“Vous le savez, Messieurs, l'objet de notre institution est double. - En méme temps que nous ouvrons des Cours à ceux qui se montrent jaloux de poursuivre leurs études littéraires, nous sommes
. chargés de maintenir et d'élever par des examens le niveau de
l'enseignement secondaire. Quelques mots d’abord sur les Eramens.
EXAMENS.
DOCTORAT:
Le Doctorat, longtemps négligé dans l'Université, a repris faveur. Plusieurs candidais travaillent, sous la direction de nes
conseils, à préparer des thèses pour notre Facullé. Jusqu'ici cependant, aucune des thèses proposées à.notre appréciation prékiminaire, ne nous a semblé réunir, à un degré suffisant, l'érudition
müre et solide, l'intérêt et le mérite des recherches, et l'originalité
de vues, qu'on est en droit d'exiger pour ce grade élevé qui ouvre
l'accès de l'enseignement supérieur, La Faculté de Paris, depuis
Jongtemps dejà, a marqué à quel prix on devait dispenser ce titre:
nous ne consentirons pas, pour notre part, à laisser s'établir en
province un Doctorat inférieur.
LICENCE.
| Aux examens de
la Licence
nous
pourrions nous
aftendre à
compter un plas grand nombre de candidats. Une mesure, pleine
de sollicitude pour l'avenir de nos jeunes
maîtres,
leur impose
depuis quelques années l'obligation de prendre le grade de Licencié,
et, à ce prix, leur assure
l'avancement,
Pourquoi
done
ne répondent-ils pas avec plus de confiance et d’ardeur à cet appel
d'une administration bienveillante? Guelques-uns, je le sais, intimidés par la faiblesse de leurs premières études, et effrayés de la
distance qui les sépare encore du niveau de épreuve, ajournent
dans
un avenir indéfini de s'y présenter,
pour
mieux
assurer,
disent-ils, par une longue préparation Île succés de l'épreuve. Je
loue leur prudence, en les invitant toutefois à se défier de ces
“échéances trop lointaines, et à fixer à leurs efforts un but plus
—
36
—
.
voisin. D'autres, qui trouvent la route longue et difficile, aiment
mieux s'asseoir par terre, et se croiser les bras. Sur quoi comptent-ils ? sur l'avenir? mais l'avenir ne sera que ce que nous l'aurons fait. Levez-vous donc, vous qui dormez. C'est maintenant le
temps propice : consentez à faire un effort. Aïdez-vous seulement,
et le ciel vous aidera. Nous
vous
tendons la main.
Vous
fous,
jeunes gens, qui avez la noble ambition de faire votre carrière
par le travail, et de devoir votre avancement à votre mérite, vous
trouverez en nous des guides, des conseillers, des amis. Le Ministre excellent, dont la perte laissera parmi nous d’éternels
regrets, et qui s’intéressait plus à vous, que vous-mêmes, en
vous obligeant à être Licenciés, a voulu vous en faciliter les
moyens, Îl a demandé aux Facultés de vous consacrer une partie
de leurs leçons, Déjà, dans notre intérêt pour vous, nous
Favions prévenu. De voire côté, sachez profiter de ces ressources. Nous invitons ceux d’entre vous, qui habitent cette
ville, à entretenir désormais avec nous des relations de travail
plus’ assidues encore, Quant à ceux qui sont au loin, et ne peuvent fréquenter nos Conférences, qu'ils nous écrivent pour nous
envoyer les fruits de leurs études solitaires, et réclamer à ce sujet
nos conseils. Nous aimerons à étendre pour eux le cerele de cette
direction spirituelle, que, depuis nos débuts ici, nous avons com-
mencé à instituer par correspondance. Le niveau des examens de
Licence, qui se relève sensiblement en cette Académie, témoigne
assez de la salutaire influence que la Faculté exerce ainsi, de
Join ou de près, sur la studieuse jeunesse qui s’y prépare. Nonsenlement ces disciples plus fidèles de notre enseignement y ont
trouvé un succés certain; mais je puis ajouter encore, pour la.
derniére session, que les candidats, qui en sont sortis les premiers,
MM, Jacoulet et Gœury, se seraient présentés avec honneur à
Paris, er concurrence même avec les élèves de l'Ecole Normale
supérieure, et auraient su s'y maintenir dans un rang distingué.
Que leur exemple éveille chez les autres l'espérance et une heureuse émulation. Voilà le plus éloquent appel, que nous leur
puissions adresser. Mais, avec eux,
nous convions à nos Confé-
rences tous les jeunes gens qui ont gardé de leurs études le goût
_
97
—
des lettres, et qui croient avoir intérêt, pour leur carrière;-à… _
s'exercer dans l’art d'écrire, et à se familiariser avec les maîtres
de la pensée humaine. Candidats à la Licence, ou auditeurs libres,
il suffit d’aimer les lettres, pour être des nôtres, et de travailler,
pour avoir droit à tous nos soins.
BACCALAURÉAT.
Les candidats au Baccalauréat ès Lettres n'ont pas dépassé le.
nombre total de 105. C'est quatre de plus que l’än dernier, Mais
si le nombre des candidats demeure à peu près stationnaire, leniveau moyen.de leurs études semble s'élever. Nous aimons à.
constater chaque année une préparation plus solide, un fonds plus.
vrai de connaissances acquises. Ainsi commence à se faire sentir.
le résultat de la mesure, qui, au lieu d'acheminer pêle-méle tous
les élèves de nos Collèges vers un Baccalauréat unique, a partagé.
en deux sections la division des classes supérieures. Avec ce large.
débouché ouvert aux élèves, qu'une vocation plus où moins mar-.
quée entraine vers les sciences et leurs applications, il ne reste.
plus dans la section des lettres qu'un bataillon sacré, réduit sans.
doute, mais choisi; et le Baccalauréat ès Lettres, destiné ainsi à.
ve plus consacrer qu'une élite, reprend sa véritable valeur. Surles 405 candidats quise sont présentés dans les diverses sessions,
48 ont été admis, et 57 encore ajournés, Parmi ces derniers, 12seulement, aprés avoir franchi les épreuves écrites, sont venus.
échouer à l'examen oral; les 45 autres. avaient été condamnés.
sur leurs compositions écrites seulement. C'est que ces composiz..
tions seront toujours à nos yeux le fondement de l'épreuve, et la.
plussûre garantie d'études classiques, aussi prennent-elles dans rios.
jugements une importance souveraine. L'examen oral a eertaïne.
ment sa valeur : maïs-il est trop facilé encore, avee une mémoire.
heureuse et le manuel,
de faire ici illusion par une
préparation,
artificielle. Mais une composition, et surtout la dissertation latine,
nous livre du premier coup le secret des études d’un candidat,
Combien, à la derniére session d'août, combien de jeunes gens
ont fait naufrage sur cet écueil? Les échecs se sont multipliés,
parce que l'aveugle fortune, qui décide pour les sujets de compe-
—
38
—
sition éntre le latin et le français, s'est obstinée à ramener presque
toujours l'obligation d'écrire en latin. Sans doute il est regrettable
qu'une alternative d’une si grande conséquence soit livrée au ha-
sard. Mais nous avons souvent demandé, et nous espérons obtenir que désormais toutes les chances de l'examen soient égales
pour tous les candidats, et qu'on s’en tienne uniquement à la
dissertation laline, qui seule, pour témoigner des études classiques,
peut avoir une signification complète et décisive. Quoi qu'il en
advienne, jeunes gens, qu'en attendant, celte leçon de nos examens vous instruise. Cessez de vous soucier autant du programme;
brülez vos Manuels ; pour mieux préparer votre baccalauréat, ne
vous en préoccupez pas autant que vous le faites. Ne songez qu'à
faire de bonnes classes, à profiter des lecons de vos maîtres, à
former votre goût par des lectures désintéressées, à cultiver enfin:
les lettres pour le plaisir de vous instruire; et le reste vous sera
donné par sureroît.
Parmi les 48 candidats admis au grade de Bachelier és Lettres,
deux seulement l'ont été avec la mention Très-bien; ce sont MM.
Félix, de Remiremont, et Gérard, de Nancy.
Cinq autres ont été
reçus avec Ja mention Bien; ce sont MM. Gebhart, Rossignol, de
Roche, Bouché et Larziliére. Tout le reste n’a obtenu que la modeste note Assez bien. On nous trouvera peut-être bien avares de nos
distinctions, Mais ce n’est pas parti pris chez nous, afin d'en rehausser la valeur ; c'est que trop peu de candidats aujourd'hui sont
en état de satisfaire également à toutes les questions de l'examen,
. comme le réglement l'exige d'eux, pour obtenir ces mentions plus
honorables. Excellents parfois dans tout le reste de l'épreuve, ils
se montrent trop souvent mal préparés dans les questions qui
touchent à la philosophie et aux sciences. La cause de ces déplorables lacunes, vous la connaissez, Messieurs. À peine en Rhélorique, parfois même en sortant de Seconde, on voit les meilleurs
élèves de nos Lycées accourir avec une folle impatience au Bac
calauréat. Pourquoi tant se hâter? Pourquoi se privent-ils inconsidérément, en précipitant leur examen, des ressources qu'ils
devaient trouver dans leur dernière année d'études, pour s'assurer
un succès plus complet? Ah! je le sais. Îls veulent en finir plus
_.
—
39
—
vite avec le Collège; ïils déclarent que, pour leur éarriére, ‘ils -
n'ont que faire de cette logique et de ces sciences mathématiques
et physiques, dont cette derniére année est encombrée. Impru‘ dents, vous ne comprenez pas assez ce qu'à l'âge où vous êtes,
un sérieux enseignement philosophique pourrait donner de solidité à votre esprit et de fermeté à votre caracière; vous ne savez
pas combien un cours de mathématiques peut servir à discipliner
la pensée; et quant à l'histoire naturelle, à la physique et 4 la
chimie, rassurez-vous , on ne vous en apprendra que ce que
tout homme bien élevé est tenu rigoureusement de savoir aujourd'hui, pour ne pas demeurer en dehors des grandes choses de son
siècle. Comment n’étes-vous donc pas plus curieux de connaître? Et
pourquoi ne renconire-t-on pas plus souvent chez nos bons élèves
la louable ambition, non-seulement de réussir à la fois dans les
sciences et dans les letires, maïs aussi de montrer qu'un jeune
homme intelligent et studieux peut facilement atteindre à la fois
aux deux Baccalauréats,
ENSEIGNEMENT.
J'arrive maintenant, Messieurs, au tableau de notre enseigne
ment.
PHILOSOPHIE.
Il a été jusqu'ici dans la destinée de notre chaire de Philosophie, de changer souvent de maîtres. Le talent de ceux qui
en étaient chargés les faisait bientôt appeler sur un plus grand
théâtre.
Vous avez tous regretté
avec nous
M. Aîbert
Lemoine,
ce sage consommé de trente ans, qui par sa haute raison, son
amour profond du vrai et du bien, son exquise mesure, comme
aussi par sa parole si nette, si ferme, si égale à sa pensée et si
lumineuse, avait conquis sur nos âmes un ascendant souverain.
Ï laissait un héritage difficile. Mais comment se défendre contre
le jeune maître qui est venu le remplacer, et qui tout de suite nous
a étonnés et dominés par la vigueur généreuse de ses convictions,
le mouvement de son esprit, la grâce et la vivacité éloquente de
sa parole? Tout d'abord on à dû reconnaitre en lui un apôtre de
_
la vraie philosophie chrétienne.
0
—
Pour M. de Margerie,
enseigner
est un ministére sacré; quiconque a l'honneur de monter dans une
chaire et d'y élever la voix parmi les hommes doit s’en servir,
pour rappeler à ceux qui Pécoutent ces grandes vérités morales,
que notre siécle, dans son étourdissément, oublie trop aisément.
Mais croyez-vous, que, pour rester docile à l'autorité chrétienne,
il restreigne le champ
des questions philosophiques, et réduise
Fesprit humain à un rôle subalterne? Tout au contraire,
il a bien-
tôt prouvé, que la raison humaine, en se subordonnant à la foi
religieuse, y trouve un point d'appui et une force nouvelle, et
qu'elle peut désormais avancer avec d'autant plus de hardiesse
dans sa voie, qu'elle y est guidée par des principes plus solides.
Elle marche alors dans la lumière venue d'en haut, au lieu d'errer
à la lueur
douteuse
de sa propre
clarté, qui la laisse à chaque
instant incertaine, éperdue, sur le sol mouvant des opinions et
des contradictions humaines.L'année derniére, le Professeur ayant
à prendre le sujet de son cours dans la morale, a traité de l'Education ; avec quelle élévation de vues? vous le savez. El a rendu
ä l'éducation morale toute sa grandeur, en montrant qu'elle est
le travail de perfectionnement, que l’homme doit sans cesse opérer sur lui-même, pour atteindre au but suprême de ses destinées.
Or, si Dieu, qui est le principe de nos âmes, est aussi la seule fin
qui en soit digne, l’homme doit s’attacher à développer en soi les
nobles facultés, qui sont comme la marque de son origine céleste,
et à combattre au contraire ces penchants égoïstes et bas, qui se
disputent son cœur, rabaïssent
sa pensée vers la terre, et en ar-
rêtent l'élan vers son bien suprême. Ce travail sur soi-même, c'est
l'éducation, que chaque homme est tenu de se faire pour son
compte ; éducation de tous les jours, et qui ne se termine qu'a la
mort;
car chaque pas dans la vie nous met en présence de nou-
veaux devoirs, et exige de nous un nouvel apprentissage. L'éducation, comme l'entend M. de Margerie, c'est donc dans l'ordre
moral ce progrés continu, qui est la loi de notre existence ici-bas.
À quelque hauteur cependant, que le professeur relevât son sujet,
nous admirions, comme il savait dans les applications demeurer
pratique, et accommoder son enseignement à l’état actuel de nos
4
——
ET
—
mœurs et à nos relations sociales, tout en ramenant sans cesse.
devant nos yeux l'exemplaire éternel et idéal du bien. — Cette
année, où le programme l'invite à étudier quelque grande époque
de la pensée philosophique, M. de Margerie se propose de nous.
retracer l'histoire de la philosophie chrétienne, depuis les temps héroïques où elle prit naissance au milieu des persécutions, jusqu'à
cet incomparable X VIfssiécle, qui vit la philosophie enfin délivrée
des liens de la scolastique, mais toute pénétrée encore de la pensée
chrétienne, associer dans une merveilléuse harmonie la raison et la
foi,et,présidant à l'épanouissement dugénie françaisà cette époque,
marquer de sa noble empreinte les plus belles productions de la
littérature et de l'art. Le sujet est immense sans doute; maïs le
Professeur s'attachera surtout aux trois époques principales, et
aux trois grands noms qui dominent toute cette histoire, Saint
Augustin, Saint Thomas, Bossuet, lesquels semblent se donner la
main à travers les siècles, pour fonder cette école d'infaillible
sagesse.
Voilà certes,
Messieurs, une admirable
carrière à par-
courir ; et nous ne doutons pas que le talent du Professeur, autant
que l'intérêt même du sujet, ne ramëne au pied de sa chaire son
auditoire nombreux et fidéle.
|
HISTOIRE.
_
M. Louis Lacroix avait entrepris de nous retracer l'année dernière les envahissements de la civilisation européenne dans les
Indes orientales, depuis le jour où Vasco, un téméraire de génie,
ouvrait à travers des océans inconnus les routes nouvelles qui
devaient rapprocher deux mondes, jusqu’à l'époque actuelle, où
nous voyons les derniers débris de l'empire Moghol absorbés par
l'âpre domination de la compagnie
Anglaise.
Dans ce tableau, le
Professeur se plaisait à mettre en regard le génie de progrés, qui
anime les races occidentales, filles du christianisme, avec l'éternelle immobilité, qui semble enchaîner les nations de l'Asie dans
les vieux cultes des premiers âges. Mais surtout, à côté des irrésistibles conquêtes accomplies par le démon de la guerre, de la
politique ou du commerce, il aimait à nôus raconter les pacifiques
conquêtes de la parole évangélique; et à mesure qu'il pénétrait,
—
42
—
à la suite des aventuriers de la convoitise ou de la charité, dans
quelqu'un de ces vieux empires de PAsie condamnés 4 périr, il
se hâtait, avant leur chute, de nous donner une esquisse de leur
état social, religieux ou politique; et de nous montrer le genre
d'influence, que leurs envahisseurs Portugais, Hollandais, Espagnols, Français, Anglais, y avaient successivement exercée, selon
la diversité de leur génie. EE ne reculait pas non plus devant aucune des questions importantes, qui s'offrent à chaque pas dans
une pareille histoire, au sujet des destinées générales de l’humanité, et du rôle que le Christianisme est appelé à jouer dans l'ex
tension de la civilisation; graves et difficiles problèmes sans doute,
mais qu'il est toujours intéressant de poser, alors même qu'on est
impuissant à les résoudre. — Cette année, le sujet de Cours qu'il a
choisi, n’est pas moins fécond en enseignements élevés. Il revient
en France, etse propose de vous en exposer l’histoire aux XVI
et
cœur de l'Europe et le centre commun
Si
XVEÏ siècles; mais à cette époque déjà, la France est comme le
de la vie des peuples.
ce n'est pas la France qui prend toujours l'initiative dans lé mouvement ardent, qui semble à cette époque entraîner le monde vers
de nouvelles destinées, c’est elle qui y jouera le principal rôle.
Dans ses aventureuses expéditions d'Italie, elle montre déjà, combien au lendemain de la désastreuse guerre de cent ans, elle renferme de séve et de vie prêtes à déborder au dehors. Son ambition excite entre elle et la maison d'Autriche une rivalité, qui va
embraser l'Europe entiére. Mais, pendant ce grand conflit, couve
dans l'ombre, au sein même de l'Église, le germe d’une autre lutte
bien autrement acharnée et sanglante, et où il ne s’agit plus seulement de l'ambition des princes et de l'équilibre des états, mais
où tous les fondements religieux et politiques, sur lesquels reposait la vieille société, sont ébranlés. Luther à inauguré le rationalisme dans le monde. On sait combien la France surtout fut
déchirée par ces guerres civiles et religieuses, qu'avait provoquées
apparition du protestantisme, Mais enfin Henry IV profita de
l'épuisement des partis, pour y mettre un terme. M. Lacroix exposera avec détail la restauration politique et administrative de
la France, commencée sous les auspices de ce prince habile, con-
_—
33
—
tinuée par le génie de Richelieu, et. qui doit aboutir à la splendeur:
et à la puissance de Louis XIV. Il s'arrêtera en particulier au
tableau de ce rêgne, qui semble avoir pour un temps réconcilié
dans sa majestueuse unité tous les éléments qui fermentaient dans.
la confusion de l'âge précédent. Gette histoire, sans doute, à été.
souvent
refaite
: mais
elle pourra
l'être souvent
encore
avec
avantage. Elle ne saurait être de sitôt finie; car les événements
des siècles suivants viennent l'éclairer chaque jour d'une lumiére
nouvelle, et nous en faire sentir les conséquences prolongées.
Combien, en effet, de questions sociales ou religieuses, soulevées
par le XVI siècle, et auxquelles le XVII n’a donné qu'une solution provisoire, jusqu'à ce que la révolution française ies tranchât violemment? combien d’autres, sous le poids desquelles notre
âge se débat encore douloureusement, et dont le secret redoutatable se cache encore dans les mystères de l'avenir? À mesure que
le temps marche, l'horizon de l’histoire s'étend, les points de vus
changent. C'est ainsi que le progrés de la vie nous instruit à modifier les jugements de notre jeunesse.
LITTÉRATURE
ANCIENNE,
M. Emile Burnouf a consacré le premier semestre de son cours
à compléter son tableau du génie et des arts de Ja Gréce au siècle
.de Périclés. Après avoir étudié suceessivement les progrès de
lhistoire avec Hérodote, Thucydides et Xénophon, il s'est ensuite
attaché aux philosophes, ou plutôt à Platon, dans lequel il s’est
plu à considérer principalement l'artiste inspiré, qui, aprés un
siécle de chefs-d'œuvre, en révèle la divine théorie, et, ravi sur
les ailes de feu de son génie, en va dérober les secrets jusque
dans le sein de Dieu. An deuxième semestre, il nous a transportés
dans l'Italie antique, et nous à montré Rome, au premier contact
de la Grèce, comme éblouie de la splendeur de cette civilisation
étrangère, s'abdiquant en partie elle-même pour se parer des arts
et des sciences des vaincus. Lucrèce devait d’abord attirer ses
regards, comme l'un des plus anciens et peut-être le plus grand
des poëtes de Rome, Lucréce, qui tout en développant dans ses
vers les sombres et désolanies doctrines d'Bpicure, nous ravit à
—
4h
—
son enthousiasme, ou remue si profondément nos âmes, soit qu'il
célèbre avec ivresse les conquêtes de la raison humaine, soit qu'il
contemple les spectacles de la nature avec une voluptueuse et
irrésistible mélancolie.— Cette année,le professeur va poursuivre
cette histoire des lettres en Italie. H étudiera d'abord les essais
d’épopée nationale, qu'y provoque l'exemple d'Homére, depuis
Ennius jusqu'à Virgile, et simultanément les efforts impuissants
des vieux poëtes Latins, pour transporter et naturaliser sur le sol
du Latium les merveilles de la tragédie Athénienne. Rome sera
plus heureuse dans ses tentatives, pour s’approprier les idées phiJosophiques des Grecs, et imiter leurs compositions historiques.
Mais la philosophie même, pour se faire accepter de ce peuple
romain, qui cherche partout lutilité pratique, devra descendre des
hauteurs. de la métaphysique et se borner à la morale. C’est dans
l'histoire seulement, que le génie Latin pourra vraiment rivaliser
avec le génie Grec : Aussi Salluste, Tite-Live, Tacite arrêterontils de préférence le Professeur. Ce n’est pas, néammoins, qu’en
embrassant un si vaste cadre, il puisse entrer dans la critique détaillée de tant de grandes œuvres. H se propose surtout d’y rechercher les traits propres du génie romain, en opposition avec
le génie de la Grèce, qui a été jusqu'ici l'objet de son étude.
Comment se fait-il que Rome, si supérieure par son esprit politique, ses lois et ses mœurs, semble impuissante pour tout ce qui
tient aux arts, et végête dans la barbarie, jusqu’à ce qu'éveillée
enfin au souffle de la Gréce elle cherche à s'approprier les œuvres
de cette civilisation brillante, qu'elle copie avec une docilité plus
ou moins maladroite? Jusqu'à quel point, en prenant au peuple
Grec, avec ses autres dépouilles, ses sciences et ses arts, a-t-elle
su les assimiler à sa propre raison, et accommoder à son esprit
positif ces libres créations de l'imagination hetlénique ? De quelle
maniére enfin, ces productions de la Grèce, importées sur le sol
du Latium, s'y sont-elles encore transformées sous l'influence des
révolutions survenues dans l'état politique, dans les croyances
religieuses.
et dans les mœurs, depuis les guerres puniques, jusqu’à la chute de la République? C’est à ce point de vue, bien
digne des méditations d’un homme de goût et d’un sage, que
M. Burnouf étudiera surtout le développement des lettres Latines.
Combien il sait, avec ces aperçus élevés et ces comparaisons lit.
téraires, rajeunir les études dè l'antiquité classique, c'est ce que
peuvent apprécier seulement les auditeurs de son cours, Son érudition, aussi variée qu'étendue, lui offre à chaque pas les rapprochements les plus curieux. — Du reste, l’activité originale de son
esprit ne se déploie pas seulemeñt dans son enseignement. Pendant qu’il nous apprend à goûter mieux Îles Hittératures grecque et
latine, il envoie à l'Académie des sciences un Mémoire sur la
vitesse de l'électricité; il publie un ravissant épisode du Mahäbarata, l'histoire de Nala; et prépare l'impression d’une grammaire
sanskrite élémentaire, où il ramène le mécanisme de cette langue
primitive à ses lois les plus simples, avec un instinct du génie des
langues qui semble un héritage dans sa famille.
En même temps,nous
voyons paraître de lui un vaste plan de l'antique Athènes, où il
reléve,avecune scrupuleuse sagacité, sur les rochers qui entourent
l'Athènes moderne, les moindres traces des anciennes constructions. { semble ainsi, qu'après avoir fait un plus long séjour que
nous en Orient, il se charge d'acquitter pour tous la dette de la
science.
LITTÉRATURE
FRANÇAISE.
Dans ce cours, nous avons entrepris de retracer depuis le commencement l'histoire des lettres en France. L'an dernier, nous
exposions leurs variations et leurs progrès tumulineux au milieu
des tempêtes religieuses et politiques du XVI siècle. C'est avec
complaisance que nous nous arrêtions auspectacle de cette époque,
qui a tant d’analogie avec la nôtre, et où il est si intéressant d'observer l'influence des événements sur les œuvres de la pensée;
nous étions curieux d'assister ainsi au laborieux enfantement du
monde moderne. Où pouvait-on d'ailleurs mieux suivre qu'en
France cette lutte opiniâtre engagée entre le génie de l'avenir et
le génie du passé? La France est destinée à être éternellement le
foyer des idées, le champ de bataille des principes; c'est là surtout qu’on vit aux prises l'esprit de nouveauté avec la tradition,
ue
46
|
la raison avec la foi, les théories démocratiques avec les vieux
préjugés de la monarchie, la civilisation payenne avec les croyan-
ces catholiques, et le génie national comme subjugué par l’imitation de l'antiquité ou de l'Etalie. Nous nous sommes assis, pour
ainsi dire, au bord de ce confluent orageux, où tous les courants
de la civilisation antique et moderne, l’art des anciens et la pensée
du moyen âge, la philosophie chrétienne et la sagesse retrouvée
de la Grèce et de Rome, venaient se réunir, pour former sous
Louis XIV ce grand et majestueux fleuve, où l’Europe toute entièrea puisé.—Aprés avoir ainsi amené celte histoire jusqu'au seuil
du grand règne, c'est là, que, cette année, nous nous proposons
de la reprendre. Nous sommes enfin arrivés à l'heure incomparable, où l'esprit français, comme s’il'eût rencontré pour un ins-
tant, entre les influences diverses qui le sollicitaient, l'harmonieux
équilibre
qui convenait
le mieux
à son tempérament,
maître
enfin de lui-même, va prendre son puissant essor, et enfanter
celte liltérature glorieuse, dont la France peut avec orgueil op
poserla splendeur aux plus beaux siècles de l'esprit humain. Nous
comptons passer l'année entiére dans la compagnie des beaux
génies
de
cette
époque.
Est-ce
trop?
Pour
nous,
aprés
avoir
goûté de leur noble commerce, nous voudrions ne les quitter plus
jamais,
LITTÉRATURE
ÉTRANGÈRE.
M. Alfred Mézières retraçait l'an dernier l'histoire de la Poésie
en Angleterre, depuis Chaucer, jusqu'à la fin da XVII siécle.
. L'époque de la reine Anne, où la litiéraiture Anglaise est à son
tour entraînée dans l'imitation de la France; mais particulièrement le temps d'Elisabeth, où le génie britannique, fécondé par
l'antiquité, avait éclaté en productions si originales, l'ont de préférence arrêté dans sa revue. Shakspeare, surtout, l’a retenu.
Une fois que cet enchantear vous tient, comment s'en déprendre?
Mais quelle étude, d’ailleurs, plus intéressante et plus instructive,
que de comparer ce glorieux choryphée du drame romantique
avec les maitres de notre scène? et comme ici, toutes les grandes
questions de l’art venaient s'offrir en foule au Professeur? — Cette
»
nn
47 ee
ps
année, c'est l'Allemagne, que ce jeune maitre cosmopolite a choisie
pour le sujet de son cours, la mystérieuse Allemagne, qui, bien
que notre voisine, se dérobe plus à nos yeux par les étrangetés
de son génie, et la demi-obscurité qu'elle aime à laisser flotter sur
ses œuvres, que si elle était reléguée aux confins du monde.
Gar
ne dirait- on pas, au tour contemplatif et rêveur de son imagina—
tion, à son caractère à la fois enthousiaste et impuissant, au sentiment si mélancolique qu'elle garde de ia poésie de la nature, à
sa langue enfin, vraiment primitive, et si propre à retenir dans le
clair obscur les vagues aspirations de sa pensée, ne dirait-on pas,
que la race germanique est encore assise aux bords du Gange, qui
fut sans doute son berceau? Le professeur s'efforcera de nous
initier aux secrets de ce génie si élaïgné-du nôtre. Laïssant derriére Jui dans la nuit du moyen âge les chants des Minnesängers,
il commencera l'histoire de la Littérature Allemande au moment,
où Luther, d'une plume hardie, s'adressant dans leur langage aux
peuples qu'il veut soulever, fait de ce jargon populaire, jusqu'ici
délaissé, une langue désormais propre à l'éloquence et à la poésie.
H passera rapidement sur le siècle suivant, où la Muse Allemande
ne sait encore que copier gauchement la France, pour arriver au
XVIIE siécie, où l'on voit enfin l'Allemagne, à force d'érudition,
de critique et de patriotisme, se créer une littérature nationale.
-Le Suisse Bodmer a donné le signal. À sa voix une jeunesse généreuse à fressailli. Voici le jeune Klopstock, qui essaie d'accorder
la harpe des vieux bardes, ou de répéter dans sa langue les cantiques du ciel : voici Wieland, qu'on a nommé le Voltaire de l'AIlemagne; voici Lessing, Winckelmann, Herder, qui apportent du
génie dans la critique; Schiller et Gœthe dominent le groupe, et
forment à eux seuls toute la poésie classique de l'Allemagne. Ces
maîtres de l’art germanique, les deux derniers surtout, seront
étudiés, avec respect à la fois et liberté, dans leurs fhéories aussi
bien que dans leurs œuvres. Il y a chez eux de quoi justifier l'ad=
miration de leurs compatriotes. Mais, tout en cherchant à vous
faire goûter tout ce qu'on découvre souvent de rêverie profonde,
et de sentiment exquis de l'invisible, dans les conceptions et le langage de cette poésie, le professeur fera justice de celte vague et
—
48
—
ambitieuse phraséologie, par laquélle les écrivains d'outre-Rhin
se font souvent illusion à eux-mêmes; il dissipera ce vain mirage,
qui n'est propre parfois qu'à dissimuler une idée commune, et
fera évanouir à la pleine lumière beaucoup de pensées, qui ne
semblaient profondes, que parce qu’elles restaient plongées dans
les ténèbres d'une expression énigmatique.
ÉCOLE DES SCIENCES APPLIQUÉES.
Dans ce tableau d'ensemble des Cours, que la Faculté des Let.
tres ouvre au public de cetté ville, ai-je tout dit? Non, Messieurs.
Outre cet enseignement principal, outre ses Conférences pour la
préparation de la Licence, la Faculté a pris amplement sa place |
dans les Cours qui se fontà l'École des sciences appliquées. Dès
Van dernier, M. Lacroix a bien voulu s'y charger du Cours d’histoire de France; pour moi, je me suis réservé le Cours de Littérature. Gette collaboration cependant n'a produit jusqu'ici que des
résultats médiocres. C’est que nous n'avions pu d'abord, à l'imitation de nos collégues, transporter nos Cours à la fin de la journée,
et, comme eux, y convier librement les jeunes gens de cette ville,
curieux de s'instruire, mais qui, engagés déjà dans les carrières
industrielles, et absorbés tout le jour par le travail dé leur profession, n'ont qu'au soir le loisir de venir chercher ici l'instruction
qu’on leur offre. Cette année, nous suivrons l'exemple de nos
collègues : nos Gours spéciaux se feront le soir. Nous sommes
trop frappés de ce que l’enseignement scientifique laisse de lacunes
“dans lesprit, et offre même de dangereux, quand il n’est pas
complété par l'enseignement fittéraire, pour que nous n’apportions pas tout notre zêle à ces nouvelles fonctions. Comment,
d’ailleurs, ne pas être touché de l’ardeur et de l'intelligence, avec
lesquelles la jeunesse de cette ville a répondu à l'appel généreux
qu’on lui faisait? Quoique des cours d’histoire ét de littérature ne
semblent point leur promettre la même utilité immédiate, nous ne
doutons pas néanmoins, que ces studieux jeunes gens ne goütent
ces fruits d’une autre nature, qu’ils en doivent retirer. Artistes,
industriels, commerçants, ils sont en outre citoyens et fils de la
patrie française; et, à ce titre, ils sentiront qu’ils sont tenus de ne
_—
49
—
point rester élrangers au passé de la France. Tous aussi comprendront, que, s’il y a un art de mieux exprimer ses pensées, tout
je monde est intéressé à s’en instruire. Îls apprendront du même |
coup à goûter le commerce de ces esprits d'élite, auprès desquels
l'âme s’agrandit, en même temps que l'esprit s'éclaire, et pourront
reconnaître
combien
Fhomme,
sigrand par les conquêtes de la
science sur les forces de la nature, est plus grand encore par ses
découvertes et ses créations dans l'ordre moral.
Plus notre siècle devient positif, plus notre vie s’enferme dans
une médiocrité monotone
et vulgaire, et plus nous avons besoin,
pour relever notre âme et en maintenir l’équilibre, de nous mé-
nager comme un refuge, où nous puissions par intervalle respirer
un air plus pur, et retrouver quelque chose de ce monde idéal,
auquel notre cœur aspire loujours, comme soulevé par le mystérieux mais irrésistible sentiment de sa divine destinée, et dont ül.
poursuit en vain le fantôme à travers les choses d’ici-bas. Or, cet
asile nécessaire, où donc pouvons-nous le trouver, aux heures de
fatigue et d’aridité? sinon dans la culture des bonnes lettres et
Pentretien de ces écrivains de génie, qui n’ont été si grands, que
parce qu’ils ont su pénétrer plus avant dans les mystères de notre
nature morale, ou saisir et révéler aux hommes dans un divin
langage quelqu’une des éternelles vérités? Aussi, vous tous, que
le mouvement des affaires et la frénésie des spéculations ne sau-
raient entièrement absorber, vous qui ressentez parfois un dégoût
salutaire de la vie commune et l'inquiétade de Pidéal, venez, et
vous trouverez dans le commerce des lettres ce doux refuge, que
vous souhaitez. Que nos Facultés soient pour vous comme ces
lieux d'asile que l'Église, au moyen âge, ouvrait non-seulement
aux proscrits du monde, mais à tous les cœurs tristes, qui venaient
s’y recueillir et s’y retremper, pour rentrer ensuite plus forts à la
fois et plus doux dans les luttes de la vie. Pourquoi donc le Gouvernement, au moment même où il donnait aux sciences positives
et à leurs applications une telle impulsion, s’est-il dans sa sagesse,
appliqué à restaurer et à multiplier sur le territoire de la France
ces Facultés destinées à ranimer et à entretenir la religion des
lettres? C'est qu’il y voyait comme autant de sanctuaires consaà
.
—
50
—
crés au culle des idées morales; et qu’il a pensé, qu’aprés la
religion, rien n’était plus propre encore, que ce haut enseignement
littéraire, à contre-balancer les tendances matérialistes de notre
siècle, et à rappeler les esprits vers les régions sereines, où germent les bonnes et les grandes pensées. Jusqu'à quel point sommes-nous entrés, pour notre part, dans ce noble dessein du chef
de l’État, et du jeune et regrettable ministre, qui comprenait si
bien la vertu morale des lettres? vous avez pu lPapprécier vousmêmes, Messieurs. Nous ne sommes plus nouveaux-venus parmi
vous; et l'esprit qui préside à notre enseignement vous est connu.
Vous le savez; si en étudiant les grands penseurs de tous les
temps nous essayons de nous rendre compte de leurs méthodes de
composition et des secrets de leur art, pour en faire notre profit,
nous nous altachons bien plus encore à remonter autant que nous
le pouvons, aux sources mêmes où ils ont puisé leur inspiration,
et à nous pénétrer des nobles sentiments qui ont fait leur éloquence;
ou à relever avec eux nos regards vers ces grandes idées morales,
qui sont comme les rayons de infinie beauté, et dont la contemplation a enflammé leur génie. Pour nous, en effet, nous sommes
convaincus que la beauté dans les arts n’est que le reflet du bien,
et que l’éloquence est une des formes de l’héroïsme. Et nous estimons qu'un Cours de liitérature n’a qu’à demi rempli son but, si
ceux qui n’y sont venus chercher qu’un délassement d'esprit ou
une leçon de goût, n’en sortent pas en même temps meilleurs.
SUR
_ L'ANNÉE
co LAIRE 1855-56
PRÉSENTÉ PAR M. Er. SIMONIN
DIRECTEUR
DE
LÉCOËE
DE
MÉDECINE
EŸ
DE
PHARMACIE
AU
… CONSEIL ACADÉMIQUE
BANS
LA
SESSION
DE NOVEMBRE
1856
M, re Recreus,
MESSEIGNEURS,
” MESSIEURS,
Lors des séances annuelles qui ont précédé cette réunion, j'ai.
eu l'honneur de vous soumettre les vues générales qui règlent
tous les détails de l'organisation de l'École et les décisions qui
ont, successivement, constitué un système disciplinaire regardé,
aujourd'hui, comme complet. Je puis donc vous parler de l’année
scolaire qui vient de s'écouler d'une manière plus large que par
le passé: je puis aussi être plus court.
Le 7 août 1835, une circulaire ministérielle enlevait aux écoles
de médecine le droit, reconnu depuis quinze années, de constater
définitivement les résultats des examens annuels, et, en portant
une sérieuse alleinte à la considération de ces écoles, elle replacait les élèves de premiére et de seconde année sous un contrôle
étranger. Celte décision, qui éloigna sur-le-champ de Nancy un
mr
HD
grand nombre d'éléves (1), faisait prévoir, avec certitude, une
ruine prochaine de l'École ; etl'on ne peut être étonné-que l’annulation
de la circulaire, qui avait eu, déjà, une
conséquence
si
fatale, soit indiquée avant tous les autres faits qui se rapportent à
l'exercice 1855-56. C'est d’ailleurs, aujourd'hui, un devoir de vous
faire connaître que M, le Ministre, mieux éclairé, n'a pas hésité
à accomplir, hautement, un acte de réparation et de justice, et
que, par un arrêté, en date du 18 avril 1856, il a restitué aux
Écoles le droit de jugement définitif, lors des examens de fin
d'année. Le sentiment de gratitude de l'École eût été exprimé
certainement, lors même que $. Exe. M. Fortoul eût encore pré- sidé aux destinées de l'instruction publique, mais la mort est
venue fournir la triste facilité de donner une libre expansion à ce
sentiment, en même temps qu'une certitude de sa sincérité.
Bien que le péril qui vient d'être signalé n'ait été écarté, en
principe, qu'au mois d'avril dernier, l'École, attristée, n’en a pas
moins poursuivi la réalisation de plusieurs des améliorations prévues par le décret constitutif de décembre 1854, Ainsi, le cadre
des huit professeurs titulaires a été complété, et le concours st
empressé de l'administration municipale a permis à MM. Béchet
et Demange d'échanger le titre d'adjoint contre celui de professeur titulaire, que treize années de travaux à l'École de Nancy
leur avaient si bien mérité. Le nombre des professeurs suppléants
a été également régularisé, et, aujourd'hui, quatre professeurs,
cultivant chacun, d'une maniêre spéciale, certaines branches des
connaissances médicales, sont chargés d'assurer, contre toutes
{1) Les élèves, pendant P année 1855-56, ont été au nombre de 33, divisés
ainsi qu'il suit :
19 Elèves en médecine : 47° année, 18 élèves;
année, 9 élèves,
2e année,
18 élèves;
è
3e
20 Elèves en pharmucie : ÎTe année, 5 élèves; 2e et 5e années, 5 élèves.
Le chiffre des inscriptions a été, pour l’année entière, 174,
Sous le rapport du titre à obtenir, les élèves ont été divisés en: 37 futurs
docteurs; 8 futurs officiers de santé; 4 pharmaciens de 47 classe; 6 pharmaciens de 2 classe. — Des B5 élèves, 29 étaient bacheliers ès sciences, et de
ces 29 élèves, 6 étaient bacheliers ès lettres,
—
les éventualités, la continuité
aux- professeurs titulaires. Il
titres acquis par M. le docteur
de clinique, et qui lui ont valu
53
—.
de l’enseignement qui a été confié
n’est pas besoin d'insister sur les
Xardel, dans les fonctions de chef
la suppléance des cours de patho-
logie interne et de clinique médicale, car là vie de notre hono-
rable confrère s’est passée au milieu de nous, depuis sa sortie du
corps de la médecine militaire. Je dois, au contraire, vous faire
connaître M. le docteur Bastien, chargé de suppléer le professeur d'anatomie et de physiologie, parce qu'il est complétement
étranger à Naney. Notre nouveau collaborateur, que des devoirs,
contractés avant sa nomination à l'École, fétiennent encore, pour
quelques semaines, loin de nous,a conquis, parmi les plus hautes
notabilités scientifiques, le renom d’un analomiste sérieux, infatigable; et ses préparations ont, par leur remarquable valeur,
contribué à enrichir le musée de la Faculté de médecine de Paris:
Une nouvelle fonction a, aussi, été créée à l'hôpital St-Chärles,
et M. le docteur Eugène Bertin a été nommé chef de clinique
dans le service chirurgical.
Ces modifications heureuses, opérées dans le personnel enseignant, amènent, naturéllement, à vous parler, Messieurs, de
celles que l'administration des-hôpitaux civils à bien voulu réàliser, en faveur des élèves, dans le régime intérieur de l'hôpital
des cliniques, Des places d'internes ont été créées; un réglement:
a été rédigé pour donner à l'administration toutes les garanties.
de savoir, d’exactitude et de moralité que l'on doit exiger däns.
l'accomplissement de fonctions importantes, et, en janvier der-
nier, à la suite d'un concours, M. Brocard a été nommé à l’ho-
pital St-Charles, au moment où la haute bienveillance de M. le-
Préfet pour l'École appelait M. Sizaret, l’un de ses élèves, à.
prendre place dans l'internat de l'asile public de Maréville-
Nous sommes heureux de voir d'honorables traditions se perpétuer parmi les élèves, et de pouvoir ajouter des noms nouveaux.
à ceux qui, déjà, vous ont été cités, soit à l’occasion de nobles dévouements dans la pratique civile, pendant les diverses épidémies
de choléra, soit à l'occasion de longs services rendus dans les
hôpitaux militairés qui ont reçu la moitié de nos éléves pendant
la campagne d'Orient.
—
54
—
Cette glorieuse guerre a motivé une transformation des institutions médicales militaires qui est devenue, pour l'École, le
motif de nouveaux
devoirs,
en vue de coopérer à une récente
organisation. Le gouvernement, convaincu que le nom de médecine militaire ne peut avoir de rapport qu'avec
non point
désormais,
s'exercer
armées. Il
une inslitution et
avec la science qui est une et invariable, a voulu que,
l’unité vint régner dans l'art médical, soït qu'il dût
dans les cités, dans les campagnes ou au milieu des
a compris que le médecin, ou le chirurgien, éclairé par
un enseignement
bien ordonné,
et riche
des leçons
de l'expé-
‘
rience clinique, était également habile à remplir son utile ministère sur tous les individus, dans toutes les circonstances
et dans
tous les lieux. C'est, en conséquence de cette idée vraie, et par.
cela même élevée, que le décret du 12 juin 1856 a décidé que
les jeunes gens qui se destinent à la médecine militaire seraient,
aprés deux années d’études, soumis à un concours pour ladmission dans le corps de santé, et qu'ils termineraient leur éducation
médicale et acquerraient les grades universitaires dans des centres
déterminés où, en même. temps, ils seraient formés à la subordination qu'implique toute hiérarchie, et prendraient la connaissance des réglements émanés de l'intendance.
C’est à la Faculié de médecine de Strasbourg, puis au Val-deGrâce, à Paris, que se rendent, aujourd'hui même, les élus à
la suite des concours, et nous savons que, dans la liste d'admission, les élèves de Nancy, qui ont abordé les épreuves, on£
été classés trés-favorablement {1}. Ces élèves vont ainsi, dans
notre contrée, continuer la tradition
de recrutement
la médecine militaire.
(4)
Admissions dans le corps de santé.
ire année, à Strasbourg :
M. Bouramirr, |
M. CHATELAIN.
2e année, à Strasbourg:
M. Duranr.
Au Val-de-Grâce de Paris :
M. SPrEMANx.
sérieux dé.
+
—
LE
99
7
Ce n'est pas d'aujourd'hui seulement, en effet, que “PÉcole de
Nancy fournit des membres distingués 4 ce corps, qui, depuis
Henry IV, s'est successivement élevé au degré de splendeur où
il est arrivé pendant les grandes guerres de l'Empire, et beaucoup de nos concitoyens ont acquis, dans cette partie de l'armée,
une juste célébrité, en s'inspirant du dévouement de ce grand
Ambroise Paré, à qui le siége de Metz donna l’occasion de reconnaître, le premier, le traitement le plus convenable aux
blessures causées par les armes, qui, depuis linvention de la
poudre, ont changé toute la tactique militaire.
Au temps où quatorze armées françaises repoussaient les efforts
de la coalition européenne, un des hommes qui, déjà, comptait
au nombre des illustres chefs de la chirurgie militaire de cette
grande époque, Perey, qui, plus tard, devait compter parmi les
barons de l'Empire, adressait au chirurgien en chef des hôpitaux
civils et militaire de Nancy, un hillet que je demande la permis
sion de vous lire ; il conlient une affirmation qui, je l'espère, me .
fera excuser de citer un nom propre: « Je salue bien cordiale.
» ment mon estimable et cher coafrére Simonin, et j'ai recours à
» Jui pour avoir quatre ou six bons élèves de sa façon. L’espéce
» en est bonne à Nancy, et j'eus loujours à me louer du choix du
» cher confrère, à qui je n'ai que le temps de faire d'avance mes
» remerciments et de dire que je suis toutà lui, » Le 10 vendémiaire an XIV (2 octobre 1805), Percy, devenu inspecteur général à la grande armée, rappelait au fondateur de notre École,
dans une longue lettre dont je conserve les expressions, les bons
collaborateurs fournis par ses soins et par ses leçons, et lui des
mandait des jeunes gens instruits et en état de le seconder pen
dant la mémorable campagne qui commençait: et J.-B. Simonia
envoyait à Percy de ces élèves qui, ainsi qu'il se plaisait lui-même
à le dire, ne pouvaient Ini donner que de la satisfaction.
Je regrette de re pouvoir, Messieurs, vous parler plus long.
temps de cette brillante époque de la chirurgie militaire, rappelée
surtout par les noms de Larrey, de Percy, de Desgenette, et je
m'éloigne, à regret, de ces mâles caractères que notre dernière
guerre a fait mieux comprendre, en montrant, dans les hommes
—
56
—
|
d'aujourd'hui, les vertus et le savoir que nous admirons dans les
hommes d'élite pour lesquels la postérité est commencée, et que
TEmpereur appelait, à si juste titre, ses braves chirurgiens. Aux
‘uns comme aux autres, s'applique cette affirmation, contenue
däns le rapport de l'état-major, après la bataille d'Eylau : que les
chirurgiens de l’armée ont fait tout ce que la saison, le pays et
les circonstances n'ont pas rendu physiquement impossible. Pendant les deux dernières années, n’avons-nous pas, eu effet, contemplé les plus hautes abnégations? Combien de fatigues sur
montées par les chirurgiens militaires, forsqu'aprés de longues
marches commencaient de nouveaux devoirs! combien leur in-.
telligence ne s'est-elle point exercée, plus vive que jamais et
pendant de longs jours, après les sanglants combats dont ils ont
partagé les périls? et notre admiration peut-elle étre assez grande
pour ces confréres héroïques, dont plusieurs furent nos amis,
quand, aprés le bruit des batailles, dans le repos inquiet des
camps, au milieu de sinistres épidémies, ils cherchaient à relever
Île moral de ceux dont ils sentaient qu'ils partageraïent bientôt Hà
triste destinée, en devenant, comme eux, la victime de fléaux
meurtriers ?
‘
Mais il faut que je dise comment l'École de Nancy veut que
l'espéce des médecins militaires, suivant l'expression de linspecteur généralà la grande armée, reste bonne à Nancy. Le 25 du
dernier mois d'octobre, le chef éminent de notre Académie, toujours préoccupé des intérêts de l'enseignement médical, a rendu
officiel un nouveau règlement d'études qui offre aux futurs chirurgiens d'armée foutes les facilités nécessaires d'instruction, en
vue des concours d'admission. Cette catégorie d'étudiants, ainsi
que tous les autres éléves de l'École, recevront, dans les cours
de chimie générale, de chimie médicale, de physique, de botanique et de zoologie, fortifiés par des exercices pratiques, un
enseignement scientifique qui ne paraît laisser rien à désirer, par
suite de l’union de l'École, plus intime encore que par le passé,
avec la Faculté des sciences. La coordination des dix autres
cours, consacrés spécialement aux sciences médicales proprement
dites, donnera, également, aux futurs chirurgiens militaires, la
_—
1
—
connaissance de toutes les parties de ces sciences dont ils doivent
faire preuve aprés deux années.
Grâce à ce nouveau programme, les élèves futurs officiers de
santé recevront, en trois années, l'instruction solide qui, aujourd'hui, est exigée d'eux, à si bon droit; et les élèves qui aspirent
au'titre de docteur, trouveront, dans le nouveau cours d’études,
un parallélisme suffisant avec l'enseignement des Facultés, et, en
quittant l'École de Nancy, à quelque moment que ce puisse être
de leur temps d’études, ils pourront renouer, dans les Facultés, la
chaîne logique de leurs travaux, sans tâtonnements et sans perte
de temps. De leur côté, les éléves en pharmacie et les sous-aides
envoyés à Nancy par M. le ministre de la guerre, en vue des
facilités d'instruction qu'offre l'École, auront, à côté des cours de
sciences, l’enseignement de la chimie appliquéeà la médecine,
celui de la matière médicale, et ils rencontreront, dans un cours
spécial de pharmacie, une théorie fortifiée par une habile pratique.
Je ne m'arrête, Messieurs, ni sur les résultats des examens de
fin d'année {1}, ni sur le chiffre.des peines prononcées (2), parce
que je dois, avant la proclamation des prix et des résultats des
concours, qui sera faite tout à l'heure par M, le professeur-secrétaire de l'École, vous dire quelques mots de la session ouverte
en septembre pour l'examen ‘des quatre catégories de candidals
aux titres professionnels (3), L'École a suivi avec fermeté la réso(4) Les notes données aux élèves admisà examen de fin d’année, à raison
de leur temps de scolarité, ont été les suivantes : 2 fois la note érès-satisfait ;
8 fois la note bien satisfait; 16 fois la note satisfait; 8 fois la note médiocrement satisfait; À fois l’ajournement.
(2) 28 fois un avis officieux a été envoyé; 21 fois un avis a été rendu officiel;
15 fois la réprimande officielle a été prononcée; 3 fois l'inscription trimestrielle
a été annulée.
.
(3)À la session de septembre 1856, cinq candidats se sont présentés pour
obtenir le diplôme d’officier de santé. Trois ont échoué au troisième examen,
les deux autres ont été reçus avec les notes médiocrement satisfait et satisfait.
Ces cinq candidats étaient inscrits par département, de la manière suivante, au
point de vue de Pexercice: pour la Meurthe, 4; pour ia Moselle, O; pour la
Meuse, 5; pour les Vosges, 4,
” Deux candidats pour le titre de pharmacien de deuxième classe se sont pré-
—
58
—
|
|
lution qu'elle avait indiquée l’année derniére, à l’occasion des
certificats d'aptitude,
de ne tenir compte que
de la
capacité
prouvée par les examens, et elle a dû, à regret, considérer comme
nuls deux diplômes d'officiers de santé, délivrés par les Facultés
de Paris et de Montpellier.
‘
En
regard des faits qui concernent
l'enseignement,
ceux qui
se rapportent à nos collections doivent être rapidement indiqués.
Je signaleraïi, comme les plus importants, la création d'une riche
matiére médicale et les accroissements opérés dans le laboratoire
de chimie, qui, d'après le vœu exprimé par M. le maire de
Nancy, recoit, chaque année, tout ce qui doit le mettre en état
de répondre aux exigences créées par la session des examens des
futurs pharmaciens {4}. Cette partie du matériel scientifique et la
collection de géologie viennent, il y a peu de jours, d'être enrichies par suite d’un legs important fait à l'École par l'honorable
famille de M. Aimé Parisot.
Je termine ce rapport, Messieurs, en émettant le vœu ardent
de l'École, qu'un nouveau règlement ministériel, marquant nos
devoirs d'une maniére plus précise, devienne l’occasion de nouveaux progrès. N'est-il pas logique de désirer que tout éléve reçoive, dans la même école, une instruction premiére, progressive
et habilement coordonnée, au lieu de quitter des cours, après en
avoir entendu des fragments qu'il va, peut-être, retrouver encore dans les Facultés, sans avoir la certitude d'y renconirer, en
temps apportun, l’enseignement des matiéres qui font lacune dans
sentés. Tous deux ont été reeus pour exercer dans le département de la Moselle:
avec les notes : médiocrement satisfait et bien satisfait.
53 sages-femmes ont été examinées, et 6 ont échangé le diplôme reçu à Paris,
contre ie droit d'exercice dans l’un des 4 départements de Facadémie de Nancy.
Sous le rapport de la résidence, les sages-femmes du 2 degré ont été réparties
de la manière suivante : Meurthe, 24; Moselle, 45; Meuse, 10; Vosges, 10.
Aueun candidat ne s’est présenté pour obtenir le titre d’herboriste du 2° degré.
4
(43 916 fr. ont été affectés à la matière médicale; 256 fr. 25 ont été attribués.
à la collection de Panatomie normale; 68 fr. ont servi à transformer le matériel
de la collection de tératologie et d’embryclogie. Le laboratoire de chimie a reçu
en 1854-55, la somme totale de 405 fr. 85, et en 1855-56, celle de 312 fr.
—
son instruction? Aprés
59
—
trois années passées. dans les écoles -de -
province, et qui doivent suffire au futur officier de santé, deux
autres années ne seraient-elles point suffisantes à l'élève futur
docteur, pour puiser dans les Facultés, avec une maturité d'appréciation qui lui fait défaut, nécessairement, lors de ses premiéres études, des aperçus nouveaux sur les objets de ses travaux
antérieurs, et pour agrandir ses connaissances dans certaines:
parties spéciales des sciences médicales? La justice rendue aux
écoles de médecine, le 18 avril 1856, après un examen approfondi, est pour elles le garant de la protection efficace qui doit,
désormais, s'étendre,
de
plus en
plus, aux travaux sérieux des
centres secondaires, et elle donne le légitime espoir de voir le
fatur réglement d'études remplir la condition de résulter de la
nature même des choses que Montesquieu a indiquée comme la
base de toute bonne législation.
PRIX ACCORDÉS PAR S. E. M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION
PUBLIQUE. —— MENTIONS HONORABLES. — RÉSULTATS DES
CONCOURS.
|
LL
Prix et Mentions honorables.
Les Professeurs de FÉcole de médecine, réunis en conseil, le 5 novembre 1886,
ont décerné lés récompenses
suivant :.
annuelles
dans
l'ordre
40 ÉLEVES EN MÉDECINE.
PREMIÈRE ANNÉE D'ÉTUDES.
4% prix. M. Laurewenr (Edmond), de Nancy (Meurthe).
® prix. M. Benc£ (Théophile), de Lebeuville (Meurthe), .
DEUXIÈME ANNÉE D'ÉTUDES.
Priz ex œquo.
M. Bourreirr (Camille), de Nancy (Meurthe).
M. CnarTeLain (Gustave), de Blainville (Meurthe).
Mention honorable.
M. Guénarp (Alphonse), de Cirey-le-Château (Haute-Marne),
Prix spécial pour la redaction des observations cliniques.
M. Bourræirr (Camille), de Nancy (Meurthe).
Mention honorable.
M. GuénanD (Alphonse), de Cirey-le-Château (Haute-Marne).
àà
.
29 ÉLÈVES EN PHARMACIE.
Prix unique.
M. Vounrzemm (Charles), de Bourmont {Haute-Marne}, élève de
2° année.
Mention honorable.
M. RecuLarto (Charles), de Sarreguemines (Moselle), élève de 2°
année.
Mésultats
des
Concours.
À la suite du concours ouvert, le 14 janvier 1856, pour la placé
d’interne dans le service de la clinique chirurgicale,
M. Brocar» (Valentin), de Rogéville (Meurthe), a été nommé
terne à l’hôpital Saint-Charles.
in-
À la suite du concours ouvert, le 8 novembre 1856, pour deux
places de préparateur-aide des cours d’anatomie et de physiologie, ont
été nommés :
M. Brera (Théophile), de Lebeuville (Meurthe), premier prépa-
rateur-aide.
M. LazuemenT (Edmond), de Nancy (Meurthe), deuxième prépara-
teur-aide.
À la suité du concours ouvert, le 6 novembre 1856, pour la place
d’aide des cours de médecine opératoire et de déligation,
M. BernanD (Prosper), de Montmort (Marne), a été nommé aide de
ces cours,
|
ROLONENDSS
Naney, imprimerie de Grimblot, veuve Raybois et Comp.
Fichiers
seance_rentree_1856_complet.pdf, application/pdf, 3,08 Mo,
Classe
Document
Université Impériale / Académie de Nancy. (1856). Rentrée solennelle des Facultés des sciences et des lettres et de l'École de médecine et de pharmacie de Nancy, le 15 Novembre 1856. https://histoire-universite-nancy.fr/s/una2gm/item/8450, accès le 19 mai 2022