André WAHL
André WAHL (1872-1944)
Professeur de chimie appliquée
André Raoul Wahl est né le 18 décembre 1872 en territoire annexé, à Colmar, de Raphaël Wahl (1837-1894) et Marie Anne Hauser (1832-1938). De confession juive, son père exerce la profession de commerçant. En 1883 ou 1885, la famille revient en France et s’installe à Nancy. En demeurant en territoire annexé, les parents d’André Wahl ont perdu la nationalité française. André Wahl, quant à lui, est naturalisé en octobre 1893. Il épouse à Bâle, le 27 décembre 1906, Andréa Suzanne Dreyfus (1886-1939). De cette union naîtront trois enfants : Alice (1908-1982), née à Lille, qui épousera en 1930, à Enghien-les-Bains, Edmond Willard, un ingénieur centralien, Henri (1909-2001) et Berthe Régine (1911-2010) tous deux nés à Nancy. En 1938 son fils Henri, alors chef de travaux pratiques au Conservatoire national des arts et métiers, épousera Erica Grünfeld, une élève de son père d’origine roumaine.
André Wahl entre à l’École professionnelle de l’Est, établissement laïc, professionnel et privé, fondé par Henri Loritz, et soutenu par la mobilisation généreuse de parlementaires, industriels, commerçants et artistes progressistes constitués en société anonyme. En 1885 elle a un nouveau directeur, Jules Wohlgemuth*, universitaire, assisté d’un conseil de perfectionnement dont sont membres les doyens des facultés de Nancy. La scolarité est de cinq ans, et l’école, qui ne recrute pas ses élèves qu’à Nancy, prépare à de nombreux concours.
Bachelier en 1889, licencié de sciences physiques en 1892, André Wahl entre à l’Institut chimique de la Faculté des sciences de Nancy, qui a accueilli ses premiers élèves en 1889. Du 13 novembre 1894 au 24 septembre 1895, il accomplit son service militaire, qu’il termine comme caporal, au 69e régiment d’infanterie à Nancy. Il travaille auprès d’Albin Haller* avant d’être recruté au laboratoire de recherches de la Clayton Anilin Company à Manchester en 1896. Il y passe quatre ans sous la direction du chimiste Arthur George Green. Parfaitement trilingue (français, allemand, anglais), au début de sa vie professionnelle, André Wahl accroît ses ressources par des traductions et recensions qu’il rédige pour Le Moniteur scientifique du Docteur Quesneville ou le Bulletin de la Société chimique de Paris. Revenu en France, du 1er janvier 1901 au 30 novembre, il est préparateur du cours de chimie tinctoriale à l’Institut chimique de Nancy. Louis Bouveault*, qui y enseigne la chimie organique, l’engage à étudier la nitration directe d’esters – on disait éthers – de la série grasse : il soutient en 1901 une thèse de doctorat ès sciences physiques, intitulée Nitration des éthers acryliques substitués. Quand Bouveault* part à Paris, il lui propose de le suivre et, à partir du 1er décembre 1901, Wahl est nommé préparateur des conférences de chimie organique à la Faculté des sciences de Paris. Il reste à ce poste jusqu’au 31 décembre 1905.
De janvier 1906 à décembre 1907, il est maître de conférences de chimie appliquée à l’industrie et à l’agriculture à Lille. Désormais stabilisé dans sa carrière, il saisit l’opportunité de revenir à Nancy pour succéder à Alfred Guyot*, promu professeur à Besançon. De janvier 1908 à octobre 1909, il est maître de conférences de chimie appliquée à la teinture. Après le décès de Georges Arth*, de novembre 1909 à octobre 1910, Wahl est chargé du cours de chimie industrielle. En novembre 1910, il est nommé professeur dans la chaire municipale de chimie industrielle. Fruit de ses travaux, il publie en 1912 chez Doin L’industrie des matières colorantes organiques un ouvrage qui contribue à le faire reconnaître.
En avril 1912, le sénateur François Poirrier (1832-1917), qu’il a rencontré au Congrès de l’Association des chimistes de l’industrie textile (ACIT), lui propose la direction du Service des Recherches de la Société anonyme des matières colorantes et produits chimiques de Saint-Denis qu’il dirige depuis 1858. Wahl accepte ce poste et obtient en 1913 du ministère de l’Instruction publique un congé d’inactivité, renouvelé annuellement jusqu’en 1918. En 1916, la mort d’Auguste Rosenstiehl (1838-1916) laisse vacante sa chaire municipale au Conservatoire national des Arts et Métiers. Présenté par André Job (1870-1928) et Albin Haller*, Wahl y est nommé professeur de chimie tinctoriale à partir de novembre 1918, cumulant cet emploi avec sa fonction à la Société de Saint-Denis jusqu’en décembre 1940. S’ajoutent à ces responsabilités, à partir de 1928, la direction et l’administration de la Revue générale des matières colorantes, Teinture, Blanchiment et Apprêts, prisée des spécialistes et techniciens. Le 12 juin 1928, il est coopté par le Comité des arts chimiques de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale (SEIN), reconnu « comme un véritable Technicien connaissant bien toutes les questions théoriques et pratiques qui se rapportent à l’industrie des matières colorantes, à la teinture et à l’impression ». Il n’adhère à la Société que le 27 octobre. Souvent absent ou excusé, il n’est cependant pas inactif. Ainsi en février 1939, le Comité des arts chimiques le désigne comme l’un de ses représentants pour les matières plastiques dans le Comité de patronage chargé de la liaison entre la SEIN et la Société des ingénieurs civils.
Durant sa carrière, Wahl publie 143 travaux en chimie organique, chimie des matières colorantes (dérivés du stilbène, indigoïdes, dérivés du β-naphtol, colorants du triphényl-méthane, dérivés des acides naphtoïques) et en chimie analytique (voir la biographie de R. Locquin). S’y ajoutent ses conférences et résumés documentaires dans diverses revues scientifiques et la direction d’une quinzaine de thèses. Cela lui vaudra de nombreux titres et distinctions : lauréat de la Société chimique de France en 1903, il est nommé membre d’honneur de l’ACIT en 1911, officier de l’Instruction publique en 1912, membre du Conseil de la Société de chimie industrielle dès 1917, lauréat de l’Institut en 1912, 1927 et 1938. Il est par ailleurs nommé officier de la Légion d’honneur en 1934.
Après le décès de son épouse, le 5 mai 1939, et la déclaration de guerre, le couple Henri et Erica Wahl viendra vivre avec André Wahl à Enghien-les-Bains. André Wahl doit alors se soigner contre un diabète sévère qui s’est déclaré dès 1926. Malgré le soutien des Conseils du Conservatoire des Arts et Métiers, suite à la loi du 3 octobre 1940 « portant statut des Juifs », lui et son fils, futur directeur de l’ENSIC de Nancy (1950), sont relevés de toutes leurs fonctions. Il est arrêté chez lui le 10 mars 1944, avec sa belle-fille qui, préservée par ses qualités d’interprète (outre le français, celle-ci parle l’allemand, l’anglais et le russe), rentrera témoigner en 1945 ; ils sont déportés de Drancy le 27 mars à Auschwitz où André Wahl est gazé dès son arrivée, le 30 mars 1944.
Josette Fournier
Bibliographie
Wahl André (1912), L’industrie des matières colorantes, Paris, Doin.
___ (1926), « Les matières colorantes », in Collectif, Chimie et industrie 1914-1924. Dix ans d’efforts scientifiques, industriels et coloniaux, 570-606.
___ (1927), « Le centenaire de la découverte de l’alizarine, conférence faite au Conservatoire des Arts et Métiers devant la Société chimique de France et la Société de chimie industrielle, le 1er juin 1927 », Bulletin de la société chimique de France, 41.
___ (1927), « Alcide Poirrier (1832-1917) », Revue générale des matières colorantes et des industries qui s’y rattachent, 242, 31-32.
Sources d’archives
Bulletin des lois, actes de naturalisation : 1893 pour André Wahl.
Archives nationales : dossier de carrière (AJ/16/6176 et F/17/26461/B).
Archives départementales de Meurthe et Moselle : W 1018 96.
Archives municipales de Nancy : état civil 2 Mi 954, annuaires BA 7240/6.
Archives du Conservatoire national des arts et métiers : dossiers André et Henri Wahl ; registres des séances du Conseil d’administration et du Conseil de perfectionnement 1940-1946.
Archives de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale : registres des séances du Comité des arts chimiques, 1928-1945.
Archives départementales du Haut-Rhin, Colmar : état civil, 1872, acte 931.
Sources secondaires
Birck Françoise (1998), « Des instituts annexes de facultés aux écoles nationales supérieures d’ingénieurs, à propos de trois écoles nancéiennes », in Grelon André & Birck Françoise (Dir.), Des ingénieurs pour la Lorraine 19e-20e siècles, Metz, Éditions Serpenoise, 143-213. Réédition aux Presses universitaires de Nancy en 2007.
Emptoz Gérard & Voronoff D. Ed. (2006), Encourager l’innovation en France, Éditions du CTHS.
Galmiche Jean-Marc, Montacie Jean & Moulin François (2006), Loritz, histoire d’un lycée pionnier, Nancy, Éditions OML.
Husson Édouard (1933), « La Faculté des sciences de Nancy, le groupe chimique », La Pays lorrain, 549-553.
Jolibois P. (1959), « André Wahl », in Collectif, À la mémoire de quinze savants français lauréats de l’Institut assassinés par les Allemands 1940-1945 (Comité à la mémoire des savants français, victimes de la barbarie allemande), Paris, CNRS & ARS, 102-106.
Locquin R. (1946), « Notice sur la vie et l’œuvre de André Wahl », Bulletin de la société chimique de France, 13, 441-458. Contient une liste chronologique des publications d’André Wahl dans les Comptes Rendus de l’Académie des sciences, le Bulletin de la Société chimique de France, les Annales de chimie et de physique, les Berichte der Deutschen Chemischen Gesellschaft, le Journal of Society and chemical Industry, le Bulletin de la Société industrielle de l’Est, la Revue générale des matières colorantes ainsi que les titres de quelques conférences, rapports et recensions.
Savoie Philippe (1998), « Voie industrielle et ateliers dans l’enseignement post-élémentaire : l’École professionnelle de l’Est et l’École primaire supérieure de Nancy », in Grelon André & Birck Françoise (Dir.), Des ingénieurs pour la Lorraine 19e-20e siècles, Metz, Éditions Serpenoise, 93-107. Réédition aux Presses universitaires de Nancy en 2007.
Zvenigorodski O. (1994), « Wahl, André (1872-1944) Professeur de chimie tinctoriale (1918-1940) », in Grelon André & Fontanon Claudine (Dir.), Les professeurs du Conservatoire national des arts et métiers, dictionnaire biographique 1794-1955, L-Z, Paris, INRP / CNAM, 667-675.