Cyrille SOUILLART
Cyrille SOUILLART (1828-1898)
Chargé de cours de mathématiques
Cyrille Joseph Souillart est né le 20 janvier 1828 à Bruay (Pas-de-Calais). Son père Jean-Baptiste Souillart y est instituteur. Le 24 avril 1861 à Saint-Omer, il épouse Marie Séraphine Vanderbauwede, née à Strasbourg en 1839, dont le père était capitaine d’habillement au 11e régiment d’artillerie et chevalier de la légion d’honneur. Étant données ses origines alsaciennes, elle a dû opter pour la nationalité française en 1872. Le couple aura deux enfants, un fils Léon Joseph (1862-1886) décédé à Lille à 24 ans et une fille, Marie Mathilde (1879-1969). Souillart meurt le 9 mai 1898 à Lille.
Souillart effectue des études secondaires au collège d’Arras, puis au lycée de Douai où il obtient le baccalauréat ès lettres. Il prépare le concours d’entrée à l’École normale supérieure au lycée Saint-Louis de Paris, et intègre l’école en 1851 au 3e rang. Il y suit les cours de Victor Puiseux qui font naître sa vocation pour la mécanique céleste et il obtient les licences de mathématiques et de physique. Il est admis à l’agrégation spéciale de mathématiques en 1858. En 1865, il soutient sa thèse de doctorat ès sciences mathématiques, Essai sur la théorie analytique des satellites de Jupiter. Ses examinateurs sont Puiseux, Joseph Serret et Joseph Bertrand.
Avant son entrée à l’École normale supérieure, Souillart a exercé pendant un an la fonction de maître d’études surnuméraire au lycée de Saint-Omer, de juillet 1848 à septembre 1849, avant de prendre un congé jusqu’en octobre 1850 ; ce congé lui permet d’obtenir le baccalauréat ès sciences et de se préparer au concours. À sa sortie de l’école, en octobre 1854, il est nommé au lycée de Metz comme professeur adjoint de physique. Il n’y reste que 2 mois avant de retrouver en décembre le lycée de Saint-Omer, en tant que chargé de cours de mathématiques. Après son succès à l’agrégation, il y est nommé professeur de mathématiques pures et appliquées en octobre 1858. En octobre 1862, il rejoint le lycée de Caen sur le même emploi. Soutenu par le député de Saint-Omer, Germain Delebecque, ainsi que par son ancien professeur Puiseux, il cherche à obtenir une chaire de mathématiques, et, en attendant, par compensation, il demande à passer à la 1re classe. Mais Joseph Bertrand le juge « estimable et médiocre » ; « Il était un élève ordinaire, il a été ordinaire à l’agrégation, ordinaire dans sa thèse de doctorat ». En septembre 1866, il est nommé au lycée impérial de Chambéry, mais il réussit à être maintenu à Caen.
Souillart part pour Nancy en 1867, où il enseigne au lycée dans la classe de mathématiques spéciales. Il est promu à la 1re classe en 1871. Parallèlement à son emploi au lycée, il assure, dès son arrivée à Nancy, des enseignements à la faculté des sciences. En tant que chargé du cours complémentaire de mathématiques, il y remplace Louis Eugène Larocque*. En 1886, il réclamera la prise en compte de ses enseignements universitaires à Nancy dans le calcul de son ancienneté dans la 3e classe des professeurs. Il semble, selon les rapports, qu’il ne soit pas bien à l’aise dans les classes de lycée, par « timidité et défaut d’énergie » et par manque de fermeté de son discours. De plus, il s’intéresse surtout aux bons élèves et il éprouve des difficultés à se mettre au niveau des autres. Sa double nomination ne se traduit pas par un salaire plus élevé et dès lors, Souillart demande à être entièrement affecté à la faculté des sciences. Son poste semble d’ailleurs en surnombre au lycée et « il peut rendre de meilleurs services dans une chaire de faculté ». Il milite avec le doyen Dominique Alexandre Godron* pour la création d’une seconde chaire de mathématiques, après le départ d’Antoine Adrien Lafon* pour Lyon en 1865 et pour le maintien d’un cours d’astronomie pour les candidats à la licence. Le recteur Louis Maggiolo demande sa nomination comme professeur adjoint en 1869 et Souillart sollicite l’appui de son ancien professeur de l’École normale supérieure Henri Sainte-Claire Deville. Mais, en 1871, malgré l’appui du député du Pas-de-Calais, la chaire de mécanique créée à Nancy lui échappe au bénéfice de Xavier Bach*, ancien doyen de la Faculté des sciences de Strasbourg. À ce moment, Souillart doit cesser ses interventions à la faculté des sciences en novembre 1871, car Bach* reprend ses enseignements. Souillart se sent « dépossédé du cours de mécanique » ; il n’est plus que « professeur hors cadres au lycée, sans autre compensation que de toucher l’intégralité du traitement qui répond à son titre ». Quand Bach* est admis à la retraite en 1873, il pense légitimement lui succéder, mais c’est Émile Mathieu* qui obtient la chaire de mathématiques pures. En avril, il a postulé à la chaire de mathématiques que laisse à Poitiers le professeur Alphonse Picart, élu député. Malgré le soutien de plusieurs députés – Henri Varroy (Meurthe-et-Moselle), Ignace Plichon (Nord) et Louis Martel (Pas-de-Calais) – cette candidature se solde par un échec. En juillet 1873, il est candidat à la chaire de mécanique vacante à Besançon, sans plus de succès.
En janvier 1874, il est finalement nommé chargé de cours de mécanique rationnelle et appliquée à la Faculté des sciences de Lille et, en décembre, il est nommé titulaire à la chaire de mécanique rationnelle et appliquée. En janvier 1887, il est promu à la 2e classe et en juillet, il est nommé sur sa demande professeur d’astronomie sur une nouvelle chaire. Il est alors remplacé par Paul Painlevé. C’est Luc Picart qui reprendra la chaire d’astronomie à la mort de Souillart.
À Lille, Souillart assure la préparation à la licence et à l’agrégation de mathématiques et, en sus, un cours à l’Institut industriel du Nord ; c’est un établissement privé, patronné par l’État, le département et la ville, où les traitements ne sont garantis que par le nombre d’élèves. Il y rencontre Joseph Boussinesq. Souillart passe à la 1re classe en janvier 1894. Il prend sa retraite en novembre 1898, mais il n’en profite pas : alors qu’il est nommé professeur honoraire le 26 avril, il décède deux semaines plus tard. Professeur apprécié de ses collègues et de ses élèves, il est aussi reconnu par ses supérieurs. Hervé Faye* en 1886, en tant qu’inspecteur général de l’Instruction publique, loue sa conscience et sa solidité, la perfection de ses préparations et son efficacité au niveau des étudiants.
Octave Callandreau lui consacre une notice nécrologique en 1898 ; il montre l’importance du travail de recherche entrepris par Souillart sur les satellites de Jupiter : « Il a réussi à apporter d’importants compléments au chef-d’œuvre de Laplace. Son travail de thèse est à l’origine de ses deux grands mémoires : le premier publié en 1880 par la Société royale astronomique de Londres se consacre à la théorie analytique du mouvement des satellites ; le deuxième complète le précédent et porte sur la réduction des formules en nombres ». Ces travaux sont repris par François Félix Tisserand dans le tome IV de son Traité de Mécanique céleste : « La théorie des satellites de Jupiter a pris, entre les mains de Laplace, une perfection qui n’a pas été surpassée. Toutefois les calculs n’avaient pas été poussés assez loin pour donner aux tables toute la précision compatible avec les observations. M. Souillart a eu le mérite d’y apporter les compléments nécessaires ».
Reconnu pour ses travaux, l’Académie des sciences fait appel à lui en 1887 pour participer à la correction des épreuves de l’édition des œuvres complètes de Laplace.
Il publie à l’étranger presque autant qu’en France, notamment dans les Astronomische Nachrichten en Allemagne et dans les Memoirs of the Royal Astronomical Society. Ses premières publications concernent les mathématiques jusqu’en 1866, mais l’essentiel de ses travaux porte sur l’astronomie. Son œuvre scientifique est reconnue par trois récompenses de l’Institut : pour son traité sur les « Inégalités des rayons vecteur et des longitudes des satellites de Jupiter », il reçoit un Encouragement de 1 000 francs en 1879.
Pour son article « Mouvements relatifs de tous les astres du système solaire, chaque astre étant considéré individuellement », il obtient la médaille d’argent du Comité des Sociétés savantes en 1880. Enfin, pour ses travaux sur les satellites de Jupiter, il reçoit le prix Damoiseau en 1886.
Fait chevalier de la Légion d’honneur en juillet 1891, sur rapport du ministre de l’Instruction publique, il est parrainé par Jules-Auguste Gosselet, son collègue professeur de géologie. Il est par ailleurs officier de l’Instruction publique. Membre associé de la Société royale astronomique de Londres (1891), il est élu correspondant de l’Académie des sciences en mai 1897. Il entre à la Société des sciences, de l’agriculture et des arts de Lille en 1876 et en assure la présidence en 1889.
Étienne Bolmont
Bibliographie
Souillart Cyrille (1859), « Solution de la question 406 », Nouvelles annales de mathématiques, 18, 224-230.
___ (1865), Essai sur la théorie analytique des satellites de Jupiter. Suivie de Propositions données par la faculté. Thèses présentées à la Faculté des sciences de Paris, Paris, Gauthier-Villars.
___ (1866), « Sur les sections circulaires des surfaces du second ordre et les ombilics des surfaces quelconques », Journal für die reine und angewandte Mathematik, 65, 320-334.
___ (1876), « Figure théorique de l’ombre portée par la planète Saturne sur son anneau », Astronomische Nachrichten.
___ (1878), « Mouvement relatif de tous les astres du système solaire, chaque astre étant considéré individuellement », Recueil des savants étrangers de l’Académie de Belgique.
___ (1887), Théorie analytique des mouvements des satellites de Jupiter. 2e partie. Réduction des formules en nombres, Paris, Imprimerie nationale.
___ (1889), Séance solennelle du 29 décembre 1889. Discours de M. Souillart, Lille, Société des sciences, de l’agriculture et des arts de Lille.
___ (1893), « Note sur la partie elliptique des latitudes, dans la théorie des satellites de Jupiter », Bulletin astronomique.
___ (1894), « Sur le degré d’approximation que comporte le calcul des latitudes, dans la théorie des satellites de Jupiter », Bulletin astronomique.
Souillart Cyrille & Mathieu Émile (1858), « Solution de la question 405 », Nouvelles annales de mathématiques, 17, 192-194.
Sources d’archives
Archives nationales : dossier de carrière (F/17/2174) et dossier de Légion d’honneur (LH/2538/51).
Sources secondaires
Anonyme (1899), « Souillart, Cyrille Joseph », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, 59, 233.
Callandreau O. (1898), « Notice sur M. Souillart, correspondant pour la section d’astronomie », Comptes rendus de l’Académie des sciences.
Pourprix, Marie-Thérèse (2009), Des mathématiciens à la Faculté des sciences de Lille (1854-1971), Paris, L’Harmattan.
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