Camille VIGUIER

1850, 1930
;
Camille
Viguier
;
Zoologie
;
Texte
; par :
Étienne Bolmont

Camille VIGUIER (1850-1930)

Chargé de cours de zoologie

Antoine François Camille Viguier est né le 16 mars 1850 à Vienne dans l’Isère où son père est pharmacien. Il restera célibataire. Il décède à Lison dans le Calvados le 17 février 1930.

Il effectue ses études secondaires à Lyon où il obtient le baccalauréat ès lettres en 1866 et le baccalauréat ès sciences l’année suivante. Il s’inscrit alors en licence ès sciences, mais change d’orientation, puis part à Paris pour faire des études de médecine. Il s’inscrit pour le doctorat en médecine en novembre 1869 et au concours à l’internat de pharmacie des hôpitaux de Paris ; il est nommé interne en avril 1870. En septembre, il s’engage en devançant l’appel au 4e régiment d’infanterie marine de Toulon. Il rejoint ensuite la première armée de la Loire comme soldat de 2e classe. Fait prisonnier le 5 décembre à Orléans, il part en captivité à Ludwigsburg dans le Würtenberg. Il revient en France en avril 1871 et, en mauvaise santé, il entre à l’ambulance de Vienne pour 5 mois. Il quitte l’armée en septembre 1871 et rentre à Paris reprendre ses fonctions d’interne en pharmacie jusqu’en juillet 1874. Parallèlement, il obtient la licence ès sciences naturelles en juillet 1873, puis devient docteur en médecine en février 1875, avec une thèse, Essai sur les varices et les tumeurs lymphatiques superficielles, pour laquelle il obtient alors une médaille de bronze. Il passe presque un an (1875-1876) en Algérie où, en mai 1875, il est d’abord nommé médecin de colonisation de la ville d’Aïn-Abessa. Il démissionne rapidement et postule pour un poste en bord de mer. Dans l’attente d’une réponse, il visite le sud de l’Algérie en voyageant jusqu’aux chotts sahariens. Il rentre en France pour 3 mois, puis revient à Bône où il demeure jusqu’en mars 1876. Autorisé alors à embarquer sur un garde-côte, Viguier effectue une campagne de dragage qui lui permet de constituer des collections d’histoire naturelle ; il offrira sa collection de polypiers au Muséum de Paris à son retour à Paris, en mai 1876.

À partir d’août, il se consacre aux travaux qui vont le conduire à rédiger une thèse de doctorat ès sciences sur les étoiles de mer ; il utilise la collection des échinodermes du Muséum et il passe un mois au laboratoire de zoologie expérimentale de Roscoff. Fin 1876 et début 1877, il participe en tant que médecin naturaliste à la commission internationale de l’isthme de Darien au Panama ; il en rédige le rapport médical et publie un article sur les indiens Cunas. Il en revient aussi avec le paludisme qui le forcera à prendre des congés, notamment en 1881. Cette expédition, dirigée par le lieutenant de vaisseau Lucien Wyse, rend un rapport préliminaire à la construction du canal interocéanique que Ferdinand de Lesseps commence à lancer en 1880.

Après son retour, fin 1877, Viguier reprend ses recherches et, en janvier 1879, il soutient à Paris sa thèse de sciences naturelles sur l’Anatomie comparée du squelette des stellérides. Le jury, auquel participent Louis (?) Hébert, Pierre Étienne Simon Duchastre et Henri de Lacaze-Duthiers, lui accorde 6 boules blanches.

En mars 1879, il se déclare candidat à une chaire de zoologie dans une faculté des sciences. À Nancy, l’enseignement de la zoologie est désorganisé : Sylvain Jourdain* est en congé d’inactivité. François Viault* assure alors le cours, mais il prend un congé pour préparer l’agrégation de médecine. En octobre 1879, recommandé par Edmond Périer, directeur du Muséum et spécialiste de la faune marine, Viguier est nommé chargé de cours de zoologie à la Faculté des sciences de Nancy. Il n’y fait qu’un passage éclair de quelques mois, car, à sa demande, en février 1880, il rejoint Alger en tant que professeur de zoologie et de botanique à l’école préparatoire à l’enseignement des sciences (ou école supérieure des sciences ), embryon de la future Faculté des sciences d’Alger créée en 1909. En 1882, il fonde le premier laboratoire maritime en Algérie, qui devient quatre ans plus tard la Station maritime de l’Université d’Alger. En 1890, il effectue un voyage d’études dans le bassin oriental de la Méditerranée sur les côtes de la Turquie.

Dans son métier, Viguier fait preuve d’un caractère difficile qui pose des problèmes à l’administration de l’école. Le directeur Auguste Pomel écrit en 1883 : « esprit frondeur toujours mécontent, personnel et ayant parfois de la prétention de n’en faire qu’à sa tête, qui cède devant une admonestation sévère… un peu infatué de lui-même. » Dans un premier temps, le recteur Gustave Boissière renforce le trait, le décrit comme « un petit homme très propret, très ajusté et très pincé. » Il ajoute : « dès le bateau, car nous sommes arrivés ensemble, j’ai senti l’esprit faux et le tempérament frondeur… J’ai retrouvé toutes ses prétentions maussades et mécontentes quand il s’est agi de distribuer les locaux de la nouvelle école. » Mais il tempère son jugement en atténuant les propos du directeur « dont le ton dépasse un peu la mesure » en valorisant les qualités scientifiques de Viguier  : « Il y a lieu, je veux bien, de le mettre parfois à sa place ; mais il a une place. » Par la suite, si son talent de chercheur est reconnu, on retrouve périodiquement des jugements négatifs sur son attitude envers sa hiérarchie, mais les critiques se déplacent pour déplorer ses préoccupations plus théoriques que pratiques.

Le recteur Charles Jeanmaire lui reproche notamment de ne rien faire pour la zoologie appliquée : « Place les recherches de la science théoriques au-dessus des applications pratiques sans songer que c’est au contact de la pratique que la théorie fait souvent les plus importants progrès ». On lui reproche également de ne pas valoriser la station de zoologie marine, en y créant une équipe de chercheurs et d’étudiants, « il ne fait aucun effort pour attirer et constituer un groupe de travailleurs dans ses laboratoires. » Il va jusqu’à « décourager toutes les bonnes volontés ». En janvier 1910, Viguier devient professeur de zoologie à la faculté des sciences. Il est promu à la troisième classe en 1888, à la deuxième en 1909 et à la première en 1914. Il est nommé officier d’Académie en 1884, puis officier de l’instruction publique en 1889. Il prend sa retraite en novembre 1921, bénéficiant alors d’une bonification pour services aux colonies.

Ses recherches concernent essentiellement le thème de sa thèse. Ses travaux sur les étoiles de mer lui apportent une certaine reconnaissance de ses pairs. Il caractérise deux sous-classes d’étoiles de mer selon la structure de leur bouche et il donne son nom à deux espèces, Batracobdella Latasti C. Vig. et Fascicularia radicans C. Vig. Il publie 25 articles dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences et 9 dans les Archives de zoologie expérimentale et générale, revue fondée en 1872 par Henri de Lacaze-Duthiers.

Viguier entre à la Société de géographie en mars 1875 et à celle d’anthropologie en avril 1875. À la suite de son travail sur la pêche en Algérie, il reçoit en 1905 la grande médaille Geoffroy-Saint-Hilaire de la Société nationale d’acclimatation de France. En 1909, il participe à la naissance de la Société d’histoire naturelle de l’Afrique du Nord. En 1919, il postule pour une chaire d’océanographie et de physiologie végétales au Muséum national d’histoire naturelle, mais il n’est qu’en seconde ligne derrière le botaniste Julien Noël Costantin. En 1920, il devient correspondant de l’Académie des sciences pour la section d’anatomie et zoologie.

Viguier est manifestement proche des idées socialistes. En témoigne un télégramme de 1893 à Jean Jaurès le félicitant « d’avoir relevé attaques contre socialisme qui triomphera malgré Dupuy ». Il fait alors allusion au discours « République et socialisme » par lequel Jaurès répond aux déclarations du président du conseil Charles Dupuy.

Au même moment, le recteur Jeanmaire regrette qu’il « médit trop légèrement en public des Algériens ». En 1911, il se voit attribuer la médaille commémorative de la guerre de 1870-1871 avec l’agrafe « engagé volontaire », une décoration qui vient juste d’être créée. Il accède au titre de chevalier de la Légion d’honneur en 1921 – après avoir été proposé dès 1909 – sur rapport du ministre de l’Instruction publique.

Étienne Bolmont

Bibliographie

Viguier Camille (1875), Essai sur les varices et les tumeurs lymphatiques superficielles, thèse pour le doctorat en médecine, Paris, Imp. A. Parent.

___ (1878), « Classification des stellérides », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 681.

___ (1878), Notes sur les indiens de Paya, G. Masson.

___ (1879), « Squelette bucal des Astéries », Archives de zoologie expérimentale et générale, VIII.

___ (1879), Anatomie comparée du squelette des stellérides, thèse de doctorat en sciences naturelles, Hennuyer.

___ (1882), « Le sens de l’orientation et ses organes chez les animaux et chez l’homme », Revue Philosophique de la France et de l’Étranger, 1-36.

___ (1884), « Constitution des échinodermes », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 98, 1451.

___ (1886), « Études sur les animaux inférieurs de la baie d’Alger. II Recherches sur les Annélides pélagiques. », Archives de zoologie expérimentale et générale, IV, 347-442.

___ (1900), « L’hermaphrodisme et la parthénogenèse chez les échinodermes », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 131, 63.

___ (1902), « Sur la parthénogenèse artificielle », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 135, 197.

___ (1904), « Développements anormaux indépendants du milieu », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 138, 1718.

___ (1904), « Hybridations anormales », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 138, 1116.

___ (1905), « Les faits biologiques et les faits réunis par une fonction continue. », Comptes rendus de la Société de biologie.

___ (1905), « Le recul de la bouche chez les chétopodes », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 141, 132.

___ (1906), « Sur les conditions de la pêche en Algérie », Bulletin de l’enseignement professionnel et technique des pêches maritimes.

___ (1907), « Persistance de la trochophore chez un hésionien », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 144, 1454.

___ (1910), « Maturité très précoce d’une larve de spionide », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 151, 104.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de carrière (F/17/22598/a), dossier de légion d’Honneur (LH/19800035/0212/27756).

Sources Secondaires

Perrier Edmond (1884), Mémoire sur les étoiles de mer recueillies dans la mer des Antilles et le golfe du Mexique durant les expéditions de dragage faites sous la direction de M. Alexandre Agassiz, Paris, Museum national d’histoire naturelle.

Wyse Lucien (1877), Canal interocéanique, 1876-77 : rapport sur les études de la Commission internationale d’exploration de l’isthme du Darien, Paris, A. Chaix.