Émile LACOUR

1854, 1913
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Émile
Lacour
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Mathématiques
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Texte
; par :
Philippe Nabonnand

Émile LACOUR (1854-1913)

Professeur de calcul différentiel et intégral

Victor Louis Émile Lacour est né le 28 décembre 1854 à Montier-en-Der (Haute-Marne). Son père, Jules Alexandre Lacour (1818-1865), est médecin et son grand-père entrepreneur de travaux publics. Sa mère, née Adèle Pauline Suchard (1829-1868), est la fille d’un pharmacien de Wassy (Haute-Marne). À la suite du décès de son père, Lacour et sa mère s’installent à Wassy. Elle meurt peu de temps plus tard et Lacour est élevé par son grand-père, Louis Stanislas Suchard. Lacour reste célibataire, s’occupant, d’après divers témoignages, de membres âgés de sa famille. Il meurt à Rennes le 14 octobre 1913.

Lacour suit les enseignements de l’école primaire de Montier-en-Der. Élève au collège de Wassy, il obtient ses baccalauréats ès lettres et ès sciences au tout début de la guerre de 1870. À partir de 1871, il poursuit ses études au lycée Saint-Louis à Paris. Il est inscrit en mathématiques élémentaires durant l’année scolaire 1871-1872, en mathématiques spéciales durant les années 1872-1874. Il échoue de peu lors de sa première tentative pour entrer à l’École normale supérieure ; cette même année, il est reçu à l’École polytechnique, mais il démissionne. L’année suivante, en 1874, il est reçu brillamment à l’École normale supérieure au deuxième rang. En 1877, il est agrégé de mathématiques. Il débute alors une carrière d’enseignant en mathématiques spéciales, d’abord au lycée d’Angoulême (1877-1878), au lycée de Clermont-Ferrand (1878-1880), où il succède à Gaston Floquet, puis au lycée de Nancy (1880-1881). Pendant cette année à Nancy, Lacour se lie avec Floquet*, récemment nommé professeur de mathématiques appliquées à la Faculté des sciences et avec Louis Charles Sauvage*, maître de conférences dans la même faculté. En décembre 1881, il obtient une suppléance des fonctions de professeur de mathématiques élémentaires au lycée Saint-Louis et est titularisé comme professeur de mathématiques spéciales dans le même établissement en octobre 1882. Il obtient en décembre 1883 un congé d’inactivité durant lequel il donne des conférences de préparation à l’agrégation de mathématiques à la Sorbonne (qu’il poursuit l’année suivante). En septembre 1884, il reprend un poste de professeur de mathématiques spéciales au lycée Jeanson de Sailly, poste qu’il occupe jusqu’en janvier 1892, date à laquelle il obtient une mutation pour le lycée Saint-Louis.

L’année 1895 est à bien des égards une année de rupture pour Lacour ; il soutient d’abord une thèse de sciences mathématiques à la Faculté des sciences de Paris. La première thèse s’intitule Sur les fonctions d’un point analytique à multiplicateurs exponentiels ou à période rationnelle. La seconde thèse porte sur l’équation de la chaleur. Le jury est composé de Charles Hermite (président), de Paul Appell et d’Émile Picard. La même année, il est victime de rhumatismes et d’un grave accident qui l’obligent à demander un congé d’une année. En août 1896, il obtient une maîtrise de conférences de mathématiques à l’Université de Nancy ; il remplace Wladimir de Tannenberg* qui vient d’être nommé chargé de cours à la Faculté des sciences de Toulouse. En décembre 1898, il est nommé professeur adjoint et obtient en mai 1901 la chaire de calcul différentiel et intégral nouvellement créée. Pendant son passage à la Faculté des sciences de Nancy, il assure le cours de calcul différentiel et intégral et, selon les années, les cours d’algèbre supérieure, de théorie des fonctions, de géométrie supérieure, de géométrie analytique ainsi que des conférences de préparation à l’agrégation. Il demande sa mutation en 1903 et obtient le poste de professeur de mathématiques pures à la Faculté des sciences de Rennes qu’il occupera jusqu’à son décès. Il est remplacé à Nancy par Élie Cartan*. La demande de mutation à la Faculté des sciences de Rennes est un peu surprenante. D’après ses propres déclarations, l’obtention de la chaire de calcul différentiel et intégral à Nancy semblait correspondre à ses vœux. C’est ainsi ce qu’il demandait, en décembre 1900, au directeur de l’Enseignement supérieur : « Dans le cas où je pourrai être prochainement pourvu à Nancy d’une chaire [de calcul différentiel et intégral] avec les deux cours par semaine […] qui sont attachés à cette chaire, bien entendu sans charge, le reste de l’organisation des cours de mathématiques à la Faculté des sciences de Nancy, ni l’esprit du cours de calcul infinitésimal qui doit principalement être utile aux élèves de l’Institut électrotechnique, je ne demanderai pas autre chose ». Plusieurs rapports font état du caractère ombrageux d’Émile Lacour mais aucun document n’atteste d’un quelconque différent avec ses collègues scientifiques. Lacour conserve tout au long de sa vie, entre autres, l’amitié d’Émile Picard, de Jules Tannery, de Marcel Brillouin* et de Paul Appell, qui le sollicite en 1897 pour rédiger un traité commun sur les Principes de la théorie des fonctions elliptiques. À Nancy, il est particulièrement proche de ses collègues Albin Haller* et René Blondlot*.

La thèse de Lacour est une contribution au problème posé par Bernhard Riemann de l’inversion des fonctions abéliennes. Dans cette théorie, il apparaît des fonctions uniformes définies sur des surfaces de Riemann qui « se reproduisent multipliées par une exponentielle » lorsque la variable franchit une coupure et d’autres fonctions dont les modules de périodicité sont rationnels. Lacour s’occupe dans sa thèse des classes de fonctions vérifiant cette propriété et montre que ces fonctions peuvent servir à intégrer certaines équations différentielles. Il poursuit ces recherches dans ce champ durant toute sa carrière et publie nombre d’articles et de notes relatifs aux fonctions elliptiques, aux fonctions abéliennes et à leurs applications.

Le doyen de la Faculté des sciences de Nancy, Ernest Bichat*, et le recteur, Amédée Gasquet, tout comme leurs homologues rennais, confirment les appréciations positives sur ses qualités d’enseignant émises par les inspecteurs de l’enseignement secondaire. Ils soulignent la qualité des cours de Lacour et son dévouement à ses élèves. Signe de cette reconnaissance, il est chargé en 1893 d’adapter aux nouveaux programmes le cours d’algèbre de Charles Biot (16e édition).

Lacour semble avoir toujours été très apprécié des étudiants comme en témoigne par exemple une lettre du biologiste Félix Le Dantec adressée au directeur de l’enseignement supérieur dans les années 1910 pour soutenir sa nomination au grade de chevalier de la Légion d’honneur : « Nous sommes trois à la Sorbonne, Jean Perrin, Élie Cartan* et moi qui devons le meilleur de nous à l’influence de Lacour, et qui le reconnaissons hautement. Pour ma part, j’ai eu le grand bonheur de suivre les enseignements des plus grands hommes de notre temps et je déclare que je ne leur dois pas plus qu’à ce modeste professeur d’une faculté de province ».

Lacour est membre du jury d’agrégation de 1896, du jury d’admissibilité à l’École normale supérieure entre 1907 et 1910. Il est nommé officier de l’Instruction publique en octobre 1889 et chevalier de la Légion d’honneur le 23 juillet 1912, parrainé par Émile Picard.

Philippe Nabonnand

Bibliographie

Lacour Émile (1885), Sur l’équation de la chaleur \(\frac{d + 2u}{dx^{2}} + \frac{d + 2u}{dy^{2}} = \frac{\text{du}}{\text{dy}}\), Paris, Gauthier-Villars.

___ (1891-1893), Leçons d’algèbre : conformes aux programmes officiels de l’enseignement des lycées. Partie 2, Paris, Delagrave.

___ (1895), Sur des fonctions d’un point analytique à multiplicateurs exponentiels ou à périodes rationnelles, Paris, Gauthier-Villars.

___ (1897), Principes de la théorie des fonctions elliptiques et applications, Paris, Gauthier-Villars.

___ (1895), « Sur les fonctions d’un point analytique à multiplicateurs exponentiels ou à périodes rationnelles, thèse de doctorat de mathématiques », Annales scientifiques de l’École normale supérieure, 12, 3-51.

___ (1898), « Relation entre les axes d’une section centrale d’un ellipsoïde et la dis-tance du centre au plan tangent en l’un des sommets de la section », Nouvelles annales de mathématiques, 17, 272-275.

___ (1898), « Sur la surface de l’onde », Nouvelles annales de mathématiques, 17, 266-272.

___ (1898), « Représentation géométrique de l’invariant absolu et des covariants d’une forme biquadratique », Nouvelles annales de mathématiques, 17, 341-351.

___ (1898), « Sur la surface de Steiner », Nouvelles annales de mathématiques, 17, 437-445.

___ (1898), « Sur une transformation de fonctions elliptiques qui correspondent à un module imaginaire », Annales scientifiques de l’École normale supérieure, 15, 455-462.

___ (1898), « Réduction à la forme canonique des formules qui donnent, en fonction rationnelle de deux paramètres, les coordonnées d’un point de la surface de Steiner », Nouvelles annales de mathématiques, 17, 499-503.

___ (1899), « Sur l’équation d’Euler \(\frac{\text{dx}}{\sqrt{\psi\left( x \right)}} = \frac{dx_{1}}{\sqrt{\psi\left( x_{1} \right)}}\ »\), Nouvelles annales de mathématiques, 18, 293-300.

___ (1900), « Sur la surface de l’onde et la surface correspondante d’élasticité », Nouvelles annales de mathématiques, 19, 362-369.

___ (1900), « Formules elliptiques pour l’étude des mouvements de Poinsot », Annales scientifiques de l’École normale supérieure, 17, 283-294.

___ (1901), « Mouvement d’un plan invariablement lié à une bielle (Exercice sur les fonctions elliptiques) », Nouvelles annales de mathématiques, 4, 559-565.

___ (1910), Sur une équation fonctionnelle de Beltrami, Paris, Imprimerie nationale.

___ (1922), Principes de la théorie des fonctions elliptiques et applications, avec le concours de R. Garnier, Paris, Gauthier-Villars, seconde édition.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de carrière (F/17/22931) et dossier de légion d’honneur (LH/19800035/0247/32914).

Sources secondaires

Roland Brasseur (2015), « Émile Lacour », Dictionnaire des professeurs de mathématiques spéciale. En ligne : https :sites.google.com/site/rolandbrasseur/5---dictionnaire-des-professeurs-de-mathematiques-speciales.

Brillouin Marcel (1914), « Nécrologie d’Émile Lacour », Annuaire des anciens élèves de l’École normale supérieure, 79-88.

Briot Charles (1893), Leçons d’algèbre, revues et mises au courant des nouveaux programmes par Émile Lacour, Paris, Delagrave.