Jules MINGUIN

1862, 1923
;
Jules
Minguin
;
Chimie
;
Texte
; par :
Louis Patard

Jules MINGUIN (1862-1923)

Professeur de chimie

Nicolas Jules Minguin est né le 23 juin 1862 à Chonville (canton et arrondissement de Commercy, département de la Meuse), de Dominique Minguin, carrier puis cultivateur à Chonville et de Marguerite Lelièvre. Il épouse Marie Louise Baffrey, fille du juge de paix d’Audun-le-Roman, dont il aura deux enfants. Il décède à Nancy le 26 septembre 1923 d’une embolie.

Minguin commence ses études à l’école de son village qu’il quitte après avoir obtenu le certificat d’études primaires. Il aide ensuite pendant quelques temps ses parents aux travaux des champs. De 1876 à 1880, il étudie au collège de Commercy en tant qu’interne où il est considéré « comme un excellent élève et d’une conduite irréprochable ». Il obtient ses baccalauréats ès lettres et ès sciences en novembre 1880. Il se présente au concours général où il obtient un accessit en mathématiques et un accessit en physique et chimie.

Après avoir contracté le 1er février 1881, avec l’autorisation de son père, un engagement décennal au service de l’enseignement public, Minguin entre au lycée de Bar-le-Duc comme maître d’études affecté à l’enseignement classique. En octobre 1882, il est ensuite nommé au lycée de Nancy comme maître auxiliaire (section des sciences) où il reste jusqu’en octobre 1885. Il suit en même temps les cours à la Faculté des sciences de Nancy où il obtient la licence ès sciences mathématiques en 1883 et la licence ès sciences physiques en 1885. De 1888 à 1890, il est chargé des fonctions de chef des travaux chimiques et d’une conférence de chimie analytique en remplacement de Georges Arth*. En novembre 1890, il est finalement nommé chef des travaux chimiques à l’Institut chimique, qui vient d’être créé au sein de la faculté des sciences. En mars 1893, il soutient à la Sorbonne, devant un jury composé de Louis Troost (président), de Charles Friedel et d’Edmond Bouty, une thèse en sciences physiques, aboutissement d’un travail commencé en 1885. Son travail a pour titre Étude de quelques dérivés du camphre cyané et de l’éther camphocarbonique.

En mai 1898, il est nommé maître de conférences de chimie à la Faculté des sciences de Nancy en remplacement d’Albin Haller*. Il est promu professeur adjoint en 1902, moment où il succède à Louis Bouveault* qui assurait l’enseignement de chimie organique et qui vient d’être nommé à la Sorbonne. En 1903, Minguin se porte candidat, sans succès, au poste de chargé de cours de chimie à la Faculté des sciences de Rennes. Il est finalement nommé professeur de chimie en novembre 1907 à Nancy, poste qu’il occupe jusqu’en septembre 1923. En 1910, il bénéficie d’un congé de trois mois pour raisons de santé (affection organique de l’appareil digestif) ; il est remplacé par Jules Férée*. Il est promu à la 3e classe en 1910 et à la 2e classe en 1919 (arrêté du 12 janvier 1920). Après sa mort, l’élection de son successeur à la chaire de chimie suscite des divisions au sein du conseil de la faculté. Raymond Cornubert, ingénieur chimiste, spécialiste de stéréochimie, est finalement élu. Son enseignement est essentiellement destiné aux étudiants du certificat de physique, chimie et sciences naturelles et aux élèves de première année de l’Institut chimique. Ses cours couvrent tous les domaines de la chimie, auxquels s’ajoutent des interventions ponctuelles en cristallographie et minéralogie ; il donne également des cours à l’École d’agriculture de Tomblaine et à l’École professionnelle de l’Est. Non mobilisable pendant la Première Guerre mondiale en raison de son âge, Minguin remplace ses collègues à la faculté. Après la guerre, le doyen le présente comme « bon chimiste et bon professeur, très dévoué à ses fonctions, qui remplit vaillamment sa tâche sans s’émouvoir des bombardements »… « Avec sa bonhomie et sa familiarité de bon aloi, il est populaire parmi les étudiants ».

Ses premiers travaux de recherche se font sous l’influence d’Haller* dont il a été l’élève. Dans sa thèse, il étudie plusieurs corps nouveaux dont il détermine le pouvoir rotatoire et la forme cristalline. Minguin analyse également quelques dérivés de substitution de l’éther camphocarbonique, et il réussit à dériver de l’éther méthylcamphocarbonique méthylé un camphre méthylé dont les propriétés sont jugées assez intéressantes. Les rapporteurs considèrent que les résultats présentés « ne sont pas sans valeur » et que « sans apporter dans la science des vues nouvelles, ils l’enrichissent d’un certain nombre d’observations et d’expériences bien faites ». Cependant, ils soulignent que la thèse ne permet pas de résoudre la question de la constitution du camphre et de ses dérivés. En conséquence, son travail est jugé « de valeur moyenne », même si « les résultats de ses recherches ont été exposés avec beaucoup d’ordre et de méthode ». Sa seconde thèse porte sur la polarisation rotatoire du quartz. Minguin y répond « honorablement ».

Par la suite, il aborde différents domaines de la chimie et continue sa collaboration avec Haller* sur le camphre cyané. Il mène d’autres recherches sur l’hydrogénation de l’hydroquinone et de composés analogues par l’alcoolate de sodium.

Pendant la guerre, il étudie en outre la composition de l’essence employée par les aviateurs allemands, ce qui lui permet de mettre en évidence la nécessité de modifier la composition du carburant fourni aux moteurs d’aéroplanes français. Ses recherches attirent l’attention du sous-secrétaire d’État à l’aéronautique qui prend alors les mesures utiles.

Ses travaux sont publiés principalement dans les Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences et dans le Bulletin de la Société chimique de Paris, et accessoirement dans les Annales de chimie et de physique ainsi que dans le Bulletin de la Société des sciences de Nancy. En 1904, l’Académie des sciences lui décerne le prix Jecker qui récompense les jeunes chimistes : Minguin obtient une somme de 3 000 francs « pour l’ensemble de ses recherches et notamment celles concernant le camphre, le bornéol et ses dérivés ». Il partage ce prix avec Paul Freundler, chef de travaux pratiques à la Faculté des sciences de Paris (qui reçoit 5 000 francs, « pour l’ensemble de ses travaux ») et Robert Lespieau, maître de conférences à la Faculté des sciences de Paris (qui reçoit 2 000 francs, « pour l’ensemble de ses travaux »). Ce prix s’accompagne de l’attribution de la médaille Berthelot.

Minguin est officier d’Académie (1896), officier de l’Instruction publique (1902) et chevalier du Mérite agricole (1908). En 1890, il entre à la Société des sciences de Nancy en tant que titulaire. Il est membre d’honneur de l’Association amicale des anciens élèves de l’Institut chimique de Nancy, membre de la commission d’embellissement de la ville de Nancy, président de l’une des commissions sanitaires et membre de la Société industrielle de l’Est.

Louis Patard

Bibliographie

Haller Albin & Minguin Jules (1890), « Préparation de l’acide hydroxycamphocarbonique, en partant de l’acide camphocarbonique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 110, 410.

___ (1894), « Sur deux méthycyanocamphres isomères », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 118, 690-693.

Minguin Jules (1891), « Mode de formation des méthylcamphocarbonates de méthyle et d’éthyle. Préparation du camphre méthylé », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 112, 1369-1372.

___ (1891), « Action du benzylate de sodium sur le camphre cyané », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 112, 50-53.

___ (1891), « Action du benzylate de sodium sur l’éther camphocarbonique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 112, 1454-1455.

___ (1892), « Étude de quelques dérivés du camphre cyané et de l’éther camphocarbonique », Bulletin de la Société des sciences de Nancy, 27, 25-73.

___ (1893), « Étude de quelques dérivés du camphre cyané et de l’éther camphocarbonique », Annales de chimie et de physique, 30, 512-547.

___ (1893), Étude de quelques dérivés du camphre cyané et de l’éther camphocarbonique, thèse présentée à la Faculté des sciences de Paris, Nancy, Berger-Levrault.

___ (1896), « Propriétés cristallographiques de quelques alcoylcamphres de la série aromatique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 123, 48-249.

___ (1896), « Contribution à l’étude des bornéols et de leurs éthers », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 123, 1296-1298.

___ (1896), « Sur le mononitrile camphorique, son anhydride et son anilide », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 123, 216.

___ (1896), « Préparation de l’isobornéol gauche en partant du mélange des bornéols α+β- », Bulletin de la Société chimique de Paris, 15, 834-835.

___ (1897), « Préparation du bornéol artificiel droit et étude cristallographique des succinates de camphols », Bulletin de la Société chimique de Paris, 17, 3.

___ (1897), « Dimorphisme des succinates de camphols α+ et α- ; isomorphisme des succinates de camphols α+ et α- et des succinates d’isocamphols β+ et β- », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 124, 86-88.

___ (1897), « Propriétés cristallographiques des bornylates de bromal et de bornylates de chloral. Isomorphisme des stéréoisomères », Bulletin de la Société chimique de Paris, 17, 210.

___ (1897), « Isomorphisme des phtalates acides de bornéols stéréoisomères », Bulletin de la Société chimique de Paris, 17, 391.

___ (1899), « Propriétés cristallographiques des dérivés bromés du benzylcamphre et du benzylidènecamphre », Bulletin de la Société chimique de Paris, 21, 565-566.

___ (1899), « Relation entre le pouvoir rotatoire et l’hémiédrie plagièdre », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 128, 1335.

___ (1900), « Dédoublement du benzylidène-camphre racémique. Isomorphisme des deux composants actifs », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 130, 510-513.

___ (1900), « Action de l’acide bromhydrique sur le benzylènecamphre droit. Benzylcamphre monobromé. Acides benzylidène-campholique et phényloxyhomocampholique droits », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 130, 1361.

___ (1901), « Sur de nouveaux dérivés de benzylcamphre et du benzylidènecamphre », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 133, 79.

___ (1902), « Propriétés cristallographiques du benzylidènecamphre, du méthylsalicylidènecamphre, de l’éthylsalicylidènecamphre et de l’anisylidènecamphre et de leurs produits de réduction », Bulletin de la Société chimique de Paris, 27, 544-549.

___ (1902), « Pouvoir rotatoire du stéarate, cistanate, oléate, cinnamate de bornyl gauche, des camphocarbonates de méthyle, éthyle, propyle, allyle », Bulletin de la Société chimique de Paris, 27, 649.

___ (1902), « Cristallographie des bornéols et de leurs esters et des bornylates chlorés et bromés », Bulletin de la Société chimique de Paris, 27, 683-689.

___ (1903), « Influence des dissolvants sur le pouvoir rotatoire de certaines molécules. Dérivés du camphre », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 136, 1525.

___ (1902), « Cristallographie des dérivés bromés du benzylidènecamphre et du benzylcamphre », Bulletin de la Société chimique de Paris, 27, 679-681.

___ (1902), « Structure énantiomorphe de certains composés du camphre révélés par eau-forte. Dédoublement du benzylidènecamphre racémique. Isomorphisme de ses composants actifs », Bulletin de la Société chimique de Paris, 27, 888-892.

___ (1903), « Méthylbromocamphre, bromométhylcamphre et méthylènecamphre », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 136, 751-753.

___ (1904), « Ethylidènecamphre. Acide éthylhomocamphorique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 138, 577-579.

___ (1905), « Influence de la liaison éthylénique dans une molécule optiquement active », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 140, 946-948.

___ (1905), « Dissociation des sels de strychnine déterminée par leur pouvoir rotatoire. Pouvoir rotatoire dans les séries homologues. Influence de la double liaison », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 140, 243-245.

___ (1906), « Sur les produits de la réaction, à haute température, des isobutylate et propylate de sodium sur le camphre », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 142, 1309.

Minguin Jules & Grégoire de Bollemont E. (1901), « Le racémisme », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 132, 1573-1576.

___ (1903), « Pouvoir rotatoire des esters homologues du borneol, de l’isobornéol et de l’acide camphocarboxylique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 136, 238-240.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de maître auxiliaire (F/17/23001) et dossier de carrière (F/17/25863).

Sources secondaires

Anonyme (1924), « Jules Minguin », Bulletin de l’Institut chimique de Nancy, 2, 29-31.

Anonyme (1910), « Jules Minguin », Dictionnaire biographique illustré de Meurthe-et-Moselle, Nancy, 1910, pp. 558-559 (avec portrait)

Gauja Pierre (1917), Les fondations de l’Académie des sciences (1881-1915), Hendaye, Imprimerie de l’Observatoire d’Abbadia.

Nye Mary Jo (1986), Science in the Provinces : Scientific Communities and Provincial Leadership in France, 1860-1930, Berkeley, University of California Press.

Rivail Jean-Louis (2005), « La chimie à la Faculté des sciences de Nancy. Des origines au prix Nobel », Le pays lorrain, 86, 7-14.