Georges PARISET
Georges PARISET (1865-1927)
Chargé de cours d’histoire coloniale
Georges Auguste Pariset est né le 8 juillet 1865 à Audincourt (Doubs), au sein d’une famille protestante. Son père est employé aux forges. Georges Pariset se marie en 1902 avec Jeanne Marie Schmidt (1878-1972), fille du pasteur de la paroisse Saint-Marcel de Paris et petite-fille de Charles Schmidt, ancien professeur de la Faculté de théologie protestante de Strasbourg. Le couple a 4 enfants, François Georges en 1904, Gertrude en 1905, Marguerite en 1908 et Nicole en 1913. François Georges, agrégé d’histoire, sera professeur d’histoire de l’art à Bordeaux. Georges Pariset décède le 25 septembre 1927 à Strasbourg ; ses cendres sont ramenées à Nancy, au cimetière de Préville.
Pariset effectue ses études secondaires à l’École alsacienne de Paris de 1874 à 1882. Cette école a été fondée en 1874 par des enseignants alsaciens protestants venus à la suite de l’annexion de l’Alsace. À la fin de sa classe de philosophie au lycée de Nancy en 1884, il obtient son diplôme de bachelier ès lettres. En 1885, il renonce à une bourse de licence à la faculté des lettres pour prendre, en octobre, un poste de maître auxiliaire au lycée Louis-Le-Grand à Paris. En 1886, il obtient à la Sorbonne sa licence d’histoire. En 1887, une bourse d’agrégation lui est accordée, mais il préfère rester maître auxiliaire, cette fois, en janvier 1888, au lycée Henri IV. Parallèlement, il continue à suivre les cours à la Sorbonne et il est reçu premier ex aequo à l’agrégation d’histoire et géographie.
À la rentrée scolaire de septembre 1888, Pariset est nommé professeur au lycée de Nevers, où il se voit confier le cours d’histoire. Cependant, il n’enseigne que peu de temps car il obtient un congé d’inactivité et une bourse de voyage d’études, comme cela se fait beaucoup à cette époque. Il se rend en Allemagne une première fois en 1889 et, profitant du renouvellement de cette bourse, il y reste jusqu’en 1891. Il s’installe à Berlin où il suit les cours de l’université ; il commence alors à réunir les documents nécessaires à la rédaction de sa thèse sur Frédéric-Guillaume Ier. Durant cette période, il est précepteur de Maurice Herbette, fils de l’ambassadeur de France à Berlin. Pariset est également correspondant du Temps, pour lequel il écrit une trentaine d’articles sur la vie politique allemande, notamment sur le mouvement socialiste.
À son retour, il est affecté au lycée de Chaumont (Haute-Marne), où il ne reste qu’un mois, avant de rejoindre, en octobre 1891, la Faculté des lettres de Nancy en tant que chargé d’un cours complémentaire d’histoire moderne et contemporaine. Parallèlement, il rédige ses deux thèses de doctorat, qu’il soutient en 1897 et pour lesquelles il obtient la mention très honorable. Sa première thèse de doctorat a pour titre L’État et les églises en Prusse sous Frédéric-Guillaume Ier (1713-1740). L’historien nancéien Christian Pfister salue le résultat de ses recherches : « Il a écrit sur ce sujet un volume bourré de faits bien contrôlés... ramassés sous des idées générales très attachantes, de fines observations avec une pointe de paradoxe… ». Pour ce travail, l’Académie française lui attribue une partie de la fondation Thérouanne. La seconde thèse de Pariset, De Primordiis bituricensis primatia, porte sur l’établissement de la Primatie de Bourges. Toujours selon Pfister, elle montre qu’il aurait pu enseigner l’histoire du Moyen-Âge aussi bien que l’histoire contemporaine.
Après la soutenance de ses thèses, il devient professeur adjoint en décembre 1897 et, finalement, il obtient sa titularisation en novembre 1901, à la chaire d’histoire moderne laissée vacante par le départ de Charles Diehl pour Paris. En 1906-1908, il part en congé d’inactivité, période durant laquelle il reçoit un traitement annuel d’inactivité de 500 francs. En 1913, sa chaire est transformée en chaire d’histoire moderne et contemporaine. À cette période, une centaine d’étudiants suivent régulièrement ses enseignements, parmi lesquels une forte proportion d’étudiants étrangers germanophones. Dans les années précédant la Première Guerre mondiale, il enseigne également à l’École supérieure de commerce et à l’Institut agricole et colonial de la faculté des sciences. Il y est chargé du cours d’histoire coloniale de 1909 à 1914.
Durant l’hiver 1914-1915, Pariset donne une série de conférences sur la guerre et collabore à la rédaction de livrets publiés par la Maison d’édition Berger-Levrault, dans la collection Pages d’histoire. Écrivain de la guerre, il se donne pour objectif de démontrer la responsabilité de l’Allemagne dans le déclenchement du conflit. En 1917, après les bombardements de Nancy, l’université ferme et Pariset rejoint Paris, où il collabore avec le Bureau d’études de la presse étrangère, au sein duquel il est chargé de dépouiller la presse allemande pour la Présidence du Conseil, en ce qui concerne les événements en Russie et en Finlande.
En avril 1919, après 28 ans passés à Nancy, Pariset est nommé à Strasbourg où il participe dans un premier temps à la réorganisation de l’université. Il convient de rappeler ici qu’après la défaite de 1870, la Prusse avait instauré à Strasbourg une université modèle liant étroitement enseignement et recherche. L’Alsace reconquise en 1918, la France déploie d’importants moyens pour créer une université bien française, qui fait pourtant le pari de conserver l’esprit du « pôle d’excellence » mis en place par le système allemand. En proposant d’en faire une sorte « d’université idéale » (une manière sans doute de régler des comptes avec la science prussienne), l’institution alsacienne se voit allouer des budgets conséquents. Précisément, il s’agit de créer 140 postes, ce qui est considérable par rapport au nombre habituel de postes dévolus aux autres universités.
C’est ainsi que l’université attire de nombreux universitaires de renom qui s’étaient réfugiés à Paris ou dans les autres villes de province, en particulier à Nancy. Parmi les candidats retenus, 15 viennent de Nancy. Ceci s’explique le plus souvent par leurs origines familiales. En ce qui concerne les lettres, un décret daté de novembre 1919 institue des chaires à la Faculté des lettres de Strasbourg. Pour préparer cette reconquête institutionnelle, Christian Pfister, médiéviste et historien de l’Alsace et de la Lorraine, revient à Strasbourg. Il s’était vu confier en 1884, la chaire d’histoire à la Faculté des lettres de Nancy, avant de quitter cette ville pour Paris, où il avait enseigné à la Sorbonne et à l’École normale supérieure.
À son retour en Alsace, il est nommé à la chaire d’histoire. Il contribue alors, avec ses condisciples, à la refondation rapide de l’université strasbourgeoise. Chargé tout particulièrement d’organiser la nouvelle faculté des lettres, il décide son ami Pariset à venir l’y rejoindre.
Pariset arrive à Strasbourg au printemps, en même temps que deux de ses collègues de la Faculté des lettres de Nancy, Paul Perdrizet et Albert Grenier, nommés également professeurs. Tous trois profitent ainsi de la politique d’ouverture en matière de recrutement des enseignants, lancée par Christian Pfister. Pariset est donc nommé professeur d’histoire moderne et contemporaine en novembre 1919. Il y reste jusqu’à la fin de sa carrière, refusant la chaire d’histoire que lui offre la Sorbonne. Il crée l’Institut d’histoire contemporaine et en organise la bibliothèque. À la rentrée universitaire 1920-1921, la faculté des lettres est officiellement reconstituée et Pfister est confirmé dans les fonctions de doyen ; Pariset devient son assesseur en novembre 1922.
À Strasbourg, il se consacre à des élèves qui sont, semble-t-il, loin d’être préparés à un enseignement aussi élevé que le sien. Son cours porte sur l’histoire générale de l’Europe depuis 1870. Il donne également des conférences en licence et dans le cadre de l’agrégation. Pfister dit de lui qu’il est « un exemple à citer ».
Pariset meurt le 27 septembre 1927, en pleine activité. La Faculté des lettres de Strasbourg lui rend hommage en éditant à la mémoire du « bon travailleur », un recueil posthume de travaux divers dont il fut l’auteur (Études d’histoire révolutionnaire et contemporaine). La plupart des textes concernent des travaux restés jusque-là peu accessibles. On y trouve entre autres un éloge de Léon Gambetta et une étude globale sur la bourgeoisie française depuis la Révolution, ainsi qu’une conférence inédite donnée à Mulhouse sur l’histoire du régionalisme français.
Au cours de sa carrière, Pariset a participé pleinement à la vie intellectuelle locale. À Nancy, il est membre titulaire de l’Académie de Stanislas en 1903, secrétaire annuel en 1905, vice-président en 1910 et président en 1911. Il est également membre de la Société industrielle de l’Est, membre et président de l’Union de la jeunesse lorraine qui devient, en 1905, l’Union des amis de l’école. Il est président du comité départemental des documents révolutionnaires, du Comité de direction des Annales de l’Est, membre élu du Conseil académique à partir de 1910, de la Commission de la bibliothèque universitaire, du Conseil d’administration de l’École normale, du Comité de patronage de l’École primaire supérieure, membre du jury de concours de l’École normale supérieure et des bourses de licence, etc. À Strasbourg, il est chanoine du Chapitre luthérien de Saint-Thomas en tant que professeur le plus ancien de la faculté des lettres ; il est également scolarque (inspecteur des études) du Gymnase protestant, professeur et membre du Conseil d’administration de l’Institut d’enseignement commercial et supérieur, membre et président du Comité départemental des documents révolutionnaires. Officier d’Académie en 1895, il est nommé officier de l’Instruction publique en 1901 et chevalier de la Légion d’honneur en 1920.
Yamina Bettahar & Étienne Bolmont
Bibliographie
Pariset Georges (1893), Introduction à l’étude de la Réforme en Allemagne au XVIe siècle : leçon d’ouverture du cours d’histoire moderne, Paris / Nancy, Berger-Levrault.
___ (1896), De promordiis bituricensis primatiae, thesim Facultati litterarum parisiensi proponebat (thèse de doctorat), Nancy, Berger-Levrault & Sodalium.
___ (1896), L’État et les Églises en Prusse sous Frédéric-Guillaume 1er (1713-1740) – thèse de doctorat d’histoire, Paris, Armand Colin.
___ (1898), Historique sommaire du conflit anglo-vénézuélien en Guyane, des origines au traité d’arbitrage, 1493-1897, Berger-Levrault.
___ (1900), L’arbitrage anglo-vénézuélien de Guyane, Nancy, Berger-Levrault.
___ (1901), Histoire générale : l’Allemagne et la réforme jusqu’à la Paix d’Augsbourg, 1555, Paris, Cerf.
___ (1902), L’établissement de la primatie de Bourges, Toulouse, E. Privat.
___ (1904), « Facultés ou instituts ? », Revue de synthèse historique.
___ (1905), « L’enseignement post-scolaire sous la Révolution », Bulletin de l’Union Lorraine des oeuvres auxiliaires de l’École laïque, 1.
___ (1906), « Sieyès et Spinoza », Revue de synthèse historique.
___ (1906), La Revue germanique de Dollfus et Nefftzer (1858-1868) d’après la correspondance inédite des deux directeurs avec un index alphabétique, Paris, Alcon.
___ (1910), Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919 – dir. par Ernest Lavisse. Tome 2, La Révolution (1792-1799), Paris, Hachette.
___ (1916), « Les enseignements du haut professorat allemand », La revue de Paris, 11, 835-857.
___ (1917), « Le lieutenant Napoléon Bonaparte étudiant à Strasbourg », Revue historique, CXXV, 1-15.
___ (1918), Leurs buts de guerre : choix de documents sur la paix allemande, Nouvelle édition remaniée et continuée, Nancy, Berger-Levrault.
___ (1921), Le Consulat et l’Empire : 1799-1815, Paris, Hachette.
___ (1929), Études d’histoire révolutionnaire et contemporaine, Paris, Société d’édition des Belles Lettres.
___ (1929), Études d’histoire révolutionnaire et contemporaine (mélange de travaux de Georges Pariset, avec un portrait hors-texte), Paris, Les Belles Lettres.
___ (1930), Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919 – dir. par Ernest Lavisse. Tome 3, Le Consulat et l’Empire, Paris, Hachette.
Sources d’archives
Archives nationales : dossier de Légion d’honneur (LH/19800035/568/64668).
Sources secondaires
Charle Christophe & Ferré Régine Ed. (1985), Le personnel de l’enseignement supérieur en France aux 19e et 20e siècles, Paris, CNRS / IHMC.
Crawford Elisabeth & Olff-Nathan Josiane Ed. (2005), La Science sous influence. L’université de Strasbourg, enjeu des conflits franco-allemands. 1872-1945, Strasbourg, La Nuée Bleue.
Gain Edmond (1902), « Les universités et l’enseignement colonial », La quinzaine coloniale, 10 décembre.
Hardy Georges (1932), « Notre enseignement devant le fait colonial », L’éducation.
Jonas S. (1995), « Strasbourg et son université », in Denis M.-N., Weidmann A. & Jonas S., Strasbourg, capitale du Reichsland Alsace-Lorraine, 1871-1918, Strasbourg, Oberlin, 17-56.
Livet I. G. (1996), L’Université de Strasbourg, de la Révolution française à la guerre de 1870, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg.
Morando Laurent (2007), Les Instituts coloniaux et l’Afrique 1893-1940. Ambitions nationales, réussites locales, Paris, Khartala.
Olivier-Utard Françoise (2009), « L’Université de Strasbourg dans l’entre-deux-guerres : un cosmopolitisme nécessaire », in Bettahar Yamina & Birck Françoise, Étudiants étrangers en France. L’émergence de nouveaux pôles d’attraction au début du 20e siècle, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 55-72.
___ (2014), « Une université idéale ? Le cas de Strasbourg, 1872-1939 », in Bettahar Yamina & Choffel-Mailfert Marie-Jeanne, Les Universités au risque de l’Histoire. Principes, configurations et modèles. 19e – 20e siècles, Nancy, PUN – Éditions universitaires de Lorraine.