François CROZE
François CROZE (1884-1966)
Professeur de physique
François Croze est né le 11 juin 1884 à Courpière, commune du Puy-de-Dôme située à l’est de Clermont-Ferrand. Il se marie à Paris en juin 1911 avec Louise Rouquet. Le couple a trois enfants, Louise Marie Francine, née en 1912 et décédée à l’âge de sept ans, puis Jean-Louis, né en 1918 et Marcel en 1921. Marcel, polytechnicien, sera connu pour ses travaux démographiques et statistiques. François Croze décède à Olliergues (Puy-de-Dôme) le 9 août 1966.
Après son service militaire accompli de novembre 1903 à septembre 1904, François Croze obtient en 1908 la licence de sciences physiques à la Faculté des sciences de Clermont-Ferrand. Il entre en tant qu’astronome stagiaire en juillet de la même année à l’Observatoire de Meudon, où il reste jusqu’en septembre 1909. En 1910, il obtient une bourse de doctorat à la Faculté des sciences de Paris, prolongée de 1911 à 1913 par une bourse Commercy. Tout en préparant sa thèse, il fait fonction de préparateur au lycée Charlemagne pendant quelques mois à partir de janvier 1911, puis en août de la même année il est nommé astronome stagiaire à l’Observatoire de Paris. Il soutient sa thèse en juin 1913 : Recherches expérimentales sur les spectres d’émission des gaz. Gabriel Lippmann, Edmond Bouty et Jean Perrin lui attribuent la mention très honorable. En 1914, il reçoit une aide de 3 000 francs du fonds Bonaparte pour lui permettre de continuer ses travaux de spectroscopie.
Au moment de la mobilisation, Croze interrompt au bout de huit jours une mission en Russie pour la détermination de la différence de longitude entre Paris et Pulkowo. Il est alors affecté à l’hôpital de Saint-Flour puis à un service de radiologie. À la 13e section d’infirmiers militaires à Vichy, il crée un atelier pour la réparation des ampoules à rayons X. En mars 1916, il y est victime d’un accident dû à l’explosion d’une lampe, qui le prive d’un œil et lèse gravement l’autre, puisqu’il perd son cristallin. Devenu quasiment aveugle, il est réformé en 1917 et bénéficie alors d’une pension.
Encouragé par une expérience d’enseignement de spectroscopie à la Sorbonne fin 1913 où il présente ses plus récentes découvertes, Croze se décide à postuler pour un poste de maître de conférences, malgré sa mise en première ligne sur la liste d’aptitude aux fonctions d’aide-astronome, mais certainement conscient de son handicap de la vision pour assurer ces fonctions. Recommandé par Aimé Cotton et Lippmann, appuyé par Lucien Poincaré, alors directeur de l’enseignement supérieur, il est nommé chargé des fonctions de maître de conférences à la Faculté des sciences de Nancy en novembre 1916, où il contribue à remplacer les professeurs mobilisés. Cet investissement dans l’enseignement l’éloigne temporairement de la recherche.
Après la guerre, il peut enfin se consacrer à des travaux personnels dans des recherches plus théoriques qu’expérimentales, ces dernières rendues impossibles à cause de sa vue très affaiblie. Croze est nommé chargé de cours en novembre 1919, remplaçant Edmond Rothé* parti à Strasbourg. En février 1920, il est nommé maître de conférences, il remplace Eugène Darmois nommé à la chaire de physique qu’occupait Rothé*, puis il devient professeur adjoint en mai de la même année. Il reste maître de conférences jusqu’en mars 1927, date à laquelle il est élu en première ligne devant Albert Grumbach* au poste de professeur de physique laissé vacant par le départ d’Eugène Darmois* à Paris. Il est chargé du cours d’astronomie, mais enseigne aussi la spectroscopie à l’Institut d’optique de Paris où il demeure. Nommé maître de conférences à la Faculté des sciences de Paris, il quitte Nancy en décembre 1933. Il est nommé professeur sans chaire un mois plus tard, en Physique. Croze devient finalement professeur en juin 1942, à la chaire de physique théorique et physique céleste qu’occupait Georges Bruhat. Promu à la classe exceptionnelle en janvier 1953, il prend sa retraite en juin 1954.
Nommé en 1916 à Nancy à la demande du doyen Gaston Floquet*, il assure les enseignements d’Antoine Guntz* ainsi que ceux que Rothé* a quittés pour cause de mobilisation. Il ne reste alors en physique que le chef de travaux d’électrotechnique Henri Delatour* et Alexandre Faillot* professeur au lycée, alors que René Fortrat*, chargé de conférences est en congé de maladie depuis début 1916. Croze enseigne alors à lui seul la physique et participe aussi à l’enseignement de mathématiques spéciales au lycée de la ville. Dans la notice de ses titres et travaux scientifiques qu’il rédige en 1942, il souligne les mauvaises conditions de travail ; la ville est alors fréquemment bombardée par les Allemands. Après la guerre, son service d’enseignement reste lourd, une partie du cours de Physique, des conférences à l’Institut électrotechnique et un cours de météorologie qu’il a renouvelé tout en réorganisant le service météorologique. En 1927, la transformation de ce dernier cours en cours d’astrophysique lui permet de revenir à son orientation première. À cette date, en tant que professeur, il met en place un certificat de physique supérieure, et peut alors enseigner la physique théorique, la structure des atomes et molécules et leur rayonnement. En 1930, il organise une préparation à l’agrégation qui devient son service principal jusqu’en 1933.
Pendant ces années, il conduit des travaux personnels en rapport avec ses cours, en optique, sur la théorie de la relativité, et il revient à la spectroscopie, notamment solaire et stellaire. Il travaille fréquemment avec son collègue Georges Darmois. Il dirige des thèses remarquées comme celles de Constantin Mihul en 1928 et de Jules Gilles en 1930. Il laisse à Nancy le souvenir d’un excellent professeur, très actif dans la recherche, avec un « esprit philosophique et scientifique à la fois » comme le souligne le recteur Charles Adam en 1923, mettant en avant son analyse critique des théories d’Einstein, analyses qui « battent en brèche la théorie » ! Le même recteur justifie en 1927 sa nomination à la chaire de physique devant Grumbach*, grâce à son action et son autorité sur les étudiants, à ses qualités de directeur du laboratoire et au renom international que lui confèrent ses travaux de recherche. Cependant, en 1931, le recteur Louis Bruntz regrette qu’il habite à Paris et ne consacre que deux à trois jours par semaine à la faculté, ne pouvant ainsi jouer le rôle d’un « véritable chef de service, en contact journalier, dans son laboratoire, avec son personnel et ses élèves ».
François Croze a centré ses recherches en astrophysique et optique. La spectroscopie est pour lui une clé de compréhension de la nature des astres. Il aurait trouvé cette voie lors du passage de la comète Morehouse en 1909, dont le spectre présentait des bandes d’origine inconnue, comme la plupart des spectres stellaires. Le sujet de sa thèse émerge alors, avec une étude des spectres de différents gaz, dans l’optique d’une application à l’astrophysique de ses résultats. Il s’appuie sur l’étude de l’effet Zeeman sur les spectres et ses recherches sont facilitées par la mise à disposition par Aimé Cotton du grand électroaimant du laboratoire de l’École normale supérieure. Il se montre en désaccord avec les résultats de l’Allemand Friedrich Paschen, à cette époque considéré comme la référence en la matière, au point qu’un de ses collègues conseille à Croze d’abandonner ; mais ce dernier montre la supériorité de ses dispositifs sur ceux des Allemands. Ce travail est reconnu par Pieter Zeeman lui-même, par Niels Bohr en 1914, puis par Arnold Sommerfeld en 1916.
Après la guerre, il reprend ses recherches en liaison avec les cours qu’il donne. Il approfondit ainsi certains points d’optique sur le principe de Fermat et sur le principe d’Huygens, ici avec Georges Darmois. À cette époque, il contribue aux vérifications astronomiques de la théorie de la relativité, dans un premier temps avec une posture critique. Il n’abandonne pas la partie expérimentale, il enseigne la spectroscopie instrumentale, en examinant certains problèmes de l’optique du spectroscope. Avec son élève Jules Gilles, il s’intéresse au spectre de l’azote, mais ils sont battus deux fois de vitesse par l’Anglais Alfred Fowler qui publie avant eux sur les mêmes recherches. Un de ses autres élèves, Constantin Mihul, oriente ses recherches sur l’oxygène, mais là aussi, la compétition avec Fowler se montre acharnée. Grâce au grand électroaimant de Cotton, ils arrivent à des résultats inédits sur le spectre de l’ozone ce qui conduit à la thèse de Mihul en 1928. Grâce à leurs travaux, ils élucident le problème du nébulium, élément dont on avait présumé l’existence par l’étude des spectres des nébuleuses, mais qui se révèle en réalité un effet d’intercombinaison dans les raies de l’oxygène ionisé. En 1930, pour ne pas marcher sur les plates-bandes de Fowler, Gilles étudie les spectres du soufre et présente sa thèse.
Si l’essentiel de ses travaux personnels continue à se rapporter à l’optique théorique, il retrouve à Paris son ancien préparateur de Nancy, Pierre Jacquinot et il publie avec lui sur les effets Zeeman anormaux, apportant une contribution à la théorie de Sommerfeld, qui avait été contestée par Gerhard Hansen et Karl Försterling en 1923. Cette collaboration avec Jacquinot conduit à la thèse de ce dernier en 1937, grâce au grand électroaimant de l’Académie des sciences que Cotton avait réalisé.
L’Académie des sciences lui attribue le prix Hughes en 1926 pour ses travaux de spectroscopie. La même année, il reçoit le prix Félix Robin de la Société de physique. En 1932, la Société de photographie lui attribue le prix Ancel. En novembre 1937, il devient chevalier de la Légion d’honneur. En 1942, il reçoit le prix de La Charlonie de l’Académie des sciences, puis en 1946, le prix La Caze pour l’ensemble de ses travaux d’astrophysique.
Étienne Bolmont
Bibliographie
François Croze a publié une cinquantaine d’articles, dont une grande majorité concerne la spectroscopie et ses applications à l’astronomie. Il publie aussi avec ses collègues comme Georges Darmois et Aimé Cotton, mais aussi avec ses étudiants en thèse, Constantin Mihul, Jules Gilles et Pierre Jacquinot. Douze articles concernent l’optique théorique à propos des principes d’Huygens et de Fermat, sept la relativité générale et ses preuves astronomiques.
Croze François (1910), « Prolongement des spectres de bandes des gaz carbonés dans le rouge extrême et l’infrarouge », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 150, 1672-1673.
___ (1913), « La classification des spectres d’après leur structure et leurs variations magnétiques », Journal de physique, 3, 882-900 et 962-970.
___ (1913), Recherches expérimentales sur les spectres d’émission des gaz usuels, Gauthier-Villars.
___ (1916), « La structure des spectres de lignes », Revue générale des sciences, 27, 395-405.
___ (1917), « Le phénomène de Zeeman et les séries spectrales », Revue générale des sciences, 28, 153-154.
___ (1917), « La structure des spectres de bandes », Revue générale des sciences, 28, 70-78.
___ (1923), « Le principe d’Huygens », Bulletin de la Société de physique, section de Nancy.
___ (1923), « La théorie de la Relativité est-elle confirmée par l’expérience ? », Bulletin de la Société industrielle de l’Est.
___ (1923), « Les raies du spectre solaire et la théorie d’Einstein », Annales de physique, 19, 198-221.
___ (1923), « Remarques sur le déplacement vers le rouge des raies de Frauenhofer », Bulletin de la Société de physique.
___ (1924), « Sur la structure du spectre des lignes de l’azote », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 179, 1603-1605.
___ (1925), « Sur le déplacement spectral d’Einstein », Bulletin de la Société de physique, section de Nancy.
___ (1925), « Sur la structure du spectre de lignes de l’oxygène ionisé », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 180, 277-279 et 432.
___ (1926), « Les preuves astronomiques des théories de la relativité », Revue générale des sciences, 37, 389-400 et 421-430.
___ (1934), « Sur l’optique du spectroscope », Revue d’optique théorique et instrumentale, 13, 1-8.
___ (1935), Mouvements vibratoires et acoustique, Centre de documentation universitaire.
___ (1935), « Sur les formules générales de la réfraction d’un pinceau lumineux », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 200, 1580,2150.
Croze François & Boillet Pierre (1949), « Sur l’expression du Principe de Huyghens pour les ondes électromagnétiques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 228, 305.
Croze François & Chatelain P. (1920), « Le théorème de Fermat et la loi du minimum de temps en optique géométrique », Journal de physique et le Radium, 1, 178-187.
Croze François & Cotton Aimé (1925), « Orientations atomiques et phénomènes magnéto-optiques », Bulletin de la Société de physique, section de Nancy.
Croze François & Darmois Georges (1926), « La construction d’Huygens et la théorie mécanique de la propagation des ondes », Bulletin de la Société de physique, section de Nancy.
___ (1949), « Réduction à l’unité des expressions du principe de Huyghens pour les ondes électromagnétiques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 228, 824.
Croze François & Jacquinot Pierre (1936), « Sur les effets Zeeman anormaux dans les spectres atomiques », Zeeman Verhandlungen, 268-272.
Croze François & Mihul G. (1928), « Sur le spectre dit du Nébulium », Bulletin de la Société de physique, section de Nancy.
Sources d’archives
Archives nationales : dossier de carrière (F/17/20403). Deux dossiers complémentaires : une dossier contenant des informations sur ses travaux, les rapports de Cotton en 1933 et de Bruhat en 1942 (AJ/16/5736) et un dossier concernant sa nomination comme professeur en 1942 et son passage au lycée Charlemagne en 1911 (AJ/16/5884).
Registre militaire du Puy-de-Dôme, classe 1902.
Sources secondaires
Anonyme (1926), « Le prix Hughes lui est décerné (Croze) », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 183, 1174.