Louis VÉRAIN
Louis VÉRAIN (1880-1962)
Chef de travaux d’électrotechnique
Louis François Vérain est né le 23 juillet 1880 à Nancy. Il est le fils de Jacques Victor Vérain, professeur de lettres au lycée de Nancy, et de Louise Schwenninger. Le 24 juillet 1923, Louis Vérain épouse à Alger Marie Alice Drouant (1884-1973) originaire des Vosges. Ils auront un fils. Vérain meurt à Alger le 2 novembre 1962, des suites d’une crise cardiaque.
Vérain est formé à la Faculté des sciences de Nancy où il obtient une licence ès sciences physiques et, en 1902, un diplôme d’ingénieur électricien de l’Institut d’électrotechnique et de mécanique (il est major de sa promotion). En novembre 1902, il est nommé préparateur d’électrotechnique et, deux ans plus tard, il devient chef de travaux d’électrotechnique. Il occupe ces fonctions jusqu’en 1912. À partir de 1906, il est de plus chargé de conférences d’électricité à l’École de brasserie et reçoit une indemnité de 250 francs, versée sur les fonds propres de la faculté. Durant cette période, il prépare une thèse de doctorat qu’il soutient en novembre 1912, Sur les constantes diélectriques des gaz. À Nancy, il est très apprécié par ses collègues et ses étudiants. René Blondlot* fonde sur lui de grandes espérances et ne tarit pas d’éloges à son égard : « Très habile et très compétent, il semble recueillir la confiance de ses étudiants… ».
Entre temps, en février 1912, il a été nommé chargé d’un cours complémentaire de physique industrielle à la Faculté des sciences d’Alger. Son cours s’inspire fortement du modèle de l’Institut électrotechnique de Nancy. Dès son arrivée à Alger, il entreprend l’installation d’un laboratoire de mesures électriques, amorce d’un laboratoire de physique industrielle et de mécanique appliquée d’une plus vaste portée qui ne verra le jour que quelques années plus tard. Car son élan est interrompu avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale. En effet, le 31 juillet 1914, sa mobilisation le ramène à Nancy et vient entraver la réalisation de ses projets académiques et scientifiques.
Au début de la guerre il est affecté au 41e régiment territorial d’infanterie en tant qu’adjoint au major de la garnison de Nancy. Il est mis à la disposition du sous-secrétaire d’État de l’aéronautique en juillet 1917. Cinq mois plus tard, il est nommé capitaine. Il est finalement démobilisé en juillet 1919. Par la suite il sera affecté, en tant que réserviste, dans les régiments d’aviation d’Afrique.
Vérain rejoint alors l’Université d’Alger pour y reprendre ses charges d’enseignement et ses projets. En janvier 1920, il est nommé professeur de physique industrielle et de mécanique appliquée à une chaire nouvellement créée. Son retour à Alger est pour lui l’occasion de renouveler les enseignements à finalité professionnelle par l’introduction d’une nouvelle discipline. Il crée alors le laboratoire de physique industrielle et ses laboratoires annexes avec l’appui des instances de l’université et malgré les pénuries de l’après-guerre. Ses réalisations vont recevoir des échos favorables de la part des milieux économiques, industriels et hospitaliers.
Avec ce laboratoire, Vérain a l’ambition d’affranchir toute l’Afrique du Nord de la tutelle trop lointaine des laboratoires métropolitains. C’est ainsi que, peu à peu, viennent s’ajouter au laboratoire primitif de mesures électriques plusieurs laboratoires dédiés à la photométrie, l’hydraulique, l’acoustique, les essais de matériaux de construction, ainsi qu’une soufflerie et des bancs de test de freinage pour les automobiles, les trains et les avions… Vérain s’applique à équiper ses installations de matériels modernes, c’est notamment le cas du laboratoire de photométrie. Il met en œuvre une collaboration durable avec les milieux industriels locaux, leur rendant divers services techniques et trouvant parmi eux des soutiens financiers pour mener à bien ses projets de recherche appliquée au sein de la Faculté des sciences d’Alger. Le laboratoire d’hydraulique, équipé grâce à de nombreux dons, est ainsi mis à la disposition des services des ponts et chaussées pour la réalisation d’études de modèles réduits de déversoirs de barrages. En 1935, les laboratoires dirigés par Vérain ont délivré quelques 800 certificats d’essais de toutes natures.
Outre les équipements achetés ou offerts gracieusement par les différents donateurs, le laboratoire est également doté d’une bibliothèque spécialisée qui contient notamment une volumineuse collection de catalogues rares de constructeurs de matériel scientifique et industriel aussi bien français qu’étrangers. Peu à peu, le laboratoire fondé par Vérain est sollicité par les médecins, les radiologues et les pastoriens d’Alger pour des contrôles de thermomètres et de manomètres, des mesures de pH ou l’évaluation du rayonnement des appareils de radiothérapie.
De la même manière, le laboratoire de phonétique de la faculté des lettres a recours aux services du laboratoire pour des enregistrements phonographiques. Toutes ces demandes pressantes, souvent rémunératrices pour le laboratoire, rendent possible l’achat de nouveaux équipements de pointe.
Une des principales innovations techniques de Vérain concerne l’éclairage des salles d’opération chirurgicale. Jusque-là, les hôpitaux ne disposaient que de simples lampes qui ne permettaient pas d’éclairer un champ opératoire ou un objet sans générer d’ombres portées. En collaboration étroite avec la Faculté de médecine d’Alger, Vérain invente en 1919 un nouvel appareil, le scialytique, qui présente l’avantage de diffuser une lumière blanche, uniforme et sans ombres portées. Il en dépose la marque la même année et la commercialisation débute l’année suivante. Ce dispositif révolutionnaire, appelé à un grand succès, contribuera à améliorer radicalement les pratiques opératoires des chirurgiens et à leur procurer une plus grande autonomie.
Entretenant des relations privilégiées avec Nancy et plus particulièrement avec Alexandre Mauduit*, son ancien professeur et ami, Vérain devient le président du groupe « Afrique du Nord » pour l’Amicale des anciens de l’Institut électrotechnique de Nancy. Il envoie d’ailleurs ses étudiants poursuivre leur formation à Nancy et accueille à Alger des stagiaires ou des ingénieurs appelés à exercer leurs fonctions en Algérie ou au Maroc. Ses collaborations avec l’Université de Strasbourg, redevenue française en 1919, lui permettent, à travers son laboratoire algérois, d’utiliser le nouveau modèle de viscosimètre mis au point par les laboratoires de l’École nationale du pétrole de l’Université alsacienne.
Soutenu par le recteur de l’Académie d’Alger et par le Gouvernement général d’Algérie, Vérain mène donc une brillante carrière qui l’amène jusqu’à siéger au sein du Conseil de l’université et à assurer les fonctions d’assesseur du doyen à partir de 1924, en remplacement de son collègue Jean-Paul Bounhiol. Il prend sa retraite en 1948 et décède en Algérie en 1962, au moment où commence à s’écrire un nouveau chapitre de l’histoire algérienne.
Yamina Bettahar
Bibliographie
Vérain Louis (1912), Recherches expérimentales sur la constante diélectrique des gaz (thèse), thèse de doctorat, Paris, Gauthier-Villars.
___ (1912), « Sur la constante diélectrique de l’anhydride carbonique au voisinage du point critique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 345.
___ (1912), Recherches expérimentales sur la constante diélectrique des gaz, thèse de doctorat, Paris, Gauthier-Villars.
Vérain Louis & Chevallier Aldolphe (1908), « Sur le triage des minéraux par l’électro-aimant », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 146, 487-489.
Vérain Louis & Hamant Aimé Julien (1919), Le scialytique, appareil d’éclairage sans ombres portées, Imprimerie Humblot,
Vérain Louis & Rinn Edme (1933), Le Laboratoire de physique industrielle de la Faculté des sciences de l’Université d’Alger, Alger, Éditions du Journal général – Travaux publics et bâtiment.
Vérain Louis, Siben J., et al. (1951), « Éclairage des salles d’opération : le scyalitique de Vérain », Société des ingénieurs civils de France.
Sources d’archives
Registre militaire de Meurthe-et-Moselle, classe 1899, matricule 1 152.
Sources secondaires
Bettahar Yamina (2016), « Louis Vérain et l’émergence de la physique industrielle en Algérie (1920-1960) », Revue pour l’histoire du CNRS, à paraître.
Binet Jean-Paul (1990), L’acte chirurgical, Paris, Odile Jacob.
Laborde Maurice (1956), La vie et l’œuvre de Maurice Mauduit, document dactylographié.