Alfred GUYOT

1870, 1955
;
Alfred
Guyot
;
Chimie industrielle appliquée à la teinture et à l’impression
;
Texte
; par :
Étienne Bolmont

Alfred GUYOT (1870-1955)

Professeur de chimie industrielle appliquée à la teinture et à l’impression

Marie Joseph Charles Alfred Guyot est né le 10 mars 1870 à Gerbécourt-et-Haplemont, village situé près d’Haroué en Meurthe-et-Moselle. Son père y est agriculteur. Il épouse à Lunéville la fille d’un négociant, Marie Anne Comte, en septembre 1899. Il s’éteint le 28 novembre 1955 à la Ferté-Fresnel dans l’Orne.

Remarqué par son instituteur qui encourage ses parents à l’envoyer à Nancy, Alfred Guyot y accomplit sa scolarité au collège Saint-Sigisbert. Bachelier ès sciences, licencié ès sciences physiques à la Faculté des sciences de Nancy et diplômé de l’Institut chimique, il devient docteur ès sciences physiques le 19 mars 1896, « avec toutes boules blanches » devant un jury composé des professeurs Albin Haller* qui l’a dirigé dans ses travaux, Antoine Guntz* et René Blondlot*. Sa thèse porte sur la chimie organique : Étude de quelques homologues de la diphénylanthrone. Dans son rapport, Haller* souligne « Mr Guyot possède les vraies qualités du chercheur, la curiosité, l’enthousiasme et un esprit ouvert à toutes les conceptions nouvelles. »

Alfred Guyot commence une carrière professionnelle à Nancy quelques années plus tôt, quand il remplace Pol Marsal* comme préparateur de chimie et physiologie appliquées à l’agriculture en septembre 1892. En novembre 1894, il est nommé chef de travaux de chimie en remplacement de Paul Thiébaud Müller* et enseigne la chimie tinctoriale. C’est alors qu’il prépare son doctorat avec Haller*. Il est nommé maître de conférences en janvier 1900 sur un poste fondé par l’Université de Nancy, en chimie appliquée à la teinture et à l’impression. En décembre 1907, pensant pouvoir y faire carrière, il part pour Besançon où il est nommé chargé de cours de chimie appliquée, dans une situation inférieure à celle qu’il avait à Nancy. Il n’y reste que deux ans, son poste n’est pas renouvelé. À la satisfaction de ses collègues nancéiens, il retrouve son poste de maître de conférences à la Faculté des sciences de Nancy, remplaçant André Wahl* nommé chargé de cours de chimie industrielle. En mars 1910, il devient professeur adjoint et en octobre de la même année, il est nommé professeur à la chaire de chimie industrielle appliquée à la teinture et à l’impression.

Au début de la guerre, il est affecté au 32e régiment d’infanterie territoriale, puis en 1915, il rejoint l’usine de fabrication d’explosifs de Salindres dans le Gard. Il y met au point un procédé économique de production du phénol, matière à la base de la fabrication d’explosifs. Ce passage dans l’industrie va marquer fortement la suite de sa carrière. Quand il demande un congé pour l’année 1919-1920 afin de terminer des travaux à l’usine de Salindres, la faculté accepte ses raisons qui « touchent l’intérêt de notre industrie nationale ». Cependant, lorsqu’il est sollicité pour assurer une mission de contrôle des industries chimiques allemandes en Ruhr, la faculté s’oppose à ce détachement en cours d’année. Il prend à nouveau un congé d’inactivité en novembre 1921, afin de « mettre au point des fabrications nouvelles dont il est l’inventeur et qui ont une grande valeur pour l’industrie chimique ». Il démissionne finalement en octobre 1923, son implication dans la recherche est trop lourde et elle se ferait au détriment de son enseignement. Il s’installe à Salindres où il devient directeur scientifique à la Compagnie des produits chimiques d’Alais, Froges et de la Camargue (devenue Compagnie Péchiney en 1950). Le conseil de la faculté des sciences demande alors au ministre de lui octroyer le titre de professeur honoraire. À Salindres, Guyot dirige le Laboratoire central de la compagnie, consacré aux questions de chimie organique. Il y termine sa carrière avant de se retirer à la Ferté-Fresnel. Il est remplacé à son poste par Maurice Fournier, ancien lauréat de l’Institut chimique de Nancy, élève de Guyot que ce dernier a entraîné avec lui à Salindres, et avec lequel il a mis au point de nombreux procédés industriels.

Il devient chevalier de la Légion d’honneur pour son action pour la défense nationale en 1921, puis en 1953, il est élevé au grade d’officier sur rapport du ministre de l’Éducation nationale.

Guyot a consacré sa vie à la recherche en chimie organique. D’abord en collaboration avec Albin Haller*, il publie ensuite seul et avec ses élèves. La valeur de ses travaux sur les colorants et leur intérêt pour l’industrie chimique sont vite reconnus, il reçoit ainsi un prix de 500 francs de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale en 1902. L’année précédente, avec Charles Vaucher et Camille Favre, il a traduit l’ouvrage du professeur Rudolf Nietski, Chimie des matières colorantes organiques. En 1910, il reçoit, avec Joseph Bougault, le prix Jecker de l’Académie des sciences de Paris. Haller* est l’auteur du rapport concernant Guyot ; il y souligne les excellents rendements des réactions étudiées, l’originalité des synthèses mises au point et leur généralisation à de nouvelles méthodes. Guyot a notamment étudié les produits de condensation de l’anhydride phtalique, la condensation des éthers oxaliques avec les amines tertiaires et différentes synthèses de la vanilline avec M. Gry. L’activité du Laboratoire central de la Compagnie d’Alais montre que Guyot, après son entrée dans l’industrie, n’a pas cessé ses recherches jusqu’à la fin de sa carrière. Cependant, il ne publie plus, réservant ses résultats à son employeur. Dans sa notice nécrologique, André Champagne qui côtoya Guyot à l’Institut chimique où il était chimiste adjoint cite ses « procédés originaux pour la fabrication des produits chlorés organiques, de l’acide monochloracétique, matière première de l’indigo, d’accélérants pour la vulcanisation des caoutchoucs, etc. » Il regrette cependant : « Il a été membre de nombreuses Sociétés Savantes françaises et étrangères, mais il est assez pénible de constater que ses travaux furent souvent plus appréciés par l’étranger que par nous-mêmes. »

Guyot entre à la Société des sciences de Nancy dès 1890, institution qu’il préside en 1902. Il s’investit par ailleurs, en tant que membre correspondant et membre du Conseil des sciences, au sein de la Société industrielle de l’Est. Il y donne plusieurs conférences sur la chimie des colorants.

Ce que souligne également Albin Haller* dans la conclusion de son rapport pour le prix Jecker, ce sont les qualités d’enseignant de Guyot : « il contribue par son enseignement élevé à maintenir à l’Institut chimique les traditions de labeur et de désintéressement auxquelles il doit son développement et son succès. Esprit pénétrant et plein d’ingéniosité, chercheur opiniâtre et doué d’une grande puissance de travail, M. Guyot sait en outre faire partager à ses élèves sa foi et son enthousiasme pour la recherche. Nombreux sont déjà les disciples qu’il a su former et auxquels il a su communiquer le feu sacré qui l’anime. » Le recteur Charles Adam résume en 1910 : « Belle nature de savant, enthousiaste pour la science. Ardeur qui se communique à ses élèves… »

Étienne Bolmont

 

Bibliographie

Alfred Guyot a surtout publié dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences et dans les Annales de chimie et de physique, 17 articles avec Haller* dont seulement un comme premier auteur, 13 avec ses élèves et 4 seul.

Guyot Alfred (1907), « Sur les produits de condensation de l’oxalate d’éthyle avec la diméthylaniline en présence du chlorure d’aluminium », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 144, 1120.

___ (1907), « Condensation des éthers oxaliques avec les amines aromatiques tertiaires », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 144, 1051.

___ (1909), « Nouvelles méthodes générales de synthèse des aldéhydes aromatiques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 149, 788.

Guyot Alfred & Badonnel V. (1909), « Condensation du dicétobutyrate de méthyle avec les carbures et les amines aromatiques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 148, 847.

Guyot Alfred & Catel J. (1905), « Synthèses de la série anthracénique. Condensation des dérivés du benzodihydrofurfurane en dérivés anthracéniques gamma-substitués », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 140, 1460.

___ (1905), « Contribution à l’étude des dérivés du benzodihydrofurfurane », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 140, 254 et 400 (Errata) et 1348.

Guyot Alfred & Esteva G. (1909), « Id. avec les éthers phénoliques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 148, 719.

Guyot Alfred & Gry A. (1909), « Sur quelques nouvelles synthèses de la vanilline », 149, 928.

Guyot Alfred & Haller Albin (1910), « Contribution à l’étude des phtaléines et des dibenzoylbenzènes », Annales de chimie et de physique, 19, 297-352.

___ (1910), « Contribution à l’étude des phtaléines et des dibenzolybenzènes », Annales de chimie et de physique, 19, 297-353.

___ (1910), « Contribution à l’étude des phtaléines et des dibenzoylbenzènes », Annales de chimie et de physique, 19, 297-352.

Haller Albin & Guyot Alfred (1893), « Sur les benzoates et métanitrobenzoates de diazoamidobenzène et de paradiazoamidotoluène », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 116, 353.

___ (1893), « Sur de nouveaux dérivés de la phénolphtaléine et de la fluorescéine », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 116, 479.

___ (1894), « Sur de nouveaux dérivés obtenus en partant de l’acide benzoylbenzoïque », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 119, 139.

___ (1897), « Sur le vert phtallique, constitution », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 125, 1153.

___ (1897), « Sur le vert phtalique ; préparation et constitution », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 125, 221.

___ (1898), « Sur la préparation et les propriétés des dialcoylamido-anthraquinones-3 », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 126, 1544.

___ (1898), « Sur les acides diméthylamido-diéthylamido-orthobenzoyl et orthobenzyl-benzoïque, et quelques-uns de leurs dérivés », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 126, 1248.

___ (1899), « Recherches sur la tautomérie de l’acide benzoylbenzoïque », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 129, 1213.

___ (1903), « Sur les produits de condensation du tétraméthyldiamidophényloxanthranol avec le benzène, le toluène et la diméthylaniline », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 137, 606.

___ (1903), « Préparation et propriétés des deux tétraalcoylamidodiphénylanthrones », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 136, 535.

___ (1904), « Synthèses dans la série de l’anthracène-triphénylé et dérivés », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 139, 9.

___ (1904), « Sur le gamma-diphénylanthracène et le dihydrure de gamma-diphénylanthracène symétriques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 138, 1251.

___ (1904), « Action du bromure de phénylmagnésium sur l’anthraquinone. Dihydrure d’anthracène gamma-dihydroxylé-gamma-diphénylé symétrique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 138, 327.

___ (1905), « Synthèse dans la série anthracénique. III. Dihydrure d’anthracène gamma-tétraphénylé et ses dérivés », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 140, 283- 400 (Errata).

___ (1905), « Synthèses dans la série anthracénique. IV. Dérivés diamidés tétraalcoylés symétriques du dihydrure d’anthracène gamma-tétraphénylé », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 140, 343.

___ (1906), Les récents progrès de la chimie... (2e Série), Les dérivés – arylés de l’anthracène et de son dihydrure, Paris, Gauthier-Villars.

___ (1907), « Sur une extension de la réaction Friedel et Crafts », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 144, 947.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de carrière (F/17/27559) et dossier de Légion d’honneur (LH/19800035/107/13513).

Sources secondaires

Anonyme (1910), « Une médaille Berthelot lui est décernée », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 151, 1258.

___ (1910), « Une partie du prix Jecker (chimie) lui est attribuée », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 151, 1206.

Lindet L. (1902), « Chimie, prix de 500 frs », Bulletin de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale.

Champagne (1955), « Alfred Guyot (1869-1955) », Bulletin de l’Association des anciens élèves de l’Institut chimique de Nancy et de l’École nationale supérieure des industries chimiques, 9, 7-8, décembre 1955.