René FORTRAT

1886, 1966
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René
Fortrat
;
Physique
;
Texte
; par :
Étienne Bolmont

René FORTRAT (1886-1966)

Chargé de conférences de physique

René Lucien Fortrat est né le 25 février 1886, dans la commune du Chêne dans l’Aube. Son père Ambroise Philéas Fortrat est directeur de l’École normale d’instituteurs à Parthenay, il dirigera ensuite celle de Lons-le-Saunier, puis celle de Troyes. René Fortrat épouse Jeanne Alice Bouvier à Grenoble, le 26 décembre 1922. Ils ont trois enfants, Pierre Gabriel (1924), Annette Marie-Thérèse (1925) et Jean Michel (1931). Ils se séparent en juillet 1958, par séparation de corps devant le tribunal de Grenoble. René Fortrat décède d’une embolie en mai 1966 à Chorges dans les Hautes-Alpes.

René Fortrat fait ses études au lycée de Besançon, où il obtient le baccalauréat en 1903. En 1906, il entre à l’École normale supérieure, en même temps que Georges Darmois et Georges Bruhat. Reçu troisième à l’agrégation de physique et chimie en 1909, il est nommé en octobre professeur de physique au lycée de Charleville, où il ne reste qu’un an, ayant demandé un congé qu’il obtient jusqu’en 1915. En 1910, il bénéficie d’une bourse d’études Commercy à l’École polytechnique de Zurich dans le laboratoire de Pierre Weiss où il prépare sa thèse : Recherches de magnéto-optique. En juin 1914, à Paris, il obtient la mention très honorable attribuée par le jury composé d’Edmond Bouty, Jean Perrin et Aimé Cotton.

Il est alors nommé assistant au laboratoire du prix Nobel Heike Kammerlingh Onnes, mais la guerre l’empêche de rejoindre l’Université de Leyde. Il est réformé définitivement, mais, en octobre 1914, il travaille pour la défense nationale avec Cotton, Weiss et Bouty au laboratoire de l’École normale supérieure : il se consacre au repérage des canons par le son et au calcul des corrections de tir.

En janvier 1915, il est préparateur adjoint de chimie à l’École normale supérieure. En novembre 1915, il est nommé préparateur délégué de physique à Nancy, auprès d’Edmond Rothé*. Il demeure cependant préparateur adjoint à la Faculté des sciences de Paris. Il y est chargé de conférences de physique jusqu’en octobre 1916. Il ne reste finalement qu’un an à Nancy : son séjour lorrain étant raccourci par un congé de maladie qu’il obtient de janvier à octobre 1916, période qu’il passe dans un sanatorium dans l’Ain. Son absence désorganise un peu plus l’enseignement de la physique et conduit à l’arrivée de François Croze* à Nancy. Sa délégation se termine le 31 octobre 1916, mais, ayant épuisé son droit à congé avec traitement, il est mis en congé d’inactivité sans traitement comme préparateur à la Faculté des sciences de Paris, les préparateurs ne pouvant recevoir de traitement d’inactivité. En novembre 1917, guéri, il rejoint effectivement son poste de préparateur à l’École normale supérieure.

En mars 1919, Fortrat devient maître de conférences de physique à la Faculté des sciences de Grenoble, « un pays dont le climat remplit certaines conditions que je trouverais difficilement dans une autre ville de faculté ». Il y remplace Jules Chaudier, nommé professeur à Besançon. Il contribue à réorganiser le service de physique et assure, sans indemnité supplémentaire, les travaux pratiques de l’Institut électrotechnique et de l’École de Papeterie. En 1921, il est nommé professeur sans chaire. Au certificat de sciences physiques, chimiques et naturelles (PCN), il assure la direction des travaux pratiques de physique et est chargé d’un cours complémentaire de physique. En 1928 et 1929, il est examinateur au concours d’entrée à l’École normale supérieure. En 1930, il devient professeur de physique expérimentale à une chaire qui vient d’être créée à l’université, avec l’appui de Pierre Weiss. Il enseigne toujours la physique au PCN, y donne une conférence complémentaire, et encadre les travaux pratiques de physique. À l’institut électrotechnique, il dirige également les travaux pratiques et donne un cours de radiotechnique. Il fait construire un nouveau bâtiment, l’Institut Fourier, alors une des plus importantes installations de province, qui peut accueillir des chercheurs à la pointe de la physique moderne. Il est aussi directeur du Laboratoire de radiotechnique à l’Institut électrotechnique de Grenoble. En 1940, année où il remplace Pierre Vaillant, et jusqu’à sa retraite en 1957, il occupe la chaire de Physique. En janvier 1945, il succède au doyen René Gosse, fusillé par les Allemands, rendant « de grands services par suite de sa parfaite connaissance de la langue allemande » qu’il avait apprise lors de son séjour à Zurich. Démissionnaire en décembre 1945, il reprend la charge de doyen en avril 1946 et démissionne en décembre 1948 pour raisons familiales. Il termine sa carrière en février 1957, à la classe exceptionnelle depuis 1954.

En 1920, il devient membre de la Société de statistique, des sciences naturelles et des arts industriels du département de l’Isère. En 1928, il est lauréat du prix Noury de l’Académie des sciences pour ses travaux de spectroscopie. Il est élu correspondant de l’Académie des sciences dans la section de Physique en 1945 et reçoit de l’Académie le prix Ferrié pour l’ensemble de ses travaux en radioélectricité en décembre 1946, le rapporteur étant Camille Gutton*. Il est chevalier de la Légion d’honneur en 1946, introduit par Aimé Cotton, puis officier en 1958.

Fortrat conduit des recherches essentiellement dans le domaine de la spectroscopie. Il apporte aussi quelques articles en radioélectricité. En 1927, Pierre Weiss souligne les qualités de chercheur de Fortrat qu’il a pu apprécier à Zurich, et l’importance des résultats obtenus dans sa thèse : action du champ magnétique sur les spectres de bande, approfondissement des connaissances sur la loi de répartitions des raies dans les spectres de bande et l’effet Zeeman, observations nouvelles dans l’ultraviolet… Il met en avant son exactitude expérimentale, sa rigueur dans le raisonnement et son esprit critique. Weiss insiste sur ses talents de pédagogue dans l’écriture de son traité de physique théorique, qui montre l’effort que Fortrat a fait pour assimiler et présenter les dernières découvertes scientifiques, notamment en physique quantique.

René Fortrat s’est montré un très bon professeur, reconnu déjà comme tel dès son agrégation et son passage au lycée de Charleville dont le proviseur souligne que « c’est une fête pour les élèves de 4e de passer une heure par semaine avec lui ».

Étienne Bolmont

Bibliographie

René Fortrat publie une vingtaine d’articles, essentiellement aux Comptes rendus de l’Académie des sciences et dans le Journal de physique et le Radium. Il apporte aussi des contributions aux Annales de l’Université de Grenoble.

Fortrat René (1909), Phénomène de Hall dans les électrolytes, Impr. de Douladoure-Privat.

___ (1912), « Nouvelle mesure de la décomposition magnétique des raies de la deuxième série secondaire du zinc et vérification quantique de la loi de Preston », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 155, 1237.

___ (1912), « Structure des bandes telluriques dues à l’oxygène », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 154, 869.

___ (1913), « Groupements des raies réels ou apparents dans les spectres de bandes », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 157, 991.

___ (1913), « Phénomène de Zeeman anormal sur le doublet lambda = 2853 du sodium », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 636.

___ (1913), « Le triplet magnétique normal et la règle de Preston », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 156, 1607.

___ (1913), « Simplification des raies spectrales par le champ magnétique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 156, 1459.

___ (1914), Recherches de magnéto-optique (Thèse), Paris, Gauthier-Villars.

___ (1914), « Simplification et régularisation des bandes spectrales par le champ magnétique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 158, 334.

___ (1919), « Entropie et probabilité », Revue générale des sciences, 30, 135-140.

___ (1923), « Une balance aréométrique à lecture directe », Journal de Physique et le Radium, 4, 268-271.

___ (1924), « La bande lambda = 3 064 Å de l’oxygène. Sa modification par le champ magnétique », Journal de Physique et le Radium, 5, 20-32.

___ (1924), « Les spectres de bande », Journal de Physique et le Radium, 5, 33-50.

___ (1924), « Une nouvelle bande des carbures d’hydrogène », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 178, 1272.

___ (1929), Introduction à l’étude de la physique théorique (7 fascicules), Paris, Librairie Scientifique A. Hermann.

___ (1939), « Projet d’appareil de mesure des courants continus très intenses. Le kiloampèremètre et le magnémètre », Journal de Physique et le Radium, 10, 190-194.

___ (1941), Leçons de radio-électricité, Paris, Masson et Cie.

___ (1951), « Oscillations pendulaires et de relaxation », Journal de Physique et le Radium, 12, 41-50.

___ (1961), Problèmes de physique (4 volumes), Paris, Claude Hermant Editeur.

Fortrat René & Caravel André (1939), « Oscillations radioélectriques par triode à grille isolée », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 209, 554.

Fortrat René & Cotton Aimé (1936), L’effet Zeeman dans les spectres de bandes, Paris, Hermann et cie.

Fortrat René & Dejean P. (1923), « Essai d’une bobine sans fer donnant des champs magnétiques intenses. Application à l’étude de la saturation magnétique du fer », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 177, 627.

Jacquinot Pierre & Fortrat René (1941), Effet Zeeman, Paris, Hermann et cie.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de carrière (F/17/26868) et dossier de Légion d’honneur (LH/19800035/738/83740).

À l’Académie des sciences, son dossier contient la notice nécrologique écrite par Jean Lecomte en octobre 1966.

Sources secondaires

Anonyme (1928), « Un prix Victor Noury lui est décerné », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 187, 1258.

Anonyme (1946), « Un prix du général Ferrié lui est décerné », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 223,1057.

Lecomte J. (1966), « Notice nécrologique sur René Fortrat, correspondant pour la Section de Physique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 263, 74-77.

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