Jean-Marie SEGUIN

1823, 1911
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Jean-Marie
Seguin
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Physique
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Texte
; par :
Étienne Bolmont

Jean-Marie SEGUIN (1823-1911)

Professeur de physique

Jean-Marie François Marcelin Seguin est né à Carpentras (Vaucluse) le 26 avril 1823, dans une famille de onze enfants. Son père Félix est pharmacien. Jean-Marie Seguin épouse, en août 1851, Valérie Giroud, fille d’un chirurgien major dans la garde impériale. Ils auront deux enfants. La famille de son épouse est bien implantée à Grenoble, son beau-frère est professeur au lycée de la ville. Seguin semble faire partie d’une bourgeoisie assez aisée, possédant entre autres des propriétés en Savoie. Il décède à l’âge de 88 ans, le 24 juin 1911, à Fréterive en Savoie.

Il obtient le baccalauréat au lycée de Lyon. En 1843, il entre à l’École normale supérieure, mais victime de la fièvre typhoïde, il redouble sa seconde année. Il y acquiert les licences de mathématiques et de sciences physiques et naturelles. Il est major de l’agrégation de sciences physiques et naturelles en 1847. En 1852, il passe son doctorat, sa thèse de physique se situe dans le domaine de l’optique : Sur les couleurs accidentelles. Expériences sur les indices de réfraction des dissolutions.

Après l’agrégation, il est nommé à Saint-Omer, poste qu’il refuse pour des raisons de santé, au bénéfice d’un poste dans le sud. Il obtient alors un poste au collège royal d’Angoulême en septembre 1847. De septembre 1848 à septembre 1850, il enseigne la physique au lycée de Grenoble, avec en 1849, la charge d’un cours à la faculté des sciences. De septembre 1850 à novembre 1854, il est au lycée de Caen. Tous ses rapports d’inspection en lycée sont élogieux, on souligne la clarté et l’élégance de ses cours, il est « goûté des élèves ». « Son zèle, sa tenue et la dignité de sa vie privée peuvent être cités comme modèles ». Dès son doctorat, les rapports mentionnent son souhait de rejoindre l’enseignement supérieur.

Le 29 novembre 1854, Seguin est nommé à la toute nouvelle Faculté des sciences de Nancy où il ne reste que deux mois avant de revenir à Grenoble en tant que chargé de cours de physique pendant 6 mois, puis professeur de physique à la faculté des sciences. Il y restera jusqu’en octobre 1871. Il y a certainement travaillé dans de plus mauvaises conditions qu’à Nancy, si l’on en croit François Raoult dans son éloge à Émile Gaymard, professeur de sciences naturelles et collègue de Seguin : « La Faculté des sciences n’avait qu’une seule salle de cours. Elle était basse et sombre et n’avait d’autre ornement que le souvenir des maîtres qui y avaient enseigné ; […] il n’y avait également, pour tous les professeurs de la Faculté des sciences et pour le directeur du Laboratoire départemental, qu’un seul laboratoire, et ce laboratoire servait en même temps d’habitation à la concierge. Le professeur de physique, M. Seguin, y arrangeait ses instruments… ». Il donne également un enseignement scientifique à l’école professionnelle.

À Grenoble, il participe aux travaux de la Société de statistiques, des sciences naturelles et des arts industriels du département de l’Isère, dont il est membre depuis 1850. Il devient doyen de la faculté en 1868. Cette charge semblait acquise à Alexandre Charvet, médecin, professeur de zoologie et figure bien connue à Grenoble, mais pour des raisons d’âge, le ministre lui préféra Seguin, qui était également très apprécié dans la ville et par le maire. Ce dernier note l’investissement de Seguin en tant que vice-président de la Commission municipale des logements insalubres.

Dès 1863, Seguin émet le vœu d’un emploi de recteur à Chambéry. Les renseignements confidentiels soulignent alors qu’il « semble propre à l’administration ». « Il a l’étoffe d’un bon inspecteur pour l’Académie de Paris ou d’un Recteur » (1866). Il est finalement nommé recteur de l’Académie de Besançon en octobre 1871. Deux ans plus tard, il est muté à Aix-en-Provence où il ne reste qu’un mois et demi. En janvier 1874, il devient recteur de l’Académie de Bordeaux jusqu’en août 1875. À chaque nouvelle nomination, il monte en grade et termine à la première classe, avec un traitement de 18 000 francs. Il termine sa carrière de recteur à Caen, mis en congé d’inactivité le 15 avril 1879 pour des raisons politiques, jusqu’à sa retraite en mai 1883. Il est alors nommé recteur honoraire.

Cette sanction le remplit d’amertume, il plaide pour sa cause en rappelant son passé de recteur qui a rempli ses fonctions sans faiblir, comme à Besançon où il avait soutenu le procureur général François Varambon, impliqué dans la Commune de Paris, et surtout à Bordeaux où « les autorités attendaient d’un nouveau recteur que tous les chefs de service de l’université fussent balayés : j’ai fait le contraire… ». À Caen, la presse lui reproche d’être « un administrateur clérical, intolérant et fanatique », pour la façon dont il avait géré un conflit entre le censeur et l’aumônier du lycée, mais Seguin se défend d’avoir fait une faute dans cette affaire. Selon l’Annuaire de l’École normale supérieure de 1913, cité par Jean-François Condette, il fut la victime des rivalités locales « à un moment difficile où les passions politiques et religieuses séparaient le pays en des classes parfois hostiles ». Pendant son congé forcé, Seguin refuse une mise à la retraite prématurée et ne cesse de postuler pour des emplois : une inspection générale dans l’instruction primaire, qu’il justifie par une étude qu’il a faite sur les besoins scientifiques des écoles normales et des écoles primaires, et sa participation à une commission sur l’enseignement scientifique primaire. Même s’il préférerait redevenir recteur (à Chambéry par exemple), il est également tenté par une chaire de physique à la Faculté de Montpellier, mais il serait « tout aussi empressé d’aller à Montpellier qu’à Lyon, ou à Dijon, ou à Grenoble ».

Officier de l’instruction publique en 1856, il obtient la légion d’honneur en août 1862. Son parcours nancéien a donc été très court. En tant que premier professeur de physique, il a quand même marqué les débuts de la faculté. Il a notamment été chargé de la mise en place des enseignements de physique, et avant de rejoindre Nancy, le recteur Hervé Faye* lui a demandé, ainsi qu’au professeur de chimie Jérôme Nicklès*, de « s’occuper à Paris de la formation de leurs collections respectives avant le 4 décembre, jour de leur arrivée à Nancy ». Seguin doit se renseigner sur les prix pratiqués et les frais d’expédition et d’emballage, examiner les appareils disponibles, et « prendre terme pour les paiements en cas de commandes ». Mais c’est son successeur Jules Chautard* qui sera la cheville ouvrière de l’enseignement de la physique à la Faculté des sciences de Nancy. Ses travaux scientifiques ont porté sur des sujets relativement variés. Il effectue des recherches dans le domaine de l’optique physiologique à la suite de son sujet de thèse sur les couleurs accidentelles, en référence aux travaux de Fechner et Helmholtz. Un deuxième sujet de prédilection porte sur les décharges dans les gaz, il le développe en collaboration avec le recteur de Grenoble Jean-Antoine Quet dans leurs considérations sur la lumière stratifiée.

Sa relation avec Quet, qui deviendra inspecteur général, n’est sans doute pas sans rapport avec la suite de sa carrière en tant que recteur. La troisième orientation est liée à la spectroscopie et à ses usages. Seguin y travaille dès 1861 avec des travaux remarqués sur les spectres des métalloïdes. À ce sujet, il publie deux articles dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, et aussi plusieurs articles aux Annales de chimie et de physique, articles souvent repris dans le Bulletin de la Société de statistiques, des sciences naturelles et des arts industriels du département de l’Isère. Dans ce bulletin, il écrit des notes relatives à des préoccupations régionales, sur l’écoulement du gaz d’éclairage, le magnétisme à Grenoble, le problème des explosions de mines dans les carrières, un travail sur les vins plâtrés ! Seguin se montre attaché à la recherche en tant que physicien expérimentateur et on peut lire dans un des rapports annuels : « Il vit dans son laboratoire » (1860). C’est ce qu’on remarque également dans ses présentations d’expériences lors les réunions de la Société de statistiques, comme celle de la lumière stratifiée, ou des machines comme la machine de Carré. En 1861, avec Quet, il présente des expériences d’analyse spectroscopique. Il organise également des observations météorologiques au couvent de la Grande Chartreuse. Sa bibliographie laisse apparaître un autre pendant de son œuvre : il a écrit de nombreux ouvrages pour l’enseignement de la septième (école primaire) à la classe de philosophie. Il commence à s’orienter dans cette direction pendant sa mise en inactivité et il continue à écrire des manuels pendant les premières années de sa retraite.

Étienne Bolmont

Bibliographie

Seguin Jean-Marie (1851), « Premier mémoire sur les couleurs accidentelles », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 33, 642-643.

___ (1852), « Deuxième mémoire sur les couleurs accidentelles », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 34, 767-768.

___ (1852), « Troisième mémoire sur les couleurs accidentelles », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 35, 476.

___ (1855), « Expériences sur l’effet de l’influence électrique dans des circonstances analogues à celles de l’induction », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 41, 1150-1151.

___ (1861), « Sur les spectres du phosphore et du soufre », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 53, 1272-1274.

___ (1862), « Spectre de l’étincelle électrique dans les gaz composés, en particulier dans le fluorure de silicium », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 54, 994-996.

___ (1862), « Mémoire sur la théorie de la lumière électrique stratifiée », Annales de chimie et de physique, 65, 317-330.

___ (1863), « Sur l’analogie de l’étincelle d’induction avec les autres décharges électriques », Annales de chimie et de physique, 69, 97-128.

___ (1864), « Nécessité d’avoir égard à l’intervention de la lumière blanche dans l’interprétation de quelques expériences relatives aux images accidentelles des objets colorés », Bulletin de la Société de statistiques, des sciences naturelles et des arts industriels du département de l’Isère, 7, 332-337.

___ (1864), « Action de l’étincelle électrique sur plusieurs gaz composés ; raies brillantes du spectre de plusieurs corps simples, non métalliques », Bulletin de la Société de statistiques, des sciences naturelles et des arts industriels du département de l’Isère, 7, 325-331.

___ (1864), Notions de chimie agricole, Prudhomme.

___ (1867), « Lumière électrique stratifiée et étincelle d’induction », Bulletin de la Société de statistiques, des sciences naturelles et des arts industriels du département de l’Isère, 1, 212-222.

___ (1867), « Analogie de l’étincelle d’induction avec les autres décharges électriques », Annales de chimie et de physique, 69, 97.

___ (1869), « Sur l’emploi du spectroscope pour distinguer une lumière plus faible d’une plus forte », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 68, 1322-1323.

___ (1870), « Mémoire sur les images accidentelles des objets blancs », Bulletin de la Société de statistiques, des sciences naturelles et des arts industriels du département de l’Isère, 2, 205-260.

___ (1880), « Sur les images accidentelles des objets blancs », Annales de chimie et de physique, 19, 450-464.

___ (1881), Cours de chimie, Classe de philosophie, Paul Dupont.

___ (1881), Notions élémentaires de chimie. Classe de sixième, Paul Dupont.

___ (1882), Cours de physique, Classe de troisième. Pesanteur, hydrostatique et chaleur, Paul Dupont.

___ (1884), Premiers éléments des sciences expérimentales, conformes aux programmes de la classe de septième, Paul Dupont.

___ (1888), Cours de physique. Programme de la classe de philosophie... Physique et chimie. Optique... Révision et compléments relatifs à la physique et à la chimie, Paul Dupont.

Sources d’archives

Archives nationales : dossiers de carrière (F/17/21715/b, F/17/2884/1) et dossier de Légion d’honneur (LH/2493/27).

Sources secondaires

Condette Jean-François (2006), Les recteurs d’académie en France de 1808 à 1940. Tome II : Dictionnaire biographique, Lyon, INRP, 339-340.