Camille FORTHOMME

1821, 1884
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Camille
Forthomme
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Chimie
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Texte
; par :
Louis Patard

Camille FORTHOMME (1821-1884)

Professeur de chimie

Pierre Guillaume Camille Forthomme est né à Fougères (Ille-et-Vilaine) le 20 septembre 1821 de François Pierre Arnould Forthomme, vétérinaire en chef au régiment des chasseurs de la Marne, en garnison à Fougères, et d’Aspasie Ghislaine Mathorez, son épouse, tous deux originaires des Flandres. Il est l’aîné de cinq enfants. Il épouse le 2 janvier 1850 Marie Sophie Henrion, fille d’un négociant nancéien ; celle-ci décède en décembre 1854, après la naissance de leur troisième enfant, Anna, qui sera une amie d’enfance d’Henri Poincaré et de sa sœur Aline. En raison de la mauvaise santé de son fils, Forthomme doit lui assurer des soins continus jusqu’à son décès en mai 1861. Sa première fille, Marie Virginie (1850- ?), épousera Antoine Marie Georges Gutton, avocat du barreau de Nancy et père du physicien Camille Gutton*. Forthomme est catholique et libéral « dans les meilleures acceptions du mot ». Il décède le 27 juin 1884 d’une maladie de cœur dont il souffrait depuis plusieurs années.

Comme fils de militaire, Forthomme est d’abord admis au nombre des enfants de troupe, avec « droit au pain de munition ». Après un passage au collège de Sarreguemines, il poursuit sa scolarité dans une institution parisienne privée, la pension Favart, où il reste deux ans, avec une demi-bourse. Il revient ensuite comme interne au collège de Sarreguemines, bénéficiant cette fois d’une bourse entière en échange de laquelle il assurera les fonctions de maître d’études. Il passe un moment à Wissembourg où le régiment de son père est transféré. En 1840, il est successivement bachelier ès lettres et ès sciences. Après le baccalauréat, en janvier 1841, il est nommé maître d’études au collège de Sarreguemines ; puis, l’année suivante, au collège royal de Metz, position qui lui permet de préparer le concours d’entrée à l’École normale supérieure.

Il le réussit en 1842, mais il ne peut intégrer l’école pour des raisons administratives, n’ayant pu fournir son diplôme de baccalauréat. Il part ensuite au collège Saint-Louis à Paris en tant que maître-suppléant et il se présente de nouveau au concours de l’École normale supérieure, qu’il intègre en 1843, dans la même promotion que Louis Pasteur. Il y obtient les licences ès sciences mathématiques et physiques, puis l’agrégation de sciences physiques en 1846.

À sa sortie de l’École, il est nommé professeur de physique et d’histoire naturelle au collège royal d’Angoulême en septembre 1846 puis, l’année suivante, il enseigne la physique au collège royal de Bourges. Il postule ensuite au collège de Tours pour se rapprocher de son père, alors en mauvaise santé, mais il est nommé professeur de physique au collège royal de Nancy le 16 février 1848. Il passe à la 2e classe en septembre 1853 puis à la 1re classe en janvier 1858. Il est alors chargé des classes de mathématiques spéciales, de rhétorique et de logique scientifique. Par ailleurs, il est chargé de la conférence de mathématiques en seconde en 1850-1851.

Le 31 mars 1860, il soutient à Nancy une thèse de doctorat intitulée Nouveaux procédés pour mesurer les indices de réfraction des liquides – Application aux dissolutions salines. Il continue sa carrière au lycée de Nancy, bénéficiant de rapports d’inspection très élogieux sur ses enseignements et sur ses publications. En avril 1869, il est nommé chargé de cours de chimie à la Faculté des sciences de Nancy en remplacement de Jérôme Nicklès*, récemment décédé, dont il avait été l’élève. Il devance sur ce poste un autre candidat, le recteur Gervais Chevrier, initialement pressenti, mais possédant moins de titres. Il est finalement nommé professeur de chimie générale à la Faculté des sciences de Nancy le 31 décembre 1871 avec l’appui du député de la Meurthe Henri Varroy. Seul candidat, il est présenté à l’unanimité par le conseil académique et par la faculté.

Son enseignement à la faculté des sciences s’adresse aux candidats à la licence et à l’agrégation secondaire, à l’agrégation de l’enseignement spécial et à l’agrégation de l’enseignement secondaire des jeunes filles. Il donne également des conférences en manipulation et il accorde une grande importance aux travaux pratiques. Ses cours portent sur les métaux, les métalloïdes, la chimie générale et la chimie organique. À partir d’octobre 1879, il se fait seconder par Albin Haller* qui vient d’être nommé maître de conférences à Nancy. Il utilise la notation atomique et il montre une prédilection marquée pour les questions de chimie physique. Sa connaissance de l’allemand lui permet de se tenir au courant des travaux étrangers, au grand profit de ses élèves. Il a d’ailleurs longtemps consacré ses vacances à parcourir les laboratoires d’outre-Rhin. C’est un défenseur de l’enseignement des langues anciennes, utiles selon lui à la compréhension du langage scientifique. Son auditoire est composé, selon les années et les cours, de 10 à 90 élèves environ, étudiants de la faculté des sciences auxquels se joignent des étudiants en médecine et pharmacie ainsi que des auditeurs libres. Forthomme est présenté par l’inspecteur d’académie Louis Maggiolo comme un « professeur distingué, intelligent, et dévoué », qui a « obtenu des succès exceptionnels [de ses élèves] pour la préparation aux écoles [spéciales]» et qui a « une heureuse nature, loyale et très sympathique ». Son enseignement est considéré comme « peu brillant, manquant d’élan et d’animation, mais méthodique, complet et bien exposé ».

Forthomme se spécialise en chimie analytique et traduit plusieurs traités allemands : le Traité d’analyse chimique, à l’aide des liqueurs titrées de Friedrich Mohr, le Traité d’analyse qualitative et d’analyse quantitative de Carl Fresenius, deux ouvrages de référence pour l’époque, ainsi que l’Introduction à la haute optique d’Auguste Beer. En outre, il est l’auteur d’un Traité élémentaire de physique expérimentale et appliquée publié en 1860 en deux volumes, rédigé sur le ton familier de la leçon et dégagé des raisonnements mathématiques. On lui doit également un petit traité de Notions élémentaires de physique et de chimie, à l’usage de la classe de sixième, et publié en 1881. Enfin, dans le journal Les Mondes de l’Abbé Moigno, il rend compte des découvertes et travaux scientifiques d’outre-Rhin.

Forthomme est une figure bien connue des milieux intellectuels nancéiens. Il est membre du Conseil municipal de Nancy depuis 1865, plusieurs fois réélu jusqu’à sa mort. Cette fonction lui permet de rendre des services à l’enseignement supérieur dans toutes les questions où la municipalité peut intervenir (agrandissement des locaux destinés à l’enseignement, subventions au musée, collections, etc.). Il entre à l’Académie de Stanislas en 1860 en tant que membre correspondant. Deux ans plus tard, il passe titulaire et, en 1867, il assure le secrétariat annuel de l’institution.

En 1881, pour raisons de santé, il prend le statut d’associé-correspondant. Il parraine la candidature de Léon Poincaré à l’académie en juillet 1862. Vers la fin des années 1860, il est l’un des membres fondateurs de la Ligue de l’enseignement, dont il inaugure les cours populaires à Nancy. Il joue un rôle dans la création de cours de jeunes filles. À partir de 1853, il est nommé membre de la délégation municipale pour l’instruction primaire. En 1856, il entre dans la commission de surveillance de l’École normale primaire de Nancy.

En 1862, il participe au jury chargé d’examiner les aspirants au brevet de capacité et au diplôme pour l’enseignement secondaire spécial. Il est en outre membre de la commission de surveillance de la Bibliothèque populaire à partir de 1875 et membre du conseil départemental d’hygiène. De 1851 à 1881, il remplit les fonctions de correspondant de l’Association des anciens élèves de l’École normale supérieure. Officier de l’Instruction publique en 1856, il obtient la Légion d’honneur en août 1868, sur proposition du recteur. Albin Haller* succède à Forthomme en mars 1885.

Louis Patard

Bibliographie

Forthomme Camille (1860), Nouveau procédé pour mesurer les indices de réfraction des liquides, application aux dissolutions salines, thèse de doctorat présentée à la Faculté des sciences de Nancy, Saint-Nicolas, P. Trenel.

___ (1860-1861), Traité élémentaire de physique expérimentale et appliquée, Paris, J-B. Baillière.

___ (1864), Historique de l’analyse spectrale, Nancy, Imprimerie de Raybois.

___ (1867), Traité d’analyse chimique quantitative, Paris, Simon Raçon.

___ (1875), Rapport sur la question des eaux de Nancy, Nancy, Académie de Stanislas.

___ (1881), Notions élémentaires de physique et de chimie, Paris, F. Savy.

Beer A. (1858), Introduction à la haute optique, Paris, E. Mellier. Traduit de l’allemand par Camille Forthomme.

Fresenius C. R. (1871), Traité d’analyse chimique qualitative des opérations chimiques, des réactifs et de leur action sur les corps les plus répandus : essais au chalumeau, analyse des eaux potables, des eaux minérales, des sols, des engrais, etc. : recherches chimico-légales, analyse spectrale, Paris, F. Savy. Traduit de l’allemand par Camille Forthomme.

___ (1885), Traité d’analyse chimique quantitative : dosage et séparation des corps simples et composés les plus usités dans la pharmacie, l’industrie, les arts et l’agriculture : analyse par les liqueurs titrées, analyse des eaux minérales, des cendres végétales, des terres, des engrais, des minerais métalliques, des fontes, dosage des sucres, alcalimétrie, chlorométrie, etc., Paris, F. Savy. Traduit de l’allemand par Camille Forthomme.

Mohr F. (1857), Traité d’analyse chimique à l’aide des liqueurs titrées, Paris, E. Mellier. Seconde édition, Paris, F. Savy, 1875.

Sources d’archives

Archives départementales d’Ille et Vilaine : acte d’état civil de Pierre Guillaume Camille Forthomme.

Archives nationales : dossier de carrière (F/17/22868), dossier de proposition pour la Légion d’Honneur (F/17/40078) et dossier de Légion d’honneur (LH/1002/48)

Archives municipales de Nancy : Acte de décès de Pierre Guillaume Camille Forthomme du 27 juin 1884 (microfilm 2 Mi 614). Annuaires, année 1876 (BA 7239/5) et 1875 (BA 7239/4). Registres de population, 1re section, 1872 (1 F 744).

Archives départementales de Meurthe-et-Moselle : nomination au grade de la Légion d’Honneur le 15 août 1868 (1 M 691). Mentions de Forthomme pour indemnités et traitement, 1870-1875 (1 T 265). Dossier « Conseil d’Hygiène » (5 M 27). Recensement 1872 (6 M 33 394 art. 21). Dossier personnel (1 T 2112).

Sources secondaires

Boutroux Aline (2012), Vingt ans de ma vie, simple vérité... La jeunesse d’Henri Poincaré racontée par sa sœur (1854-1878) – Texte inédit édité par Laurent Rollet, Paris, Hermann.

Rivail Jean-Louis (2005), « La chimie à la Faculté des sciences de Nancy. Des origines au prix Nobel », Le pays lorrain, 86, 7-14.

Collectif (1979), Dictionnaire de Biographie française, Paris, Le Touzey et Ané.

Duvernoy (1885), « Promotion de 1843. – Forthomme (Pierre-Guillaume-Camille) », Association des anciens Elèves de l’École normale, Paris, Librairie Léopold Cerf, 1885 (11 janvier), p. 41-45

Lamathière T. (1875-1911), Panthéon de la Légion d’Honneur, Paris, E. Dentu, t. 19, 353.