Antoine GUNTZ
Antoine GUNTZ (1859-1935)
Professeur de chimie minérale
Antoine Nicolas Guntz est né le 9 juillet 1859 de parents alsaciens à Wiesbaden où son père, Antoine, est directeur des jeux et propriétaire à Haguenau. Wiesbaden est dans le grand-duché de Nassau annexé à la Prusse en 1866. Sa mère est née Amélie Jeanne Blumberg. Après la défaite de 1870, ses parents s’installent à Maxéville près de Nancy et ils optent en faveur de pour la nationalité française à Friedberg le 17 septembre 1872. En 1888, Antoine Guntz épouse Émilie Culmann (1865- ?). Le couple aura trois enfants, tous nés à Nancy : Auguste Antoine (1889- ?), Aurélie Thérèse (1890) et Marguerite Yvonne (1895- ?). Notons qu’Auguste Antoine sera recruté comme préparateur de chimie en 1911 à la Faculté de sciences de Nancy. Nommé chef de travaux en 1920, il partira comme maître de conférences à Alger en 1928. Souffrant pendant plusieurs années d’un cancer de la vessie que ses médecins soignent en lui imposant un régime végétarien, Antoine Guntz meurt à Paris le 7 août 1935. Il est inhumé au cimetière de Préville à Nancy.
À la rentrée 1871, il entre en cinquième au lycée de Nancy. Il est interne et boursier et a pour correspondant son oncle Henri Barré, professeur à l’École forestière. Il obtient le baccalauréat ès sciences en juillet 1876. Selon le témoignage de son petit-fils Marcel Guntz, il semble se destiner alors à une carrière de chirurgien. Il entre à l’École normale supérieure en octobre 1879. Il y fréquente Georges Colomb dit Christophe, futur auteur du Savant Cosinus, Charles Adam, futur recteur de Nancy, Alfred Baudrillart, Henri Bergson, René Doumic, Jean Jaurès… Il admire la capacité de travail d’Henri Sainte-Claire Deville et d’Henri Debray qui passent « dix à douze heures par jour au laboratoire ». Dispensé de service militaire par tirage au sort, il obtient coup sur coup une licence de mathématiques et une licence de physique en juillet 1881.
Après son succès à l’agrégation de physique en 1882, il est nommé en septembre au lycée de Pau, où il ne reste que deux semaines, puis à celui du Havre. En octobre 1882 il obtient, par décision de Jules Duvaux, ministre de l’Instruction publique depuis le 7 août – et ancien professeur de français au lycée de Nancy – un poste de préparateur au laboratoire de chimie organique à l’École pratique des hautes études. Celui-ci est dirigé par le chimiste Marcelin Berthelot et est installé au Collège de France.
Il soutient à Paris sa thèse en juin 1884 devant un jury présidé par Paul Desains et composé de Louis Troost et d’Henri Debray. Intitulée Recherches thermiques sur les composés du fluor, elle sera publiée chez Gautiher-Villars sous le titre plus explicite de Recherches thermiques sur les combinaisons du fluor avec les métaux. Le rapport de l’inspecteur d’académie, Henri Bos, insiste sur ses talents et sa prudence d’expérimentateur ; la manipulation de l’acide fluorhydrique est dangereuse et c’est un gaz qu’on soupçonne alors d’avoir provoqué la mort de Jérome Nicklès* à Nancy en 1869. Malgré une parole « nette et précise », le rapporteur juge qu’il « n’a pas une grande facilité d’élocution » et qu’il « ne développe pas assez sa pensée ». Il croit « néanmoins qu’il pourra être plus tard un bon professeur », hypothèse confirmée dans toutes les fiches de notation pendant un demi-siècle de carrière. Le rapporteur du jury, Troost, souligne que ce travail « donne le moyen d’aborder avec exactitude l’étude thermique des nombreux composés de l’antimoine ». La deuxième thèse, sur proposition de la faculté, porte sur la polarisation rectiligne et rotatoire.
En octobre 1884, Guntz est chargé d’un cours complémentaire de chimie générale à la Faculté des sciences de Nancy, reconduit annuellement jusqu’en 1895, en remplacement et aux côtés d’Albin Haller*, « marchant d’accord avec lui » pour reprendre les termes de l’inspecteur général Hervé Faye* en 1886. En 1891, il dirige la préparation à l’agrégation. La mention : « Il s’occupe beaucoup des élèves », est récurrente. Néanmoins sa progression de carrière est lente : ce n’est qu’en décembre 1894 qu’il est nommé professeur adjoint et il ne devient professeur qu’en décembre 1898 dans la chaire de chimie minérale nouvellement créée. L’avancement des enseignants est lié alors à leur mobilité. Or, en 1894 Guntz avait refusé une chaire de chimie à Dijon pour ne pas quitter Nancy. En 1898, sur sa fiche de notation, à la question de ses désirs d’avancement ou changement de résidence, il répond « une chaire à Nancy ».
À la suite du décès brutal de Georges Arth* (1853-1909) et à la demande unanime de ses collègues, du doyen Gaston Floquet* et du recteur, il est nommé directeur de l’Institut chimique de Nancy en juillet 1909, sans indemnité et pour un an. Un arrêté ministériel de juillet 1910 le maintient ensuite dans cette fonction. En 1909 l’institut compte 148 étudiants, dont près de la moitié sont d’origine étrangère.
Durant la Première Guerre mondiale, il reste à Nancy et maintient les activités de l’école tant qu’il peut, malgré un personnel réduit et de fréquents bombardements à partir de 1916. En 1917, les élèves partis, il est contraint de se replier à Paris, demandant l’hospitalité à son condisciple Édouard Péchard dans le laboratoire duquel il travaille pour la Défense nationale. En novembre 1919, il réussit à reconstituer le corps professoral de l’institut qui a perdu 4 de ses 7 professeurs, appelés ailleurs. En 1920, l’Institut de chimie compte 120 élèves et le recteur Adam mentionne qu’il « est plus prospère même qu’il n’a jamais été » ; selon lui l’éloge de Guntz « n’est plus à faire ».
En décembre 1919, par arrêté rectoral, il est chargé du cours de chimie minérale à l’Institut métallurgique et minier nouvellement créé (future École des mines de Nancy). Il sera reconduit dans cette charge jusqu’en 1924. Un arrêté rectoral de décembre 1927 le nomme directeur du laboratoire d’analyses de l’Institut chimique. En juillet 1928, il offre sa démission au doyen, proposant de « mettre au courant pendant sa dernière année 1928-1929, le successeur qui sera désigné ». En novembre 1928, il est nommé directeur honoraire de l’Institut chimique. En avril 1929, il est admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite et en juin il est nommé professeur honoraire. Il cesse ses fonctions quelques mois plus tard, le 30 septembre, laissant la direction de l’Institut chimique à Alexandre Travers. En tant que directeur honoraire, Guntz donne en janvier 1930 le résultat d’une souscription en mémoire d’Albin Haller*, en souvenir de son rôle dans la fondation et la direction de l’Institut chimique de Nancy. La souscription de 72 456 francs permet d’acquérir une rente de 2 450 francs à 3 %. Les arrérages produits par la rente sont alors affectés à la création d’une bourse annuelle, la bourse « Professeur Albin Haller* » destinée à un étudiant sortant de l’Institut chimique de Nancy préparant un doctorat.
André Wahl*, élève de l’Institut chimique en 1892, a évoqué la figure d’Antoine Guntz en ces termes dans une nécrologie publiée dans le Bulletin des anciens élèves : « Les leçons de chimie minérale […] sont parfois un peu arides, car les sujets ne se prêtent pas aussi bien que ceux de la chimie organique ou de la chimie physique à des développements tels que le professeur puisse se laisser entraîner jusqu’à « s’emballer ». Pour en augmenter l’attrait, Guntz illustrait son cours de beaucoup d’expériences ». Les comptes rendus des séances de l’Association amicale des anciens élèves de l’Institut chimique de Nancy, dont le premier bulletin paraît en 1925, font état des relations confiantes qu’il entretient avec les étudiants, comme en témoignent de malicieuses caricatures.
On lui connaît par ailleurs de nombreux engagements locaux. En 1904, il est le secrétaire et principal acteur de l’Association lorraine des Tuberculeux et le fondateur, avec Paul Spillmann, professeur de médecine interne à la Faculté de médecine de Nancy, du sanatorium populaire de Lay-Saint-Christophe. Discret pour lui-même, il multiple des occasions de relations avec le milieu industriel. En 1909, il est choisi comme commissaire général de l’Exposition internationale de l’Est de la France à Nancy, fonction qu’il partage avec le président de la Chambre de commerce et le président de la Société industrielle de l’Est. Il est d’ailleurs membre de cette dernière société, au sein de laquelle il lui arrive de donner des conférences grand public dans les années 1896-1905 (sur le rendement des diverses sources lumineuses et en particulier celui de l’acétylène, sur l’ozone et ses applications ou sur l’art de produire des hautes températures dans les laboratoires et dans l’industrie). Il siège en outre au Conseil d’hygiène et au Conseil de surveillance de la Station agronomique de l’Est. Guntz entretient aussi des relations d’amitié avec des artistes lorrains tels Émile Friant et Victor Prouvé.
Il a adhéré à la Société des sciences de Nancy en janvier 1885 et il se rend régulièrement à Paris pour assister à certaines séances de l’Académie des sciences ou de la Société chimique de France ; membre de cette société dès 1883, il sera à six reprises membre non résidant de son Conseil. Remplaçant Haller* à la présidence de la section de Nancy – la première section de province – il sera délégué aux manifestations organisées pour célébrer le centenaire de la naissance de Marcelin Berthelot, en 1927. En 1929 il sera nommé membre d’honneur de la Société.
L’académicien Michel Pouchard a salué ses travaux pionniers en chimie minérale et considère qu’il a fait « beaucoup de choses pionnières comme le sous-fluorure d’argent […] ou des nanoparticules pyrophoriques de manganèse […] sans oublier sa synthèse par aluminothermie des alcalinoterreux ». La liste de ses travaux établie par Louis Hackspill* donne un aperçu de l’étendue de ses travaux publiés de 1833 à 1928 dans un grand nombre de revues : Comptes rendus de l’Académie des sciences, Bulletin de la Société chimique de Paris puis Bulletin de la Société chimique de France, Annales de physique et de chimie, Journal de chimie physique, Bulletin de la Société des sciences de Nancy, Revue photographique et Bulletin de la Société industrielle de l’Est.
Durant sa carrière, Guntz obtient plusieurs titres et distinctions. En juillet 1888 il est fait officier d’Académie, en avril 1895 officier de l’instruction publique et en avril 1906 chevalier de la Légion d’honneur. En octobre 1923, il est promu officier de la Légion d’honneur et les insignes lui sont remis par Haller*.
L’Académie des sciences lui décerne le prix Saintour en 1896 et le prix Lacaze en 1903 sur un rapport d’Haller*. En décembre 1912, toujours sur un rapport d’Haller, il est élu membre correspondant de l’Académie des sciences dans la section de chimie. Sa notoriété est grande : le comité Nobel le sollicite pour le choix d’un candidat français (ainsi en janvier 1925 Grignard* se concerte confidentiellement avec lui à ce sujet). En juillet 1925, il représente l’Académie aux célébrations du centenaire de l’École forestière à Nancy.
Josette Fournier
Bibliographie
Guntz Antoine (1884), Recherches thermiques sur les combinaisons du fluor avec les métaux, Paris, Gauthier-Villars.
___ (1884), « Sur les fluorures d’antimoine », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 98, 300.
___ (1887), « Chaleur de formation du zinc-éthyle », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 105, 673.
___ (1890), « Sur le sous-fluorure d’argent », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 110, 1337.
___ (1893), « Sur la préparation du lithium métallique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1893, 117, 732.
___ (1898), « Recherches sur le baryum métallique », Bulletin de la Société chimique de Paris, 19, 996.
___ (1907), Conférence sur la préparation et les propriétés des métaux alcalino-terreux, extrait du Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, séance du 24 avril 1907, 8 p.
Guntz Antoine & Bichat Ernest (1888), « Sur la production de l’ozone par des décharges électriques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 107, 334-336.
Guntz Antoine & Férée Jules (1896), « Préparation et composition des amalgames de baryum et de lithium », Bulletin de la Société chimique de Paris, 15, 834.
___ (1896), « Chaleur de dissolution du manganèse pyrophorique dans l’acide chlorhydrique étendu », Bulletin de la Société chimique de Paris, 15, 1150.
___ (1897), « Sur la préparation de l’amalgame de strontium Hg14Sr », Bulletin de la Société chimique de Paris, 17, 390.
___ (1900), « Sur les amalgames de sodium et de potassium », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 131, 182.
Guntz Antoine & Haller Albin (1888), « Sur les chaleurs de neutralisation des éthers cyanomalonique, acétyl et benzoyl cyanacétique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 106, 1473.
Sources d’archives
Archives de l’Académie des sciences : dossier d’Antoine Guntz.
Archives départementales de Meurthe-et-Moselle : W 1243 art. 88, W 1018 art. 96, 1T 678, 1T 3920 b.
Archives nationales : dossiers de carrière (F/17/24074 et AJ/16/219) et dossier de Légion d’honneur (LH/19800035/203/26518). Dons et legs en faveur de l’Université de Nancy (F/17/14656).
Archives départementales du Bas-Rhin : état civil Haguenau, N, 1860, 35 bis.
Archives de la Société chimique de France.
M. Pouchard : correspondance privée, 2006.
M. Guntz : archives familiales privées.
Célébration du Centenaire de Marcelin Berthelot, 24-26 octobre 1927, archives de la Fondation de la Chimie.
Sources secondaires
Collectif (1920), Le Coup de Poussière, Revue caustique, Fête annuelle de l’Institut de Nancy, 12 juin 1920, pièce humoristique qui met en scène « le patron ».
Delépine M. (1935), « Notice nécrologique sur M. Antoine-Nicolas Guntz », Comptes rendus de l’Académie des sciences.
Gain A. (1933-1934), « Histoire de l’enseignement supérieur à Nancy », Annales de l’Est, 3 (1933), 199-232 ; 1 (1934), 43-92.
Guntz M. (2007), « Antoine Nicolas Guntz (1859-1935) », L’actualité chimique, 307, 1-7.
Husson Édouard (1933), « La Faculté des sciences de Nancy », Le pays lorrain, 549.
Haskspill Louis (1937), « Notice sur la vie et les travaux de A. N. Guntz (1859-1935) », Bulletin de la société chimique de France, 5° série, tome 4, 373-390.
Rivail Jean-Louis (2005), « La chimie à la Faculté des sciences de Nancy. Des origines au prix Nobel », Le pays lorrain, 86, 7-14.
Filtrer par propriété
Titre | Libellé alternatif | Classe |
---|---|---|
Photographie d'Antoine Guntz | Image | |
Les professeurs de la faculté de sciences vers 1899-1900 | Image |