Henry VOGT

1864, 1927
;
Henry
Vogt
;
Mathématiques appliquées
;
Texte
; par :
Philippe Nabonnand

Henry VOGT (1864-1927)

Professeur de mathématiques appliquées

Henry Gustave Vogt est né le 24 janvier 1864 à Sermaize dans le département de la Marne. Son père, Jacques Georges Vogt, était caissier à la sucrerie de Sermaize et sa mère, Charlotte Gabrielle Cavelier, sans profession. Vogt se mariera et aura quatre enfants.

La formation élémentaire de Vogt, d’abord effectuée à l’école primaire de Sermaize, se poursuit dans l’enseignement spécial au collège de Commercy. Rapidement repéré comme un élève brillant, il obtient le baccalauréat ès sciences en 1879. Il entre alors en classe de mathématiques supérieures au lycée de Nancy pour y préparer le concours d’entrée à l’École normale supérieure. Au bout d’un an, il est admis en 1881 au 7e rang.

Agrégé de mathématiques en 1884 (au 3e rang), il obtient de la municipalité de Nancy, sur la recommandation de Jules Tannery, une bourse de thèse. Comme nombre de ses condisciples, il séjourne pendant deux années en Allemagne pour se former aux mathématiques développées de l’autre côté du Rhin. À Berlin, Vogt suit en particulier les cours de Leopold Kronecker. Il soutient en juillet 1889, à la Faculté des sciences de Paris, une thèse sur les invariants fondamentaux des équations différentielles linéaires du second ordre. La seconde thèse a pour titre Étudier le thème des équations algébriques abéliennes d’après les récents travaux de M. Kronecker. Le jury est composé d’Henri Poincaré, d’Émile Picard, de Paul Appell et de Félix Tisserand et accorde à Vogt le grade de docteur à l’unanimité en soulignant que « l’auteur a fait preuve de beaucoup de savoir et de sagacité », en autorisant la publication de la thèse et en ajoutant que « la clarté et l’élégance de l’exposition de M. Vogt ont vivement frappé le jury ».

Dans sa thèse, Vogt se propose à la suite du mémoire de Poincaré sur les groupes des équations linéaires (1884) d’étudier les invariants (les valeurs propres des générateurs du groupe et certaines fonctions de celles-ci) des transformations des groupes de monodromie des équations linéaires du second degré. Le problème de Vogt est d’étudier combien d’invariants sont nécessaires pour déterminer un tel groupe. En particulier, il montre que si le groupe est engendré par \(n\) transformations, « il est nécessaire de donner \(3n - 3\) invariants fondamentaux ». Vogt précise que « les \(3n - 3\) invariants fondamentaux déterminent \(2^{\left( n - 2 \right)}\) groupes différents » et qu’en définitive, « il est nécessaire de donner alors \(4n - 5\) invariants pour déterminer un seul groupe. »

Après son agrégation, Vogt est nommé en décembre 1884 professeur de mathématiques au lycée de Moulins (Allier). De fait, il ne rejoindra pas ce poste puisque il obtient en même temps un congé pour un séjour d’étude en Allemagne. À son retour, en novembre 1886, il obtient une mutation au lycée de Rennes. À la rentrée de 1888, il est nommé professeur de mathématiques élémentaires au lycée de Nancy, chargé des classes préparatoires à l’École militaire de Saint Cyr. L’année suivante, il est également chargé d’un cours complémentaire de mathématiques à la Faculté des sciences de Nancy.

En décembre 1890, il y est nommé maître de conférences sur un poste nouveau sur lequel il sera reconduit jusqu’en 1899 : les autorités universitaires locales demandent depuis longtemps la création de ce poste et soutiennent sa candidature. Appell plaide également en sa faveur auprès du ministère : « J’ai l’honneur d’appuyer auprès de vous, autant qu’il est en mon pouvoir, la demande que vous adresse M. Vogt. La thèse de M. Vogt est une des meilleures qui aient été soutenues dans ces dernières années. Le jury, dont je faisais partie, a été frappé des remarquables talents d’exposition du candidat. M. Vogt sera une excellente recrue pour nos Facultés au double point de vue de la science et des qualités de professeur. » Nommé professeur adjoint en décembre 1894, il obtient finalement la chaire de mathématiques appliquées en février 1899. Vogt succède à Jules Molk* qui vient d’obtenir la chaire de mécanique rationnelle. Vogt conservera cette chaire jusqu’à son décès en 1927.

Tout au long de sa carrière, Vogt donne des cours d’astronomie pour les agrégatifs, d’algèbre supérieure, de calcul différentiel et intégral, d’applications géométriques du calcul différentiel et intégral, de mathématiques générales, de mathématiques appliquées (élasticité, hydraulique), de mécanique, de mécanique appliquée (cinématique et dynamique appliquée) et de résistance des matériaux. Il assure aussi des travaux pratiques de mathématiques.

Les rapports annuels des doyens et des recteurs font état de ses qualités pédagogiques et de son investissement dans la vie de la faculté. Il n’hésite pas à effectuer des enseignements supplémentaires (souvent à titre gracieux) et participe activement à la création de nouveaux enseignements de mathématiques appliquées. Il est particulièrement soucieux d’offrir aux nouveaux publics étudiants des cours adaptés. Il contribue en particulier à la mise en place du certificat de mathématiques générales destiné à l’arrivée d’étudiants n’ayant pas suivi les enseignements de mathématiques spéciales.

Dans cette perspective, il rédige en 1901 un manuel de mathématiques générales qui aura de nombreuses rééditions (la dernière, la 19e, sera publiée en 1958). Comme les rapports de la faculté en attestent, il défendra à la fois la nécessité d’un enseignement théorique (en particulier mathématique) dans les formations techniques tout en enjoignant ses collègues à ne pas négliger les applications et d’organiser des programmes d’études adaptés au niveau des étudiants.

En février 1905, à la mort d’Ernest Bichat*, Vogt devient directeur de l’Institut d’électrotechnique et de mécanique où il le secondait depuis plusieurs années. Il avait notamment contribué à la création du laboratoire de mécanique et organisé les enseignements de mécanique appliquée. Deux ans plus tard, le recteur Charles Adam ne peut que constater l’efficacité de Vogt dans sa nouvelle fonction : « Comme Directeur de l’Institut électrotechnique, M. Vogt s’est révélé un homme d’action, un organisateur habile et pratique, un véritable chef, dont l’autorité grandit chaque jour. »

Pendant la Première Guerre mondiale et durant les années qui suivent, son activité permet à l’Institut d’électrotechnique et de mécanique de survivre ; en effet, il multiplie les cours et tente de pallier autant que possible le manque de moyens, comme le soulignera la doyen Gaston Floquet* en juin 1920 : « M. Vogt consacre toutes les heures à l’enseignement et c’est ainsi qu’il arrive à faire 8 cours, conférences ou séances de travaux pratiques par semaine ; il essaie, en faisant le travail de plusieurs de faire vivre l’Institut électrotechnique et de mécanique appliquée dont les ressources sont précaires et manifestement insuffisantes. En dehors de ses nombreux cours, M. Vogt s’occupe seul de l’administration de son Institut, de ses étudiants et il est à peine croyable qu’il puisse résister à un pareil effort continu depuis 15 ans. »

Durant sa carrière, Vogt est amené à assurer quelques responsabilités nationales et internationales. Ainsi, Vogt fait partie des premiers membres de sous-commission française de la Commission internationale de l’éducation mathématique fondée en 1908, lors du 4e congrès des mathématiciens de Rome. Il participe au rapport sur l’enseignement supérieur avec une contribution sur l’enseignement des mathématiques dans les instituts techniques des facultés des sciences.

Par ailleurs, Vogt il fait partie des collègues que Molk* mobilise pour son entreprise d’édition française, commentée et complétée, de l’Encyclopédie des sciences mathématiques publiée par Felix Klein. Vogt contribue à ce projet en éditant les fascicules consacrés à l’analyse combinatoire, à la théorie des déterminants (dans l’édition allemande, E. Netto était le rédacteur de cette partie) et à la théorie des groupes finis discontinus (dans l’édition allemande, H. Burkhardt était le rédacteur de cette partie). Il contribue aussi à l’Encyclopédie en éditant la version française de l’article de David Hilbert sur la théorie des corps algébriques.

Vogt est élu à la Société des sciences de Nancy en mars 1906 ; il en assure la vice présidence en 1913 puis la présidence l’année suivante. Il est par ailleurs membre de la Société industrielle de l’Est où il participe aux activités du Conseil des sciences (il y donne d’ailleurs en 1897 une conférence sur les turbines à vapeur). Il entre à l’Académie de Stanislas en juin 1917. Officier d’Académie en 1893 et officier de l’Instruction publique en1898, il obtient en outre la Légion d’honneur en 1920.

Philippe Nabonnand

Bibliographie

Vogt Henry (1889), Sur les invariants fondamentaux des équations différentielles linéaires du second ordre, thèse soutenue le 22 juillet 1889 à la Faculté des sciences de Paris, Paris, Gauthier-Villars. Annales de l’École normale supérieure, 3, 1889, p. 3-71.

___ (1895), Leçons sur la résolution algébrique des équations, Paris, Nony.

___ (1895), « Sur les tétraèdres conjugués par rapport à une quadrique, et dont les arêtes sont tangentes à une autre quadrique », Annales scientifiques de l’École normale supérieure, 12, 363-389.

___ (1896), « Réduction simultanée de deux formes quadratiques de trois variables à des formes canoniques. Application à l’étude d’un système de deux coniques », Nouvelles annales de mathématiques, 15, 441-469.

___ (1901), Éléments de mathématiques supérieures : à l’usage des physiciens, chimistes et ingénieurs et des élèves des facultés des sciences, Paris, Nony. Nony, 1901 ; 2e éd., Paris : Vuibert & Nony, 1904 ; 3e éd., Vuibert & Nony, 1906 ; 4e éd., Vuibert & Nony, 1907 ; 5e éd., Vuibert & Nony, 1909 ; 6e éd., Vuibert, 1912 ; 7e éd., Vuibert, 1916 ; 12e éd. Entièrement refondue, devient Éléments de mathématiques supérieures : (cours de mathématiques générales) à l’usage des physiciens, chimistes et ingénieurs et des élèves des facultés des sciences, Vuibert, 1925.

___ (1912), « Rapport sur l’enseignement des mathématiques dans les instituts techniques des facultés des sciences », in De Saint-Germain Albert, Rapport sur l’enseignement supérieur en France de la sous-commission française de la Commission internationale de l’enseignement mathématique, Paris, Hachette, 43-63.

___ (1914), « Jules Molk (8 décembre 1857-7 mai 1914) », L’enseignement mathématique, 16, 380-384.

___ (1919), « Réduction à une forme normale d’un système d’équations différentielles simultanées linéaires à coefficients constants », Nouvelles annales de mathématiques, 19, 201-209.

___ (1921), « Notice sur la vie et les travaux de Gaston Floquet », Bulletin de la Société des sciences de Nancy.

___ (1923), « Sur les systèmes d’équations différentielles simultanées linéaires à coefficients constants », Bulletin de la Société mathématique de France, 51, 1-16.

___ (Sans date), « Notice sur l’Institut électrotechnique et le Laboratoire de mécanique de l’Université de Nancy », Bulletin de l’Association des ingénieurs de l’Institut électrotechnique.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de carrière (F/17/26811), rapport de thèse (AJ/16/5534) et dossier de Légion d’honneur (LH/19800035/576/65417).

Sources secondaires

Nabonnand Philippe (2006), « La création du certificat de mathématiques générales à Nancy », in Birck Françoise & Grelon André, Un siècle de formation des ingénieurs électriciens, Paris, Éditions de la MSH, 123-154.

Petit Paul (1928), « Nécrologie d’Henry Vogt », in Compte rendu de la 81e réunion annuelle des anciens élèves de l’École normale supérieure (15 janvier 1928), 34-37.

Poincaré Henri (1884), « Sur les groupes des équations linéaires », Acta mathematica, 4, 201-311.

Rollet Laurent & Choffel-Mailfert Marie-Jeanne (Ed.), 2007, Aux origines d’un pôle scientifique, Facultés des sciences et écoles d’ingénieurs à Nancy du second Empire aux années 1960, Nancy, Presses Universitaires de Nancy.

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Photographie d'Henry Vogt élève à l’École normale supérieure Image
Les professeurs de la faculté de sciences vers 1899-1900 Image