René NICKLÈS

1859, 1917
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René
Nicklès
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Géologie
;
Texte
; par :
Françoise Birck

René NICKLÈS (1859-1917)

Professeur de géologie

René Toussaint Joseph Nicklès est né le 23 mai 1859 à Nancy. Son père, Jérôme Nicklès*, a été le premier professeur de chimie nommé lors de la création de la Faculté des sciences de Nancy en 1854. Sa mère Anne Emma Brandon était la fille d’un avocat. Il épouse en 1895, Jeanne Marie Louise Guyot, née en 1874, fille de Charles Guyot, directeur de l’École forestière de Nancy. Ils auront trois enfants. Il meurt à Dommartemont (Meurthe-et-Moselle) le 4 novembre 1917.

René Nicklès fait toutes ses études au lycée de Nancy. Après avoir obtenu ses deux baccalauréats, il entre au cours préparatoire de l’École des mines de Paris en 1879. Il est admis comme élève externe en 1880 et il obtient le diplôme d’ingénieur civil des mines en 1883. Il délaisse rapidement la carrière d’ingénieur pour reprendre des études scientifiques en Sorbonne où il obtient en 1887 une licence ès sciences naturelles. À la suite de plusieurs missions pour le ministère de l’Instruction publique dans différentes régions d’Espagne (provinces d’Alicante et de Valence), il publie, en 1890, un important mémoire sur la paléontologie de ces régions qui donnent lieu à plusieurs communications, notamment à l’Académie des sciences. La thèse qu’il présente en 1891 sous le titre Études géologiques du Sud-Est de l’Espagne repose en grande partie sur les résultats de ces premiers travaux. Dans son rapport de thèse, l’un des examinateurs souligne que « malgré son éducation générale très étendue et sa grande connaissance des sciences qu’il a étudiées, il s’est toujours montré d’une extrême timidité aux examens ». C’est sans doute un des traits de caractère qui rend compte de l’extrême discrétion de ses débuts dans la carrière universitaire.

Le décès prématuré, en mars 1893, de Jules Wohlgemuth*, chargé d’un cours complémentaire de géologie depuis 1883, lui donne l’occasion de revenir à Nancy où il est nommé en mai 1893. Comme son prédécesseur, il donne deux conférences d’une heure auxquelles s’ajoutent quatre heures de manipulations par semaine et des excursions géologiques, pour une trentaine d’étudiants inscrits et 4 ou 5 auditeurs libres. Les collections sont entassées dans des locaux exigus du Palais universitaire. C’est seulement après sa nomination comme professeur adjoint, en juillet 1899, qu’il peut compter sur l’aide d’un préparateur, Charles Authelin*, spécialiste de paléontologie. Au cours de cette première période, il contribue à l’établissement de la carte géologique de la Montagne noire et des Causses. Il publie quelques notes de paléontologie et de stratigraphie relatives à la Lorraine, les feuilles géologiques de Metz et de Sarrebourg, ainsi qu’un mémoire sur le crétacé d’Espagne. Il accueille à Nancy et dans les Vosges les réunions de sociétés savantes en particulier, en 1898, la Société belge de géologie, d’hydrologie et de paléontologie.

Selon le témoignage de son préparateur Henry Joly*, c’est au moment où il présente au doyen Ernest Bichat* un mémoire de paléontologie sur le crétacé d’Espagne, que ce dernier l’aurait incité à aborder des questions susceptibles d’intéresser concrètement les milieux industriels lorrains. C’est semble-t-il sous cette influence que Nicklès accentue son engagement en faveur de la géologie appliquée. Il rend à plusieurs reprises des services à l’industrie minière lors de l’ouverture de nouveaux puits de mines pour l’exploitation de la minette lorraine. En 1898, il donne une conférence dans le cadre des activités de la Société industrielle de l’Est sous le titre « La géologie et ses applications industrielles ».

Il fait donc déjà figure d’expert lorsque certains industriels font appel à l’université au début des années 1900, dans des circonstances bien particulières. À cette époque resurgit avec insistance l’idée de l’existence de gisements houillers en Meurthe-et-Moselle, dans le prolongement du bassin de la Sarre. La question de la houille dans le sous-sol du département n’était pas nouvelle ; elle avait été étudiée à plusieurs reprises depuis le 18e siècle, mais le service des Mines avait fini par classer le dossier. Devant la fièvre spéculative qui s’empare à nouveau de certains milieux, la Société métallurgique de Pont-à-Mousson lui commande une étude. Il rend ses premières conclusions en mars 1901 : elles indiquent, comme prolongement probable de l’axe du bassin de Sarrebrück, une ligne passant par Eply-Atton. Le rapport est publié en 1902 dans un article de la Société industrielle de l’Est sous un titre plutôt prudent : « De l’existence possible de la houille en Meurthe-et-Moselle, et des points où il faut la chercher ».

Dans un premier temps, cette étude ne rencontre que de faibles échos, y compris dans le monde universitaire lorrain. C’est seulement à partir de 1903, lorsque des premiers sondages semblent vérifier ses hypothèses, que le recteur Charles Adam, met en valeur les liens que Nicklès a su tisser avec le monde industriel ; il note que ce dernier « souvent demandé et fort apprécié des sociétés industrielles et des communes… comprend dans toute son ampleur la tâche complexe d’un professeur d’université et s’en acquitte avec conscience et succès ». Le succès de ces sondages géologiques lui confère une renommée locale – Charles Adam qualifie ses travaux de « triomphe de la géologie lorraine ». Cette reconnaissance justifie alors la demande de création, pour René Nicklès, d’une chaire de géologie et la mise en place d’un enseignement de géologie appliquée. C’est ainsi que sont créés, en 1908, à quelques mois de distance, le diplôme d’ingénieur géologue de l’Université de Nancy et la chaire de géologie distincte de la chaire de minéralogie. Les milieux industriels apportent leur soutien financier à l’aide d’une souscription lancée par la Société industrielle de l’Est.

Elle avait déjà apporté un tel soutien à plusieurs reprises à d’autres instituts, entre autres les instituts d’électrochimie, d’électrotechnique et de mécanique. De son côté, la Société des amis de l’université finance un cours de géologie de la Lorraine confié à Henry Joly*.

En 1909, Nicklès est élu membre titulaire de l’Académie de Stanislas. À ce moment il bénéficie également d’une réputation nationale : il est fait chevalier de la Légion d’honneur en octobre 1909 ; en 1911 il reçoit le prix Jules Gosselet, décerné pour la première fois par la Société géologique de France et, la même année, l’Académie des sciences lui décerne le prix Joseph Labbé fondé par la Société des aciéries de Longwy et la Société anonyme métallurgique de Gorcy. À chaque fois ce sont ses travaux de géologue qui sont mis en avant, même si les applications minières de ses découvertes ne furent jamais réalisées.

L’université, de son côté, se soucie de lui procurer de meilleures conditions d’enseignement et de recherche. Elle vote, dans son conseil du 30 mars 1908, le principe de la création d’un institut de géologie, où, sur le modèle de l’institut chimique, seraient rassemblés tous les services de géologie. En mai 1909, sur proposition de la faculté des sciences, l’université décide de transférer dans les locaux de l’ancien Grand Séminaire qui lui ont été attribués l’année précédente, les laboratoires, collections, bibliothèques et salles de cours dédiés à la géologie.

Le développement de l’œuvre de Nicklès est compromis par le déclenchement de la guerre : ses deux plus proches collaborateurs, Lucien Thiébaut* et Joly* sont mobilisés ; il se retrouve donc seul avec son garçon de laboratoire pour assurer les cours, conférences et travaux pratiques. Il prend néanmoins sa part dans la défense nationale en s’engageant dans l’administration des hôpitaux. Il met également au service des autorités militaires ses connaissances sur la constitution des terrains et des régimes hydrauliques de la région, alors qu’il est déjà affaibli par la maladie.

À la veille de la guerre il avait insisté sur la nécessité de développer les enseignements de géologie appliquée pour former des ingénieurs géologues et en particulier des prospecteurs pour les gîtes métallifères.

Ce projet se trouve bien compromis au lendemain de la guerre, d’abord parce que les espoirs mis dans ses découvertes géologiques sont restés sans lendemain et surtout parce que la faculté des sciences mobilise tous ses moyens pour l’institut métallurgique et minier, future école des mines.

C’est grâce à l’obstination de ses deux plus proches collaborateurs, Thiébaut* et Joly*, que survit l’institut de géologie appliquée délivrant un diplôme d’ingénieur géologue, ancêtre de l’actuelle École nationale supérieure de géologie de Nancy.

Françoise Birck

Bibliographie

Nicklès René (1887), « Sur la présence de Amm. polyschides et de Amm. Sauzei dans l’Oolithe inférieure des environs de Nancy », Bulletin de la Société géologique de France, 15.

___ (1890), Contributions à la paléontologie du sud-est de l’Espagne, Paris, Librairie Polytechnique Baudry et cie.

___ (1891), Recherches géologiques sur les terrains secondaires et tertiaires de la province d’Alicante et du Sud de la province de Valence, Espagne, thèse de doctorat, Impr. de L. Danel.

___ (1895), « Sur le rôle des cloisons dans la classification des Ammonites », Bulletin de la Société des sciences de Nancy, 14, 13.

___ (1897), « Sur le bajocien de Lorraine », Bulletin de la Société géologique de France.

___ (1897), « Note sur quelques ammonites du Bajocien des environs de Belfort », Bulletin de la Société géologique de France.

___ (1898), « Études géologiques sur la Woëvre », Bulletin de la Société des sciences de Nancy, 16, 133.

___ (1899), « La géologie et ses applications industrielles », Bulletin de la Société industrielle de l’Est.

___ (1901), « Contributions à l’étude des terrains secondaires au sud des Cévennes », Bulletin de la Société géologique de France.

___ (1903), « Charles Authelin. Ses travaux scientifiques », Bulletin de la Société des sciences de Nancy, 5, 189-197.

___ (1905), « Sur les recherches de houille en Meurthe-et-Moselle », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 140, 896.

___ (1908), « Le Lias de Tournemire », Bulletin de la Société géologique de France.

___ (1909), « Sur l’existence de la houille à Gironcourt-sur-Vraine (Vosges) », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 148, 323.

___ (1914), « Le Contact du rhétien et de l’hettangien en Meurthe-et-Moselle », Bulletin de la Société des sciences de Nancy, 15.

___ (1914), « Sur la coupe du Lias, de l’Infralias et du Trias de Lorraine dans le sondage du Bois Chaté », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 158, 288.

Nicklès René & Authelin Charles (1899), « Sur le calcaire ocreux (excursion du 10 août 1898) », Bulletin de la Société belge de géologie, XIII.

Nicklès René & Joly Henry (1907), « Sur la Tectonique des terrains secondaires du Nord de Meurthe-et-Moselle », Bulletin de la Société géologique de France, 7.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de carrière (F/17/23014) et dossier de Légion d’honneur (LH/1985/42).

Sources secondaires

Anonyme (1911), « Le prix Joseph Labbé lui est décerné », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 153, 1332.

Brun Henri, Petit Paul & Joly Henry (1921), Commémoration de l’oeuvre de René Nicklès, Nancy, Imprimeries réunies.

Floquet Gaston (1917), « René Niklès et l’Institut de géologie », Mémoires de l’Académie de Stanislas, A168, 259-276.

Joly Henry (1922), « René Nicklès, ses travaux scientifiques », Bulletin de la Société des sciences de Nancy, I, 151.

Birck Françoise (2007), « L’École de Géologie de Nancy (1908-1960) : de l’Institut de Géologie Appliquée à la création d’un centre moderne des sciences de la terre », in Rollet Laurent & Choffel-Mailfert Marie-Jeanne, Aux origines d’un pôle scientifique : faculté des sciences et écoles d’ingénieurs à Nancy du Second Empire aux années 1960, Nancy, Presses Universitaires de Nancy.

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Photographie de René Nicklès élève à l'école des mines à Paris Image
Les professeurs de la faculté de sciences vers 1899-1900 Image