Lucien CHANZY

1867, 1937
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Lucien
Chanzy
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Mathématique, Mécanique
;
Texte
; par :
Étienne Bolmont

Lucien CHANZY (1867-1937)

Chargé de conférences de mécanique et de géométrie descriptive

Lucien Stéphane Chanzy est né le 1er novembre 1867 à Terron-sur-Aisne dans le département des Ardennes. Il est le fils d’un ouvrier vannier, décédé en 1870 à 27 ans. Sa mère meurt un an plus tard et Chanzy se retrouve orphelin, élevé par ses grands-mères. En 1890, il épouse à Paris Rosalie Morel (1870-1910). Il se voit décerner en 1912 par l’Académie des sciences morales et politiques le prix Malouet qui récompense un lauréat de grand mérite professionnel, de valeur morale irréprochable et ayant plus que quatre enfants. Il en a quatorze, nés de 1891 à 1908, dont un futur prêtre et trois officiers issus pour deux d’entre eux de l’École polytechnique et un de Saint-Cyr. Son deuxième fils, André Jean Joseph (1892-1914) sera en 1913 aide-préparateur de botanique à l’Institut agricole et colonial de Nancy ; victime d’une maladie contractée en service au 37e régiment d’infanterie, il décède fin 1914. Son troisième fils, Jacques Louis Paul Chanzy (1893-1953) entrera au Corps des mines et sera président de la chambre syndicale des mines de fer de France. L’épouse de Lucien Chanzy, « qui n’avait pas reculé devant quatorze couches » selon Louis Liard, décède à Nancy en 1910, deux ans après la naissance de leur dernier enfant. C’est leur fille aînée qui prend alors en charge ses frères et sœurs. Lucien Chanzy meurt à Nancy en novembre 1937 à l’âge de 70 ans.

Après une scolarité primaire dans son village, Chanzy entre en 1879 à l’École professionnelle de Reims. Après avoir obtenu son diplôme en 1884, remarqué par ses capacités, il entre au lycée de Reims où il réussit le baccalauréat. Il part alors à Paris suivre une classe de mathématiques spéciales au lycée Louis-Le-Grand et réussit en 1886 le concours d’entrée à l’École normale supérieure dans la section sciences. Il obtient ses licences ès mathématiques et ès sciences physiques en 1888 ; il échoue à l’agrégation de mathématiques en 1889, mais l’année suivante, à 22 ans, il est classé 8e sur 16 admis.

En septembre 1889, il est nommé au lycée de Moulins en tant que chargé de cours de mathématiques, puis, ayant obtenu l’agrégation, il y devient professeur de mathématiques à titre provisoire, en septembre 1890. À 24 ans, en janvier 1891, il est nommé, toujours à titre provisoire, au lycée de Nancy où il prépare les élèves au concours de Saint-Cyr. Il remplace Henry Vogt*, promu maître de conférences à la Faculté des sciences de la ville. Chanzy est nommé à titre définitif en juin 1901, promu à la 1re classe en 1906 et, finalement, admis à la retraite en octobre 1932. Non mobilisable pendant la guerre, il reste à Nancy. Il travaille pendant deux ans sur les tables de tir en artillerie à la Direction des inventions, études et expériences techniques. En 1918, il assure en sus de son service à Nancy le remplacement d’un professeur de mathématiques à Épinal.

Au début de sa carrière au lycée de Moulins, il est remarqué par sa jeunesse et sa timidité. Cependant son autorité est réelle, surtout en raison de la qualité de ses préparations et cours. À Nancy, en 1891, l’inspecteur général Charles Vacquant commence son rapport en soulignant sa jeunesse : « Quoiqu’âgé de près de 24 ans, et marié, Mr Chanzy a tout à fait l’air d’un élève d’une vingtaine d’années au plus ». Il ajoute que son autorité aurait pu en souffrir, mais ses qualités d’enseignant lui permettent de gagner la confiance des élèves. La même année, le recteur semble beaucoup plus critique : « Mr Chanzy nous est venu trop jeune, inexpérimenté, sans autorité. Il est modeste, plein de bonne volonté. Mais ses insuffisances dans une classe aussi importante que celle de Saint-Cyr est malheureusement notoire. Les familles se plaignent. Je crains que si ce jeune professeur n’est pas déplacé, les succès ordinaires du lycée de Nancy ne soient interrompus. » Un an plus tard, le rapport d’inspection est très favorable ; il constate que l’autorité de Chanzy ne pose plus de problème, ce que le recteur reconnaît alors. Dès lors, Chanzy va faire une carrière exemplaire : dévoué à ses élèves, il obtient des succès tous les ans au concours de Saint-Cyr, et il se gagne l’estime de ses supérieurs. Cela se traduit par des promotions rapides : il est promu à la 5e classe à 27 ans, et finalement à la première à 40 ans. En 1896, il demande une classe de mathématiques spéciales, convoitant un poste à Nîmes, mais il ne renouvelle pas ce vœu : il restera à Nancy jusqu’à sa retraite.

À partir de 1903, il participe aux enseignements de la Faculté des sciences de Nancy. De 1903 à 1908, il y donne deux conférences de mathématiques aux élèves de l’institut chimique. Il est affecté en 1908 à l’institut électrotechnique pour y encadrer les travaux graphiques et il assure cette tâche jusqu’en 1930. En novembre 1932, il y est chargé de conférences de mécanique et de géométrie descriptive jusqu’en mars 1933. En fin de carrière, il assure également un cours de géométrie en 4e année de l’École normale.

Ses compétences en mathématiques conduisent l’Académie des sciences à le solliciter pour l’examen des solutions proposées au théorème de Fermat. Chanzy participe par ailleurs, par des questions et réponses, à l’Intermédiaire des mathématiciens, une revue fondée en 1894 par Émile Lemoine et Charles-Ange Laisant. Il signe par son pseudonyme « Zéro », signe de son extrême modestie selon Jules Lefèvre, son ancien camarade de l’École normale supérieure.

Chanzy est catholique pratiquant. La notice nécrologique que lui consacre Lefèvre est une véritable hagiographie qui fait bien apparaître son engagement au service de la cause religieuse : « il vivait si ardemment la vie de l’Église dont il admirait la liturgie et les chants », « il se donnait aux pauvres », son humilité était le « signe de la plus haute perfection ». Cet engagement conduit Chanzy à placer ses filles dans un établissement privé. En 1909, quand il est question de lui octroyer les palmes de l’Instruction publique, le préfet est très réticent : « la promotion universitaire doit [elle] être accordée à un professeur qui manifeste ainsi son manque de confiance vis-à-vis des établissements de l’Université ? » En retour, le recteur Charles Adam demande à ce que l’on ne prenne en considération que ses mérites professionnels ; il justifie le choix éducatif de Chanzy par la proximité de son domicile et par le fait que l’enseignement y est donné par des maîtresses laïques… Il est finalement nommé officier de l’Instruction publique en juillet 1909 (après avoir été officier d’Académie en avril 1901). Il obtient la Légion d’honneur en mars 1930. Elle lui est remise par Jean Fraissé, proviseur du lycée de Nancy, qui rappelle alors son palmarès : plus de 500 officiers sortis de sa classe, un major à Saint-Cyr en 1926, 80 % de réussite au concours en 1927 : « Sa classe se plaçait en tête de toutes les « corniches » de France ».

Étienne Bolmont

Bibliographie

Chanzy Lucien (1916), « Solution au problème 2078 », Nouvelles annales de mathématiques, 16.

Sous le pseudonyme Zéro, Chanzy pose des questions et donne des réponses dans l’Intermédiaire des mathématiciens. Paris, Gauthier-Villars, 1896-1897-1900-1910.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de carrière (F/17/24238). Son dossier de Légion d’honneur n’est pas en ligne.

Sources secondaires

Liard Louis (1912), « Rapport sur le prix Malouet à décerner en 1912 », Séances et travaux des sciences morales et politiques, 77.

Lefèvre Jules (1938), « Chanzy (Lucien Stéphane) », Annuaire des anciens élèves de l’École normale supérieure, 47-51.

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Photographie de Lucien Chanzy élève à l’École normale supérieure Image