Charles Victor MAUGUIN
Charles Victor MAUGUIN (1878-1958)
Professeur de minéralogie et de cristallographie
Charles Victor Mauguin est né le 19 septembre 1878 à Provins (Seine-et-Marne). Il est le fils d’Ernest Ferdinand, boulanger à Provins et de Marie Mathilde Rémy. En octobre 1909, à Gagny (ex Seine-et-Oise), il épouse Louise Laurence Gaudebert (1880-1958), fille d’un commerçant aisé de Paris. Ils n’ont aucun descendant. Il décède d’un cancer à Villejuif le 25 avril 1958. Son épouse, atteinte de cécité dès 1928, décède quelques mois après son mari.
D’août 1894 à septembre 1897, il est élève instituteur à l’École Normale de Melun. Instituteur stagiaire à Montereau durant l’année scolaire 1897-1898, il est nommé maître primaire au collège de Provins durant les deux années suivantes. En octobre 1900, il part au service militaire pour ses 10 mois de service, puis il obtient un congé pour convenances personnelles durant l’année scolaire 1901-1902, afin de préparer le concours d’entrée à l’École normale supérieure de Saint-Cloud. En octobre 1902, il intègre cette école qui forme des professeurs des écoles normales d’instituteurs. Il y suit en particulier les cours de licence de mathématiques d’Émile Picard et d’Henri Poincaré (certificats de calcul intégral, géométrie supérieure, mécanique rationnelle) et ceux de licence de physique (physique, chimie générale, minéralogie). Il est initié à la cristallographie en suivant les cours de Pierre Curie sur la symétrie dans les phénomènes physiques. Il y est remarqué par le professeur de chimie Louis Jacques Simon qui dirige alors le laboratoire de chimie organique de l’École normale supérieure.
À sa sortie en 1904, il est nommé maître suppléant au collège Chaptal (Paris), poste qu’il occupe jusqu’en 1909. Pour ce travail de surveillance d’externat, il ne reçoit aucune rémunération, mais il est nourri et logé. Durant l’année universitaire 1909-1910, il obtient une bourse de doctorat qu’il prépare au laboratoire de chimie organique de l’École normale supérieure. En juin 1910, il soutient, à Paris, sa thèse de doctorat ès sciences intitulée Les amides bromées sodées et leur rôle dans la transposition d’Hofmann devant un jury composé d’Albin Haller* (président), de Frédéric Wallerant et de Robert Lespieau. « La soutenance est remarquable », le jury lui accorde une mention très honorable et lui adresse ses félicitations. Ses premiers travaux scientifiques s’effectuent dans le secteur de la chimie et le conduisent à demander en juillet 1910 son inscription au tableau des candidats à une maîtrise de conférences de chimie. Mais, attiré par la cristallographie, Mauguin est nommé, en novembre 1910, préparateur du laboratoire de minéralogie à la Faculté des sciences de Paris dirigé par Wallerant. Ses recherches sur les cristaux liquides dans ce laboratoire lui permettent de saisir une opportunité qui se présente à la Faculté des sciences de Bordeaux où une maîtrise de conférences de minéralogie est vacante par suite de la promotion de Charles Jacob à Toulouse. Fortement soutenu par Wallerant, Haller*, Jean Perrin et Lacroix, il devance Jean de Lapparent et il est nommé en avril 1912. Toute la suite de sa carrière se déroule alors en cristallographie.
Il ne reste qu’un an à Bordeaux et en novembre 1913, il est chargé d’un cours de minéralogie et cristallographie à la Faculté des sciences de Nancy. En 1914, il reçoit une somme de 3 500 francs du Fonds Bonaparte qui doit lui permettre de construire un électro-aimant et de continuer ainsi ses recherches sur les cristaux liquides. Au début de la Première Guerre mondiale, il est mobilisé comme sergent au 94e régiment territorial d’infanterie.
Un an plus tard, il est appelé par Simon au laboratoire de la rue d’Ulm en tant que lieutenant à la section technique des études et expériences chimiques. Il y travaille notamment à la préparation du gaz phosgène. À la fin de la guerre, il rejoint Nancy où la chaire de minéralogie et géologie (que Julien Thoulet* quitte en partant en retraite) vient d’être transformée en une chaire de minéralogie et cristallographie. Ayant donné entière satisfaction dans sa fonction de chargé de cours, Mauguin est soutenu par les instances universitaires et est nommé professeur dans cette nouvelle chaire en avril 1919.
Il n’y reste que peu de temps, étant nommé maître de conférences de minéralogie à la Faculté des sciences de Paris en janvier 1920, avec une indemnité compensatrice de 2 000 francs par an. Il y est promu professeur sans chaire en novembre 1923, et professeur titulaire en novembre 1930. En 1933, il succède à Wallerant à la chaire de minéralogie et il dirige le laboratoire de minéralogie de la Sorbonne.
Durant la Seconde Guerre mondiale, il est brièvement interné à Fresnes par les Allemands en 1941 ; Jean Wiart souligne son attitude résistante. Nommé membre du conseil de l’université de Paris en 1941, il est promu à la classe exceptionnelle en 1943. Assesseur du doyen de la Faculté des sciences de Paris de janvier 1945 à novembre 1948, il part en retraite fin 1948. Son élève Jean Wyart lui succède alors.
Ses premières recherches se font en chimie organique et il les publie avec Simon ; elles aboutissent à sa thèse. Il revient à la chimie organique au cours de la guerre avec son travail sur les gaz de combat, toujours avec Simon. En 1910, il effectue des recherches remarquées sur les cristaux liquides découverts par l’allemand Otto Lehmann : il réalise des préparations transparentes, analyse leur biréfringence et explique les phénomènes observés. Ses idées ne sont pas sans rencontrer des oppositions, notamment sur la structure cristalline des liquides étudiés. Ayant compris l’importance des travaux de Max von Laue et William Bragg sur la structure des cristaux, Mauguin devient un spécialiste universellement respecté pour ses travaux de cristallographie. Il utilise les rayons X, qui sont pour lui le moyen d’atteindre la nature de la liaison chimique. Après 1920, il établit la structure atomique de nombreux cristaux en s’appuyant sur la diffraction X. Grâce au spectrographe cylindrique qu’il met au point pour l’étude des structures lamellaires, il résout la chimie des micas et des chlorites.
Il publie en 1924 La structure des cristaux déterminée au moyen des rayons X, ouvrage considéré comme une des bases de la fondation d’une nouvelle école française de cristallographie. Il collabore à la rédaction de premières Tables internationales pour la recherche des structures cristallines où il fait prévaloir un système de notation personnel : le symbolisme des groupes de répétition ou de symétrie des assemblages cristallins (publié en 1931 dans le Zeitschrift für Krystallographie). Il modifie légèrement les symboles en collaboration avec Carl Hermann ; ces symboles, dits de Hermann-Mauguin, sont toujours universellement utilisés, car ils permettent de créer une correspondance directe entre le groupe de symétrie spatiale et les diagrammes de rayons X. Dans ses dernières années, il s’occupe des rapports entre chimie et biologie, particulièrement sur le problème de la genèse de la vie. Sa dernière publication porte sur la relativité.
Il publie relativement peu, recherchant les explications abouties. Son souci de clarté lui confère aussi des qualités pédagogiques reconnues. On retrouve ses publications surtout dans le Bulletin de la Société française de minéralogie ou dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences.
Durant sa carrière, il reçoit plusieurs prix de l’Académie des sciences, le prix Alhumbert en 1922 pour ses recherches sur les cristaux liquides et le prix La Caze en 1928 pour l’ensemble de son œuvre : « La netteté de ces résultats, la maîtrise dont M. Mauguin a fait preuve en appliquant ces méthodes nouvelles, et le soin qu’il a pris de les faire connaître à tous en les exposant avec clarté, méritaient une récompense », écrit le rapporteur de ce dernier prix. En 1936, il obtient une subvention de 20 000 francs de la fondation Villemot « pour l’acquisition d’appareils destinés à l’analyse des structures cristallines des minéraux ».
À Bruxelles, en avril 1922, il participe au premier conseil de chimie de l’Institut international de Chimie-Solvay, aux côtés d’Haller*, Bragg et Perrin, entre autres ; il y présente un rapport intitulé Théorie électronique de la valence. Il est membre de la Société de minéralogie et de cristallographie qu’il préside trois fois (1924, 1935, 1950), président de la Société de chimie physique et de la Société de physique, vice-président de la Société chimique de France (1928-1930). Il est élu en mars 1937, membre de l’Académie des sciences (section de minéralogie) au fauteuil de Wallerant. Il est membre du comité scientifique des Acta Crystallographica depuis sa création en 1947. En 1924, il est membre du jury de la thèse de Louis de Broglie. En 1947, il accueille Hubert Curien dans son laboratoire. Il est officier d’Académie et officier de l’Instruction publique. En 1920, il est fait chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire, puis officier en 1938, sur rapport du ministre du Commerce. En 1949 et jusqu’en 1957, il est proposé au grade de commandeur. Avec Wyart, il participe aux débuts du Palais de la Découverte, créé à l’initiative de Jean Perrin, où il s’occupe de la minéralogie en organisant la salle Haüy. Il s’intéresse par ailleurs à la botanique, particulièrement aux champignons, il devient président de la Société mycologique de France.
Jean-René Cussenot & Étienne Bolmont
Bibliographie
Mauguin Charles (1908), « Action du brome sur l’éther : aldéhyde monobromée », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 147, 747.
___ (1909), « Propriétés acides des amides halogénées. Migration d’Hofmann », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 149, 790.
___ (1910), « Liquides biréfringents à structure hélicoïdale », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 151, 1141.
___ (1910), « Cristaux liquides en lumière convergente », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 151, 886.
___ (1911), « Sur la représentation géométrique de Poincaré relatives aux propriétés optiques des piles de lames », Bulletin de la Société française de minéralogie, 34, 6-15.
___ (1911), « Les amides bromées-sodées et leur rôle dans la transposition d’Hofmann. Thèse de doctorat. », Annales de chimie et de physique, 8.
___ (1911), « Orientation des cristaux liquides par le champ magnétique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 152, 1680.
___ (1912), « Sur l’agitation interne des cristaux liquides », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 154, 1359.
___ (1921), « Utilisation possible des diagrammes de diffraction des rayons X pour la détermination complète de la structure du quartz », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 173, 719.
___ (1923), « L’arrangement des atomes dans les cristaux de cinabre », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 176, 1483.
___ (1924), « Arrangement des atomes dans les cristaux de calomel », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 178, 1913.
___ (1924), « La structure des cristaux déterminée au moyen des rayons X », Journal de physique, 6.
___ (1926), « Structure du graphite », Bulletin de la Société française de Minéralogie, 49, 32.
___ (1926), « Réseaux polaires et diagrammes de diffraction des rayons X », Bulletin de la Société française de Minéralogie, 49, 5-32.
___ (1928), « Étude des micas au moyen des rayons X », Bulletin de la Société française de minéralogie, 51, 285-332.
___ (1928), Cours de minéralogie (cristallographie et espèces minérales), Paris, Guillon.
___ (1930), Cours de cristallographie, Paris, R. Guillon.
___ (1931), « Sur le symbolisme des groupes de répétition ou de symétrie des assemblages cristallins », Zeitschrift für Krystallographie, 79, 542-558.
___ (1936), « Sur la théorie de la réflexion des rayons X par les cristaux », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 202, 1375.
___ (1936), Notice sur les travaux scientifiques de M. Ch. Mauguin, Paris, Jouve.
___ (1943), « Diffraction des rayons X par un cristal de dimensions limitées. Influence de la forme : cas de l’octaèdre régulier », Journal de physique, 66, 409-434.
___ (1954), « L’origine des atomes », Bulletin de la Société française de minéralogie et cristallographie, 77, 73-96.
___ (1955), « Cristaux synthétiques », Atomes, 106.
Mauguin Charles & Graber L. (1928), « Étude des micas fluorés au moyen des rayons X », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 186, 1131.
Mauguin Charles & Laval Jean (1939), « Réseau de Fourier et agitation thermique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 208, 1446.
Simon Louis Jacques & Mauguin Charles (1907), « Sur le mécanisme de la synthèse des dérivés quinoléiques (réaction de Döbner », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 144, 1275.
Mauguin Charles & Simon Louis Jacques (1919), « Action de l’acide sulfurique sur le tétrachlorure de carbone », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 169, 34.
___ (1919), « Sur le chlorure de cyanogène », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 169, 474.
___ (1920), « Action du chlore, de l’acide hypochloreux et du chlorure de cyanogène sur la cyanamide et ses dérivés », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 170, 998.
Sources d’archives
Archives nationales : dossier de carrière (F/17/25276) et dossier de Légion d’honneur (LH/19800035/178/23028).
Sources secondaires
Anonyme (1914), « Une subvention Bonaparte lui est accordée », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 159, 944.
___ (1922), « Le prix Alhumbert lui est décerné », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 175, 1329.
___ (1928), « Le prix L. La Caze de physique lui est décerné », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 187, 1205.
___ (1936), « Une subvention Villemot lui est attribuée », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 203, 1466.
Charle Christophe & Telkes Eva (1989), Les professeurs de la Faculté des sciences de Paris, dictionnaire biographique 1901-1939, Paris, Éditions du CNRS.
Jacob Charles (1958), « Notice nécrologique sur Charles-Victor Mauguin », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 247-1, 5-9.
Wyart Jean (1958), « Charles Mauguin, 1878-1958 », Bulletin de la Société française de minéralogie et cristallographie, 81, 171-172.
___ (1971), « Memorial of Charles Mauguin », The American Mineralogist, 56, 706-710.
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