Philibert GUINIER

1876, 1962
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Philibert
Guinier
;
Botanique, Sylviculture
;
Texte
; par :
Étienne Bolmont

Philibert GUINIER (1876-1962)

Professeur de botanique forestière

Marie Joseph Jean Baptiste Philibert Guinier est né à Grenoble (Isère) le 21 juin 1876. Sa mère Sylvie Célestine Victorine Vullierme est sans profession et son père Ernest Guinier, alors sous-inspecteur des forêts, est sans doute à l’origine de la vocation de Philibert Guinier pour la sylviculture. Guinier épouse à Nancy, en avril 1907, Lucie Mathilde Le Monnier (1884- ?), fille de Georges Le Monnier*, professeur de botanique à la Faculté des sciences de Nancy. Ils auront 3 enfants, Georges (1908-1993), André (1911-2000) et Élisabeth (1917-?). Georges Guinier sera professeur de sciences physiques et son frère André entrera à l’Académie des sciences, en tant que cristallographe, spécialiste de la diffraction des rayons X par les cristaux. Guinier décède le 3 avril 1962 à Paris dans le septième arrondissement.

Élève à l’École forestière, il est admis à l’Institut agronomique en 1895 ; il en sort ingénieur en 1897. Il entre alors à l’École nationale des Eaux et forêts de Nancy, et, en 1899, il obtient le titre d’ingénieur des Eaux et forêts.

En tant que garde général, il est nommé dans le Dauphiné, sur le terrain de la forêt alpine. Il revient à Nancy où il est assistant à la station de recherche et expériences forestières de l’École des Eaux et forêts. Son emploi lui permet de continuer ses études à la faculté des sciences, auprès de Georges Le Monnier*, son futur beau-père, et de Lucien Cuénot*, spécialiste de génétique animale. Il est chargé du cours de botanique forestière en 1904 ; il est nommé sur cette chaire en 1921.

Guinier enseigne la morphophysiologie, l’écologie et la phytosociologie avec une préoccupation utilitaire : la botanique forestière conduit à une exploitation rationnelle de la forêt. Il crée la foresterie, « un ensemble de mesures tant réglementaires que techniques et plus spécialement la sylviculture, capables de mettre en valeur la forêt ». Il valorise l’irrigation par des études sur les rendements en fonction de la nature des sols. Il s’intéresse également à la concurrence des espèces forestières en rapport avec la vocation des sols. Par ailleurs, il étudie l’impact de la fertilisation sur la qualité des bois. Pour lui, la science forestière est à la sylviculture ce que l’agronomie est à l’agriculture. L’étude des sols l’oriente vers la pédologie, sensée apporter de nouvelles solutions aux problèmes rencontrés.

Mobilisé d’août 1914 à août 1919, il est appelé au service des fabrications de l’aviation puis au ministère de l’Armement où il étudie la valeur des essences de bois. Il introduit des mesures précises dans un domaine jusque-là empirique : structure des bois, composition chimique, propriétés physiques et mécaniques. L’industrie du bois pourra bénéficier de ces techniques après la Guerre. Il organise un laboratoire d’essai des bois, crée un cours de xylologie…

En mars 1921, il est nommé directeur de l’École nationale des Eaux et forêts, où il reste jusqu’en 1941, date de son admission à la retraite. Dans cette école, il réorganise la station de recherches et expériences forestières, met en place une étude comparée des races des espèces forestières y compris des espèces exotiques en étudiant la possibilité de leur acclimatation en France. Il œuvre à la mise en valeur des forêts d’Outre-Mer et organise un corps forestier dans ces territoires. Il étudie la pathologie des arbres et crée en 1928 la Commission d’étude des ennemis des arbres et bois abattus dont il est secrétaire général puis vice-président.

Sous son impulsion, la France joue un rôle de leader dans le domaine et, en 1929, l’Union internationale des Instituts de recherches forestières le charge de l’organisation de son premier congrès (1932) ; il en devient le président. Il est alors chargé de plusieurs missions à l’étranger, comme en Argentine en 1935. La même année, il contribue à la création de l’Institut national du bois et du Laboratoire central d’essai du bois qui lui est attaché.

Guinier devient un militant de la protection de la nature, il préside la section de protection de la nature à la Société nationale d’acclimatation de France. Il est membre du Conseil national de protection de la nature et il coopère avec l’Union internationale pour la protection de la nature.

Pionnier de l’écologie végétale, dès 1906, par son étude sur le Roc de la Chère près d’Annecy, il étudie avec René Maire, les conditions écologiques des stations forestières, dans la région de Nancy, le Jura et les Alpes françaises. Dans ce cadre, il s’intéresse à la mycologie forestière et à la pathologie des arbres forestiers. Il se penche aussi sur la botanique préhistorique, notamment dans le bassin du lac d’Annecy. Il définit l’anatomie du bois, introduit la notion de plan ligneux et étudie la structure de l’écorce.

À sa retraite, Guinier garde une activité dans son domaine, en participant à de nombreuses commissions relatives à des questions forestières : commissions du peuplier, du châtaignier, des ennemis des arbres. Il donne des conférences à l’Association française pour l’avancement des sciences, à la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, au Centre de perfectionnement technique sur le bois et sur la forêt  ; il dépasse les frontières, notamment en Belgique et en Suisse. En 1948, il est chargé de plusieurs missions à l’étranger par le ministère de l’Agriculture.

Membre de la Société linnéenne de Lyon depuis 1928, membre d’honneur de l’Association florimontaine d’Annecy depuis 1906, Guinier préside la Société de botanique et la Société mycologique de France. Il est également président de l’Académie d’agriculture. Membre correspondant de l’Académie des sciences depuis 1938, il est élu membre de la section d’Économie rurale en 1953. Il est aussi membre de l’Académie d’agriculture de Suède.

En décembre 1918, il est fait chevalier de la Légion d’honneur au titre du ministère de l’Armement et des fabrications de guerre (inspection des bois). En 1925, il est élevé au grade d’officier, puis à celui de commandeur en 1948. Il est chevalier de l’ordre de Léopold, officier de l’Instruction publique, commandeur du Mérite agricole, commandeur de l’ordre de la Couronne de Roumanie, commandeur de l’Ordre de Saint Olaf (Norvège) et commandeur de l’ordre de Wasa (Suède). Il reçoit la médaille d’or de l’Assistance publique.

Étienne Bolmont

Bibliographie

Une bibliographie complète a été réalisée par la Revue forestière française, 1962, n°7, p. 645.

Guinier Philibert (1906), « Le Roc de Chère, étude phytogéographique », Revue savoisienne, 47, 23-41, 87-118, 151-156, 223-246.

___ (1908), « Contribution à l’histoire de la végétation dans le bassin du lac d’Annecy, d’après les restes végétaux trouvés dans les stations lacustres, néolithiques », Bulletin de l’herbier Baissier, VIII, 881-900.

___ (1910), « Le choix des semences en culture forestière », Bulletin de la Société forestière de Franche-Comté, X, 378-390.

___ (1913), « La botanique forestière », Recueil de travaux publiés à l’occasion du jubilé scientifique du Professeur Le Monnier à Nancy, Nancy, 43-62.

___ (1930), « La maladie des Ormes en France », Revue de la Société de pathologie végétale et d’entomologie agricole, 17, 377-379.

___ (1931), « La forêt et le rôle du forestier », in Collectif, Association française pour l’avancement des sciences, 55e session, 491-498.

___ (1932), « Hommage à Edmond Henry », Revue des Eaux et forêts, 70, 278-281.

___ (1932), « L’enseignement à l’École nationale des Eaux et forêts et la carrière forestière », Annales de l’Ecole Nationale des Eaux et forêts, 4, 2, 225-257.

___ (1932), « L’enseignement forestier colonial en France. Rapport au Congrès de l’Enseignement colonial, 28-29 sept. 1931 », Revue des Eaux et forêts, 70, 1-6.

___ (1932), « La station de Recherches et Expériences forestières de l’École Nationale des Eaux et forêts. Douze années d’activité (1920-1931) », Comptes rendus des séances de l’Académie d’Agriculture de France, 18, 406-415.

___ (1934), « Le bois et son utilisation rationnelle », Bulletin technique du Bureau Véritas. Les matériaux modernes, 1-5.

___ (1937), « L’adaptation chez les végétaux », Bulletin de la Société des sciences de Nancy, 8, 230-258.

___ (1937), « Le rôle des essences exotiques dans la forêt française : historique, principes et méthodes », Comptes rendus des séances de l’Académie d’agriculture de France, 23, 1015-1030.

___ (1938), « Les forêts de l’Afrique occidentale française », Revue des Eaux et forêts, 675-693.

___ (1938), « Le reboisement des friches calcaires en Lorraine ; le problème du point de vue géobotanique, sa solution », Comptes rendus du 1er Congrès lorrain des Sociétés savantes de l’Est de la France.

___ (1944), « La forêt et la science forestière », in Collectif, Association française pour l’avancement des sciences, 71e session, 337-360.

___ (1946), « L’étude scientifique des propriétés du bois », Revue du bois et de ses applications, 1, 7-8, 3-7.

___ (1947), « Génétique et sylviculture », Livret du cinquantenaire de la Société forestière de Franche-Comté et des Provinces de l’Est, 15-42.

___ (1949), « Les glaciations quaternaires et la flore forestière de l’Europe occidentale », Compte rendu sommaire des séances de la Société de biogéographie, 26, 77-79.

___ (1950), « Foresterie et protection de la nature », Revue forestière française, 703-717.

___ (1951), « Lucien Cuénot (1866-1951) », Revue forestière française, 3.

___ (1951), « L’évolution scientifique de la foresterie », Bulletin de la Société royale forestière de Belgique, 58, 441-468.

___ (1951), « L’étude de la structure du bois et des conséquences », Revue du bois et de ses applications, VI, 9-10, 9-10.

___ (1951), « La question du peuplier dans le monde », Comptes rendus des séances de l’Académie d’agriculture de France, 39, 435-439.

___ (1954), « Le problème de l’équilibre agro-sylvo-pastoral », Revue forestière française, 717-724.

___ (1959), « Jardins botaniques et protection de la nature », Annales de biologie, 29, 7-10, 105-108.

___ (1960), « La pollution de l’atmosphère et la forêt », Revue de l’Association de prévention de la pollution atmosphérique, 2, 4, 363-365.

___ (1995), L’écologie forestière enseignée par Philibert Guinier (notes de cours de 1932-1933), Nancy, ENGREF.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de Légion d’honneur (LH/19800035/0381/51148).

Sources secondaires

Collectif (1962), « Discours prononcés aux obsèques de M. le directeur Guinier », Revue forestière française, 7, 571.

___ (1962), « Hommages rendus à la mémoire de M. le Directeur Guinier : en France et à l’étranger », Revue forestière française, 7, 581.

Heim Roger (1937-1972), Funérailles de Philibert Guinier, suivis d’une bibliographie classée par thème. Notices et discours – Institut de France. Académie des sciences, Tome IV, Paris, Gauthier-Villars.

Prévot A.-R. (1962), « Sur la vie et les travaux de Philibert Guinier (1876-1962) », in Collectif, Sur la vie et les travaux de Philibert Guinier (1876-1962), Paris, Gauthier-Villars, 42-70.

Rol René (1962), « Philibert Guinier », Bulletin de la Société botanique de France, 109, 205-209.