Henry JOLY
Henry JOLY (1881-1974)
Professeur de géologie
Henry Charles Joly est né à Bar-le-Duc (Meuse), le 24 mars 1881. Son père, Pierre Prosper (1845-1907) y est adjoint du génie, sa mère Eugénie Catherine Émilie Mangeot (1852-1892) est sans profession. Joly se marie à Pont-à-Mousson en juillet 1911 avec Camille Boussard (1888-1965). Il décède à Nancy le 28 septembre 1974, à l’âge de 93 ans, sans descendance.
Joly effectue sa scolarité secondaire à Bar-le-Duc. Bachelier ès lettres et ès sciences en 1898, il poursuit ses études à la Faculté des sciences de Nancy et il obtient à 19 ans une licence ès sciences avec les certificats de physique appliquée, minéralogie et géologie en 1900 ; il suit les cours de René Nicklès* avec lequel il collaborera jusqu’à la disparition de ce dernier en 1917. En 1905, il obtient la licence ès sciences naturelles en ajoutant les certificats de zoologie et de botanique. En novembre 1908, il devient docteur ès sciences avec la mention très honorable. L’Association française pour l’Avancement des sciences contribue à la publication de sa thèse par une subvention de 800 francs : « Études géologiques sur le jurassique inférieur et moyen de la bordure nord-est du Bassin de Paris».
En novembre 1903, il succède à Charles Authelin* en tant que préparateur de géologie à la Faculté des sciences de Nancy. Il entretient les collections du laboratoire et collabore à l’enseignement, en tant que chargé des travaux pratiques de géologie générale (une séance hebdomadaire de 4 heures), mais aussi en assurant 15 conférences de paléontologie et de pétrographie. Il est de plus chargé des travaux pratiques de géologie agricole à l’Institut agricole de Nancy (une séance hebdomadaire de 3 heures pendant un semestre) ; il publiera un ouvrage sur la question en 1937. En 1906, il présente une série de 7 conférences aux élèves de géographie de la Faculté des lettres de Nancy. En 1908, il est chargé du cours de géologie de la Lorraine ; c’est un cours public hebdomadaire d’un semestre, subventionné par la Société des amis de l’Université de Nancy, qui accueille une cinquantaine d’auditeurs. Ce cours est très prisé au début, selon P.-L. Maubeuge, mais il reste inchangé 35 ans plus tard. Ce cours se prolonge au semestre suivant par des conférences spéciales pour les étudiants de géologie appliquée.
Au début de la guerre, Joly est mobilisé comme lieutenant au 79e régiment d’infanterie, blessé fin août à Morhange, fait prisonnier et envoyé en captivité à la forteresse de Königstein en Saxe. Rapatrié en Suisse où il est interné sanitaire jusqu’à la fin de l’année 1918, il reçoit la Croix de guerre en 1919 et la Légion d’honneur à titre militaire en 1936.
Il dirige l’Institut de géologie de 1918 à 1923, même «s’il n’a pas l’étoffe d’un directeur d’institut » selon Maubeuge. Il réussit quand même à le remettre en route après la mort de René Nicklès*, avant d’être remplacé par Paul Fallot.
Il reste préparateur jusqu’en octobre 1920, moment où il est nommé chargé de cours de géologie. La chaire de géologie est alors vacante, suite au décès de Nicklès*, mais Joly n’est pas pressenti pour ce poste dont la vacance est annulée. En novembre 1923, il est chargé du cours de géologie de la Lorraine, avant de passer maître de conférences en janvier 1924 ; il le reste jusqu’au 31 octobre 1944, date de son départ en retraite ; il figurait sur la liste d’aptitude des docteurs pouvant être appelés à des fonctions d’enseignant depuis 1910. En avril 1927, il est nommé professeur sans chaire et il passe à la première classe en janvier 1933. Le projet de l’Université de Nancy de création d’une chaire de géologie de la Lorraine, qui semble promise à Joly, échoue en 1939, notamment parce que la chaire de géologie générale n’est alors pas pourvue d’un titulaire et pour des raisons de lenteurs administratives, amplifiées par un conflit entre ministère et rectorat, qui reportent la décision à l’été 1939.
Depuis 1919, Joly est aussi chargé de l’enseignement de la géologie générale et des conférences de géologie de la houille et de géologie pratique à l’École supérieure de la métallurgie et de l’industrie des Mines de Nancy. Au début de la Deuxième Guerre mondiale, Joly reste seul à l’Institut de géologie et assure un service réduit d’enseignement de licence. En décembre 1940, il est nommé directeur de l’École supérieure des sciences et des lettres de Rouen, puis mis à disposition en juin 1941 du recteur de l’Académie de Lyon, à ce moment repliée sur Ussel en Corrèze. Joly, dépité par l’absence de décision concernant l’enseignement de la géologie lorraine, écrit au maréchal Pétain en plaidant sa cause.
Admis à la retraite en novembre 1944, il est proposé à l’unanimité au titre de professeur honoraire. Il se retire alors à Autreville-sur-Moselle.
Ses recherches concernent la science pure et la science appliquée. Il publie sa première note en paléontologie, puis décrit un usage original du baromètre pour l’étude des régions faiblement plissées, qui va lui servir à l’étude détaillée de la tectonique des terrains secondaires de Meurthe-et-Moselle. Avec René Nicklès*, il étudie la question du gisement houiller du nord de la région ; leurs travaux vont conforter les décisions des industriels du charbon. Il rédige ensuite sa thèse qui porte sur la géologie de la Lorraine, avec une limite des terrains étudiés dépassant la province. Le recteur Charles Adam note qu’elle est appréciée par les savants de Belgique. Maubeuge en 1978 est plus critique : s’il juge l’ouvrage indispensable à la connaissance de la géologie de la Lorraine, il lui reproche son peu de précision.
Les compétences de Joly font qu’il est fréquemment appelé comme expert par les industriels du fer, de la houille et du sel de l’Est. Il est aussi consulté en dehors de la Lorraine et jusqu’en Algérie. Délégué par René Nicklès* pour les examens géologiques des terrains traversés par les eaux que les communes désirent capter pour l’alimentation en eau potable des villages depuis 1903, il adresse alors une soixantaine de rapports aux préfets et aux Conseils d’hygiène des départements de Meuse, Haute-Marne, Vosges et Meurthe-et-Moselle.
En 1903, à la suite d’Authelin*, il collabore au Musée Royal d’histoire naturelle de Bruxelles en participant à la classification et à la détermination des fossiles du Jurassique de Belgique. Maubeuge juge ce travail incomplet, sommaire sur certains points et nécessitant des révisions sur d’autres.
À l’été 1921, il est chargé d’une mission en Espagne par le ministère de l’Éducation nationale, ce qui lui permet d’élargir son champ de recherches, jusqu’alors trop restreint à la région, ce dont le doyen et le recteur se félicitent en 1923, mais Paul Fallot condamne certaines des conclusions de ce rapport. Cependant, Joly reste un spécialiste de la géologie locale et « cette spécialité un peu étroite » l’empêche d’obtenir la chaire de géologie générale, qu’il « ne pourrait pas occuper avec maîtrise », selon le recteur en 1931. Il édite quelques cartes géologiques au 80 000e, sans la précision suffisante attendue par les géologues, avec parfois des erreurs. Le travail sur le bassin ferrifère franco-luxembourgeois qu’il mène avec un géologue amateur luxembourgeois Nicolas Laux est par contre jugé important pour la compréhension de la structure du bassin, ainsi que ses recherches sur l’hydrologie karstique dans la même région.
En 1905 et 1906, il est secrétaire de la Société des sciences de Nancy. Il en est président en 1937 et 1938, avec une action efficace en termes d’augmentation du nombre de membres qui est presque triplé ainsi qu’en termes de fréquence des réunions et d’édition du bulletin ; il oriente le travail de la Société plutôt vers la vulgarisation.
Il organise aussi le seul et unique Congrès lorrain des Sociétés savantes de l’Est de la France en juin 1938. En octobre 1907, il assure le secrétariat de la réunion extraordinaire de la Société géologique de France dans les Causses et dans les Cévennes. Il est secrétaire de la Société industrielle de l’Est de 1909 à 1938, ce qui montre sa forte influence dans le milieu industriel. Il publie aux Comptes rendus de l’Académie des sciences, dans les revues de géologie comme la Revue de la Société géologique de France, et localement dans le Bulletin de la Société des sciences de Nancy.
En 1909, il obtient le prix de la Chambre de Commerce de Nancy et le prix Dupeux de l’Académie de Stanislas pour son travail sur la géologie de la Lorraine.
Officier d’Académie en 1908, il devient officier de l’Instruction publique en 1914.
Poète à ses heures, il publie des fascicules de poésies en 1968 et 1973, dont certaines écrites dès 1941. Amoureux de la Lorraine, patriote, sa connaissance de la région lui permet d’apporter en 1945 une aide à l’armée américaine.
Étienne Bolmont
Bibliographie
Brun Henri, Petit Paul & Joly Henry (1921), Commémoration de l’oeuvre de René Nicklès, Nancy, Imprimeries réunies.
Joly Henry (1905), « Notes paléontologiques – Note sur deux Cœloceras du Toarcien », Bulletin de la Société des sciences de Nancy.
___ (1907), « L’usage du baromètre pour l’étude des régions faiblement plissées », Bulletin de la Société des sciences de Nancy.
___ (1908), Études géologiques sur le Jurassique inférieur et moyen de la bordure Nord-Est du bassin de Paris (thèse), Barbier.
___ (1908), Le terrain houiller existe-t-il dans la région Sud de Longwy ? A. Buvignier.
___ (1909), « Les fossiles du Jurassique de la Belgique, fasc. 1 », Mémoires du Musée royal d’Histoire Naturelle de Bruxelles, V.
___ (1911), Géographie physique de la Lorraine et de ses enveloppes, Nancy, Barbier.
___ (1914), « Note sur la faune des marnes dites à Creniceras Renggeri dans la région de Toul », Bulletin de la Société géologique de France, XII, 411.
___ (1921), « Aperçu de la tectonique et de la géographie physique d’une partie de la Sierra Morena (Espagne) », Bulletin de la Société des sciences de Nancy.
___ (1921), « Sur la Géologie et la géographie physique de la dépression du Guadiato », Comptes rendus de l’Académie des sciences.
___ (1922), « Note préliminaire sur l’allure générale et l’âge des plissements de la chaîne Celtibérique (Espagne) », Comptes rendus de l’Académie des sciences.
___ (1922), « Sur l’allure tectonique des couches crétacées et tertiaires aux environs de Haro (province de Logroño, Espagne). », Comptes rendus de l’Académie des sciences.
___ (1922), « René Nicklès, ses travaux scientifiques », Bulletin de la Société des sciences de Nancy, I, 151.
___ (1922), « Sur la présence d’écailles ou de lambeaux de charriage dans la chaîne Celtibérique (Provinces de Saragosse, Logrôno et Soria (Espagne) », Comptes rendus de l’Académie des sciences.
___ (1922), « Sur l’existence de phénomènes de charriage à l’extrémité orientale de la chaîne Ibérique près de Montalban, province de Téruel (Espagne) », Comptes rendus de l’Académie des sciences.
___ (1923), « Observations stratigraphiques sur l’Oxfordien et le Lusitanien en certains points de la chaîne Celtibérique (Espagne) », Comptes rendus de l’Académie des sciences.
___ (1936), « Les fossiles du Jurassique de la Belgique. 2e Partie. Lias inférieur », Mémoires du Musée royal d’Histoire Naturelle de Bruxelles, 79.
___ (1937), « Le Kiméridgien de la région de Pierrefitte-sur-Aire, et, en général, de la feuille de Bar-le-Duc », Bulletin de la Société des sciences de Nancy, 231.
___ (1937), Géologie agricole. Tome I. Introduction à l’étude de la Géologie agricole, Les Arts Graphiques Modernes.
Joly Henry & Laux N. (1920), « Sur la faune des couches inférieures de l’Aalénien du Grand Duché de Luxembourg », Comptes rendus de l’Académie des sciences.
___ (1922), « Sur la faune des couches moyennes et supérieures de l’Aalénien du Grand Duché de Luxembourg », Comptes rendus de l’Académie des sciences.
Joly Henry & Nicklès René (1907), « Sur la Tectonique des terrains secondaires du Nord de Meurthe-et-Moselle », Revue de la Société géologique de France.
___ (1907), « Sur la Tectonique du Nord de Meurthe-et-Moselle », Comptes rendus de l’Académie des sciences.
Nicklès René & Joly Henry (1907), « Sur la Tectonique des terrains secondaires du Nord de Meurthe-et-Moselle », Bulletin de la Société géologique de France, 7.
Sources d’archives
Archives nationales : dossier de carrière (F/17/25061) et dossier de Légion d’honneur (LH/19800035/1222/41056, non consultable en ligne).
Sources secondaires
Maubeuge P.-L. (1978), « Le géologue lorrain Henry Joly (1881-1975) » Bulletin de l’Académie et de la Société lorraines des Sciences 17, 53–74.
Nicolas E. (1904), « Géographie physique de la Lorraine et de ses enveloppes, par Henry Joly (prix Dupeux) », Le pays lorrain.