Albin HALLER
Albin HALLER (1849-1925)
Professeur de chimie
Albin Haller est né le 7 mars 1849 à Fellering, près de Mulhouse, dans le Haut-Rhin. Son père, Antoine Haller est artisan en menuiserie et ébénisterie. Sa mère, née Madeleine Kaufmann, est couturière. Il est l’aîné d’une famille de onze enfants. Après l’annexion de l’Alsace, il opte pour la nationalité française en 1872. En mars 1885, il se marie avec Lucie Comon (1861-1947) à Longuyon (Meurthe-et-Moselle), où son père Charles Comon (1824-1875) est médecin. Lucie Comon est la cousine du mathématicien Henri Poincaré. Par ce mariage, Albin Haller entre donc dans une famille de la bourgeoisie locale dont plusieurs membres auront un destin national. De ce mariage naissent quatre enfants, Madeleine (1886-1983), Geneviève (1888-1971), André (1890-1890, décédé quelques jours après sa naissance) et Georges (1891-1916). Ce dernier, caporal aviateur, meurt au combat à l’âge de 25 ans. Haller meurt à Paris le 29 avril 1925.
Après l’école du village, il fréquente jusqu’à 14 ans un cours supérieur créé par des industriels de la région puis il entre comme apprenti chez son père où, pendant deux ans, il apprend les métiers du bois. À l’âge de 16 ans, conseillé par le pharmacien de Wesserling qui a remarqué sa curiosité et ses aptitudes intellectuelles, Haller part à Munster pour entrer comme aide chez le pharmacien Achille Gault, diplômé de l’École supérieure de pharmacie de Strasbourg. Celui-ci, tout en le formant aux pratiques de l’officine, se charge de son éducation littéraire et scientifique. Il l’initie au latin et lui fait donner des cours de grec. Albin Haller accède ainsi, en 1867, au certificat de grammaire. C’est à partir de cette première étape que s’enchaîne une série d’appuis qui vont lui permettre d’accéder à l’enseignement supérieur. Cependant, rien ne lui est donné ; il doit continuer, tout au long de cette période, à cumuler études et travail rémunéré.
Il part d’abord pour Colmar où il est employé par le frère de son premier protecteur, Léon Gault, également pharmacien, qui le prépare aux épreuves du baccalauréat ès sciences avec l’aide des professeurs du lycée voisin. À 21 ans, en mai 1870, il est reçu bachelier ès sciences à Strasbourg. Il s’apprête à entrer à l’École supérieure de pharmacie de Strasbourg lorsque la guerre éclate. Ayant fait plusieurs stages en pharmacie, il est incorporé dans une compagnie d’infirmiers à l’hôpital militaire de Lyon. Dès sa démobilisation, il est appelé au chevet de son père qui décède 15 jours après son retour. Il doit alors faire un choix difficile, entre le soutien à sa famille dont il est l’aîné, et la poursuite de ses projets. Finalement, en septembre 1871, encouragé par sa mère, il part pour rejoindre Achille Gault qui vient de quitter l’Alsace annexée pour créer à Nancy une nouvelle pharmacie.
En 1872, une École supérieure de pharmacie est créée à Nancy à la suite du transfert de l’École de pharmacie de Strasbourg. Parallèlement à son travail en officine, Haller s’inscrit dans cette école et suit également les cours de la faculté des sciences. Il est alors nommé aide-préparateur en novembre 1872. L’année suivante, en mars 1873, il accède à la fonction de préparateur de chimie tout en préparant son diplôme de pharmacien de première classe qu’il obtient en août 1873. Comme c’est avant tout la chimie et le travail de laboratoire qui le passionnent, il continue à suivre les cours de la faculté des sciences tout en donnant des leçons particulières pour compléter son salaire de préparateur. Il doit également fournir de sérieux efforts en mathématiques pour atteindre le niveau de la licence de sciences physiques. En ce qui concerne la chimie proprement dite, il suit les cours de Nicolas Blondlot à l’école de médecine et de pharmacie et de Camille Forthomme* à la faculté des sciences, tous deux adeptes de la théorie atomique. Il accède, après deux ans d’études, au grade de licencié ès sciences physiques, en juillet 1875.
Au cours de cette période, Haller semble avoir su se faire apprécier au sein de l’École de pharmacie. À la demande de son directeur, Eugène Théodore Jacquemin, il est nommé, en mai 1876, chef de travaux pratiques de chimie, et l’année suivante, avec l’appui de l’ensemble du conseil des professeurs, l’école demande pour lui la création d’un poste d’agrégé provisoire en attendant l’organisation du prochain concours d’agrégation. Cette nomination inhabituelle doit améliorer sa situation matérielle, mais elle permet surtout de l’attacher au service de l’école pour compenser la faiblesse de l’encadrement liée aux conditions de transplantation de l’institution strasbourgeoise à Nancy. La progression de carrière d’Haller tient donc en partie à la particularité de la situation locale. À Strasbourg en 1870, l’École de pharmacie comptait en effet quatre chaires (dont une vacante), un poste de professeur adjoint et trois postes agrégés. Or, seule une partie du personnel s’était repliée à Nancy. Assez rapidement, les nominations de Gustave Marie Bleicher et d’Armand Descamps permettent de retrouver le nombre initial de chaires, mais en 1877, cinq ans après sa création à Nancy, l’école ne dispose toujours pas d’agrégé.
À cette époque, les agrégés de pharmacie et de médecine sont en réalité des professeurs, sans en avoir le titre. Ils doivent être en mesure de suppléer le titulaire de la chaire que ce soit pour les cours ou les jurys d’examen. Il se trouve que, selon le directeur de l’école supérieure de pharmacie, aucun Nancéien ne dispose des diplômes nécessaires. Il considère que seul Haller présente de sérieuses garanties. Il a fait la preuve de ses aptitudes à l’enseignement en assurant des conférences d’analyse chimique suivies par tous les étudiants et, surtout, il a déjà produit des travaux de recherche. Après l’avis favorable du directeur de l’Enseignement supérieur, Haller est nommé, en avril 1877, agrégé provisoire et chargé du cours de chimie analytique en août, en attendant l’organisation du prochain concours d’agrégation auquel il devra se soumettre. Il entre immédiatement en fonction, avec une augmentation annuelle de 3 000 francs qui vient quasiment doubler son salaire initial.
À l’automne 1877, Haller est autorisé à faire un cours complémentaire de chimie analytique. Il dispose d’un laboratoire où il peut mener des travaux personnels pour la préparation de sa thèse dont le sujet lui aurait été inspiré par Jules Chautard*, titulaire de la chaire de physique de la faculté des sciences et éphémère chargé de cours à l’école supérieure de pharmacie. Au cours d’une manipulation en 1878, il est victime d’un accident qui entraîne la perte définitive d’un œil. Il présente néanmoins les premiers résultats de ses travaux dans sa thèse de doctorat ès sciences physiques, intitulée Contribution à l’étude du camphre et d’un certain nombre de ses dérivés soutenue avec succès en Sorbonne, le 21 mars 1879.
À ce moment, rien ne semble particulièrement l’attacher à Nancy. Il demande aussitôt à être nommé dans la chaire de chimie de la Faculté des sciences de Besançon qui vient d’être libérée. Il invoque des raisons familiales et personnelles. Comme le poste lui échappe, il fait savoir au ministère qu’il reste candidat à toute chaire de chimie vacante dans une faculté des sciences où le niveau de l’enseignement de la chimie générale est réputé d’un niveau plus élevé que dans une école de pharmacie. La même année, il obtient l’agrégation des écoles supérieures de pharmacie et il est nommé sur un poste d’agrégé de chimie en juin 1879. L’école supérieure de pharmacie et la faculté des sciences multiplient alors les démarches pour tenter de s’attacher celui qu’elles considèrent comme un scientifique d’avenir. Il faut sans doute voir dans cette politique les difficultés rencontrées pour attirer ou maintenir le personnel nécessaire au développement ou simplement au bon fonctionnement d’un centre scientifique local, au moment où les républicains s’efforcent de renforcer les facultés de province. C’est ainsi que dès le mois d’octobre 1879, le doyen de la faculté des sciences Louis Grandeau* sollicite la création d’un poste de maître de conférences de chimie pour lequel il propose la candidature d’Haller, avec l’accord du pharmacien et chimiste Marcelin Berthelot, qui est alors inspecteur général de l’Instruction publique.
À l’époque, la faculté des sciences ne possède qu’une seule chaire de chimie, occupée par Forthomme*. L’objectif est, en pariant sur les capacités scientifiques d’Haller, d’obtenir, à terme, une deuxième chaire de chimie pour donner un complément d’enseignement aux aspirants à la licence ès sciences physiques dont le nombre est en augmentation. Sur la base d’un rapport positif du recteur Paul Jacquinet, il est effectivement nommé maître de conférences de chimie. Il reste sur ce poste jusqu’en novembre 1883. Cela ne l’empêche pas, en janvier 1882, de poser sa candidature à un poste d’agrégé à l’École de pharmacie de Paris. Le directeur de l’école parisienne est a priori favorable à cette candidature qu’il juge brillante, mais il refuse de créer un précédent ; en effet, pour les facultés de médecine et les écoles supérieures de pharmacie, l’agrégation se prépare en vue d’un poste attribué d’avance, et aucun transfert ne peut s’opérer. Haller devrait donc démissionner pour concourir à un poste d’agrégé à Paris. Il se trouve qu’au même moment, le décès d’Armand Descamps libère la chaire de pharmacie chimique à l’école supérieure de pharmacie. Le directeur de l’école demande alors qu’Haller soit chargé du cours de pharmacie, ce qui lui ouvrirait la voie pour devenir titulaire de cette chaire devenue vacante. En mars 1882, le ministère de l’Instruction publique interdit le cumul du traitement d’agrégé de pharmacie avec celui de maître de conférences. Haller doit donc choisir ; il continue cependant à enseigner dans les deux établissements. L’école de pharmacie et la faculté des sciences semblent entrer en concurrence pour le retenir pendant les deux années universitaires suivantes.
La faculté des sciences s’efforce de lui assurer une progression rapide. En novembre 1883, Haller est chargé du cours complémentaire de chimie organique, puis en 1884, après le décès de Forthomme*, il est chargé de son cours de chimie générale. C’est à ce moment qu’il quitte l’école supérieure de pharmacie, tout en demandant à conserver la direction de son laboratoire. L’année suivante, en novembre 1885, à 36 ans, il est nommé dans la chaire de chimie de Forthomme*.
À cette époque, le recteur Ernest Mourin le considère comme «… un des maîtres les plus laborieux de la faculté des sciences ». Le laboratoire est en effet sa véritable passion. Dès le mois de mai 1880, alors qu’il vient à peine d’être nommé maître de conférences à la faculté des sciences, il demande directement au ministère d’être chargé d’une mission scientifique à l’étranger pour « étudier de plus près l’organisation des universités étrangères et en particulier celle des laboratoires de chimie ». La mission lui est refusée, mais étant donné la médiocrité des installations de la faculté des sciences, confinées dans le Palais universitaire, on peut sans doute faire remonter à cette date le projet d’Haller consistant à réorganiser l’ensemble des services de chimie au sein d’un institut chimique s’inspirant du modèle allemand. Il s’agit en particulier de prévoir de vastes laboratoires destinés aux travaux pratiques des élèves, de manière à développer leur dextérité dans les manipulations et à leur donner le goût de s’engager dans des travaux scientifiques pouvant aller de la recherche fondamentale aux applications industrielles. Si ses compétences et son engagement scientifiques lui valent le soutien de la communauté scientifique nancéienne, certains traits de sa personnalité, révélés par les rapports rectoraux, le font pourtant apparaître comme un homme relativement seul, à l’élocution laborieuse, au caractère parfois difficile.
On mesure ce que doit la réussite de son projet à l’intervention d’une personnalité telle que celle d’Ernest Bichat*, enfant du pays, au contact facile, en phase avec les réformateurs universitaires du moment et qui, dans le cadre de ses engagements politiques locaux, s’efforce de trouver les financements nécessaires. Devenu doyen de la faculté des sciences en 1888, Bichat* rend néanmoins justice au porteur du projet scientifique de l’institut chimique (créé administrativement en 1887) en demandant au conseil de la faculté de nommer Haller* à la direction de l’institut en 1890.
Ce dernier prend alors en charge le fonctionnement de l’institut chimique où selon l’expression même du recteur «… il passe son existence du matin au soir… il donne ainsi à ses élèves de toutes catégories beaucoup de travail personnel en même temps qu’il dirige leur recherche et les aide de son conseil… Il est en voie de créer à Nancy un véritable centre scientifique dont les travaux sont dirigés en grande partie vers les applications industrielles… ». La création et le développement de l’institut chimique ont, de fait, entraîné un renforcement notoire du « pôle chimique » nancéien. Cinq ans après son inauguration, l’institut chimique compte trois professeurs, dont Haller et Paul Petit* et, pour la chimie industrielle, Georges Arth*. Il compte également un maître de conférences, Paul Thiébaud Müller*, un chargé de cours, Antoine Guntz*, et deux chefs de travaux, Jules Minguin* et Alfred Guyot*. Haller, dont les travaux personnels sont reconnus, obtient par ailleurs, en 1895, la création d’une section locale de la Société chimique de Paris, la première constituée en province.
Dans les années 1890, sa renommée dans les milieux scientifiques s’accroît considérablement. Mandaté, en 1893, à l’Exposition universelle de Chicago, en qualité de membre du jury dans la section des arts chimiques et pharmaceutiques, il est chargé du rapport final dont de larges extraits sont publiés dans la Revue générale des sciences pures et appliquées en juillet 1894. Ses propos, fondés sur la comparaison entre l’industrie chimique française et celles de l’étranger – tout particulièrement l’industrie allemande – sont alors considérés comme un véritable manifeste dénonçant le retard français. Haller rappelle les efforts faits en Allemagne pour développer la formation scientifique de spécialistes et il insiste sur la nécessité de sortir de la routine académique pour affronter cette concurrence. Pour lui, les laboratoires universitaires doivent devenir de « véritables usines de science pure et appliquée ».
Comme ses propos trouvent des relais dans la presse nationale, c’est avec une autorité renforcée qu’il s’adresse, en mars 1897, aux milieux industriels et politiques locaux pour solliciter leur soutien. Il obtient ainsi un don exceptionnel du mécène Ernest Solvay (100 000 francs) dont les usines de Dombasle près de Nancy avaient été les seules représentantes à Chicago pour la production de soude en France. De son côté, la Société industrielle de l’Est lance une souscription pour financer la construction de laboratoires dédiés à l’enseignement pratique de l’électrochimie ainsi qu’à l’installation de laboratoires nécessaires au fonctionnement des cours de teinture et d’impression financés par la ville. Ces projets aboutissent au sein de l’Institut chimique, sans financement de l’État, et Haller semble les avoir portés à son seul crédit sous le nom d’institut d’électrochimie et d’institut de chimie tinctoriale. Le recteur, qui reconnaît sa valeur professionnelle et scientifique, note néanmoins à cette époque que son ardeur et son ambition « l’entraînent à des actes d’indépendance qui ont amené certains froissements ».
Malgré cette réussite nancéienne, Haller sollicite en vain, dès février 1895, sa nomination dans la chaire de chimie industrielle qui doit être prochainement créée à la Faculté des sciences de Paris. Sa nomination, en 1899, dans la chaire de chimie organique, libérée par le décès de Charles Friedel, lui permet, 20 ans après sa nomination de maître de conférences à Nancy, d’atteindre l’objectif qu’il s’était fixé de longue date. En 1905, il est nommé directeur de l’École de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris où il succède à Charles Lauth. Il y poursuit les travaux déjà engagés en veillant sur l’agencement des laboratoires de chimie et de physique et en engageant une réforme des programmes destinée à élever le niveau des cours théoriques. En 1907, il accède à la direction du laboratoire de chimie organique de l’École des hautes études.
Les travaux scientifiques de Haller portent exclusivement sur la chimie organique. Il se place dans le courant atomiste, et, avec Charles Adolphe Würtz et Charles Friedel, il participe aux travaux de l’Association française pour l’avancement des sciences (AFAS) qui permettent une diffusion de ses idées. Haller publie un nombre élevé d’articles, plus de 130 aux seuls Comptes rendus de l’Académie des sciences, qui, par leur qualité, lui apportent la reconnaissance de ses pairs.
Il est ainsi distingué par l’Académie des sciences qui lui attribue deux fois le prix Jecker ; en 1887, il le partage avec Léon Albert Arnaud, alors préparateur de Michel-Eugène Chevreul au Muséum d’histoire naturelle. Le rapport souligne ses travaux sur le camphre et ses dérivés, au sujet desquels il publie environ 70 articles, dont la moitié avec des collaborateurs, notamment ses thésards. Parmi eux, il faut citer Georges Arth*, Jules Minguin*, Paul Thiébaud Müller* et Alfred Guyot*.
Il reçoit à nouveau le prix Jecker, mais seul lauréat cette fois, en 1898, « à l’unanimité et sans discussion ». C’est encore sur ses découvertes concernant le camphre et ses dérivés que le rapport met l’accent. Ernest Lebon souligne en 1913, dans la biographie qu’il consacre à Haller, que ces travaux ont apporté un progrès essentiel dans la connaissance de la structure du camphre.
Haller s’appuie beaucoup sur l’analyse du pouvoir rotatoire des molécules. Parallèlement à ses recherches sur le camphre qu’il poursuit jusqu’à sa mort, il découvre le pouvoir de l’amidure de sodium qui ouvre la porte comme intermédiaire à de nouvelles réactions de substitution. Haller multiplie alors les synthèses avec Camille Martine, Édouard Bauer, Pauline Ramart-Lucas et Raymond Cornubert, entre autres. Il consacre plus de 20 articles à ce sujet entre 1908 et 1915. Avec l’éther cyanomalonique, il découvre une nouvelle classe d’acides organiques qui ne contiennent pas le groupe carboxyle et qu’il nomme acides méthéniques et acides méthiniques.
Avec Alfred Guyot*, il synthétise le vert phtalique et par la même occasion, il en précise la structure. Il découvre l’alcoolyse, une réaction analogue à celle de l’hydrolyse. Outre les articles publiés aux Comptes rendus de l’Académie des sciences, il écrit dans les Annales de chimie et de physique, dans le Bulletin de la Société chimique de Paris et, à Nancy, dans le Bulletin de la Société des sciences dont il est président en 1889. En 1918, il participe à un article collectif sur la nécessité d’organiser la forme du langage scientifique, notamment en respectant les principes de linguistique, grammaire et style de la langue française.
Son entrée dans le milieu scientifique parisien le fait bénéficier des procédures de reconnaissance par les pairs dont sont le plus souvent privés les scientifiques de province. En 1900, il est élu membre titulaire dans la section de chimie de l’Académie des sciences (il en était membre correspondant depuis 1891). En 1904, la Société chimique de Paris le choisit comme président. Il est élu, en 1910, président de la Société chimique de France. En 1911, en raison de ses liens avec Ernest Solvay, il contribue à la création de la Fondation Solvay de chimie, dont le fonctionnement est semblable à celui de la Fondation Solvay de physique. En 1913, il devient président de l’Association internationale des Sociétés chimiques dont les congrès sont financés par Solvay.
En 1921, à la veille de sa retraite, il accède à la vice-présidence de l’Académie des sciences. L’appartenance aux plus hautes instances honorifiques de la science française le met en position d’élection à la plupart des académies ou sociétés des sciences les plus prestigieuses d’Europe, que ce soit en qualité de membre correspondant ou de membre honoraire. À la fin de la guerre, en 1918, il montre sa volonté de rompre avec la science allemande en démissionnant des différentes sociétés ou académies des anciens pays ennemis. En dehors des institutions scientifiques, depuis son arrivée à Paris, sa notoriété s’élargit. Entre 1900 et 1914, il est appelé en qualité d’expert à siéger, comme membre et souvent comme président, dans des commissions dépendant de sept ministères différents. Les plus nombreuses sont celles du ministère du Commerce et de l’Industrie. C’est d’ailleurs au titre de ce ministère qu’il est nommé officier (1900) puis commandeur (1911) dans l’ordre de la Légion d’honneur. Parmi les plus importantes figure la Commission pour l’étude des Poudres de guerre et explosifs aux ministères de la Guerre et de la Marine. Il est réputé y avoir joué un rôle de premier plan pendant la période de guerre. En 1919, il est en effet élevé au grade de grand officier de la Légion d’honneur sur rapport du ministre de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Inventions intéressant la Défense nationale.
La liste exhaustive de tous ses titres et charges honorifiques couvre plusieurs pages d’une biographie rédigée en 1913 et qui sera encore augmentée jusqu’à sa retraite. Elle tend à montrer qu’il fait alors partie de la communauté internationale des plus grands chimistes. Ainsi, il est proposé à plusieurs reprises – notamment en 1912, 1919 et 1925 – pour le prix Nobel de chimie. Parmi ses soutiens, on compte un grand nombre de ses collègues nancéiens.
Françoise Birck & Étienne Bolmont
Les auteurs remercient M. Pierre Labrude pour sa lecture attentive.
Bibliographie
Haller Albin (1877), « Action de l’acide chlorochromique sur l’anthracène », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 84, 558.
___ (1879), Contribution à l’étude du camphre et d’un certain nombre de ses dérivés, Paris, Berger-Levrault.
___ (1879), Théorie générale des alcools (thèse de pharmacie), Paris, Parent.
___ (1882), « Sur une nouvelle classe de composés cyanés à réaction acide. Éther cyanomalonique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 95, 142.
___ (1884), « Sur deux campholuréthanes, d’une isomérie analogue à celle que présentent les acides tartriques droit et gauche de M. Pasteur », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 98, 578.
___ (1906), « Sur l’alcoolyse des corps gras », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 143, 657.
___ (1910), « Science et industrie », Revue Scientifique, 25, 705-707.
___ (1918), « Observations sur le langage scientifique moderne », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 166, 236.
Haller Albin & Bauer Édouard (1908), « Sur les produits de la réaction de l’amidure de sodium sur les cétones », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 147, 824.
Haller Albin & Cornubert Raymond (1925), « Constitution de la diméhylcyclopentanone et de la diméthylcyclohexanone d’alcoylation obtenues par la méthode à I’amidure de sodium », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 180, 1968.
Haller Albin & Guyot Alfred (1897), « Sur le vert phtalique ; préparation et constitution », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 125, 221.
Haller Albin & Muller Paul Théodore (1899), « Sur les réfractions moléculaires ; la dispersion moléculaire et le pouvoir rotatoire spécifique des combinaisons du camphre avec quelques aldéhydes aromatiques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 128, 1370.
___ (1904), « Études réfractométriques relatives à la constitution de quelques acides méthiniques cyanés », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 138, 440.
___ (1913), « Synthèse au moyen de l’amidure de sodium », Annales de chimie et de physique, 28, 373-413.
Avec ses collaborateurs Haller dirige la publication d’une série de conférences données au laboratoire de chimie organique de la Sorbonne, dans laquelle ils mettent en avant les dernières découvertes dans le domaine.
Haller Albin & Guinchnut J. (1906), Les récents progrès de la chimie... (2e Série) : Les phénomènes de luminescence et leurs causes, Paris, Gauthier-Villars.
Haller Albin & Guyot Alfred (1906), Les récents progrès de la chimie... (2e Série), Les dérivés – arylés de l’anthracène et de son dihydrure, Paris, Gauthier-Villars.
Haller Albin & Maillard L. (1906), Les récents progrès de la chimie... (2e Série), Les Peptides. Introduction à la synthèse des matières protéiques, Paris, Gauthier-Villars.
Haller Albin & Muller Paul Théodore (1906), Les récents progrès de la chimie... (2e Série), Les pseudo – acides, Paris, Gauthier-Villars.
Haller Albin & Noelting Edouard (1906), Les récents progrès de la chimie... (2e Série), La formation des dérivés indazoliques au moyen d’amines aromatiques ortho-méthylées, Paris, Gauthier-Villars.
Haller Albin & Sabatier Paul (1906), Les récents progrès de la chimie... (2e Série), La catalyse par les métaux communs, Paris, Gauthier-Villars.
Haller Albin & Wahl André (1906), Les récents progrès de la chimie... (2e Série), Les idées actuelles sur la constitution des matières colorantes du triphényl-méthane, Paris, Gauthier-Villars.
Sources d’archives
Archives nationales : dossier de carrière (F/17/23699 et AJ/16/5778) et dossier de Légion d’honneur (LH/1259/55).
Archives de l’Académie des sciences.
Sources secondaires
Anonyme (1887), « M. Haller obtient la moitié du prix Jecker, 1887, pour l’ensemble de ses travaux. », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 105, 1335.
___ (1898), « Le prix Jecker lui est décerné », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 126, 88.
Bram Georges & Bataille Xavier (1997), « Albin Haller et l’amidure de sodium : la naissance de la chimie des bases fortes », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 324, 653-657.
Labrude Pierre (1982), « Albin Haller (1849-1925), pharmacien et chimiste », Revue d’histoire de la pharmacie, 70, 207-209.
Lebon Ernest (1913), Savants du jour. Albin Haller, biographie, bibliographie analytique des écrits, Paris, Gauthier-Villars.
Moureu Charles (1926), Funérailles de Albin Haller, le samedi 2 mai 1925, Paris, Institut de France, Académie des sciences.
Ramart-Lucas Pauline (1926), Notice sur la vie et les travaux de Albin Haller, Paris, imp. P. Dupont.
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Les professeurs de la faculté de sciences vers 1899-1900 | Image |