Nicolas RENARD
Nicolas RENARD (1823-1880)
Professeur de mathématiques appliquées et doyen
Nicolas Aimé Renard est né le 19 septembre 1823 à Blénod-lès-Pont-à-Mousson où son père est menuisier. En octobre 1850, il se marie à Pont-à-Mousson avec Charlotte Justine Cabaret (1824-1877), fille d’un notaire de la ville. Le couple aura deux enfants, Marie (1856-1939) et Charles Marie Louis (1858-1912). La famille Renard est proche de la famille du mathématicien Henri Poincaré, dont le père, Léon Poincaré, enseigne à la Faculté de médecine de Nancy ; Marie Renard est une amie intime d’Aline Poincaré, soeur du mathématicien et future épouse du philosophe Émile Boutroux. Nicolas Renard meurt à Nancy le 10 février 1880. Son décès est déclaré par son fils et par le doyen de la Faculté des lettres, Charles Benoît.
Renard fait ses études secondaires au petit séminaire de Pont-à-Mousson et au grand séminaire de Nancy. Il obtient le baccalauréat ès lettres en octobre 1844, à l’âge de 21 ans. Il continue sa formation en classe de mathématiques spéciales au lycée de Metz puis, en 1847, au lycée Louis-Le-Grand à Paris. Il est admis à l’École normale supérieure la même année avec une dispense d’âge. À sa sortie, en 1850, il est nommé à titre provisoire régent de mathématiques élémentaires au collège de Saint-Brieuc. En 1852, il est ensuite nommé chargé de fonctions de professeur répétiteur de mathématiques au lycée de Rennes. Deux ans plus tard, il est nommé professeur adjoint de mathématiques au lycée de Strasbourg.
Après avoir obtenu l’agrégation de sciences en septembre 1855 (l’agrégation de mathématiques n’existe pas encore à cette époque), Renard est nommé professeur de mathématiques pures et appliquées au lycée de Coutances. L’année suivante, il rejoint le lycée de Besançon en tant que chargé de suppléance de mathématiques spéciales. En août 1856, Renard soutient à la Faculté des sciences de Paris une thèse d’analyse intitulée Courbure des surfaces et une thèse d’astronomie ayant pour titre Sur le mouvement des planètes dans le cas des perturbations. Le jury est présidé par Étienne-Louis Lefébure de Fourcy, avec pour examinateurs Gabriel Lamé et Charles Delaunay (une source laisse supposer qu’Augustin Louis Cauchy aurait remplacé Delaunay dans le jury).
Quelques mois plus tard, en février 1857, Renard est chargé de suppléer Hervé Faye* à la chaire de mathématiques pures et appliquées à la Faculté des sciences de Nancy ; en réalité, il partage cette tâche avec Antoine Adrien Lafon* : ce dernier se charge des enseignements de mécanique et Renard s’occupe du calcul différentiel et intégral et des cours de géométrie descriptive. Cette situation précaire lui pèse fortement et, dès 1861, il supplie le ministre de le titulariser. Il ne l’est qu’en mars 1866. Avant la Guerre de 1870, il assure régulièrement des cours du soir pour ouvriers dans le cadre de l’enseignement de l’école des sciences appliquées.
En novembre 1871, suite à la perte de l’Université de Strasbourg, Xavier Bach*, est nommé à Nancy à la chaire de mathématiques pures, chaire qu’il occupait à Strasbourg depuis 1860. Cette nomination a pour conséquence la division de la chaire de mathématiques pures et appliquées occupée par Renard, qui se voit donc confier la chaire de mathématiques appliquées. Il accepte particulièrement mal ce changement dans son service et s’en plaint au ministre. Au même moment, Émile Mathieu, alors chargé de cours de mathématiques pures à la Faculté des sciences de Besançon, se porte candidat à Nancy sur l’une ou l’autre des chaires alors créées. Dans une lettre adressée au doyen, dès février 1871, il écrivait alors : « Je suis de Metz ainsi que ma femme ; tous nos parents habitent la Lorraine ; la vie nous serait donc plus agréable à Nancy que dans toutes les autres villes où siègent des facultés. Il a été question, pour un moment, une faculté qui put lutter avec avantage contre les Universités allemandes voisines. Si, l’on était dans ces idées, on devrait tenir aux titres scientifiques des professeurs, et vous auriez peut-être une facilité de plus pour me faire agréer ». Sans doute met-il en doute la qualité et le rayonnement des travaux scientifiques de Renard. Cette candidature est comprise par Renard comme une tentative pour le déplacer à Besançon à la chaire de Mathieu. Renard réagit aussitôt et écrit au doyen Bach : « À aucun prix je ne consentirais à un pareil échange. » Tout comme Mathieu, Renard invoque ses origines lorraines mais il insiste également sur ses problèmes de santé récurrents qui affectent son service d’enseignement : souffrant d’une affection chronique de la gorge, il rencontre de nombreuses difficultés pour assurer ses cours et il doit régulièrement demander à des étudiants de lire son cours à sa place. Deux ans plus tard, en octobre 1873, Mathieu* remplace Bach* à son départ en retraite à la chaire de mathématiques pures.
Les problèmes de santé de Renard étaient connus en 1869 : un rapport du recteur Louis Maggiolo rendait alors compte de ses très bons états de service et demandait déjà la nomination d’un professeur adjoint pour pallier ces difficultés : « C’est une homme très honorable ; il lutte avec un courage que je ne saurais trop louer contre les atteintes d’une maladie grave. Il est nécessaire de lui venir en aide en appelant à la Faculté des sciences de Nancy un professeur adjoint de mathématiques. Les nécessités du service et les exigences de la santé de M. Renard m’imposent l’obligation de le réclamer en toute occasion. » Ces ennuis de santé obligent Renard à solliciter de fréquents congés à partir de 1877. Un certificat médical mentionne que Renard est alors atteint d’une « hypothermie des centres nerveux ».
À partir de son arrivée à la Faculté des sciences de Nancy, Nicolas Renard développe un programme original de recherche en physique mathématique. Il se consacre à l’exploration des phénomènes électriques et magnétiques à partir de deux hypothèses. D’une part, l’hypothèse du fluide unique, liée à la conception de Benjamin Franklin, selon laquelle chaque corps à l’état naturel possède une certaine quantité d’électricité, qui peut augmenter ou diminuer quand le corps s’électrise positivement ou négativement. D’autre part, l’hypothèse d’une analogie avec la théorie de la chaleur de Charles Fourier : l’électricité se transmettrait de proche en proche entre les éléments voisins, proportionnellement à l’inverse de la distance des éléments, à la différence des intensités et à la surface des éléments. Un flux électrique aurait donc deux actions : il exercerait une pression sur un obstacle et il créerait une deuxième action occasionnée, selon Renard, « par l’ébranlement que l’électricité non écoulée et qui n’est pas moins en mouvement produit dans la masse éthérée, ébranlement qui se propage comme les ondes sonores ». Les tentatives d’une explication mécanique des phénomènes électriques faisant intervenir l’éther pondérable constituent un des axes de recherche des savants à cette période. Il sera abandonné au début du 20e siècle. Les recherches de Renard se situent dans la continuité de celles de Gabriel Lamé. Ce dernier avait développé une théorie mécanique de la chaleur, et visait à l’unifier avec la théorie électrique et la théorie de la lumière. Il y faisait intervenir l’éther et ses interactions avec la matière dans les différentes classes de phénomènes. Au moins pour des raisons pédagogiques, cette hypothèse était adoptée par Lamé dans son Cours de physique à l’École polytechnique. Pour autant, cette hypothèse ne faisait pas complètement l’unanimité et pour présenter son premier mémoire, en 1859, Renard évoque les interrogations du physicien suisse Auguste de La Rive : « Un physicien célèbre de nos jours, dont les recherches se sont dirigées principalement vers les phénomènes électriques, frappé de l’insuffisance de la théorie des deux fluides pour expliquer ces phénomènes, a émis la réflexion suivante : « Nous sommes loin de présenter la théorie des deux fluides, telle que nous l’avons exposée, comme le dernier mot de la science. Elle n’est pour nous, qu’un moyen commode de lier les faits entre eux, et de nous permettre de les grouper sous quelques lois plus générales… Les phénomènes électriques dépendent très probablement de l’action combinée des particules de la matière et du fluide éthéré qui remplit l’univers.” » Cependant, quand de La Rive exprime un doute sur les interactions entre l’électricité et l’éther, Renard note que « cette difficulté ne [lui] semble pas sérieuse. »
Renard publie, entre 1859 et 1876, l’intégralité de ses recherches dans les Mémoires de l’Académie de Stanislas, soit 14 mémoires. La publication de certains de ses mémoires fait l’objet d’une annonce dans les Comptes rendus à l’Académie des sciences par Gabriel Lamé, sous la forme d’extraits ou de résumés de quelques lignes. Si l’on excepte sa thèse et un manuel de géométrie descriptive, l’activité de publication de Renard se fait donc essentiellement à un niveau local. De fait, il ne publie pas dans des journaux d’audience nationale comme le Journal de mathématiques pures et appliquées ou les Annales scientifiques de l’École normale supérieure. De manière régulière, le recteur fait état, dans ses évaluations des années 1860-1870, de travaux de mathématiques « estimés par les hommes compétents ».
Comme son dossier de carrière l’atteste, Renard est particulièrement estimé de ses collègues et des différents recteurs en poste à Nancy. En 1873, le départ en retraite de Bach* entraîne la vacance du poste de doyen. Le physicien Jules Chautard* et Renard sont tous deux candidats. Malgré un soutien marqué de ses collègues, la candidature de Renard échoue. Trois ans plus tard, en 1876, Chautard* choisit de rejoindre l’Université catholique de Lille qui est alors en cours de création. Également sollicité, car fervent catholique, Renard décline l’offre en invoquant ses problèmes de santé. Il devient finalement doyen, en remplacement de Chautard*. Le recteur Paul Jacquinet s’en félicite alors, revenant sur l’épisode de 1873 : « Lorsque, il y a trois ans, le décanat devint disponible par la retraite du savant M. Bach*, une démarche officielle de l’administration académique auprès de l’autorité supérieure fit reconnaître alors et le vœu déclaré de tous les membres de la Faculté des sciences en faveur de cette candidature [de Renard], et les sentiments tous contraires que lui inspirait celle de M. Chautard*. L’événement a montré quel eût été le meilleur choix à faire ». À partir d’octobre 1877, très malade, Renard obtient des congés constamment renouvelés. C’est donc Louis Grandeau* qui assure la fonction de doyen par délégation dès le mois d’avril 1878. Quant aux fonctions d’enseignement, Renard est suppléé par Gaston Floquet*, jeune maître de conférences de mathématiques nommé à Nancy en février 1878. Renard démissionne du décanat en avril 1879 ; il est nommé doyen honoraire et officiellement remplacé par Louis Grandeau*. Floquet* est titularisé sur sa chaire en juillet 1880, quelques mois après sa mort.
Outre l’Académie de Stanislas – où il entre en 1858 et dont il assure le secrétariat annuel en 1864 – Renard est membre de l’Académie de Metz et de l’Académie de Luxembourg.
Philippe Nabonnand
Bibliographie
Renard Nicolas (1856), Courbures des surfaces. Suivie de Sur le mouvement des planètes dans le cas des perturbations, Paris, Mallet-Bachelier.
___ (1858), « Premier mémoire sur la distribution de l’électricité dans les corps conducteurs, en sortant de l’hypothèse d’un seul fluide », Mémoires de l’Académie de Stanislas, 108-135.
___ (1860), Abrégé du cours de géométrie descriptive pour l’enseignement supérieur des sciences appliquées.
___ (1861), Théorie de l’induction en partant de l’hypothèse d’un seul fluide, impr. de Veuve Raybois.
___ (1862), Distribution de l’électricité dans les conducteurs cristallisés en partant de l’hypothèse d’un seul fluide, impr. de Veuve Raybois.
___ (1862), Notice historique sur la vie et les travaux de Gustave de Coriolis. Discours de réception à l’Académie de Stanislas, Imprimerie de Veuve Raybois.
___ (1863), « Théorie du magnétisme terrestre dans l’hypothèse d’un seul fluide électrique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 56, 299-301.
___ (1865), Sur l’établissement des formules fondamentales de l’électro-dynamique dans l’hypothèse d’un seul fluide, Nancy, Imprimerie de Veuve Raybois.
___ (1867), « Sur la théorie de la dispersion de la lumière », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 64, 357-359.
___ (1869), « Électrochimie », Mémoires de l’Académie de Stanislas.
___ (1869), Théorie des actions des aimants sur les corps magnétiques et diamagnétiques dans l’hypothèse d’un seul fluide électrique, Imprimerie de Veuve Raybois.
___ (1869), « Action du magnétisme sur la lumière polarisée », Mémoires de l’Académie de Stanislas.
___ (1871), « Production de l’électricité par les actions mécaniques, expliquée dans l’hypothèse d’un seul fluide électrique », Mémoires de l’Académie de Stanislas, 66-129.
___ (1872), Lois des actions calorifiques produites par l’électricité et réciproquement de l’électricité produite par la chaleur, expliquées dans l’hypothèse d’un seul fluide électrique.
___ (1875), De quelques vérifications expérimentales de la formule d’Ampère, Nancy, Imprimerie Berger-Levrault.
___ (1876), Théorie de l’aimantation produite par les courants continus et les courants instantanés dans l’hypothèse d’un seul fluide électrique, Nancy, Imprimerie Berger-Levrault.
___ (1876), « Théorie de l’aimantation dans l’hypothèse d’un seul fluide électrique », Mémoires de l’Académie de Stanislas, A127, 1-45.
Sources d’archives
Archives nationales : dossier de carrière (F/17/23058).
Sources secondaires
Boutroux Aline (2012), Vingt ans de ma vie, simple vérité : la jeunesse d’Henri Poincaré racontée par sa sœur (1854-1878), Texte inédit édité par Laurent Rollet, Paris, Hermann.
Grandeau Nicolas (1881), « Renard (Nicolas Aimé) », Bulletin de l’association des anciens élèves de l’école normale supérieure, 18-19.
Lamé Gabriel (1838), Cours de Physique de l’École polytechnique, t. 3, Bruxelles, Méline & Cans.
Millot Charles (1885), « Le cyclone du 3 juin 1885 à Aden et la perte de Renard », Mémoires de l’Académie de Stanislas.
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