Paul PETIT
Paul PETIT (1862-1936)
Professeur de chimie agricole et doyen
Paul Émile Petit est né le 29 mars 1862 à Lucy, arrondissement de Château-Salins, dans la partie du département de la Meurthe qui sera annexée après le traité de Francfort. Son père, Édouard Petit, notaire, et sa mère, Madeleine Pelte, sont de petits notables de province. Il épouse en 1891, Marie Jeanne Puton (1866-1958), fille de François Alfred Puton, alors inspecteur général des Forêts et directeur de l’École nationale forestière de Nancy. Paul Petit meurt le 20 janvier 1936.
Il fait toutes ses études au lycée de Grenoble et entre à l’École normale supérieure en 1883. Il en sort agrégé de sciences physiques en 1886. Il commence alors sa carrière d’enseignant au lycée de Cherbourg, en septembre 1886, en tant que professeur de physique à titre provisoire. En novembre 1887, il est nommé préparateur au laboratoire de chimie organique de Marcelin Berthelot à l’École des hautes études, à Paris. Il y prépare sa thèse qu’il présente en 1889 sous le titre, Recherches sur quelques produits azotés de la série aromatique.
À la rentrée 1889, il est chargé d’un cours de chimie agricole à la Faculté des sciences de Nancy. Il est reconduit à ce poste jusqu’en juillet 1894. Entre-temps, en janvier 1893, il est nommé directeur de l’École de brasserie qui vient d’être créée au sein de la faculté. En janvier 1894, il remplace Louis Grandeau* à la chaire de chimie. En 1919, il est élu doyen de la faculté des sciences et, à ce titre, chargé de la direction de l’Institut métallurgique et minier qui vient d’être créé. Il garde la direction des deux écoles jusqu’à son décès, en 1936.
D’un point de vue scientifique, son arrivée à Nancy correspond à une réorientation complète de ses recherches. Pendant la préparation de sa thèse sous la direction de Berthelot, il avait entrepris des travaux de thermochimie. À partir de 1892 et jusqu’en 1915, toutes ses recherches sont consacrées à des questions de chimie fermentaire en relation directe ou indirecte avec l’industrie brassicole : il s’intéresse à l’amidon, à la formation des dextrines, aux sucres, à l’étude des orges et du malt, à l’oxydation des moûts de la bière, etc. Il rédige également des ouvrages d’information sur l’industrie de la bière et la culture de ses composants, notamment Brasserie et malterie publié en deux tomes à partir de 1904 et réédité en 1926 (en collaboration avec Jean Raux* et Louis Pierre*).
Son orientation vers les sciences appliquées se double d’une très forte implication dans la création et le développement de l’École de brasserie dont le projet est né en 1892. À cette époque, le doyen Ernest Bichat*, alors au faîte de son influence, encourage, comme il l’a fait pour l’institut chimique, toutes les initiatives en faveur du renforcement de la formation scientifique des dirigeants et techniciens des industries nationales ou régionales. Pour préparer la création de l’école de brasserie, Petit est envoyé en mission à l’étranger dans des pays réputés pour leur industrie brassicole. Il visite les centres de formation dédiés aux métiers de la bière, à Copenhague, Berlin, Gand, Prague, Vienne et Munich. Il remarque que tous ces centres de formation sont également dotés de laboratoires d’essais et d’analyses au service de l’industrie. C’est donc sur la base de ce modèle qu’il entreprend de créer de toutes pièces l’École de brasserie de Nancy dont les premières installations sont accueillies dans les sous-sols de l’institut chimique. Progressivement, grâce à ses démarches appuyées par Bichat*, il parvient à obtenir des industriels concernés et des assemblées locales les financements nécessaires au développement de son projet. À partir de 1904, l’école qui avait jusque-là offert des stages à des brasseurs en activité, s’installe dans ses propres bâtiments et peut recevoir des étudiants auxquels elle délivre le diplôme d’ingénieur-brasseur.
Au cours de cette période, l’école mobilise l’essentiel de l’activité de Petit, ce qui lui donne l’occasion de multiplier les contacts avec les milieux administratifs et industriels. Il acquiert de ce fait une notoriété dont le recteur Charles Adam tire les conséquences. En 1911, dans sa note d’évaluation, il considère que « Monsieur Petit par toutes ses qualités d’organisateur autant que de professeur, par son esprit d’initiative et d’entreprise et par le légitime prestige dont il jouit dans le monde industriel ferait le cas échéant un excellent doyen de la faculté des sciences. » Il est d’ailleurs, depuis juillet 1909, assesseur du doyen Gaston Floquet*. Il est aussi très présent dans les réseaux scientifiques et intellectuels nancéiens : il adhère à la Société des sciences de Nancy dès son arrivée à Nancy en 1890 et il figure également parmi les membres du conseil des sciences de la Société industrielle de l’Est.
La guerre vient interrompre le fonctionnement de l’école. Petit, qui n’est pas mobilisable, prend en charge l’administration d’un hôpital auxiliaire de la Société de secours aux blessés de Nancy. Il est ensuite autorisé à partir à Paris où il est attaché bénévole aux services de renseignement de l’armée française, à la section économique, puis au service technique (de mai 1917 à mars 1919). Il est proposé à ce titre pour la croix d’officier de la Légion d’honneur, en 1919 ; il l’obtient en septembre 1920 au titre du ministère de l’Instruction publique et des Beaux Arts.
La guerre ne l’a cependant pas totalement écarté des questions universitaires. Il est chargé par le conseil de la faculté de répondre à l’enquête lancée par la Revue internationale de l’Enseignement sur la proposition de loi que le sénateur Émile Goy, spécialiste des dossiers de l’enseignement technique, a déposée en juillet 1915. Ce dernier, comme de nombreux responsables économiques et politiques, s’inquiète des pertes qui affectent les rangs de jeunes gens tout juste sortis des écoles spécialisées ou de l’université. La question qui se pose alors est celle de la formation en nombre et en qualité de ceux qui seront appelés à remettre sur les rails l’économie d’après-guerre. Le projet Goy envisage de créer, aux côtés des facultés des sciences, des facultés des sciences appliquées spécialisées en fonction des industries régionales. Là où les facultés des sciences ne disposeraient pas de suffisamment d’étudiants et d’enseignants, les facultés des sciences seraient appelées à se transformer en faculté des sciences appliquées. Les résultats de l’enquête publiés dans la Revue internationale de l’enseignement à partir de 1916 montrent que tous les conseils de facultés, avec les arguments les plus divers, rejettent cette proposition. Seul le rapport rédigé par Paul Petit est favorable au projet Goy. Il y voit le moyen de conforter l’organisation des instituts créés avant-guerre [qui] « restent soumis, pour les créations ou transformations de chaires, les désignations de professeurs, les questions de programmes et de diplômes, à des conseils qui ne comprennent aucun représentant des sciences appliquées et dans lesquels ces enseignements, tout comme les relations avec l’industrie, sont considérés sans sympathie et envisagés comme dangereux pour l’Université. »
Dès le retour à la paix, en 1919, l’Université de Nancy semble bien confirmer la position de Paul Petit. Élu par ses pairs doyen de la faculté des sciences, il reçoit alors carte blanche pour organiser, en étroite collaboration avec les industries concernées, l’Institut métallurgique et minier de Nancy qui prendra par la suite le nom d’École de la métallurgie et des mines de Nancy. Il en sera le directeur jusqu’en 1936. L’originalité de l’organisation conçue à cette époque en collaboration avec le Corps des mines a marqué durablement l’histoire de cette école devenue aujourd’hui École nationale supérieure des mines de Nancy.
La période d’après-guerre est sans doute celle où l’influence de Petit est la plus forte. Il met tout son entregent et ses talents de négociateur au service de la réorganisation de l’Université. Il fait pratiquement fonction de vice-recteur comme le note le recteur Adam lui-même en 1920 : « Paul Petit est l’auxiliaire le plus précieux du recteur, il le seconde de tout son pouvoir. »
Une décennie plus tard, les choses ont changé. La crise économique rend les financements de l’industrie de plus en plus aléatoires. Les instituts deviennent une charge pour la faculté des sciences et la politique de développement des sciences appliquées ne semble plus faire l’unanimité, d’autant plus que la personnalité de Paul Petit pèse sur la nouvelle génération. En 1930, aux élections pour le décanat, il est mis en ballotage et il refuse de se représenter. Par déférence, le titre de doyen honoraire lui est attribué à un an de sa retraite, qu’il prend en 1932. Il conserve cependant la direction des deux écoles qu’il a créées jusqu’à son décès en 1936. La chaire de chimie agricole disparaît, au bénéfice d’une chaire de chimie attribuée à Edmond Urion.
Françoise Birck
Bibliographie
Petit Paul (1888), « Chaleur de formation de l’aniline », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 106.
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___ (1888), « Chaleurs de formation des alcalis isomères, toluidines, benzylamine, méthylaniline », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 107.
___ (1889), « Recherches sur quelques composés azotés de la série aromatique (thèse de doctorat) », Annales de chimie et de physique, 18.
___ (1892), « Format des dextrines », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 114.
___ (1893), « Nucléine végétale », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 116.
___ (1893), « Influence du Fe sur la végétation de l’orge », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 117.
___ (1894), « Oxydation des moûts de bière », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 118.
___ (1895), « Variations des matières sucrées pendant la germination de l’orge », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 120.
___ (1896), La bière et l’industrie de la brasserie, Paris, J.-B. Baillière et fils.
___ (1897), « Différences entre les levures hautes et basses », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 124.
___ (1897), « Hydrates de carbone restant dans la bière », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 124.
___ (1899), « Dextrines de saccharification », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 128.
___ (1902), « Inversion du saccharose », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 134.
___ (1905), « Réaction de la résine de gaiac », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 141.
___ (1915), « Quelques observations sur l’analyse du malt », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 161, 39.
___ (1925), « Sur la liquéfaction de l’empois d’amidon », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 181, 259.
___ (1928), « Nécrologie d’Henry Vogt », in Compte rendu de la 81e réunion annuelle des anciens élèves de l’École normale supérieure (15 janvier 1928), 34-37.
Berthelot Marcelin & Petit Paul (1889), « Sur les chaleurs de combustion et de formation des nitriles », Annales de chimie et de physique, 18, 107-140.
___ (1889), « Chaleur de combustion du carbone sous ses divers états : diamant, graphite, carbone, amorphe », Annales de chimie et de physique, 18, 80-106.
___ (1890), « Sur la chaleur animale et sur les chaleurs de formation et de combustion de l’urée », Annales de chimie et de physique, 18, 13-20.
___ (1890), « Recherches thermiques sur les camphres nitrés isomériques et sur le camphre cyané », Annales de chimie et de physique, 18, 5-12.
___ (1890), « Chaleur de combustion et de formation des oxydes graphitiques et pyrographitiques », Annales de chimie et de physique, 18, 46-55.
Brun Henri, Petit Paul & Joly Henry (1921), Commémoration de l’oeuvre de René Nicklès, Nancy, Imprimeries réunies.
Petit Paul & Labourasse G. (1900), « Solubilisation des matières azotées du malt », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 131.
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Petit Paul, Raux Jean & Pierre Louis (1904), Brasserie et malterie, deux volumes, Paris, Gauthier-Villars. Seconde édition en 1926.
Petit Paul & Richard Camille (1925), « Influence du mode de dissolution de l’amylase sur la saccharification de l’amidon », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 181, 575.
___ (1926), « Sur la liquéfaction mécanique de l’empois d’amidon », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 182, 657.
___ (1927), « Sur la saccharification des dextrines », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 185, 224.
Raux Jean & Petit Paul (1926), « Essai de la supercentrifuge pour la clarification de la bière (en collaboration avec M. Petit) », Bulletin de la Fondation de l’École de brasserie de Nancy, 5.
___ (1926), « Sur la correction des eaux à l’acide sulfurique et à l’acide lactique », Bulletin de la Fondation de l’École de brasserie de Nancy, 5.
Sources d’archives
Archives nationales : dossier de carrière (F17/24213) et dossier de Légion d’honneur (LH/19800035/569/64740).
Sources secondaires
Birck Françoise (2014), L’École des mines de Nancy (ENSMN) 1919-2012 : entre université, grand corps d’État et industrie Nancy, PUN – Éditions universitaires de Lorraine.
Cornubert Raymond (1936), « Discours aux obsèques de Paul Petit », Le brasseur français.
École supérieure de la métallurgie et de l’industrie des Mines (1937), Inauguration du buste de Paul Petit le 27 novembre 1937, Nancy.
Raux Jean (1936), « Paul Petit », Brasserie et malterie, 22.
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Laboratoire de brasserie de Paul Petit à l'institut chimique | Image | |
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