Hervé FAYE
Hervé FAYE (1814-1902)
Professeur de mathématiques pures et appliquées et recteur
Hervé Étienne Auguste Albans Faye est né le 1er octobre 1814 à Saint-Benoît-du-Sault (Indre). La famille paternelle de Faye est originaire du département de la Manche : son grand-père, Étienne Antoine Faye (1725-1795 ou 1801), est un bourgeois de Cherbourg, avocat en Parlement et procureur du roi. Ingénieur des ponts et Chaussées, le père d’Hervé Faye – Hervé Charles Antoine Faye (1763-1825) – participe à la campagne d’Égypte (1798-1801). À son retour, il fait face à d’importants problèmes financiers, car un de ses frères a dilapidé la fortune familiale. Issu d’une famille très aisée, il doit désormais vivre de son travail ; il est ainsi nommé ingénieur dans diverses régions françaises, dont le Berry, où il se marie, à l’âge de 43 ans. Son épouse – Jeanne Françoise Euphrasie Dubrac (1786-1850) – vient d’une famille d’avocats en Parlement mais ne dispose pas de dot. Outre l’aîné, Hervé Faye, le couple aura deux autres enfants : Frédéric Jean Isidore, décédé à l’âge d’un an, et Marie Marguerite Antoinette Félicité. Hervé Faye se marie le 23 novembre 1853 avec Christina Sophia Jungbluth (1812-1902) à La Haye. Le couple aura une fille, Marie Euphrasie Clotilde (1855-1922). Celle-ci épouse Charles Marie Lodoïs Alphand (1848-1905), chef des expropriations au Chemins de fer de l’Ouest et secrétaire du jury de l’Exposition universelle de 1889. Après la mort de son mari, elle épouse l’industriel Paul Armand Decauville (1846-1922), inventeur d’un système de chemin de fer à voie étroite et sénateur de Seine-et-Oise dans les années 1890. Hervé Faye meurt à Paris le 4 juillet 1902.
Le père d’Hervé Faye s’investit dans l’éducation de son fils : il le destine à l’École polytechnique. À l’âge de 8 ans, Faye est mis en pension en dernière année à l’Institut Brissaud à Paris. Sa scolarité est bouleversée par la mort de son père en 1825. Il reste à Paris jusqu’en 1827, année où il est envoyé, grâce à l’intervention du général Charles Nicolas Thurot, au collège d’Haguenau près de Strasbourg. À partir d’octobre 1831, il prépare les concours d’accès aux grandes écoles à l’Institut Mayer à Paris : la scolarité est très onéreuse et c’est son oncle, Auguste Albans Dubrac, qui y pourvoit partiellement ; dans les années suivantes, Faye essuira de nombreuses réclamations de cette institution en raison d’impayés. Faye est admis à l’École polytechnique en 1832, à l’âge de 18 ans, avec le statut de boursier. Ses études à l’École polytechnique sont brutalement interrompues au bout d’un an et demi : le 13 avril 1834, il est en effet renvoyé pour n’être pas rentré le soir et n’avoir pas donné de ses nouvelles. Selon ses biographes, à cette époque, Faye est un républicain ardent et l’un des plus notoires agitateurs de l’école. Cette absence est la conséquence de son incarcération lors des manifestations républicaines qui précèdent le massacre de la rue Transnonain, le 14 avril 1834. Il est libéré à la fin du mois de juillet 1834.
À partir d’octobre 1834, Faye donne alors des cours particuliers tout en préparant le concours d’entrée à l’École des Mines. En novembre, il intègre l’école, mais démissionne quelques mois plus tard en avril 1835. Il traverse à cette période une crise religieuse. Il gagne sa vie en donnant des leçons grâce aux élèves qui lui sont envoyés par deux enseignants de l’École polytechnique : Félix Savary, professeur d’astronomie et de géodésie, et Jacques Babinet, mathématicien, physicien et examinateur des élèves. En 1835, Savary lui propose un emploi dans la région de Bordeaux, au sein de la Compagnie générale de dessèchement qui est chargé d’aménager 12 000 hectares de terres. Faye partage sa vie entre Paris et la région bordelaise jusqu’en 1838. À cette date, son oncle lui propose alors une association pour développer en Hollande le système Fonvielle de filtration des eaux de rivière. Faye est chargé de l’argument de vente auprès des administrations et des clients potentiels. Mais, de toute évidence, ce travail ne le satisfait pas : depuis son passage à l’École polytechnique, grâce notamment aux cours de Savary et Babinet, Faye s’intéresse en effet de plus en plus à l’étude de l’astronomie et se fait régulièrement envoyer des ouvrages sur le sujet par sa mère.
En 1840, l’exploitation commerciale du système de filtrage périclite. Faye reprend alors contact avec son camarade de promotion Ernest Laugier, qui est par ailleurs le beau-frère de Babinet. En juin 1834, Laugier avait démissionné de l’École polytechnique pour entrer à l’Observatoire de Paris comme élève-astronome. Il lui fait donc découvrir l’Observatoire et le présente à François Arago. À cette époque, l’Observatoire est dirigé par le Bureau des longitudes, et Arago, qui en est membre, est chargé de recruter les élèves-astronomes. Bien qu’il trouve Faye un peu âgé, Arago lui conseille à de postuler pour une place vacante. On imagine que la formation polytechnicienne, l’appréciation de Babinet et de Savary et les compétences industrielles et techniques de Faye constituent des arguments en faveur de sa candidature : en effet, le recrutement de Faye se fait au moment de l’installation à l’Observatoire d’un nouvel appareil, le cercle mural, fabriqué par Henri Gambey, un important fabricant d’instruments de précision que Faye a rencontré par l’intermédiaire de Babinet. Cependant, Faye n’est nommé qu’en octobre 1842 ; cette attente lui permet de confirmer son intention de devenir astronome : « si je réussis dans cette nouvelle carrière », écrit-il à sa tante en août 1842, « je ne me rappellerais ces deux cruelles années que pour me confirmer dans la ferme résolution que j’ai de faire rapidement mon chemin ».
De 1842 à 1854, Faye travaille intensément à l’Observatoire : il participe aux travaux collectifs d’observations méridiennes et réalise, en cinq ans, 10 000 observations aux cercles muraux. Son nouveau métier lui donne l’espoir de sortir de l’inquiétude pour son avenir et de près de dix ans d’angoisse financière. Le 22 novembre 1843, Faye découvre une comète à courte période de 7 ans, nommée « 4P/Faye ». Ces objets célestes soulèvent à cette époque de nombreuses questions : prévision de leur apparition, détermination de leur constitution physique et de leurs relations avec les planètes du système solaire. Les nouveaux instruments, qui donnent une précision accrue dans les mesures, permettent d’en observer beaucoup et leur découverte est très considérée dans le monde de l’astronomie. Pour cette découverte, Faye obtient le prix Lalande d’astronomie de l’Académie des sciences en 1844. Trois ans plus, en janvier 1847, il est élu à l’académie. À l’Observatoire, Faye poursuit ses efforts de perfectionnement des instruments astronomiques. En 1846, il conçoit une lunette et un collimateur zénithal pour fixer à la fois l’heure et la latitude, objet qui a des applications immédiates en géodésie. Pendant ces années, il s’éloigne progressivement d’Arago : si, en politique, Faye reste proche du républicanisme, sur le terrain astronomique, il demeure longtemps sous l’aile protectrice d’Urbain Le Verrier, plus proche des idées conservatrices et en conflit direct avec Arago. Les intérêts pour les applications font de Faye un candidat potentiel pour le Bureau des longitudes mais ses mauvaises relations avec Arago y font obstacle. Pour des raisons complexes, Faye démissionne de l’Observatoire de Paris en mars 1852. Depuis novembre 1851, il est professeur de géodésie à l’École polytechnique, où il remplace Michel Chasles. Faye est alors proche du ministre de l’Instruction publique, Hippolyte Fortoul, qui soutient Le Verrier. En démissionnant de l’Observatoire, Faye quitte une carrière d’astronome pour embrasser une carrière d’enseignant. Parallèlement à ses enseignements à l’École polytechnique, Faye est chargé de cours à la Faculté des sciences de Paris : en mars 1853, on lui confie le cours d’astronomie mathématique et, durant l’année 1853-1854, il est chargé du cours d’astronomie physique.
Après la mort d’Arago en octobre 1853, divers changements importants ont lieu au sein de l’Observatoire de Paris ainsi qu’au Bureau des longitudes : ce dernier perd la tutelle de l’Observatoire en 1854. Fortoul nomme alors Le Verrier à la direction de l’Observatoire et, en février, Faye est nommé astronome-adjoint. Mais, venant de se marier, il préfère les « bienfaits de la sécurité » que lui procure la situation d’enseignant et accepte, en août 1854, la chaire de mathématiques pures et appliquées à la Faculté des sciences de Nancy nouvellement créée. Il est par ailleurs nommé recteur de la nouvelle Académie de Nancy.
Faye prend ses fonctions le 1er septembre 1854 et emménage au tout début du mois de janvier 1855 dans un logement situé place de la Carrière. Tant qu’il est à Nancy, les cours de sciences ont lieu place Dombasle dans l’actuel bâtiment de la Bibliothèque municipale de Nancy. Ces locaux semblent tout à fait suffisants ; il n’y a alors que très peu d’élèves et les professeurs ne donnent généralement que deux heures de cours par semaine. Au début de l’année 1855, la Faculté des sciences de Nancy ne compte que trois autres professeurs : le doyen Dominique Alexandre Godron*, chargé du cours d’histoire naturelle, Jérôme Nicklès*, titulaire de la chaire de chimie, et le physicien Jules Chautard*, qui vient de remplacer Jean-Marie Seguin*.
Dès sa nomination, en tant que recteur, Faye s’investit beaucoup pour procurer aux facultés des bâtiments convenables. Henri Buquet, le maire de la ville, souhaite construire « un palais » pour les facultés, « car là dépend l’avenir de Nancy ». En novembre 1854, trois projets de l’architecte municipal Prosper Morey sont discutés : le premier propose d’agrandir le bâtiment de la place Dombasle, le deuxième se situe sur la place de Grève (place Carnot) à l’emplacement du pensionnat Saint-Léopold, le troisième sur le cours Léopold. En janvier 1855, Faye prend position pour le second projet en y adjoignant l’idée d’un transfert du jardin botanique. Faye donne une image enthousiaste de son projet : « Je ne connais en Europe rien de supérieur à ce plan, si ce n’est le palais des Tuileries, avec son jardin […]. Ce nouveau jardin botanique [à Nancy], avec ses grilles, ses avenues d’arbres exotiques et indigènes, ses bassins, sa statue du général Drouot, sa serre vitrée et son Aquarium, son Orangerie, ses parterres de plantes d’étude et de plantes d’outremer, et ses vergers d’acclimatation, serait une des plus belles promenades publiques de l’Europe, s’il se trouvait aussi en pleine Ville, annexé au palais des facultés. L’ancien jardin, au contraire, est à peu près invisible et inaccessible, à tel point qu’après deux voyages à Nancy, c’est à Paris seulement que j’en ai appris l’existence ». On voit ainsi le plein engagement de Faye dans l’aménagement des facultés. La réaction immédiate de Buquet est positive, mais ce projet de jardin ne se concrétise pas.
Le 14 janvier 1855, un incendie ravage le domicile de Faye. La cause probable du sinistre est l’absence de ramonage dont la charge incombait normalement à la municipalité de Nancy. Faye est d’autant plus choqué par cet événement que sa femme est alors enceinte de cinq mois. En conséquence, il supplie le jour même le ministre de l’Instruction publique de l’autoriser à quitter immédiatement son poste. Buquet essaye de le retenir en invoquant le caractère exceptionnel et rare du poste qu’il occupe. Reparti à Paris, Faye reprend finalement son poste à Nancy quelques semaines plus tard.
À partir de ce moment, il s’investit alors dans la mise en place d’enseignements de sciences appliquées, qui doivent accompagner l’installation des nouvelles facultés en France. Jusqu’en 1854, ces enseignements étaient prodigués dans les lycées : les municipalités finançaient des cours complémentaires de géométrie, de géométrie descriptive, de mécanique et de dessin. Mais la renaissance d’un système de facultés reconfigure en profondeur le paysage et le ministère de l’Instruction publique, en délivrant des brevets, entend s’appuyer plutôt sur les compétences des universitaires et reprendre, au moins partiellement, le contrôle de ce système d’enseignement. Constatant que la moitié des élèves de ces écoles travaillent dans les secteurs du commerce et de l’industrie, Faye affirme à l’appui du projet que « les grandes Compagnies industrielles, les Administrations publiques ou privées aimeront à recruter leur personnel et leurs chefs de travaux parmi des jeunes gens capables de lever un plan avec exactitude, de faire une analyse chimique avec précision, de calculer l’effet utile d’une machine, d’écrire nettement un rapport, et dont les preuves de capacité auront été faites officiellement, en public, par devant des juges compétents et désintéressés […] Entre un solliciteur sans titre et un candidat pourvu d’un brevet officiel de capacité, quel chef industriel hésitera ? ». Faye obtient ainsi de Fortoul qu’une collection complète de modèles de topographie du Dépôt de la Guerre soit donnée à la faculté de sciences. L’école ouvre officiellement à la rentrée 1855. Il faut souligner qu’il ne s’agit pas d’une création nouvelle, puisque Faye ne fait qu’officialiser des fonctions préexistantes. Faye rappelle que l’avantage d’instituer à Nancy cet enseignement nouveau, est qu’il n’entraîne « presque aucune augmentation de frais pour la ville, grâce à nos facultés ». Faye a ainsi déjà obtenu le concours d’Alexandre Mélin*, professeur des travaux graphiques au lycée, de Pierre Parisot, professeur à l’école de médecine et de l’architecte Morey. Les professeurs de la faculté des sciences participent à ces cours qui connaîtront un grand succès.
En tant que recteur, Faye s’investit fortement dans l’organisation administrative et institutionnelle de l’université. Ainsi, il propose en 1856 d’intégrer dans l’université une école de droit qui avait connu une existence éphémère après la Révolution française. Cette proposition s’inscrit dans un projet plus général de réorganisation du système d’enseignement supérieur en Lorraine qui suscite de vives polémiques avec les élites scientifiques et politiques locales. En effet, son projet prévoit ni plus ni moins que le transfert de la Faculté des sciences de Nancy vers Metz. Le projet de Faye s’appuie sur des arguments, courants à l’époque, concernant la haute valeur scientifique et industrielle de Metz et de ses environs. Dans un rapport envoyé au ministre de l’Instruction publique en avril 1857, Faye écrit ainsi : « Quelque part qu’on place la faculté des sciences, Metz n’en restera pas moins une ville scientifique et industrielle, et Nancy une ville de loisirs littéraires. On aura beau publier des délibérations municipales, adresser des mémoires au Gouvernement, invoquer les vieux souvenirs d’une prépondérance évanouie, faire appel aux vieilles rancunes de clocher, tout cela ne donnera pas un étudiant de plus à la Faculté des sciences de Nancy. Cette faculté ne sera jamais qu’une parure pour Nancy ; elle est pour Metz une nécessité ». Un rapport adressé au ministre de l’Instruction publique en juin 1857 fait allusion à une discussion sur ce possible transfert lors d’une séance de l’Académie de Stanislas à la suite de laquelle Faye, alors vice-président, aurait démissionné.
Ces affirmations compromettent l’autorité de Faye en tant que recteur et suscitent une enquête du ministère. Nicolas Louis Marie Artaud, un des trois inspecteurs généraux chargés de cette enquête, explique le positionnement de Faye en juin 1857 en invoquant son parcours de carrière, atypique pour un recteur : « Si maintenant nous envisageons l’ensemble de son administration, alors il nous paraît s’être préoccupé surtout des besoins de l’enseignement supérieur, et avoir porté son attention sur les facultés bien plus que sur les établissements d’instruction secondaire. Sa vie a été toute entière vouée aux sciences, et son réel est l’École polytechnique qu’il connaît bien mieux que l’École normale supérieure et que l’Agrégation, ces deux services vitaux du recrutement universitaire. Aussi, lorsqu’il a eu à chercher des suppléants pour des chaires vacantes, il s’est adressé d’abord à des ingénieurs, à des officiers d’artillerie et du génie, enfin à toutes les provenances de l’École polytechnique, et il a complétement oublié le corps enseignant ».
Sur le fond, la proposition de Faye repose sans doute sur deux idées : d’une part, un enseignement supérieur scientifique doit se fonder sur des institutions existantes et Metz, avec son École d’application de l’artillerie et du génie ou son école régimentaire, offre selon lui de bien meilleurs atouts que Nancy. D’autre part, de par sa situation géographique transfrontalière, Metz est susceptible d’attirer un plus grand nombre d’étudiants. À ces arguments s’ajoutent les difficultés considérables rencontrées par Faye pour installer convenablement les bâtiments de l’université. Dans ses correspondances au ministre, Faye rappelle que, depuis son installation à Nancy, il s’efforce de faire avancer, sans succès, le projet de construction d’un palais des facultés. Il rend la municipalité largement responsable de cet échec : le développement universitaire autorise la ville à contracter des emprunts dans des conditions favorables et elle profite, selon lui, de celles-ci pour masquer des dépenses importantes de développement urbain sans rapport avec l’enseignement supérieur (salle de concert, salon de réception, rénovation des portes de la ville, etc.). Face à ce qu’il considère comme un détournement de l’intérêt public, Faye écrit au ministre qu’il a été écarté des processus de décision et se plaint de l’affaiblissement de son rôle de représentant de l’État en province. Pour autant, malgré son fort tempérament – un rapport d’Alfred Magin-Marrens le compare par exemple à un « Jupiter Tournant » – les autorités nancéiennes se félicitent d’avoir pour recteur un membre de l’Institut d’une grande valeur. L’enquête menée sur Faye conclut que son autorité n’est pas compromise à Nancy : Magin-Marrens estime qu’il lui « semble difficile de décider s’il est un bon ou un médiocre administrateur. Il se juge lui-même défavorablement et répète à qui veut l’entendre […] qu’il n’est pas fait pour conduire des hommes et pour lutter contre des élèves, que son but est la science et l’étude et qu’il n’espère qu’à les retrouver, pour rentrer dans le calme et le repos que l’administration lui a fait perdre ».
En mai 1857, Faye demande au ministre à être « honorablement rappelé à Paris » ; en juillet 1857, le ministre Gustave Rouland le nomme inspecteur général de l’Instruction publique pour l’enseignement général, en remplacement de Pierre Henri Blanchet. Faye reviendra encore à Nancy, mais ce ne sera que pour exercer son travail d’inspecteur. C’est Charles Marie Dunoyer qui lui succède en tant que recteur.
À partir de cette date, Faye va cumuler de nombreuses fonctions et responsabilités en rapport avec l’enseignement. Il reste inspecteur général de l’Instruction publique jusqu’en novembre 1877, date à laquelle il est nommé inspecteur général pour l’enseignement supérieur des sciences, en remplacement de Le Verrier. Durant le Second Empire, à partir de 1864, il est également membre du conseil impérial de l’Instruction publique. En 1873, il remplace Charles-Eugène Delaunay à l’École polytechnique et professe pendant vingt ans le cours d’astronomie, géodésie et topographie. Enfin, il est un éphémère ministre de l’Instruction publique dans le Gouvernement de Gaëtan de Rochebouët, de novembre à décembre 1877.
Le parcours scientifique de Faye est particulièrement riche. Ses travaux couvrent un grand nombre de domaines. Comme on l’a vu, il commence sa carrière dans l’industrie et manifeste un grand intérêt pour le développement des techniques astronomiques. Il encourage, entre autres, en 1872, l’utilisation de la photographie pour l’observation du passage de Vénus. Ses travaux sont cependant essentiellement théoriques : il propose, par exemple, une théorie de la formation des queues de comètes ainsi qu’une théorie rationnelle de la constitution physique du Soleil. Celle-ci postule que le Soleil est une sphère gazeuse animée d’importants mouvements de convection et que les tâches solaires sont des trous animés de mouvements cycloniques internes. Faye étudie d’ailleurs également différents phénomènes météorologiques, dont les tempêtes, les orages, la formation de la grêle, les cyclones et les trombes.
La géodésie constitue un des grands domaines d’études de Faye : il connaît les travaux réalisés à l’étranger sur les déviations de la verticale du fil à plomb, notamment ceux des savants anglais, George Biddell Airy et John Henri Pratt, ainsi que ceux des Allemands, Carl Friedrich Gauss, Wilhelm Struve et Friedrich Wilhelm Bessel. Ces travaux sont alors particulièrement importants parce qu’ils posent la question de la structure interne de la Terre : en effet, si la Terre était un corps homogène, le fil à plomb devrait être dévié de la verticale à proximité d’une masse selon une quantité qu’on peut estimer par le calcul. Or on constate des anomalies qu’on attribue aux structures géologiques de certains terrains. Les préoccupations de la géodésie rejoignent alors celle de la géologie. Depuis son admission au sein du Bureau des longitudes en 1862, Faye encourage ainsi les membres de cette institution à étudier les relations entre nivellement géodésique et reconnaissance géologique, afin de calculer les déviations produites par les attractions locales dans la direction de la pesanteur. Il engage de ce fait le Bureau à soutenir les officiers du Dépôt de la Guerre qui souhaitent revoir leurs méthodes géodésiques et changer également leurs instruments de mesure angulaire. C’est donc grâce à Faye que le Bureau promeut la correction de la longueur de l’arc de méridien français et son prolongement jusqu’en Algérie (1870-1892). De même, au sein du Bureau des longitudes, Faye fait en sorte que la France s’associe à la Mittel-Europäische Gradmessung (qui deviendra ensuite l’Association internationale de géodésie), qui jouera un rôle de premier plan dans le développement de la géodésie et de la métrologie en Europe et dans le monde au cours du 20e siècle. Aujourd’hui, on se souvient de Faye surtout pour sa correction – appelée correction de Faye ou correction à l’air libre – du deuxième terme de la formule de Pierre Bouguer qui donne l’intensité de la pesanteur en fonction de l’altitude du point considéré, sans tenir compte de la contribution des couches situées entre les deux points.
Au cours de sa carrière, Faye publie un très grand nombre d’articles : plus de 200 notes dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences auxquels s’ajoutent des travaux publiés dans les Annales de chimie et de physique, les Astronomische Nachrichten, la Connaissance des temps, l’Annuaire du Bureau des longitudes, les Mémoires de l’Académie de Stanislas et des revues de vulgarisation scientifique, comme Cosmos et Les mondes. Par ailleurs, alors qu’il travaille à l’Observatoire de Paris, dans les années 1846-1848, Faye traduit en français l’ouvrage d’Alexandre von Humboldt, Cosmos, essai d’une description physique du monde. Faye publie également ses cours, réédités à de nombreuses reprises : ses Leçons de cosmographie rédigées d’après les programmes officiels d’admission à l’École polytechnique et à l’École de Saint-Cyr (1852), son Cours d’astronomie à l’École polytechnique (1874) et son Cours d’astronomie nautique (1880). Son ouvrage Sur l’origine du monde, théories cosmogoniques des anciens et des modernes (1884), dans lequel il développe et améliore la théorie cosmologique de Laplace, connaîtra quatre éditions.
Faye préside le Bureau des longitudes durant près de 20 ans (1874-1893). Il est président de l’Académie des sciences en 1872 et joue un rôle moteur au sein du Conseil de l’Observatoire de Paris (1883-1892). Il est par ailleurs membre de plusieurs académies et sociétés savantes internationales : l’Association géodésique internationale, qu’il préside de 1891 à sa mort, la Société royale de Londres, l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, l’Academia dei Lincei de Rome, l’Académie impériale des sciences de Berlin, l’Académie impériale des Sciences de Russie et l’Académie américaine des arts et des sciences de Cambridge (Massachussetts). Faye est titulaire de la Légion d’honneur : chevalier (1847), officier (1855), commandeur (1870) et grand officier (1889). Il est par ailleurs décoré de l’Ordre du Christ au Portugal et de l’Ordre de la Rose au Brésil.
Martina Schiavon
Bibliographie
Faye Hervé (1847), Note sur les travaux astronomiques, Paris, impr. de Bachelier.
___ (1852), Leçons de cosmographie rédigées d’après les programmes officiels d’admission à l’École polytechnique et à l’École de Saint-Cyr, Paris, L. Hachette.
___ (1854), Résumé du cours de géodésie École impériale polytechnique, 2e division, 1853-1854, [S.l.], [s.n.].
___ (1872), Sur la situation actuelle du Bureau des longitudes, Paris, Gauthier-Villars.
___ (1872), Rapport sur le rôle de la photographie dans l’observation du passage de Vénus Brochure, [s.l.], Academie des sciences.
___ (1874), Cours d’astronomie professé à l’École polytechnique 1873-1874, Paris, [s. n.].
___ (1877), Sur les orages et sur la formation de la grêle, Paris, Gauthier-Villars.
___ (1880), Cours d’astronomie et de géodésie.
___ (1880), Cours d’astronomie nautique, Paris, Gauthier-Villars.
___ (1884), Sur l’origine du monde théories cosmogoniques des anciens et des modernes, Paris, Gauthier-Villars.
___ (1887), Sur les tempêtes théories et discussions nouvelles, Paris, Gauthier-Villars.
___ (1897), Nouvelle étude sur les tempêtes, cyclones, trombes ou tornados, Paris, Gauthier-Villars et fils.
Faye Hervé, Benoît Charles, et al. (1855), Académie de Stanislas séance publique du 31 mai 1855 discours de réception de MM. Faye, Benoît et Burnouf réponse de M. Paillart, président, Nancy, Grimblot et Veuve Raybois.
Faye Hervé, Poincaré Henri, Loewy Maurice, et al. (1902), Rapport au nom de la Commission chargée du contrôle scientifique des opérations géodésiques de l’Équateur, Paris, Gauthier-Villars.
Humboldt Alexander von (1844), Cosmos, essai d’une description physique du monde, Paris, Gide et J. Baudry. Traduction par Hervé Faye.
Sources d’archives
Archives municipales de Nancy : Installation des facultés en 1854, dossier 1 R 318.
Archives nationales : dossier de carrière (F/17/25776). Ce dossier contient notamment les enquêtes sur Faye menées par Nicolas Louis Marie Artaud et Alfred Magin-Marrens en juin 1857. Rapport de Faye au ministère de l’Instruction publique et des cultes concernant le transfert de la Faculté des sciences de Nancy à Metz et les problèmes de construction de bâtiments universitaires nancéiens, 11 avril 1857 (F/17/14526). Dossier de Légion d’honneur (LH/949/34).
Sources secondaires
Boistel Guy, Le Gars Stéphane & Le Lay Colette Ed. (2014), Hervé Faye (1814-1902) ou l’art de la rupture, Numéro spécial du Bulletin de la Société des amis de la bibliothèque et de l’histoire de l’École polytechnique, n° 55.
Bolmont Étienne (2007), « L’implantation de la Faculté des sciences à Nancy (1808-1862) », in Rollet Laurent & Choffel-Mailfert Marie-Jeanne, Aux origines d’un pôle scientifique : faculté des sciences et écoles d’ingénieurs à Nancy du Second Empire aux années 1960, Nancy, Presses Universitaires de Nancy.
Caplat Guy, Havelange I., Huguet F., et al. Ed. (1986), Les inspecteurs généraux de l’Instruction publique. Dictionnaire biographique, Paris, INRP & CNRS.
Condette Jean-François (2006), Les recteurs d’académie en France de 1808 à 1940. Tome II : Dictionnaire biographique, Lyon, INRP.
Collectif (1999), « Faye, Hervé, Étienne, Auguste, Albans », in Leclant Jean, Le second siècle de l’Institut de France 1895-1995, recueil biographique et bibliographique des membres, associés et étrangers, correspondants français et étrangers des cinq académies, Paris, Institut de France, 491-492.
Kovalevsky J. (1971), « Faye, Hervé », in Gillispie Charles Coulston, Dictionary of Scientfic Biography, New-York, Charles Scribner’s Sons, 555.
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