Louis MERCIER

1879, 1954
;
Louis
Mercier
;
Zoologie
;
Texte
; par :
Laurent Rollet

Louis MERCIER (1879-1954)

Chef de travaux pratiques de zoologie

Louis Auguste Mercier est né le 4 août 1879 à Frouard, non loin de Nancy. Il est d’origine modeste, son père est gendarme. Il se marie en septembre 1903 à Nancy avec Jeanne Marie Wohlgemuth (1879- ?), une institutrice de Saint-Nicolas-de-Port. Elle est la fille de Jules Wohlgemuth*, directeur de l’École professionnelle de l’Est, mais également préparateur de zoologie et chargé de cours de zoologie à la Faculté des sciences de Nancy dans les années 1880-1890. De cette union naîtront trois enfants. Après une carrière menée à Nancy puis à Caen, Mercier meurt le 26 juin 1954 à Luc-sur-Mer (Calvados) après avoir été révoqué de ses fonctions universitaires en raison de ses choix politiques durant la Seconde Guerre mondiale.

Louis Mercier fait ses études au sein de l’école primaire supérieure et intègre ensuite l’École normale d’instituteurs de Nancy. En 1898, il commence sa carrière comme instituteur adjoint. L’année suivante il est nommé maître adjoint à l’École primaire supérieure de garçons de Nancy, poste qu’il occupe jusqu’en 1904. En 1900-1901, il effectue son service militaire. Parallèlement à son activité d’enseignement, il poursuit des études supérieures à la Faculté des sciences de Nancy. Il obtient sa licence ès sciences en 1903 avec les honneurs, il est lauréat de la faculté. C’est à ce moment que commence sa carrière universitaire.

En 1904, il est en effet nommé préparateur de zoologie et, l’année suivante, il obtient un poste de chef de travaux de zoologie. Il est en charge, principalement à l’Institut agricole et colonial, des travaux pratiques de zoologie spéciale (échinodermes, procordés, vertébrés) et de zoologie agricole. Cette nomination vient en fait pallier la désorganisation des services de zoologie suite à la mise en congé du titulaire du poste, Georges Saint-Rémy*, pour maladie ; affecté de graves troubles mentaux à partir de 1905, celui-ci ne sera jamais plus en mesure d’assurer ses enseignements jusqu’à sa mort en 1908. L’arrivée d’un remplaçant aussi compétent que Louis Mercier est considérée comme salutaire par le recteur Charles Adam, le doyen Gaston Floquet* et par Lucien Cuénot*, titulaire de la chaire de zoologie et maître de Mercier. Mercier occupera ce poste de chef de travaux jusqu’en 1919. À partir de 1908 il sera par ailleurs nommé chargé de conférences de zoologie en remplacement de Saint-Rémy*.

À ces fonctions d’enseignement s’ajoutent dès 1903 des activités de recherche. Il collabore à la revue L’année biologique et publie dans les Comptes rendus de la Société de biologie et dans les Archives de zoologie expérimentale et générale plusieurs études sur le têtard de la grenouille Rana temporaria ainsi que sur la phagocytose expérimentale. Mercier mène aussi à cette époque avec Cuénot* des recherches sur le cancer des souris et sur les crustacés amphipodes Niphargus aquisextain que l’on trouve dans les sources des environs de Nancy. Il est de plus engagé dans la préparation d’une thèse de doctorat sous la direction de Cuénot*. Ce travail de recherche, qu’il soutient en novembre 1906, a pour titre Processus phagocytaires pendant la métamorphose des batraciens anoures et des insectes ; il est particulièrement apprécié par le jury, qui salue le mérite d’un candidat qui est parvenu à s’élever de l’enseignement primaire supérieur vers l’enseignement supérieur et qui s’est « fait lui-même un homme de science véritable », pour reprendre les termes du rapport du recteur Charles Adam.

Son intérêt scientifique le porte également vers des recherches en cytologie et l’étude des métamorphoses. Il fait également de la protistologie (étude des protozoaires, des amibes, etc.), étudie les bactéries symbiotiques des invertébrés ainsi que la faune lorraine. Enfin, il s’intéresse aux questions didactiques : en 1906, il publie ainsi une traduction du Précis d’embryologie de l’homme et des vertébrés d’Oscar Hertwig (1849-1922), directeur de l’Institut anatomo-biologique de l’Université de Berlin, avec une préface du professeur de médecine nancéien Auguste Prenant.

Ses nombreux travaux – en 1911 il affiche déjà une cinquantaine de publications – sont publiés en France et à l’étranger dans les Archiv für Protistenkunde, les Comptes rendus de l’Académie des sciences, les Comptes rendus de la Société de biologie ou les Archives de zoologie expérimentale et générale. Il est aussi un collaborateur de l’Année biologique, revue où il publie régulièrement des notes critiques. En 1908, il est lauréat de l’Académie royale des sciences de Belgique pour un mémoire sur la sexualité chez les myxosporidies et chez les microsporidies.

Conscient de sa valeur, Mercier écrit en novembre 1909 au ministère de l’Instruction publique pour demander sa nomination sur un poste de maître de conférences. Il est soutenu par Charles Adam et Gaston Floquet*, sans succès. L’année suivante il se porte candidat sur un poste vacant à la Faculté des sciences de Toulouse, puis en 1912 à Clermont-Ferrand, sans plus de succès. La situation semble se débloquer en 1914. En juin, Floquet* insiste très fortement auprès du ministère pour qu’un poste de maître de conférences en zoologie soit créé pour lui à Nancy ; il loue son enseignement très élevé, son dévouement envers les étudiants, son travail scientifique acharné et il craint surtout de le voir partir vers Poitiers, où un poste vient de se libérer. On promet alors à Mercier une nomination à Nancy pour janvier 1915… Malheureusement la guerre éclate dès le mois d’août 1914.

Mercier est mobilisé dès le début du conflit au sein du 41e régiment d’infanterie territoriale en tant que sergent-infirmier. Ce régiment, dont le casernement se trouve à Nancy, est chargé en 1914 et 1915 de la défense du secteur Est de la place de Toul, ce qui lui laisse la possibilité de continuer à assurer ses enseignements à la faculté des sciences. Il est très vite affecté au laboratoire d’armée du détachement des armées de Lorraine. En septembre 1916, il est affecté à la 8e section d’infirmiers où on lui confie des travaux de protistologie humaine. La fin de la guerre met un terme à sa carrière nancéienne. Toujours mobilisé en décembre 1918, il demande un sursis d’appel, car il est pressenti par la Faculté des sciences de Caen pour un poste de chargé de cours de zoologie. Malgré le soutien de Maurice Caullery, ce sursis lui est refusé. Il est finalement démobilisé en janvier 1919. Il est alors nommé maître de conférences de zoologie à Caen le 16 février 1919, en remplacement de Louis Brasil qui vient de décéder.

À Caen, il enseigne à la fois à la faculté et à l’École préparatoire de médecine et de pharmacie. Son ascension y est très rapide. Le 16 janvier 1920, il est en effet nommé professeur de zoologie et de physiologie animale dans la chaire occupée auparavant par Jean Joyeux-Laffuie (1852-1917) et deux ans plus tard il passe de la quatrième à la troisième classe. Promu à la seconde classe en 1924, il lui faut cependant attendre 1932 pour s’élever à la première classe.

Durant sa période caennaise, son travail semble bien apprécié, bien que son rythme de publication semble se ralentir : un rapport de 1936 loue « un travailleur infatigable qui passe littéralement sa vie dans son laboratoire […], un vrai modèle de dévouement professionnel et de désintéressement ». On juge ses publications sérieuses, mais on souligne aussi que son caractère est « assez entier ».

Mercier est nommé officier d’Académie en 1907 et officier de l’Instruction publique en 1913. Il est par ailleurs membre correspondant français de la Société de biologie de 1918 à 1940, ainsi que membre de la Société zoologique de France, qu’il préside en 1937.

La fin de carrière de Louis Mercier est fortement marquée par l’Occupation et par le choix délibéré qu’il fait en faveur de la collaboration et du rapprochement entre la France et l’Allemagne. En septembre 1941, est fondée à Caen une section locale du Groupe collaboration, un prolongement du Comité France-Allemagne créé en 1935, présidé par l’écrivain Alphonse de Châteaubriant et doté de son journal La Gerbe. Le Bureau de cette section est présidé par son fondateur, Julien Lenoir, un marchand de meubles qui a été membre du conseil municipal de Caen. Louis Mercier en assure la vice-présidence.

Le Groupe Collaboration de Caen est très actif dans les années 1941-1943 : il multiplie les campagnes de presse et d’affichage et il organise des conférences publiques régulières ; en 1942, au plus fort de son activité, il rassemble plus de 400 membres. Si pour certains de ses membres, le groupe vise à promouvoir l’action du maréchal Pétain, Mercier semble vouloir donner à son engagement une dimension scientifique, culturelle et apolitique : « Si je suis entré au Groupe Collaboration, c’est pour défendre la science française vis-à-vis de l’Allemagne, et pour que, malgré sa défaite, la France reste toujours vivante» déclare-t-il ainsi dans le journal Ouest-France le 1er septembre 1945. À ce titre, il faut mentionner qu’un de ses fils avait été tué sur le front le 14 juin 1940 et qu’un autre avait été fait prisonnier en Allemagne.

Quoi qu’il en soit, Mercier est d’abord suspendu de ses fonctions universitaires par un arrêté du ministère de l’Éducation nationale du 25 octobre 1944. Cet arrêté vise également, pour d’autres faits, Ludovic Zoretti (1880-1948), professeur de mécanique dans la même faculté, et Claude Vacher de Lapouge (1886-1963), bibliothécaire en chef de l’Université de Caen et fils de l’idéologue eugéniste et aryaniste Georges Vacher de Lapouge (1854-1936). Le 1er mai 1945, un second arrêté le révoque définitivement de ses fonctions sans droit à une pension. Il est finalement condamné à une peine de trois ans de prison.

Laurent Rollet

Bibliographie

Hertwig Oscar (1906), Précis d’embryologie de l’homme et des vertébrés, Paris, Steinheil, seconde édition. Traduction par Louis Mercier avec une préface de A. Prenant.

Mercier Louis (1904), « Sur la présence d’un exoplasme dans les cellules épithéliales de la queue du têtard de Rana temporaria », Comptes rendus des séances de la Société de biologie, LVII, 660.

___ (1905), « Présentation de préparations. Phagocytose expérimentale », Comptes rendus des séances de la Société de biologie, LVIII.

___ (1905), « Contribution à l’étude de la phagocytose expérimentale », Archives de zoologie expérimentale et générale, III.

___ (1906), Les Processus phagocytaires pendant la métamorphose des batraciens anoures et des insectes, thèse de doctorat de zoologie, Paris, Schleicher Frères. Publié également dans les Archives de zoologie expérimentale et générale, 1906.

___ (1929), « Les Coelopa (diptères acalypterae, famille des Phycodromidae) de la côte du Calvados : leur identification et leur distribution géographique », Bulletin de la Société zoologique de France.

___ (1929), « Contribution à la connaissance de l’espèce chez les Myodaires supérieurs », Bulletin biologique de la France et de la Belgique.

___ (1939), « Hypothèse sur le mécanisme de la transmission héréditaire d’un caractère de lignée, la notion de facteur plasmo-chromosomique et l’hérédité mendélienne », Bulletin biologique de la France et de la Belgique.

Mercier Louis & Gosselin L. (1933), « Âge du lymphosarcome chez la souris et hypothèse sur le déterminisme de ce cancer », Bulletin de l’Association française pour l’étude du cancer, 22.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de carrière (F/17/27204). Ce dossier fait état de l’attribution de la Légion d’honneur mais on n’en trouve pas trace.

Registre militaire de Meurthe-et-Moselle, classe 1899, matricule 336.

Sources secondaires

Lecouturier Yves (1985), « Le Groupe Collaboration de Caen », Annales de Normandie, 35e année, 1, 49-66.

Quellien Jean (2001), Opinions et comportements politiques dans le Calvados sous l’occupation allemande, Caen, Presses Universitaires de Caen.