Sylvain JOURDAIN

1832, 1910
;
Sylvain
Jourdain
;
Zoologie, Physiologie animale
;
Texte
; par :
Étienne Bolmont

Sylvain JOURDAIN (1832-1910)

Professeur de zoologie et de physiologie animale

Sylvain Hippolyte Jourdain est né le 1er mars 1832 à Bayeux dans le Calvados. Son père y est médecin. En novembre 1865, il épouse Ernestine Félicie Labbey (1834-1873), elle aussi fille de médecin, maire d’Asnelles. Le couple a un fils, Octave, né en mars 1865, mais son épouse meurt en 1873, seulement âgée de 39 ans. Après sa démission de professeur, Jourdain revient en Normandie et s’installe dans la Manche, à Saint-Vaast-la-Hougue puis à Portbail où il décède fin avril 1910.

Après ses études secondaires à Bayeux, où il obtient ses baccalauréats ès lettres et ès sciences, il se dirige vers les sciences naturelles. Après sa licence obtenue en 1860, il se spécialise en zoologie et devient docteur en sciences naturelles à Paris, avec une thèse décrivant ses Recherches sur la veine porte rénale chez les oiseaux, les reptiles, les batraciens et les poissons.

Il postule alors pour un poste de professeur de zoologie à la Faculté des sciences de Rennes en remplacement du professeur Félix Dujardin. Il se recommande des professeurs Henri Milne-Edwards (Paris), Jean-Pierre Girardin (Lille) et Jacques-Amand Eudes-Deslongchamps (Caen). Mais en vain.

En 1861, il commence sa carrière professionnelle au collège de Thiers où il est régent de physique, il enseigne la physique, la chimie et la mécanique appliquée. Il est nommé l’année suivante au lycée de La Rochelle, chargé de cours de physique. Il n’y reste également qu’un an avant d’obtenir un congé d’inactivité de janvier 1864 à février 1869, pour se consacrer à des recherches (congé régulier pour travaux spéciaux).

En 1866, il fait une demande à la Faculté des sciences de Poitiers, avec l’appui d’Octave Feuillet, de l’Académie française, celui du sénateur Ferdinand Barrot et du député du Calvados Alexandre Douesnel. Son père s’implique aussi, envoyant une longue lettre à l’empereur dans laquelle il décline ses campagnes de médecin des armées napoléoniennes pour finir en déclarant que s’il n’avait rien demandé pour lui-même, il avait un fils digne d’obtenir une chaire dans une faculté des sciences. La Faculté des sciences de Poitiers nomme cependant un autre enseignant au poste convoité par Jourdain. Il postule ensuite à Bordeaux pour le poste quitté par Paul Bert, puis en 1868 à la Sorbonne sur le poste de Paul Gervais et en 1869 à la Faculté des sciences de Lyon à la chaire de géologie laissée libre après le décès de Joseph Fournet. Il justifie son choix de la géologie par sa formation universitaire en sciences naturelles, mais cela ne suffit pas.

Il entre finalement en février 1869 à la Faculté des sciences de Montpellier comme chargé de cours de zoologie et anatomie comparée. En décembre 1871, il est nommé professeur dans le même domaine. En juillet 1872, il est rappelé à l’ordre pour avoir pris un congé sans attendre la réponse du ministère : « Mr Jourdain a gravement compromis ses devoirs, ce qui aggrave sa faute, c’est qu’il est coutumier du fait. » Il demeure à Montpellier jusqu’en mars 1875, mais il est en congé depuis mai 1873 pour s’occuper de son épouse malade. Remplacé par Armand Sabatier, il prolonge ce congé jusqu’à son départ de Montpellier en avril 1875. Il est alors nommé professeur de zoologie et physiologie à la Faculté des sciences de Nancy où il remplace Émile Baudelot*. Il y assure également la fonction de directeur du Jardin botanique de la ville. Un an plus tard, il postule pour Rennes. Il échoue aussi à intégrer l’École normale supérieure en tant que maître de conférences. Par dépit, il envoie sa démission, mais, grâce à une démarche collective des professeurs de la Faculté des sciences de Nancy, sa démission est retirée. Il obtient un congé d’un an en décembre 1877, puis un congé d’inactivité en novembre 1878 pendant lequel il est remplacé par François Viault*. Il redemande le poste de maître de conférences de École normale supérieure, susceptible d’être vacant par le départ de son titulaire.

Il échoue encore pour la chaire d’anatomie comparée du Muséum d’histoire naturelle, classé en seconde ligne par l’Académie des sciences. Il démissionne en octobre 1879 pour des raisons de santé, mais aussi « en se posant en victime des passions politiques et de ce qu’il appelle la réaction » ; il se proclame républicain et libre penseur. En octobre, le recteur de Nancy Paul Jacquinet écrit dans un rapport : « Après deux années durant lesquelles M. Jourdain a fait défaut à Nancy, quelque justice que M. le Doyen et moi rendions au savoir et au talent de ce professeur, nous ne saurions à raison de ses singularités et excentricités de caractère et de sa trop inégale assiduité dans la pratique du devoir professionnel, accueillir avec surprise ni avec un regret bien vif l’avis de la détermination qu’il vient de prendre. » Sa situation de fortune qui lui assure aise et indépendance ne joue pas non plus en faveur de son maintien au sein de l’Université. Jourdain se retire alors en Normandie, à Saint-Vaast-la-Hougue. En juin 1884, il sort de son silence en postulant à Caen avec l’appui de Charles Philippe Robin qui le met au second rang des zoologistes français derrière Antoine-Fortuné Marion de Marseille. Puis en février 1885, il postule encore pour la chaire de zoologie de la Faculté des sciences de Besançon.

Il échoue encore à Caen en février 1887 malgré le soutien d’Hervé Mangon du parti républicain, ancien ministre de l’Agriculture. Jourdain désire « terminer sa carrière scientifique dans son pays natal », en jugeant qu’il a suffisamment expié : « Je suis arrivé à 55 ans et me faire attendre davantage ce serait pousser la rigueur jusqu’à l’injustice. » En octobre 1887, Jourdain fait une tentative à Lille sur le poste du professeur de géologie Alfred Giard, mais, malgré une recommandation de Marcelin Berthelot, le candidat local Paul Hallez est élu. En décembre 1887, il écrit au ministre de l’Instruction publique pour qu’on le nomme professeur en disponibilité sans traitement, mais ce statut n’existe pas. En 1889, il fait une dernière tentative à Caen, toujours en géologie, après le décès du professeur Eugène Eudes-Deslongchamps. Il semble, de façon générale, que les raisons de sa démission n’ont pas été comprises par les autorités universitaires auprès desquelles il postule. Dans son enseignement, Jourdain s’affirme comme un excellent professeur. En 1872, l’inspecteur Jean-Antoine Quet le juge comme « un professeur instruit et sachant communiquer son instruction ». L’inspecteur général Constant Rollier, en mai 1875, affirme : « Mr Jourdain est peut-être celui des professeurs de la Faculté des sciences de Nancy qui a le plus d’aptitude pour le professorat proprement dit. » Mais ce jugement est tempéré par les considérations sur sa santé fragile « qui fait craindre qu’il ne puisse supporter bien longtemps, sans nouveaux congés, la fatigue de l’enseignement ». Sa santé a en effet perturbé toute sa carrière, depuis le début ; en 1878, le médecin signale que Jourdain est « sujet à des douleurs neuropathiques fréquentes qui lui interdisent tout travail soutenu et régulier ».

Au niveau politique, Jourdain est engagé dans la cause républicaine. En 1872, la réforme de la justice conduite par Jules Dufaure, ministre de la Justice dans le Gouvernement Thiers, porte sur le choix des jurés et se heurte à l’opposition des radicaux. À Paris, le professeur Charles Philippe Robin est ainsi rayé de la liste du jury criminel et Jourdain lui apporte son soutien depuis Montpellier par un article dans le journal La République. L’affaire a des retombées au niveau local : ainsi le 8 janvier, à la reprise des cours, Jourdain fait salle comble et intervient sur l’affaire : « Observez la loi absolument, qu’elle vous paraisse bonne ou mauvaise, parce qu’elle est la Loi ; seulement, si vous croyez qu’on se trompe dans son application, votre droit et votre devoir est de protester, comme nous l’avons fait. » Son intervention, somme toute modérée, n’entraîne pas de sanctions des autorités universitaires : « Cet incident n’ayant pas eu de suite sérieuse, je suis d’avis qu’il n’y a rien à faire » déclare le recteur au ministre. Mais les réflexions du recteur de Nancy suite à sa démission montrent que ses paroles n’avaient pas été oubliées.

Sylvain Jourdain a consacré sa vie à la recherche en anatomie comparée, dans la continuité de sa thèse. Il a commencé à écrire avant sa licence dans la revue de la Société linnéenne de Normandie en 1856. Il publie de nombreux articles dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, 53 entre 1862 et 1902. Plus de la moitié sont publiés après sa démission. Il publie aussi dans des revues spécialisées comme la Revue des sciences naturelles (dans laquelle il analyse aussi les principaux travaux de zoologie publiés en France) et dans celles des sociétés savantes de La Rochelle, Montpellier et Bayeux. À Nancy, il écrit neuf articles dans le Bulletin de la Société des sciences aux travaux de laquelle il participe pendant deux ans. Il rédige notamment un article sur la trompe buccale de l’esturgeon avec Auguste Friant*, alors préparateur de zoologie. À l’image des nombreuses candidatures sur des postes de professeurs qu’il présente après sa démission, il cherche aussi la reconnaissance de l’Académie des sciences et postule en 1886, 1894 et 1900 dans la section d’anatomie et de zoologie. Ses espoirs seront aussi ici encore déçus.

Étienne Bolmont

Bibliographie

Jourdain Sylvain (1856), « Du mécanisme de la ponte chez le marbré de la Guyane », Procès verbal de la Société linnéenne de Normandie.

___ (1860), Recherches sur la veine porte rénale chez les oiseaux, les reptiles, les batraciens et les poissons, Paris, L. Martinet.

___ (1862), « Sur les organes génitaux de l’aurelia aurita », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 55, 834.

___ (1864), « Contributions à l’anatomie des siponcles », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 60, 1042.

___ (1876), « Système nerveux du python », Bulletin de la Société des sciences de Nancy.

___ (1877), « Note sur l’appareil circulatoire des axolotls », Bulletin de la Société des sciences de Nancy.

___ (1879), « Sur l’appareil respiratoire des ampullaires », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 88.

___ (1879), Liste des travaux scientifiques de S. Jourdain. Imp. Émile Martinet. Seconde édition en 1886, Caen, E. Valin.

 

 

 

 

___ (1902), « La vigne et le caspophagus echinopus », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 134.

Jourdain Sylvain & Friant Claude (1878), « Recherches anatomiques sur la trompe buccale de l’esturgeon », Bulletin de la Société des sciences de Nancy.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de carrière (F/17/22924).

Sources secondaires

Anonyme (1910), « Sylvain Jourdain », Bulletin de la Société des sciences, Arts et Belles Lettres de Bayeux, p. 295.