Edmond GAIN

1868, 1950
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Edmond
Gain
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Botanique
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Texte
; par :
Jean-René Cussenot, Étienne Bolmont

Edmond GAIN (1868-1950)

Professeur de botanique

Edmond Eugène Gain est né à Marle (Aisne) le 6 septembre 1868. Il est le fils cadet d’Aristide Jules Gain, marchand de chaussures, et de Zélie Viéville qui décède en 1884, à l’âge de 39 ans, alors qu’il n’a que 16 ans. En juin 1896, Edmond Gain épouse Marie Élisabeth Jeanne Loosen, fille de Joseph Loosen, professeur agrégé de mathématiques au lycée de Nancy. Ils auront 5 enfants (dont deux meurent prématurément) parmi lesquels : André (1897-1977), agrégé d’histoire géographie et docteur qui sera titulaire de la chaire d’histoire de l’Est de la France à la Faculté des lettres de Nancy en 1930 puis recteur de l’Académie de Lyon de 1943 à 1944 ; Paul-Henri (1907-1984), élève de l’Institut colonial qui soutient une thèse de droit à Nancy en 1932, donne des conférences à la Faculté des sciences de Nancy en 1934-1935 et qui sera notaire à Reims. Edmond Gain prend sa retraite en octobre 1937 et décède à Reims le 23 mars 1950.

Il commence ses études au collège de Soissons. Élève-maître à l’École normale de Laon de 1884 à 1887, il obtient le brevet supérieur à Lille en 1887. Répétiteur au pair en 1887-1888, il exerce la fonction de répétiteur suppléant au collège de Soissons. Au terme de cette année scolaire, il obtient à Paris le baccalauréat de l’enseignement secondaire spécial. Il est alors nommé maître répétiteur stagiaire au collège de Beauvais pour l’année scolaire 1888-1889 puis maître auxiliaire délégué pour l’enseignement des sciences naturelles au lycée Henri IV durant l’année suivante.

Il obtient une bourse de licence de la Sorbonne qui lui décerne, en 1891, le grade de licencié ès sciences naturelles (classé second avec la mention bien). Il commence la préparation d’une thèse au laboratoire de biologie végétale de Fontainebleau grâce à une bourse de deux ans (1891-1893) de l’École des hautes études. En 1893, il est nommé préparateur dans ce même laboratoire, dirigé par Gaston Bonnier, professeur à la Faculté des sciences de Paris et qui fera partie de son jury de thèse. La même année, dans le cadre de sa thèse, il est chargé par le ministère de l’Instruction publique d’une mission scientifique en Afrique du Nord d’août à septembre. Son but est d’étudier l’influence de la sécheresse du sol et de l’air sur la végétation, plus particulièrement sur la physiologie et la constitution chimique des végétaux. En mars 1895, il soutient sa thèse Recherches sur le rôle physiologique de l’eau dans la végétation, travail très apprécié par le jury. L’inspecteur d’académie Boleslas Niewenglowski le confirme : « Rarement soutenance de thèse a été plus brillante que celle de Mr Gain… ».

Parallèlement à son emploi de préparateur qui ne lui apporte pas une rémunération suffisante (100 francs par an), sur nomination du ministère du Commerce, il donne des cours de sciences naturelles dans cinq classes de l’Institut commercial de Paris depuis 1892. Cet enseignement à des élèves âgés de 12 à 21 ans lui apporte une compétence pédagogique qu’il met en avant dans ses candidatures à un poste d’enseignant. En 1894, il demande une délégation pour l’enseignement des sciences naturelles ; recommandé par Gaston Bonnier, il vise le lycée Janson-de-Sailly. Il est finalement nommé au lycée Voltaire où il reste de 1894 à août 1895, y assurant un service hebdomadaire de 8 heures dans les classes de 6e, 5e et 1re ; sa rémunération s’élève à 1 500 francs. Dans sa notice individuelle, il exprime le vœu d’obtenir un poste de maître de conférences dans une faculté des sciences, soit en botanique agricole, soit en chimie appliquée à l’agriculture. En août 1895, sa délégation au lycée se termine et n’est pas reconduite.

Mettant alors en avant ses compétences dans l’enseignement des sciences naturelles appliquées à l’agriculture, il demande à être chargé d’interrogations dans un lycée parisien qui prépare à l’Institut agronomique. Il est finalement nommé délégué dans les fonctions de chargé de cours de sciences naturelles au lycée de Besançon, mais il refuse ce poste pour finalement, en octobre 1895, prendre une maîtrise de conférences en botanique agricole à la Faculté des sciences de Nancy. En 1902 il est promu professeur adjoint puis en novembre 1912, il obtient la chaire de botanique.

Pendant les premiers mois de guerre, il est volontaire à l’hôpital militaire de Saint-Aubin-sur-Mer. À la rentrée d’octobre 1914, il est affecté à la Faculté des sciences de Nancy, où il assure seul tous les enseignements de botanique (cours, exercices et travaux pratiques), en l’absence de ses huit collègues mobilisés. Lors d’un bombardement de Nancy en octobre 1917, sa maison (ainsi que celle de Camille Gutton*), est détruite. Il se réfugie alors avec sa famille à Paris. Il rejoint, à sa demande, la Faculté des sciences de Clermont-Ferrand, chargé des enseignements de botanique jusqu’à la réouverture de l’Université de Nancy à l’été 1918.

Au cours de sa carrière, Edmond Gain est un des acteurs majeurs du développement du pôle scientifique nancéien. Après des négociations très laborieuses avec l’École des Eaux et forêts, la commission d’agriculture de Nancy et les ministères de l’Instruction publique et de l’Agriculture, l’université parvient à créer en juin 1900 l’Institut agricole. Deux ans plus tard, à la demande de Gain et du Gouvernement général d’Indochine, le recteur lui adjoint une section coloniale, créant ainsi l’Institut agricole et colonial de l’Université de Nancy, le troisième de France après ceux de Marseille (1893) et de Bordeaux (1901). À la différence des autres Instituts coloniaux, qui sont des centres d’enseignement consulaire au service des intérêts économiques locaux, celui de Nancy a un statut public d’enseignement et une spécialisation agricole et forestière. Sa vocation avouée est celle d’une œuvre de propagande coloniale.

Gain dirige cet institut dès 1902, d’abord avec le titre de « directeur des études agronomiques et coloniales », puis, à partir de 1908, en tant que « directeur de l’Institut agricole et colonial ». Il assure cette direction jusqu’à sa retraite en 1937. Il est, pour le recteur Louis Bruntz, « un directeur actif et dévoué… [dont] l’activité […] est exclusivement consacrée au développement de son institut qui est son œuvre et qui est particulièrement prospère. » En 1904, Gain crée le Bulletin de l’Institut colonial de Nancy. Édité deux fois par an, il devient après la Première Guerre mondiale le Bulletin de l’Institut agricole et colonial de Nancy, bulletin clairement orienté vers « l’apostolat en faveur de l’idée coloniale ». Par ailleurs, il crée le musée de l’Institut botanique et des collections coloniales en 1910, destiné à offrir aux étudiants une documentation par ses collections botaniques et agricoles et à présenter au public les grandes réalisations coloniales.

En 1911, il se voit confier par le recteur, après la mort de Camille Brunotte (1860-1910), la direction du jardin de Monthabey, près du Hohneck dans les Vosges. Il décide de lui adjoindre une station expérimentale dotée d’un herbier, d’une bibliothèque et d’un laboratoire entre autres dédié à l’étude des fourrages alpestres (1912) ; la station est détruite dès le début du conflit, mais Gain en reste directeur en titre jusqu’en 1917. Il assure aussi la direction du Jardin botanique de la ville de Nancy depuis 1912 et il en publie un catalogue annuel jusqu’en 1935. Il s’investit en outre dans la construction de nouveaux locaux pour l’institut de botanique. Il en fait de même pour l’institut agricole et colonial de Nancy, en 1930, à la place de la grande serre du Jardin botanique de Nancy situé près de la porte Sainte-Catherine. Ces nouveaux locaux lui permettent de réorganiser le musée colonial avec 7 salles spéciales.

Outre ces tâches administratives directement liées à l’Institut agricole et colonial, il est élu membre du conseil de l’université de Nancy en 1919 et assesseur du doyen de la faculté des sciences, responsabilité qui sera renouvelée jusqu’en 1935. Il s’investit également dans les réflexions sur l’enseignement supérieur en tant que membre du Comité consultatif de l’enseignement supérieur pour les sciences. Son activité s’étend aux sociétés scientifiques : il est membre de la Société de botanique de France, de l’Association française pour l’avancement des sciences, secrétaire du Comité de rédaction du Bulletin des sciences naturelles, vice-président de la Société géographique de l’Est (1910), membre correspondant de l’Académie d’agriculture (1917), de la Société centrale de médecine vétérinaire et de la Société des agriculteurs de France.

Il participe à la vie scientifique locale. Il fait ainsi partie du comité d’administration de l’Association des anciens élèves de la Faculté des sciences de Nancy, il est membre de la Société des sciences de Nancy depuis 1910 et président en 1925. Membre de la Société industrielle de l’Est, ses préoccupations s’étendent au commerce : outre son enseignement à l’École supérieure de commerce et d’industrie de Nancy, il est membre correspondant du Conseil du commerce extérieur et intérieur (1905). Dans ce cadre, en décembre 1905, au congrès des Chambres de commerce de l’Est, qui se tient à Nancy, il présente un rapport sur les consulats et les intérêts du commerce français, rapport qui contribue, trois ans plus tard, à la création, dans les consulats de postes d’attachés commerciaux. Son expertise dans le domaine de la botanique appliquée se concrétise dans sa fonction de délégué régional de l’Inspection du Service phytopathologique et de défense des cultures.

L’activité pédagogique d’Edmond Gain se fait essentiellement à l’Institut agricole et colonial, où il enseigne la botanique agricole et coloniale, la chimie agricole et l’économie agricole et coloniale. En 1904, au certificat de sciences physiques, chimiques et naturelles, il donne un cours de botanique, conduit les herborisations et dirige les travaux pratiques. En licence, il intervient en botanique générale, botanique agricole et chimie agricole. Parallèlement il assure des cours de marchandises végétales et animales et d’économie coloniale à l’École supérieure de commerce et d’industrie de Nancy de 1897 à 1912. Dans le cadre de son enseignement, il écrit plusieurs ouvrages de cours, notamment son Précis de chimie agricole et biologique, son Introduction à l’étude des régions florales et il publie des exposés et des conférences données à l’Institut colonial.

Très investi dans les charges administratives, Edmond Gain a une activité de recherche qui s’en ressent, surtout en fin de carrière : il est malgré tout l’auteur de plus d’une centaine d’ouvrages, publications, livres et il dirige personnellement plus d’une vingtaine de doctorats. Gain fonde, en 1906, le premier laboratoire de botanique agricole et coloniale avec l’aide du gouverneur général d’Indochine et futur Président de la République, Paul Doumer. Il dirige ce laboratoire de recherches en botanique appliquée jusqu’à sa retraite. En 1911, il crée également un laboratoire d’expertise des foins.

Ses recherches se rapportent à plusieurs domaines de la botanique : la physiologie, la chimie végétale, l’anatomie expérimentale, la pathologie et la tératologie. Il publie aussi sur la botanique agricole et la géographie botanique. Outre son travail de doctorat sur l’influence de la sécheresse sur le développement des végétaux, il s’intéresse aux graines, leurs modifications et leurs anomalies ; dans ce cadre, avec son doctorant Denis Brocq-Rousseu, il met un terme à la légende de la germination des blés pharaoniques ou mérovingiens, l’embryon étant définitivement mort. Ses recherches biométriques sur le polymorphisme des fleurs hétérostylées lui valent d’être couronné par le prix Montyon de statistiques en 1905 ; il est le premier à utiliser la statistique en botanique et ses résultats sont remarqués, car ils paraissent contraires aux idées de Darwin. Avec Brocq-Rousseu, il publie un Traité des foins qui leur permet d’obtenir le prix Paugoué de la Société centrale de médecine vétérinaire.

Il collabore à la Revue générale de botanique, aux Annales agronomiques et il écrit des analyses critiques dans la Revue générale des sciences pures et appliquées. Ses travaux lui valent aussi d’être lauréat de l’Académie d’agriculture (1898 et 1912) et de la Société des agriculteurs de France (1903). À ses publications scientifiques, s’ajoutent des articles sur la colonisation et le commerce.

Il est fait chevalier de la Légion d’honneur au titre du ministère de l’Éducation nationale (1929) et chevalier du Mérite agricole. Il est par ailleurs nommé officier de l’Instruction publique en 1902.

La reconnaissance de son action s’étend à l’étranger, par l’intermédiaire des étudiants d’Europe de l’Est qu’il a formés et avec lesquels il reste en contact. Il crée pour eux une bibliothèque russe des sciences agronomiques en 1911. Il est aussi en relation avec « ses coloniaux qui travaillent en Tunisie, au Maroc, à Madagascar et au Tonkin ».

En 1910, il participe au premier congrès international d’agronomie tropicale à Bruxelles en tant que délégué officiel du ministère de l’Instruction publique. Il est fait chevalier de l’Étoile d’Anjouan et des Comores (1901), de l’Étoile noire du Bénin (1909) ; il est officier du Buisson Alaouite et commandeur du Nicham Iftikar (1910). Il est également décoré en 1907 de l’ordre du mérite du Cambodge (le Muniseraphon) à l’occasion du voyage du roi Sisowath à Nancy. Pour son action envers les colonies, il reçoit le Grand Prix de l’Exposition coloniale de Paris en 1931.

Jean-René Cussenot & Étienne Bolmont

Bibliographie

Gain Edmond (1892), « Influence de l’humidité sur la végétation », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 115.

___ (1893), « La silice dans les végétaux », Bulletin des sciences naturelles, 1-8.

___ (1893), « Digestion des réserves chez les végétaux », Bulletin des sciences naturelles, 4, 49-60.

___ (1893), « Contribution à l’étude du milieu », Bulletin de la Société botanique de France, 40, 142-146.

___ (1894), « Recherches sur les tubercules de la pomme de terre », Association française pour l’avancement des sciences – Caen, 897-907.

___ (1894), Précis de chimie agricole et végétale, Baillière.

___ (1895), « Recherches sur les substances solubles dans l’eau contenues dans les végétaux », Bulletin de la Société chimique de Paris, 53-68.

___ (1895), « Recherches sur le rôle physiologique de l’eau dans la végétation. (Thèse) », Annales des sciences naturelles – botanique.

___ (1896), « Sur la variation des graines sous l’influence du climat et du sol », Revue générale de botanique, 8, 303.

___ (1896-1897), « Rôle de l’ammoniaque atmosphérique dans la nutrition des végétaux », Bulletin des sciences naturelles, 7-20.

___ (1899), « Les maladies des pommes de terre », Bulletin de l’Office agricole de Nancy, 40-52.

___ (1899), « Influence des microbes du sol sur la végétation », Revue générale de botanique, 11, 18.

___ (1900), « La sélection des graines », Bulletin de l’Office agricole de Nancy, 3, 16-25.

___ (1900), « Les universités et l’enseignement supérieur de l’agriculture », Revue générale des sciences, 16.

___ (1900), « Sur les embryons du blé et de l’orge pharaoniques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 130, 1643.

___ (1901), « Sur le vieillissement de l’embryon des graminées », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 133, 1248.

___ (1902), « L’herbier de Dominique Perrin, médecin lorrain du début du 17e siècle », Association française pour l’avancement des sciences – Montauban, 409.

___ (1902), « Les universités et l’enseignement colonial », La quinzaine coloniale, 10 décembre.

___ (1905), « Armée coloniale et enseignement », Bulletin de l’Institut colonial de Nancy, 3, 97-103.

___ (1905-1908), « La végétation de l’Afrique – La végétation de l’Europe – La végétation de l’Amérique – La végétation de l’Australie », Bulletin de l’Institut colonial de Nancy.

___ (1908), Introduction à l’étude des régions florales. Notions de géographie botanique, Crépin-Leblond.

___ (1910), « Expériences sur la valeur des graines issues de deuxième floraison », Bulletin de l’Office agricole de Nancy, 2, 42-46.

___ (1937), « Avant de quitter le Bulletin de l’Institut colonial et agricole de Nancy », Bulletin de l’Institut colonial de Nancy, 51, 2-3.

Gain Edmond & Apsit Jean (1911), « Sur la résistance des peroxydiastases dans les grains chauffés », Bulletin de la Société de biologie, 71, 287.

___ (1911), « Retour progressif à l’état normal des grains en état d’anesthésie décroissante », Bulletin de la Société de biologie, 71.

Gain Edmond & Brocq-Rousseu Denis (1912), Traité des foins, Baillière et Fils.

Gain Edmond & Gain André (1920), « Différences thermiques de l’ubac à l’adret d’une vallée lacustre », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 170, 191.

Gain Edmond & Jungelson Aron (1915), « Sur les grains de maïs issus de la végétation d’embryons libres », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 160, 142.

Gain Edmond & Tourneur-Aumont J. (1924), « Un institut de botanique générale », Bulletin de l’Institut colonial de Nancy, 27, 263-266.

Sources d’archives

Archives nationales : 3 dossiers concernent sa carrière (F/17/2968 pour sa mission en Afrique du Nord, F/17/24592 et AJ/16/1088). Voir également son dossier de Légion d’honneur (LH/1056/51).

Sources secondaires

Anonyme (1905), « Le prix Montyon de statistique lui est décerné », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 141, 1133.

Gain Edmond (1912), Notice sur les titres et travaux scientifiques de Edmond Gain, Nancy.

Labrude Pierre (2002), « Le jardin alpin de Monthabey dans les Vosges (1903-1914) et son créateur, le professeur Camille Brunotte (1860-1910) », Revue d’histoire de la pharmacie, 336, 615-628.

Morando Laurent (2004), « L’institut agricole et colonial de l’université de Nancy : 1902-1940 », Annales de l’Est, 4, 173-191.

___ (2007), Les instituts coloniaux et l’Afrique 1893-1940. Ambitions nationales, réussites locales, Paris, Khartala.