René KOEHLER (1860-1931)

Chargé de cours de zoologie

Jean Baptiste François René Koehler (ou Köhler) est né à Saint-Dié dans les Vosges en mars 1860. Son père y est teinturier. En septembre 1890, il épouse à Lyon Jeanne Claudine Odette Lumière, sœur d’Auguste et Louis Lumière, dont le père, photographe à l’origine, a créé une usine de plaques photographiques. Le couple a deux enfants, Marcel (1892-1958) et Madeleine (1895-1970). Profondément laïque comme toute sa famille, Jeanne Koehler-Lumière participe activement à la vie lyonnaise en s’engageant comme infirmière pendant la Première Guerre mondiale, puis en se battant pour la cause des femmes : orientation professionnelle, hygiène sociale, petite enfance et secours aux femmes en difficulté. Elle est membre du conseil d’administration de l’Union des Femmes de France, vice-présidente de la section lyonnaise des Pupilles de la Nation, présidente du Comité de patronage des mères et nourrissons, vice-présidente de l’Œuvre pour les petits de la maternelle… Édouard Herriot, alors maire de Lyon, lui confie en 1920 la création de structures d’accueil dédiées à la petite enfance. Ses actions lui valent de nombreuses décorations, dont la Légion d’honneur qu’elle reçoit de son frère Auguste en 1925. Son fils Marcel, ingénieur en mécanique, sera connu comme constructeur des motos Koehler-Escoffier et auteur de nombreux brevets. René Koehler meurt en avril 1931, peu de temps après son départ en retraite.

René Koehler obtient la licence de sciences naturelles en 1879 à la Faculté des sciences de Nancy. Il poursuit ses études en préparant à la fois un doctorat de médecine à Nancy (1883) et, sous la direction d’Antoine-Fortuné Marion, directeur du laboratoire de zoologie marine de Marseille, il conduit une Recherche sur les échinides des côtes de Provence. Il soutient sa thèse à Paris en 1883, devant un jury présidé par Henri Milne-Edwards. Après sa licence, en novembre 1879, il est nommé préparateur de zoologie à la Faculté des sciences de Nancy, avec un salaire de 1 500 francs. Il demande plusieurs congés pour préparer sa thèse à Marseille et son père intervient pour qu’il reçoive une compensation financière. Pendant les étés, il est médecin à bord de paquebots. Il fait des demandes pour devenir maître de conférences en 1882 et 1883, avant d’être nommé chargé de cours complémentaires de zoologie en novembre 1883, avec un salaire de 4 000 francs. Il donne deux leçons par semaine à environ 5 élèves et 8 auditeurs en histologie et embryologie et, à partir de 1885, il assure des travaux pratiques. Il continue ses recherches de zoologie marine et demande en 1886 une aide pour aller au laboratoire zoologique de Naples.

Sa vie amoureuse l’amène à un scandale dans une affaire d’adultère avec l’épouse d’un de ses collègues, l’affaire remonte jusqu’au ministre et se résout par le transfert de Koehler à Lyon en novembre 1889. Il y occupe alors un poste analogue de chargé de cours complémentaires de zoologie. Il tente une candidature à la chaire de zoologie de Grenoble en 1892 avant d’être nommé professeur de zoologie à la Faculté des sciences de Lyon en juin 1894. Il demeure sur ce poste jusqu’à sa retraite en septembre 1930. Il y donne deux leçons de licence et une conférence d’agrégation. Il est nommé à la 3^e classe en 1903, à la 2^e en 1919 et à la 1^re en 1920. Il est assesseur du doyen en 1921. Ses cours sont appréciés, il est très aimé par ses élèves et le mathématicien et astronome Hervé Faye* – alors inspecteur général – le décrit comme un « fort bon professeur ».

Membre du conseil d’administration des Usines Lumière, administrateur délégué de la Société des produits chimiques Lumière, il travaille en parallèle à l’usine de plaques photographiques où il dirige le laboratoire de chimie. Il y consacre un temps plus important qu’à son laboratoire de zoologie, et se fait mal voir par le doyen qui recommande de le faire patienter pour une promotion. En 1910, il est chargé de la liquidation de la Société internationale de publicité (Paris), société créée avec la famille Lumière et André Castex, qui s’est révélé être un escroc. Pendant la guerre, Koehler dirige un hôpital militaire avec ses beaux-frères.

Son alliance avec les Lumière le conduit à publier un ouvrage sur l’usage de la photographie en sciences naturelles en 1893, puis sur l’usage du formol dans la conservation des cadavres. Dès sa thèse, il est surtout reconnu dans le monde entier comme spécialiste des échinodermes, dont il clarifie la systématique, en s’appuyant notamment sur la photographie. Grâce au soutien financier de ses beaux-frères, il organise les campagnes de dragage du Caudan dans le golfe de Gascogne en 1895 (Le Nancéien Julien Thoulet* y participe en tant que minéralogiste) et décrit plus de 500 spécimens recueillis. Le prince Albert de Monaco lui confie l’étude des spécimens collectés lors des voyages des navires Princesse Alice, Hirondelle et Investigator. Il étudie aussi ceux des campagnes océanographiques dirigées par Jean Charcot sur le Français et le Pourquoi Pas. Il rassemble une collection de 830 flacons conservée à l’Université Claude Bernard de Lyon, et constitue une bibliothèque de plus de 270 ouvrages consacrés à la biologie marine. Les spécimens proviennent à la fois de ses propres campagnes d’études, mais aussi de ses correspondants. Il présente les spécimens du Caudan à l’Exposition internationale de Lyon en 1914. Pendant la Première Guerre mondiale, il se consacre aux collections du Musée de Monaco, et ensuite à celles de plusieurs musées d’histoire naturelle (Paris, Calcutta et Washington).

Koehler publie beaucoup d’ouvrages décrivant les espèces découvertes lors de ses campagnes océanographiques. Il édite un cours de zoologie en 1902. Il publie de nombreux articles dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences (35), dans les Annales des Sciences Naturelles (4), dans la Revue biologique, dans le Bulletin de la Société zoologique, dans la Révue générale des sciences (25), le Bulletin du Museum de Paris… Lors de son passage à Nancy, il écrit dans le Bulletin de la Société des sciences, il en est membre depuis 1880 et secrétaire annuel en 1884 et 1885, et à Lyon dans les Annales de l’Université de Lyon. Il publie aussi à l’étranger, dans le Zoologischer Anzeiger de Leipzig, les Annals and Magazine of Natural History de Londres, le Recueil zoologique suisse, le Bulletin de l’Académie royale de Belgique, le Bulletin océanographique de Monaco…

L’Académie des sciences lui attribue le prix Saintour en 1918, le prix Cuvier en 1922 et l’élit correspondant pour la section d’anatomie et zoologie en 1925. Sa renommée est récompensée par la Légion d’honneur ; il est chevalier en 1909 au titre du ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, introduit par Auguste Lumière, puis officier en 1923, introduit par Louis Lumière. Depuis 1896, il était officier de l’Instruction publique et détenteur des Palmes académiques. Il avait été nommé en 1910 officier de l’Ordre de Saint-Charles de Monaco.

Étienne Bolmont

Bibliographie

Koehler René (1883), Recherches physiologiques sur l’action du poison chez les invertébrés, Nancy.

___ (1883), Recherches sur les Échinides des côtes de Provence, thèse soutenue le 31 mai 1883, devant la Commission d’Examen, Paris.

___ (1886), Contribution à l’étude de la faune littorale et marine des Iles anglo-normandes : Jersey, Guernesey, Herm et Sark, Masson.

___ (1893), Les applications de la photographie aux sciences naturelles, Gauthier-Villars.

Koehler René (1896), Résultats scientifiques de la campagne du « Caudan » dans le golfe de Gascogne : août-septembre 1895, Masson et cie.

___ (1899), Sur les Echinocardium de la Méditerranée et principalement sur les Echflavescens et méditerraneum, Genève.

___ (1900), Note préliminaire sur les Echinides et les Ophiures de l’Expédition antarctique belge, Bruxelles, imp. Hayez.

___ (1902), Zoologie, Anvers, imp. J.E. Buschmann.

___ (1906), Note préliminaire sur les échinodermes recueillis par l’Expédition antarctique francaise du Dr. Charcot (Echinides, astéries et ophiures), Paris.

___ (1907), Révision de la collection des Ophiures du Museum d’histoire Naturelle de Paris, Tome XLI, Paris.

___ (1909), Échinodermes provenant des campagnes du yacht Princesse-Alice (astéries, ophiures, échinides et crinoïdes), Monaco, Imprimerie de Monaco.

___ (1910), Astéries et ophiures des îles Aru et Keï, Frankfurt am Main, Senckenb-Naturw.

___ (1911), Description de quelques astéries nouvelles, Genève, Musée d’histoire naturelle.

___ (1911), Aroturidés nouveaux provenant des campagnes de la « Princesse-Alice » ou appartenant au Musée océanographique de Monaco, Monaco, Musée d’histoire naturelle.

___ (1912), Deuxième expédition Antarctique Française 1908-1910 commandée par le Dr Jean Charcot : Sciences naturelles : documents scientifiques : astéries, ophiures et échinides, Paris, Masson et Cie.

___ (1917), Echinodermes (Astéries, ophiures et echinides), Paris, Masson.

___ (1924-1927), Les échinodermes des mers d’Europe, Paris, G. Doin.

Koehler René & Bather F.A. (1902), Gephyrocrinus grimaldii : crinoïde nouveau provenant des campagnes de la Princesse Alice.

Koehler René & Vaney C. (1905), Mission des pêcheries de la côte occidentale d’Afrique II, Echinodermes, Lyon.

___ (1908), Description d’un nouveau genre de Prosobranches parasite sur certains Echinides (‘Pelseneeria’ nov. gen.), Monaco, Musée océanographique.

___ (1930), Ophiures : recueillies par Th. Mortensen dans les Mers d’Australie et dans l’Archipel Malais, Copenhague, Bianco Luno.

Koehler René & Bataillon E. (1893), Recherches sur l’extension du blastoderme et l’orientation de l’embryon dans l’oeuf des Téléostéens.

Koehler René & Korotnev A.A. (1895), Catalogue raisonné des échinodermes recueillis par M. Korotnev aux îles de la Sonde.

Koehler René, Lumière A., et al. (1895), Sur une nouvelle application de l’aldéhyde formique à la conservation des cadavres et à l’embaumement.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier personnel (F/17/24147) et dossier de Légion d’honneur (LH/1405/40).

Sources secondaires

Collectif (1922), « Prix Cuvier », Comptes rendus de l’Académie des sciences.

Collectif (1995), « Lumière l’album de famille », Dossier Archives municipales n°9.

De Montauzan Camille Germain (1931), Éloge funèbre de M. René Koehler, présenté à l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon dans sa séance du 28 avril 1931, A. Rey.

Angleraud Bernadette (2006), « Du caritatif au politique, l’itinéraire de Jeanne Koehler-Lumière », CLIO, histoire, femmes et sociétés, 195-210.

Roule L. (1932), « L’œuvre zoologique du Professeur René Koehler (1860-1931) », Revue générale des sciences (43), 402-406.