Charles COURTOT

1888, 1955
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Charles
Courtot
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Chimie organique
;
Texte
; par :
Virginie Fonteneau

Charles COURTOT (1888-1955)

Chargé de cours de chimie organique et chimie tinctoriale

Charles Hippolyte Courtot est né le 7 mars 1888 à Besançon. Son père, Pierre Séraphin Courtot, exerce la profession de limonadier et sa mère Maria Parrenin est sans profession. Il épouse le 20 septembre 1913 à Besançon, Marie-Thérèse Fisher, employée de commerce. De cette union naîtront deux enfants. Son fils Charles Courtot (1919-2000), né en Italie sous le nom de Carlo, ingénieur de l’École des mines de Nancy, fera carrière aux mines de potasse d’Ensisheim et sa fille Georgette (1914-2006), ancienne élève de l’École normale de Sèvres, enseignera au collège de filles d’Épinal.

Courtot fait ses études au lycée de Besançon, où il obtient le baccalauréat en 1907. Il entre ensuite à la faculté des sciences de la ville et il est licencié ès sciences en 1909, avec trois certificats (minéralogie, chimie générale, chimie industrielle). Il passe en outre, à la Faculté des sciences de Nancy en 1912, le certificat de Physique. En 1915, il soutient sa thèse intitulée Études sur la série des fulvènes, sous la direction de Victor Grignard*. En décembre 1909 il est nommé à l’Institut chimique de Nancy délégué dans les fonctions de préparateur de chimie organique sur un poste financé par les excédents des droits de travaux pratiques ; il remplace alors René Romann*. En 1912, il remplace Louis Bonnet sur un poste de préparateur à l’institut chimique, nomination qui stabilise sa position. Il conserve ce poste jusqu’en 1916 et parallèlement, d’avril 1915 à juillet 1916, il est chargé d’un cours de chimie organique et de chimie tinctoriale.

Amputé d’une jambe, Courtot n’est pas mobilisé au début de la Première Guerre mondiale. Il reste à Nancy où il rend, selon le doyen de la faculté des sciences, Gaston Floquet*, de grands services, à la fois pour permettre le fonctionnement de l’institut de chimie et de la faculté des sciences, et pour se rendre autant utile que possible en ces temps de guerre : attaché au laboratoire de pharmacie de l’Ambulance de l’École des beaux-arts, il effectue des analyses pour l’armée, sous la direction d’Antoine Guntz*. En outre, il fait des observations météorologiques et il mène des recherches sous la direction de Victor Grignard* sur un hydrocarbure utilisé pour la fabrication d’explosifs. L’institut de chimie fermant ses portes en 1916, Courtot accepte l’offre qui lui est faite de partir travailler en Italie, à Milan, dans une usine de fabrication d’explosifs. Il y fréquente Emilio Noelting (1851-1922), ancien directeur de l’École de chimie de Mulhouse et spécialiste des colorants.

En 1921, il fait une demande pour être sur la liste des candidats possibles à un poste de maître de conférences. Dans son rapport, Paul Sabatier se montre très favorable à son inscription. Courtot est chargé à partir de novembre 1921 du cours de chimie appliquée à la teinture et à l’impression à l’Institut chimique de Nancy. En avril 1924, il est nommé professeur de chimie appliquée à la teinture et à l’impression en remplacement d’Alfred Guyot*. Il enseigne à l’École supérieure des industries chimiques (nouveau nom de l’institut de chimie) mais également à l’Institut commercial de Nancy, ainsi qu’à l’École supérieure d’électricité et de mécanique, où il donne un cours sur les combustibles solides, liquides et gazeux, puis sur les matières plastiques et les isolants.

Hormis sa période italienne, c’est donc à Nancy que Courtot fait toute sa carrière. Il ne semble pas qu’il ait cherché à quitter cette ville : il s’y investit en tant que conseiller municipal, à partir de 1926 ; il devient membre ou président de diverses organisations de bienfaisance ou de culture intellectuelle, comme la Commission des finances, la Caisse des écoles, le Bureau de bienfaisance et la bibliothèque. Le recteur Louis Bruntz souligne en 1931 qu’en tant que conseiller municipal, il « sert consciencieusement les intérêts de l’Université et de tous les ordres d’enseignement ». En revanche, il n’apparaît pas dans les sociétés savantes locales, comme l’Académie de Stanislas. En 1940, resté sur Nancy, il prend l’initiative de continuer à faire fonctionner l’École supérieure des industries chimiques en tant que directeur intérimaire malgré le départ des professeurs. En 1942, en dépit de ses protestations fortes, il est remplacé à la direction par Pierre Donzelot. Il reçoit le grade de chevalier de la Légion d’honneur le 2 mai 1946, la demande soulignant que Courtot, excellent chimiste et « professeur plus que consciencieux, aurait dû la recevoir en décembre 1939 ».

Courtot est reconnu comme étant un bon professeur maîtrisant bien les techniques expérimentales, son expérience dans l’industrie est perçue comme un atout pour ses élèves comme le soulignent les rapports sur son activité. Entre 1925 et 1944, 34 thèses sont soutenues sous sa direction ; la plupart sont des thèses d’université et des thèses d’ingénieur-docteur. De lui, ses contemporains retiennent essentiellement qu’il fut l’élève de Grignard* et la fidélité de l’élève à son maître. Sous la direction de celui-ci, Courtot montre que, lors de la condensation des indènes ou fluorènes avec des aldéhydes et des cétones, il est possible grâce à l’utilisation des organomagnésiens d’isoler les fulvanols, benzo et dibenzofulvanols formés lors d’une étape intermédiaire de la réaction de formation des fulvènes. La thèse de Courtot sur la série des fulvènes est reçue comme une contribution importante, qui fait honneur à son maître, notamment par le caractère de généralité du procédé par rapport à celui de Johannes Thiele (1865-1918) et pour l’ouverture d’une piste de recherches sur la couleur puisque les fulvanols sont incolores au contraire des fulvènes. Pour ses recherches dans ce domaine, l’Académie des sciences lui octroie en 1921 une subvention de 1 500 francs de la fondation Cahours. Avec Grignard*, Courtot travaille en collaboration avec Bellet sur la nitrilation des organomagnésiens.

Après 1921, il réalise une étude systématique dans la série du fluorène, découvrant une soixantaine de nouveaux corps, étudie le sulfure de diphénylène, améliorant son obtention et préparant des dérivés, comme le séléniure et le tellurure. Il travaille à nouveau sur les organomagnésiens en montrant que le benzo- et le méthylbenzothiazol ont un hydrogène suffisamment acide pour décomposer les magnésiens aliphatiques et former eux-mêmes des magnésiens. Il étudie également la dégradation de la laine par les halogènes et la chromatibilité des colorants azoiques. Les publications de recherches signées de deux noms témoignent des collaborations qu’il a engagées et du nombre d’élèves formés. Courtot est l’auteur d’un ouvrage publié en 1926 et préfacé par Grignard* : Le magnésium en chimie organique. Il rédige les parties sur le fluorène, les composés organophosphorés, arséniés, organométalliques, du Traité de chimie organique de Grignard*, édité sous la direction de Dupont et Locquin après le décès de celui-ci. En outre, Charles Courtot s’associe à Jan Krolikowski et à la Compagnie nationale des matières colorantes et manufactures de produits chimiques du Nord réunies, Établissements Kuhlmann, pour un brevet publié en juillet 1926 ; il concerne un procédé de préparation de l’indanone avec un prix de revient inférieur aux précédents procédés et un rendement plus élevé, en effectuant une oxydation directe du chloroindane à l’aide de bichromate et d’acide sulfurique dilué.

Courtot publie ses résultats de recherches dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, le Bulletin de la Société française de chimie, les Annales de la chimie, la Revue générale des matières colorantes, ainsi que Chimie et industrie. Mais il publie également dans la Revue générale des sciences pures et appliquées un article faisant un état de la question de la chimie des colorants et qui paraît en trois parties en 1936 et 1937. Cet article s’adresse aux chimistes, et plus largement aux scientifiques et ingénieurs. Courtot y consacre une large place aux techniques physiques d’analyse (spectroscopie infrarouge, ultraviolet, Raman, rayons X) et préconise, comme utilisateur, de ne pas se limiter à une seule technique comme le font les spécialistes à la recherche de la technique, qui fournirait l’équivalent de l’empreinte digitale de chaque composé, mais de les employer de façon conjointe pour croiser et compléter les informations. Cet article témoigne de sa maîtrise de ces techniques. Émerge alors un aspect peu visible du travail mené par Courtot : cet intérêt et la maîtrise de ces outils prennent sens avec la façon dont Courtot perçoit et exprime la cohérence de ses recherches sur le long terme. Les problèmes d’isomérie et de constitution des matières intermédiaires pour colorants sont, pour lui, le fil conducteur de son travail. Or pour ces deux questions, les outils classiques d’analyse de chimie permettent difficilement de trancher là où les techniques de spectroscopie s’avèrent prometteuses, et lui permettent de travailler sur les relations entre structure et couleur, travail qu’il a amorcé sous la direction de Grignard* lors de sa thèse. En avril 1945, il devient membre correspondant de l’Académie des sciences en remplacement de Sir William Pope. En 1947, suite à plusieurs congestions cérébrales, il demande sa mise en retraite anticipée, ne pouvant plus assumer ses cours et ses recherches. Son épouse décède un an plus tard. Courtot termine sa vie en maison de repos et décède le 25 février 1955 à Nancy.

Virginie Fonteneau

Bibliographie

Courtot Charles (1915), Études sur la série des fulvènes – thèse présentée à la Faculté des sciences de Nancy, Nancy, Imprimerie de Rigot.

___ (1926), Le magnésium en chimie organique, Nancy, Imprimerie lorraine.

___ (1930), Étude dans la série du fluorène, Paris, Masson.

___ (1936), Notice sur la vie et les travaux de Victor Grignard, Paris, Masson.

___ (1936), « Revue de chimie des colorants », Revue générale des sciences pures et appliquées, 608-619.

Sources d’archives

Les archives scientifiques de Charles Courtot ont été déposées par leurs descendants à la Bibliothèque universitaire de la Faculté des sciences de Nancy et sont librement consultables.

Archives nationales : dossiers de carrière (F/17/25206 et F/17/26287) et dossier de Légion d’honneur (LH/19800035/65/7957).

Archives de l’Académie des sciences : Dossier Charles Courtot.

État civil de Besançon.

Brevet FR608101 (A) : http:fr.espacenet.com/

Sources secondaires

Delépine Marcel (1955), « Notice nécrologique sur Charles Courtot, correspondant pour la section de chimie », Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, séance du 21 mars 1955.