Albert GRUMBACH

1880, 1972
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Albert
Grumbach
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Physique
;
Texte
; par :
Étienne Bolmont

Albert GRUMBACH (1880-1972)

Professeur de physique

Eugène Albert Grumbach est né le 2 mai 1880 à Paris dans le 5e arrondissement. Gustave, son père, né à Nancy en 1839, est agrégé de grammaire et enseigne au lycée Henri IV jusqu’en 1903. Sa mère, Anne Sophie Lippmann est la fille du grand physicien Gabriel Lippmann. Albert Grumbach se marie à Paris le 20 mars 1920 avec Henriette Rueff, ils ont deux enfants Marcel et Jacqueline nés en 1921 et 1924. Il est admis à la retraite en mai 1950 et décède à Poitiers le 21 mars 1972. D’origine juive, les Grumbach rencontreront des difficultés pendant la Deuxième Guerre mondiale. Jacqueline sera hébergée et sauvée par Henriette de Mornac à la Maison maternelle de Saint-Denis-en-Val près d’Orléans.

Après son service militaire effectué en 1901-1902, Grumbach commence ses études à la Faculté des sciences de Paris : il obtient sa licence en 1903-1904, avec certificats en calcul intégral, mécanique rationnelle, Physique et chimie générale. Boursier, il prépare l’agrégation de physique à laquelle il est admissible en 1905. Alors sollicité pour un poste à Reims, il refuse de quitter Paris et il occupe un emploi de délégué d’enseignement au lycée Charlemagne. Il est admis à l’agrégation en 1906 au rang de 14e sur 15 et nommé au lycée de Poitiers en octobre 1906. En congé à partir du 1er octobre 1907, il prépare une thèse au laboratoire de recherches physiques de la Sorbonne que dirige son oncle Gabriel Lippmann et pour ces trois années, il est boursier Commercy. Le 20 juin 1911, il est reçu avec mention très honorable, pour son travail intitulé Contribution à l’étude de l’électrisation de contact. Le jury se compose d’Edmond Bouty, d’Albin Haller* et de Lippmann, son directeur.

Après sa thèse, il est préparateur délégué au laboratoire de recherches physiques de la Faculté des sciences de Paris jusqu’en décembre 1913, date à laquelle il quitte officiellement son poste de professeur du lycée de Poitiers où il n’est resté en réalité qu’une année. À la Faculté des sciences de Nancy, la maîtrise de conférences d’électrotechnique est transformée en maîtrise de conférences de physique, et Grumbach est alors nommé à ce poste en décembre 1913, sur la recommandation de Lippmann. Maintenu maître de conférences jusqu’en 1927, son activité est interrompue par la guerre. En 1920, il devient professeur adjoint, se présente à la chaire de physique laissée libre par Edmond Rothé*, mais son collègue Eugène Darmois*, plus ancien que lui dans son poste, est choisi. En mars 1921, il devient professeur sans chaire. En 1923, il est candidat à la chaire de physique expérimentale de la Faculté des sciences de Bordeaux, mais il échoue. Il subit encore un échec face à François Croze* dans sa candidature à la succession d’Eugène Darmois*, mais en janvier 1928, il est nommé professeur de physique à la Faculté des sciences de Poitiers où il remplace un autre ex-Nancéien, Georges Reboul*. Pour ce poste, il est en concurrence avec Raymond Chevallier, préparateur de physique au Collège de France et spécialiste de géomagnétisme. Le professeur Albert Turpain a pour l’occasion organisé un « référendum » à la faculté de Poitiers et sondé ses collègues dans d’autres universités pour faire son rapport. Le classement est favorable à Grumbach qui recueille 15 avis favorables sur 20 exprimés. Si Chevallier échoue ici, il prend à Nancy le poste de maître de conférences laissé alors vacant par Grumbach.

Nommé doyen en 1938, il assure cette charge jusqu’en octobre 1940, date où il est mis à la retraite d’office par le régime de Vichy. C’est le secrétaire d’État Jérôme Carcopino qui signe le décret, suivant la loi raciste d’octobre 1940. Grumbach se voit refuser sa réintégration par René Bousquet en 1942. Il est finalement réintégré après la libération le 27 octobre 1944. Il redevient doyen le 2 janvier 1945, puis cette nomination est confirmée en mars 1946. Il prend sa retraite à 70 ans, le 2 mai 1950.

Albert Grumbach est resté 14 ans à Nancy, avec l’éclipse des années de guerre. Outre un cours de thermodynamique ou d’électricité, il enseigne au certificat de sciences physiques, chimiques et naturelles et il donne un cours public d’électricité industrielle. Les rapports soulignent ses qualités pédagogiques, mais son enseignement n’a pas toujours été apprécié par ses étudiants, si l’on en croit les remarques de Camille Gutton* quand il est chargé du rapport sur les candidatures de Croze* et Grumbach à la succession d’Eugène Darmois* en janvier 1927.

Son implication dans la recherche est notable, surtout dans le domaine de l’électrochimie. Avant la guerre, il travaille sur l’électrisation de contact, autour de sa thèse. En 1912-1913, il étudie la polarisation électrolytique. Après la guerre, il se penche sur l’action du rayonnement sur la matière et découvre deux effets nouveaux, la force électromotrice d’adsorption et, en collaboration avec S. Schlivitch, la variation de tension superficielle. À partir de 1925, Grumbach publie souvent avec ses collaborateurs, sur des sujets plus variés, comme certains phénomènes de luminescence ou de capillarité. Ses recherches ont un caractère expérimental affirmé, ce qui le desservira face à François Croze* quand il concourt en 1927 à la chaire de physique à Nancy.

Pendant la Première Guerre mondiale, après avoir participé aux premières campagnes à Verdun jusqu’en avril 1915, date à laquelle il est évacué pour maladie, il est détaché après sa convalescence à la section technique du Génie sous la direction de Jean Perrin. Il y est affecté au service acoustique d’écoute des mines et met au point des télégéophones (combinaisons de stéthoscopes et de microphones) employés dans la guerre des mines. Il est ensuite transféré au 13e régiment d’artillerie, dans la section technique où il met au point une méthode de détermination du point d’inflammation des essences. Ensuite, il est mis à disposition du sous-secrétaire d’État à la guerre sous-marine et détaché au laboratoire de guerre sous-marine de Toulon en juillet 1918 où il est chargé de l’essai d’appareils d’écoute utilisés à bord des sous-marins. Pour ces travaux il est nommé membre du Comité des inventions et études techniques appliquées à la Marine. Il est finalement démobilisé en mars 1919. Outre la Croix du combattant, il reçoit la Légion d’honneur à titre militaire le 3 novembre 1928.

Albert Grumbach a publié une vingtaine d’articles dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, dans le Journal de physique et le radium, ainsi qu’un article dans le Philosophical Magazine. Dans le Journal de physique, il participe fréquemment aux analyses d’articles du Physikalische Zeitschrift, du Philosophical Magazine, des Annalen der Physik. En 1935, il apporte une contribution à l’ouvrage collectif L’évolution des sciences physiques et mathématiques avec un chapitre intitulé « Du continu et du discontinu ». Il publie aussi quelques articles dans des revues pédagogiques, comme l’Enseignement scientifique ou le Bulletin de l’Union des physiciens.

En 1935, il est nommé membre correspondant de la Société royale des lettres et des sciences de Bohème.

Étienne Bolmont

Bibliographie

Grumbach Albert & Vidal Pierre (1937), « Sur un nouveau mode de préparation des membranes semi-perméables », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 204, 237.

Grumbach Albert & Taboury Félix (1937), « Sur un nouveau phénomène observé dans les piles dont une électrode est polie. Rôle de la couche de Beilby », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 204, 1178.

___ (1932), « Sur la loi des équidistances dans les piles photovoltaïques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 194, 84.

___ (1931), « Variation discontinue de la force électromotrice des piles photovoltaïques à liquides colorés », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 193, 1178.

Grumbach Albert & Schlivitch S. (1929), « Du rôle de l’oxygène de l’air dans les piles photovoltaïques à liquides colorés », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 189, 753.

___ (1925), « Variation de la tension superficielle des liquides sous l’influence du rayonnement », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 181, 241.

Grumbach Albert & Ribaillier Marguerite (1934), « Sur la photoluminescence de la soude et de la potasse », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 196, 70.

Grumbach Albert & Millet René (1940), « Sur la fluorescence du formiate de sodium en solution sodique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 210, 49.

Grumbach Albert (1909), « Sur l’électrisation de contact », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 149, 846.

___ (1911), « Contribution à l’étude de l’électrisation de contact – Thèse », Annales de chimie et de physique, 24, 433.

___ (1912), « Recherche de très faibles quantités de matière par voie électrométrique directe », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 154, 645.

___ (1912), « Sur la théorie thermodynamique de l’adsorption ; Application à l’électrisation de contact », Journal de physique, 2, 283-297.

___ (1913), « Retard de l’électrolyse sur la force électromotrice polarisante », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 156, 542.

___ (1923), « Sur les piles à liquides fluorescent », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 176, 88.

___ (1923), « De la superposition des force électromotrices dans les piles à liquide fluorescent », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 177, 395.

___ (1924), « Sur le rôle de l’ionisation dans les piles à liquide fluorescent », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 179, 623.

___ (1925), « Les phénomènes de surface dans les éléments photovoltaïques à liquide fluorescent », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 180, 1102.

___ (1926), « Sur l’origine de la force électromotrice dans les éléments photovoltaïques », Philosophical Magazine, 2, 313.

___ (1927), « Sur les éléments photovoltaïques à glycérine », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 184, 1169.

___ (1934), « Le principe de la conservation de l’électricité et le problème général de l’électrostatique », Journal de physique et le radium, 5, 6, 241-242.

___ (1936), « La période variable de l’écoulement d’un liquide dans un tube capillaire indéfini », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 202, 1653.

___ (1938), « Sur l’écoulement libre des liquides dans les tubes capillaires », Journal de physique et le radium, 9, 2, 49-51.

___ (1954), « Mesure d’une impédance au moyen d’un oscillographe cathodique bicourbe : méthode de coïncidence », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 239, 869.

Bouligand Georges, Brunold Charles, Grumbach Albert, et al. (1935), L’évolution des sciences physiques et mathématiques, E. Flammarion.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de carrière (F/17/25264 et AJ/16/6010) et dossier de Légion d’honneur (LH/19800035/1168/33378). Dans le dossier personnel de François Croze* (F/17/25626), on trouve le rapport de Camille Gutton* sur la candidature de Grumbach à la chaire de physique de Nancy en 1927.