Lucien THIÉBAUT

1881, 1964
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Lucien
Thiébaut
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Géologie
;
Texte
; par :
Étienne Bolmont

Lucien THIÉBAUT (1881-1964)

Chef de travaux de géologie

Julien Lucien Pierre Thiébaut est né le 12 avril 1881, à Bruyères dans les Vosges. Il est le fils de Julien Joseph Thiébaut, receveur d’enregistrement et de Jeanne Marie Constance Lafumeur. En avril 1920, il épouse à Baccarat Marie-Thérèse Jardel, fille d’un employé des cristalleries de la ville. Ils auront trois enfants, Madeleine Marie (1921-1922), Jean Julien (1922- ?) et Jacqueline Lucie (1924- ?). Il décède le 23 avril 1964 à Maxéville.

Après avoir obtenu le baccalauréat ès lettres, il effectue son service militaire de novembre 1900 à septembre 1901. Il reprend alors ses études à la Faculté des sciences de Nancy en s’inscrivant aux cours de l’Institut chimique. Il obtient la licence de sciences physiques avec six certificats (physique et mécanique appliquée, chimie générale, chimie physique, géologie, minéralogie et Physique) ainsi que le diplôme d’ingénieur chimiste en 1904. Au cours de ses études, il a l’occasion d’approfondir ses connaissances en minéralogie et géologie minière auprès de René Nicklès*. Il visite des mines, y effectue des stages et accomplit des missions en Algérie et Tunisie. Étant donné le faible nombre de prospecteurs français, Nicklès* lui suggère de se perfectionner dans l’étude scientifique et économique des gisements. Thiébaut contribue alors à enrichir la collection de minéralogie appliquée du laboratoire de géologie.

Il est nommé préparateur de géologie appliquée en octobre 1907 sur fonds propres de la faculté. À la fondation de l’Institut de géologie appliquée, il est chargé d’une conférence de prospection d’octobre 1909 à 1914, également financée par la faculté. Il contribue avec Nicklès* et Henry Joly* au fonctionnement de l’Institut de géologie. Reconnu pour ses connaissances de la géologie lorraine, il forme des prospecteurs à l’utilisation de procédés simples et bon marché de détermination des minerais et gemmes, ainsi qu’aux caractéristiques économiques de l’exploitation des gisements métallifères.

Il est mobilisé le 2 août 1914, comme caporal au 41e régiment territorial d’infanterie, puis détaché au génie à Pont-à-Mousson. Il devient sergent en mai 1915, sous-lieutenant en octobre 1916. Il est cité à l’ordre du commandement du génie en janvier 1919, notamment pour avoir assuré la défense du pont de Pont-à-Mousson, en 1915, et facilité l’approvisionnement du front de l’Armée de Lorraine en eau. Il est démobilisé en mars 1919, acquiert le grade de lieutenant en septembre 1920, puis passe capitaine du génie de réserve. Après la Guerre, il est chargé par les services des Ponts et Chaussées et du Génie rural des régions libérées de Meurthe-et-Moselle d’établir des avant-projets d’adduction d’eau.

C’est grâce à sa pugnacité et à celle de Joly* que l’Institut de géologie, fragilisé par le décès de Nicklès*, a pu recevoir des étudiants dès le lendemain du conflit. Il est alors délégué dans les fonctions de préparateur de géologie de novembre 1919 à octobre 1920, puis chargé d’un cours de géologie appliquée jusque-là assuré par Joly*. Il prépare en même temps une thèse en minéralogie, qu’il obtient à Paris en 1923. Il la publie sous l’intitulé : Contribution à l’étude des sédiments argilo-calcaires du bassin de Paris. Elle lui vaut le prix Joseph Labbé de l’Académie des sciences, sur rapport de Lucien Cayeux, et la médaille d’or de l’Académie d’agriculture, en 1927, toujours sur rapport de Cayeux : « C’est une œuvre très importante, non seulement en ce qu’elle résout pour la première fois un problème technique très difficile, mais encore par les conséquences pratiques qu’elle laisse entrevoir dans le domaine de l’agriculture pratique ».

Pourtant, sa carrière ne semble guère progresser. De novembre 1920 à décembre 1936, il assure la fonction de préparateur à l’Institut de géologie appliquée, puis il obtient le titre d’assistant de géologie. Il est alors chargé de l’enseignement sur les gîtes métallifères et leur prospection. Parallèlement, il intervient à l’École supérieure de la métallurgie et des mines pour un cours similaire et à l’Institut colonial où son cours porte sur les mines des colonies. En 1933, le recteur Louis Bruntz souligne ses qualités d’enseignant et ses connaissances techniques qui le rendent irremplaçable. Cependant, son désir d’être promu à la maîtrise de conférences se heurte à une opposition qui vient surtout de certains membres de la faculté. On lui reproche une thèse acquise avec indulgence juste après la guerre et donc une culture théorique insuffisante pour être nommé maître de conférences.

En janvier 1937, il est néanmoins nommé chef de travaux sur budget de l’État – c’est-à-dire avec un salaire plus important – à l’École supérieure de la métallurgie et de l’industrie des mines tout en continuant à assurer ses travaux pratiques de géologie. C’est alors qu’une nouvelle chance de promotion lui est offerte. En octobre 1938, après une première proposition de Paul Fallot (successeur de Nicklès* à la chaire de géologie), André Blondel, directeur du Bureau d’études géologiques et minières coloniales et vice-président du Conseil de perfectionnement de l’Institut de géologie appliquée, demande au Conseil de la faculté de transformer son poste de préparateur d’État en maîtrise de conférences. Pour faciliter l’opération, le Bureau d’études géologiques et minières coloniales propose même de prendre à sa charge la différence de traitement. Le conseil émet un avis favorable, mais, à la veille du conflit, la décision n’est toujours pas mise en application.

Au début de la Guerre, en raison des évènements, il est rattaché provisoirement à la Faculté des sciences de Toulouse. Il doit signer la déclaration de non-appartenance aux sociétés de francs-maçons en juillet 1941. Tout en manifestant son désir de rester à Toulouse, il se porte candidat à une chaire de géologie. Il propose alors, en août 1941, que le poste de chef de travaux de l’École supérieure de la métallurgie et des mines à l’Université de Nancy soit transformé, à Toulouse, en poste de professeur titulaire. Comme il essuie un refus du ministère, il se porte également candidat à la chaire de géologie et de minéralogie de la Faculté des sciences de Besançon, mais cette dernière n’est finalement pas déclarée vacante. Il demande alors un congé sans traitement pour diriger en Algérie des missions de prospection d’alluvions au Service des recherches minières. Prévu à l’origine pour 6 mois (décembre 1941 à mai 1942), il le prolonge jusqu’en avril 1943 alors qu’il est en réalité en retraite depuis avril 1942. En juin 1945, un arrêté régularise son admission à la retraite à compter du 12 avril 1943. En septembre 1945, il demande donc à verser rétroactivement les retenues pour pension de la période avril 1942-avril 1943.

Pendant toute sa carrière, il est considéré comme un excellent prospecteur, chargé de nombreuses missions : en France, Algérie, Tunisie, Maroc, dans le Caucase, en Allemagne, Espagne, à Saint-Domingue, au Congo, en Oubangui, Côte d’Ivoire et Afrique du Sud. Pendant ses dernières années d’exercice, Thiébaut développe à Nancy différents petits laboratoires : un laboratoire d’essais de concentration mécanique, un de flottaison et un dernier dédié à l’étude des concentrés. L’Institut de géologie appliquée reçoit alors des colonies de plus en plus de concentrés de minerais dont il dirige les analyses. Il s’occupe également du placement des élèves dans le monde entier, se félicitant notamment de la découverte, par certains d’entre eux, des premiers gisements diamantifères en Afrique équatoriale française. Thiébaut assure ainsi la renommée de l’Institut de géologie de Nancy, alors que d’autres tentatives de formation, dans le même domaine, échouent à Strasbourg, Saint-Étienne et Paris. Les places offertes à Nancy ne permettent cependant d’assurer que 40 % des demandes.

Ses travaux scientifiques personnels concernent la minéralogie où il étudie la constitution des marnes du Bassin parisien, la géologie générale en Algérie et l’hydrologie, à la suite de son activité durant et après la Première Guerre mondiale. Il aborde la métallogénie par l’étude de nombreux gîtes de minerais, met au point une méthode générale d’analyse des minerais simples, comme les oxydes métalliques. Il développe également les applications des méthodes de Julien Thoulet* sur la séparation efficace des minéraux des sables ; il perfectionne la technique de reconnaissance au microscope des éléments fins et met au point une technique d’isolation et d’identification des pierres précieuses. Il crée par ailleurs des instruments d’essais gravimétriques des minerais et de détermination de leur rendement économique. Il établit enfin les bases scientifiques de la prospection et de l’étude économique des gîtes minéraux et enseigne même l’organisation des missions de prospection, qu’il complète par une contribution du docteur Gustave Martin sur les maladies coloniales.

Officier d’académie en juillet 1913, il est également officier de l’Instruction publique. Il reçoit une médaille d’or à l’Exposition internationale de l’Est de la France en 1909, comme collaborateur de l’Université de Nancy. Croix de guerre, il reçoit la Légion d’honneur en novembre 1931 au titre de ses actions militaires. Il est membre du comité de la section de géologie appliquée au Congrès international des mines, de la métallurgie et de la géologie appliquée de Paris en 1935.

Étienne Bolmont

Bibliographie

Thiébaut Lucien (1907), « Note sur l’évaluation de la richesse des filons métallifères », Bulletin de la Société industrielle de l’Est, 52, 7.

___ (1908), « Note statistique relative aux métaux : cuivre, étain, plomb, zinc », Bulletin de la Société industrielle de l’Est, 62, 21.

___ (1911), « La région nord-est du Maroc », Bulletin de la Société industrielle de l’Est, 95, 13.

___ (1913), « Notice sur les gisements de Château-Lambert et du Thillot », Bulletin de la société d’Histoire naturelle d’Autun, 26, 148.

___ (1914), « Notice sur les gisements de Miednaïa Gora (Caucase) », Bulletin des anciens élèves de l’Institut de géologie, 1, 21.

___ (1917), « Des sociétés minières de recherches : nécessité auxquelles elles répondent, aléas qu’elles comportent », Revue Industrielle de l’Est, 111.

___ (1920), « Compte rendu des données géologiques et hydrologiques recueillies au cours des recherches d’eau potable effectuées en Lorraine par les armées françaises », Annales des ponts et chaussées, 3, 312.

___ (1921), « Carte géologique de France, révision de la feuille de Commercy. Compte rendu de la campagne de 1921 », Bulletin de la Carte géologique de france, 146, 135.

___ (1922), « Tamis d’essais pour l’étude du rendement quantitatif des minerais », Bulletin de la Société industrielle de l’Est, 164, 46.

___ (1922), « Sur la composition des marnes irisées », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 175, 447.

___ (1923), « Compte rendu analytique du traité posthume de L. Michel : Études et notes de géologie appliquée », Revue générale des sciences, 34, 248.

___ (1923), « Recherches sur la composition minéralogique de quelques marnes du tertiaire d’Alsace », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 177, 273.

___ (1924), « Sur la présence d’un mica blanc dans les sédiments argileux », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 178, 96.

___ (1925), « Contribution à l’étude des sédiments argilo-calcaires du bassin de Paris (thèse de doctorat de minéralogie) », Bulletin de la Société des sciences de Nancy, 5, 509-670.

___ (1927), « Action de l’acide sulfurique sur les sols renfermant de la bravaisite », Comptes rendus de l’Académie d’agriculture.

___ (1928), « Le prospecteur moderne et la prospection », Revue Scientifique, 16, 504.

___ (1928), « Note sur la recherche des gemmes dans les alluvions à l’aide de cribles d’essais », Revue de l’industrie minérale, 15, 265.

___ (1931), « La prospection des mines aux Colonies françaises », Bulletin de la Société industrielle de l’Est, 200, 39.

___ (1933), « Détermination des minerais du groupe des oxydes métalliques », Bulletin de la Socīété française de minéralogie, 56, 68.

___ (1934), Étude pratique des alluvions, Société d’éditions géographiques, maritimes et coloniales.

___ (1934), « Étude pratique : introduction aux études minières coloniales », Publications du Bureau d’études géologiques et minières coloniales, 49.

___ (1949), Quatre années de prospection en Algérie, 1942-1945, Alger, Impr. la Typo-litho et J. Carbonel réunies.

Thiébaut Lucien & Martin Gustave (1934), Recherche et étude économique des gîtes métallifères / Notions pratiques d’hygiène aux pays chauds à l’usage des prospecteurs, Paris, C. Béranger.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de carrière (F/17/25169) et dossier de Légion d’honneur (LH/19800035/610/68812).

Sources secondaires

Anonyme (1931), « Le prix Joseph Labbé lui est décerné », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 193, 1251.