Gaston FLOQUET

1847, 1920
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Gaston
Floquet
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Mathématiques
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Texte
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Philippe Nabonnand, Laurent Rollet

Gaston FLOQUET (1847-1920)

Professeur de mathématiques et doyen

Achille Marie Gaston Floquet est né à Épinal dans les Vosges le 15 décembre 1847. Son père Jean Baptiste (1810-1894) est officier comptable aux subsistances militaires. Sa mère, dont on sait peu de choses, a pour nom de jeune fille Joséphine Adèle Berrurier (1823-1855). Le couple s’installe à Nancy dans les années 1850. En mars 1880, Gaston Floquet épouse Marie Jeanne Léonie Genay, cousine de l’ingénieur agronome Paul Genay* qui sera un temps chargé de conférences à l’institut agricole et colonial de la Faculté des sciences de Nancy. Le couple aura deux enfants, une fille Marguerite (1881-1914) qui épousera Henry Braun, un chirurgien de l’hôpital civil de Belfort, et un fils Paul* (1882-1910). Celui-ci, polytechnicien, sera préparateur de physique à la Faculté des sciences de Nancy. Gaston Floquet meurt à Nancy le 7 octobre 1920.

Floquet fait ses études secondaires au lycée de Nancy où il obtient les baccalauréats ès sciences et ès lettres. Il entre ensuite en classe préparatoire au lycée Louis-Le-Grand. Il intègre l’École normale supérieure en 1869, à l’âge de 22 ans. Cependant la guerre de 1870 interrompt ses études. Il s’engage volontairement dans le corps du génie auxiliaire de l’armée de la Loire en tant que sous-lieutenant, mais probablement trop tard pour participer aux combats. En 1871, il reprend ses études à l’École normale supérieure et il obtient les licences de sciences physiques et de sciences mathématiques.

En septembre 1873, Floquet commence sa carrière d’enseignant au lycée de Belfort sur un poste de chargé de cours de mathématiques élémentaires. À peine arrivé dans la ville, il entre à la Société belfortaine d’émulation montrant ainsi un désir certain d’investissement dans la cité qui se confirmera durant sa carrière nancéienne. En septembre 1875, désormais titulaire de l’agrégation de mathématiques, il est nommé professeur de mathématiques élémentaires au lycée d’Angers où il ne reste qu’un an. À la rentrée suivante, il est nommé au lycée de Clermont-Ferrand. Il y est d’abord chargé à titre de suppléant des fonctions de professeur de mathématiques spéciales, en remplacement du titulaire Jean Marie Lafon, alors malade. Ce dernier étant nommé au lycée Charlemagne en septembre 1877, Floquet le remplace finalement sur son poste et obtient avec ses élèves d’excellents résultats aux concours des grandes écoles.

En 1877, la Faculté des sciences de Nancy doit trouver une solution pour assurer la continuité des enseignements en mathématiques appliquées : le titulaire de la chaire, Nicolas Renard*, par ailleurs doyen de la faculté, est alors très malade et dans l’incapacité d’assurer ses enseignements. Le recteur Paul Jacquinet tente donc de trouver une solution. Plusieurs noms circulent alors : une première piste serait de confier la suppléance du cours à Félix Walecki, le professeur de mathématiques spéciales du lycée de Nancy. Cependant, c’est un professeur expérimenté qui obtient des résultats avec une classe surchargée (72 élèves) et le recteur craint qu’une responsabilité supplémentaire nuise à ces bons résultats et soit mal vue des parents d’élèves. Une autre solution serait de nommer Émile Lacour*, jeune agrégé en poste au lycée d’Angoulême, mais elle s’avère impossible à mettre en œuvre bien qu’il soit personnellement prêt à rejoindre Nancy. Reste le cas de Gaston Floquet qui bénéficie d’une très bonne réputation, tant à Nancy qu’au ministère de l’Instruction publique. Cette solution semble faire l’unanimité et il est finalement nommé maître de conférences à la faculté des sciences en février 1878 et se voit confier des enseignements de mécanique. Il est reconduit dans ses fonctions en octobre 1878 puis, en octobre 1879. En novembre 1879, il est officiellement nommé suppléant de Nicolas Renard* dans la chaire de mathématiques appliquées. Il l’obtient finalement en juillet 1880, quelques mois après le décès de son titulaire. En 1890, il est nommé, à sa demande, dans la chaire de mathématiques pures libérée par la mort d’Émile Mathieu*. C’est Jules Molk* qui prend sa succession en mathématiques appliquées. En 1899, la chaire de mathématiques pures est scindée en une chaire d’analyse et en une chaire de mécanique rationnelle. Molk* obtient celle de mécanique rationnelle et Floquet celle d’analyse, qu’il conservera jusqu’à sa retraite. À partir de 1885, il est régulièrement membre – et parfois président – des jurys des concours de l’agrégation des sciences mathématiques. Il est par ailleurs nommé membre en 1908 du comité consultatif de l’enseignement supérieur.

Floquet est assesseur du doyen Ernest Bichat* dès 1888 et devient lui-même doyen en 1905 à la mort de celui-ci. Il poursuit et intensifie la politique de Bichat* de création d’instituts universitaires formant des ingénieurs industriels. Patriote, fortement marqué par la guerre de 1870, il est manifestement en accord avec la politique de construction des instituts techniques ; de plus, le rapprochement entre sciences et industrie à travers le développement des sciences appliquées lui tient particulièrement à cœur. Il s’investit ainsi fortement au niveau local pour développer l’aviation civile et militaire à Nancy. Il organise ainsi en 1909 le quatrième congrès international d’aéronautique ainsi que d’importantes fêtes aéronautiques. Il crée dans la foulée une Ligue nationale aérienne de l’Est qu’il préside et dont le siège est situé au secrétariat des facultés. Elle comptera plus de 1 200 adhérents avant 1914. Ces responsabilités le conduisent à mobiliser les élus et les commerçants nancéiens pour faire de Nancy, en 1910, une des villes étapes du Circuit de l’Est, une grande course aérienne largement relayée par la presse. Floquet lance également des souscriptions pour rassembler de l’argent destiné à l’achat d’avions pour les bases aériennes militaires locales. En 1912, il parvient même à créer, avec Edmond Rothé*, un nouvel institut technique, l’Institut d’aérodynamique et de météorologie. Fort de quelques dizaines d’élèves, cet institut ne survivra cependant pas à la Première Guerre mondiale.

Les premiers travaux de Floquet concernent la théorie des équations différentielles linéaires et s’inscrivent dans le programme de recherche consistant à systématiser l’usage des techniques linéaires dans l’étude des équations différentielles linéaires. L’innovation essentielle est de centrer l’étude de ces équations autour de l’ensemble de leurs solutions. C’est le mathématicien parisien Charles Hermite qui suit le travail de thèse de Floquet. Il la soutient le 8 avril 1879 à la Faculté des sciences de Paris devant un jury comprenant également Jean-Claude Bouquet et Jules Tannery. L’objectif affiché du travail de Floquet est d’exposer les travaux récents, en particulier allemands, de la théorie des équations différentielles linéaires dont il signale qu’elle est « devenue classique en Allemagne » et qu’elle « y a donné naissance à un grand nombre de travaux ». Il souligne que ces recherches développées par l’école de Berlin ont leur origine dans celles, datant de la première moitié du 19e siècle, de mathématiciens français comme Augustin Louis Cauchy, Pierre Puiseux ou Charles Auguste Briot. Pour ce travail, Floquet obtient les félicitations du jury et acquiert de solides appuis dans les milieux académiques parisiens.

Dans un premier temps, ses travaux scientifiques prolongent les résultats de son doctorat. On peut citer particulièrement son article sur les équations différentielles linéaires à coefficients périodiques. Il les publie principalement dans les Annales de l’École normale supérieure et dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences.

Cependant, en 1887, Floquet inaugure une nouvelle ligne de recherche en mécanique : l’étude des mouvements d’un fil en utilisant le formalisme développé par Gaston Darboux dans le premier tome de ses Leçons sur la théorie générale des surfaces. Ces recherches ne donneront lieu qu’à une série de notes pour la plupart publiées dans les Comptes rendus de l’académie des sciences. Il poursuit également ses recherches en mécanique en traitant le problème du mouvement d’un fil dans l’espace.

Enfin, à partir de 1900, Floquet ne publie quasiment plus que des articles de vulgarisation scientifique ou de promotion des sciences et techniques dans des revues de sociétés savantes locales ; il poursuit alors une activité intense de conférences qui consolident son statut d’intellectuel vis-à-vis des élites culturelles nancéiennes : il cherche à faire participer celles-ci aux grands évènements astronomiques comme les éclipses et à les informer des grands projets internationaux comme celui de l’unification de l’heure ou de la carte photographique du ciel. Comme beaucoup d’universitaires provinciaux, il s’investit également beaucoup dans les sociétés savantes locales. Il participe ainsi régulièrement aux activités de la Société des sciences de Nancy ainsi qu’aux travaux de l’Académie de Stanislas, dont il assure la présidence en 1903-1904.

Il acquiert une certaine renommée au sein de ces sociétés pour la qualité de ses discours. Il rédige le rapport pour l’Exposition universelle de 1900 sur les mathématiques et l’astronomie à l’académie de Stanislas. En 1909, dans le cadre du rapport général sur l’Exposition internationale de l’Est de la France, il est chargé de rapporter sur l’Exposition rétrospective lorraine des sciences. Il y célèbre les progrès de la science, en souligne son importance intellectuelle et se félicite de son internationalisation ; il ajoute, développant un argument de dissuasion de la guerre, que puisque la science « met entre les mains humaines des moyens de destruction effroyables, […] par ce fait même, le fléau des guerres se fera de plus en plus rare […] ».

Sous le décanat de Floquet, la Faculté des sciences de Nancy atteint en 1913 plus de 1 000 étudiants, pour moitié élèves des instituts ; elle se présente alors comme une véritable « faculté de technologie » et se targue d’être la plus important faculté des sciences de province. Floquet compte, comme Bichat*, sur l’appui de la Société industrielle de l’Est pour mener à bien les projets de la faculté, mais, au contraire de son prédécesseur, il n’est pas un membre influent des réseaux politiques républicains.

Il préfère user de son statut de notable universitaire qu’il a patiemment constitué en participant à la vie des sociétés savantes et d’intérêt public comme la Ligue de l’enseignement. Floquet est passionné par l’astronomie et assure à Nancy, pendant plusieurs années, un cours complémentaire d’astronomie tout en multipliant les conférences publiques d’initiation. En tant que doyen, il utilise toutes les occasions pour tenter de créer un observatoire à Nancy et obtient même de l’Observatoire de Paris le prêt d’instruments d’observation. Il aura le souci durant la guerre de les sauvegarder et d’assurer leur évacuation. En particulier, il associe systématiquement la création de l’institut d’aérodynamique et de météorologie avec celui d’un observatoire.

Floquet semble être assez proche politiquement de l’Alliance démocratique républicaine, mouvement de centre droit plutôt progressiste qui s’engage dans la défense du capitaine Alfred Dreyfus. Il signe ainsi, comme plusieurs de ses collègues nancéiens, la pétition « Un vœu » (décembre 1898) demandant l’ajournement du procès du colonel Marie-Georges Picquart dans l’intérêt commun de l’armée et de la justice. Tous les récits s’accordent pour faire de lui le pilier du fonctionnement de la faculté des sciences durant les années de guerre et l’exemple du devoir de présence. Il fait partie de la vieille génération qui conçoit son activité scientifique et académique comme un service rendu à la patrie et à la petite patrie lorraine, pour reprendre ses propres termes.

Philippe Nabonnand & Laurent Rollet

Bibliographie

Floquet Gaston (1879), Sur la théorie des équations différentielles linéaires – thèse présentée à la Faculté des Sciences de Paris, Paris, Gauthier-Villars.

___ (1880), « Sur les équations différentielles linéaires à coefficients périodiques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 91, 880-882.

___ (1883), « Sur les équations différentielles linéaires à coefficients périodiques », Annales scientifiques de l’École normale supérieure, 2e série, t. XII, 1883.

___ (1884), « Sur les équations différentielles linéaires à coefficients doublement périodiques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 98, 38-39 et 82-85.

___ (1887), Sur le mouvement d’une surface autour d’un point fixe, Paris, Gauthier-Villars.

___ (1888), « Sur le mouvement d’une surface autour d’un point fixe », Revue des travaux scientifiques, 8, 414.

___ (1888), « Sur une classe d’équations différentielles linéaires non homogènes », Revue des travaux scientifiques, 8, 873.

___ (1889), Sur le mouvement d’un fil dans un plan fixe, Paris, Gauthier-Villars.

___ (1893), « Sur le mouvement d’un fil dans l’espace », Revue des travaux scientifiques, 13, 562.

___ (1893), Sur le mouvement d’une surface autour d’un point fixe, Nancy, Académie de Stanislas.

___ (1895), « Sur les équations différentielles linéaires homogènes dont l’intégrale générale est uniforme », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 121, 676-679.

___ (1898), Sur le mouvement d’un point ou d’un fil glissant sur un plan horizontal fixe lorsqu’on tient compte de la rotation de la terre et du frottement, Nancy, Imprimerie de Berger-Levrault.

___ (1900), Académie de Stanislas : compte rendu de l’année 1899-1900, Nancy.

___ (1900), Sur la photographie des astres, Malzéville, Imprimerie E. Thomas.

___ (1900), « Sur le mouvement d’un fil dans l’espace », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 131, 27-30.

___ (1900), « Sur les équations du mouvement d’un fil en coordonnées quelconques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 131, 97-100.

___ (1900), « Sur les équations intrinsèques du mouvement d’un fil et sur le calcul de sa tension », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 131, 666-668.

___ (1900), « Sur le mouvement d’un fil dans l’espace », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 130, 1745-1748.

___ (1901), L’astronome Messier, discours de réception, Nancy, Académie de Stanislas.

___ (1907), Des passages de Mercure sur le Soleil – le passage du 14 novembre 1907, Nancy, Berger-Levrault.

___ (1909), L’exposition d’aéronautique et le IVe Congrès international d’aéronautique (extrait du Rapport général sur l’exposition internationale de l’Est de la France, Nancy, 1909), Nancy, Berger-Levrault.

___ (1910), « Comparaison des différents procédés de mesure de la constante électrique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 151, 545-548.

___ (1912), L’exposition rétrospective lorraine des sciences (extrait du Rapport général sur l’exposition internationale de l’Est de la France, Nancy, 1909), Nancy, Berger-Levrault.

___ (1912), Sur les éclipses de soleil. L’éclipse du 17 avril 1912, Nancy, Berger-Levrault.

___ (1914), Rapport sur le concours pour le prix Dupeux, Nancy, Académie de Stanislas.

___ (1918), René Nicklès et l’institut de géologie de la Faculté des sciences de Nancy, Nancy, Berger-Levrault.

Floquet Gaston & Duhem Pierre (1891), Notice sur Émile Mathieu : sa vie et ses travaux, Nancy, Berger-Levrault.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de carrière (F/17/22483/b), dossier administratif sur son parcours de carrière avant d’être nommé à Nancy (F/17/2853), dossier de Légion d’honneur (LH/985/54).

Sources secondaires

Simon Pol Ed. (1911), Paul Floquet 1882-1910, Malzéville, Imprimerie Thomas.

Charve L. (1920), « Floquet », Annuaire des anciens élèves de l’École normale supérieure, 80-84.

Binet Édouard (1920-1921), « Discours prononcé le 9 octobre 1920 aux obsèques de M. le doyen Floquet membre titulaire », Mémoires de l’Académie de Stanislas, CLXXI, VII-XII.

Collectif (1921), Gaston Floquet, professeur et doyen, 1847-1920, Nancy, J. Coubé & fils.

Vogt Henri (1921), « Notice sur la vie et les travaux de Gaston Floquet », Bulletin de la Société des sciences de Nancy.

Rollet Laurent & Nabonnand Philippe (2011), « La carrière du mathématicien Gaston Floquet à Nancy : le choix de l’Est », in Fonteneau Virginie & d’Enfert Renaud (Ed.), Espaces de l’enseignement scientifique et technique, Paris, Hermann, 137-151.

Rollet Laurent & Nabonnand Philippe (2014), « Why Aerodynamics Failed to Take off in Nancy : An Unexpected Casualty of World War I », in Aubin David, Goldstein Catherine & Ritter Jim (Ed.), A War of Guns and Mathematics, États-Unis, American Mathematical Society, 351-369.

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