Élie CARTAN
Élie CARTAN (1869-1951)
Professeur de mathématiques
Élie Joseph Cartan est né à Dolomieu (Isère) le 9 avril 1869. Son père Joseph Cartan (1837-1917) y est maréchal-ferrant et sa mère, Anne Florentine Cottaz (1841-1927), ménagère. En 1903, juste avant sa mutation à Nancy, Élie Cartan épouse à Lyon Marie Louise Bianconi, la fille d’un inspecteur d’académie. Ils auront 4 enfants, Henri (1904-2008), Jean (1906-1932), Louis (1909 -1943) et Hélène (1917-1952). Henri et Hélène suivront les traces de leur père dans le champ des mathématiques tandis que Jean deviendra musicien et Louis, physicien. Henri est un mathématicien de premier plan. Normalien (1923), il est un des fondateurs du groupe Bourbaki. Au cours de sa carrière il occupe successivement des postes à la Faculté des sciences de Strasbourg, puis à celle de Paris. Il est ensuite nommé à l’École normale supérieure où il dirige les séminaires Cartan de 1948 à 1964. Il est président de l’Union mathématique internationale de 1967 à 1970 et membre de l’Académie des sciences en 1974. Jean Cartan, compositeur de talent, meurt de la tuberculose en 1932. Louis Cartan, maître de conférences de physique mathématique à Poitiers et prix Hébert de l’Académie des sciences en 1939, entre dans le réseau de résistance Renard ; il est arrêté puis déporté en Allemagne et exécuté avec neuf autres membres de son réseau en décembre 1943. Hélène Cartan, normalienne en 1937 et agrégée de mathématiques en 1940, enseigne dans le secondaire et mène de front des travaux de recherche, notamment en topologie. Elle meurt de la tuberculose en 1952. Élie Cartan meurt à Paris le 6 mai 1951.
Cartan commence sa scolarité à l’école communale de Dolomieu ; il poursuit ses études au collège de Vienne (Isère) de 1879 à 1884, au lycée de Grenoble (Isère) de 1884 à 1886 et rejoint, entre 1886 et 1888, les classes de mathématiques élémentaires et spéciales du lycée Janson-de-Sailly (Paris). Reçu à l’École normale supérieure en 1888, il suit en particulier les enseignements à la Sorbonne d’Henri Poincaré, d’Émile Picard, Charles Hermite et Gaston Darboux. Ses études sont ponctuées d’une licence en mathématiques en 1889 et d’une agrégation de mathématiques en 1891. Il n’est pas le seul de sa fratrie à intégrer l’École normale supérieure : sa sœur Anna (1878-1923) sera aussi reçue en 1901 à Sèvres.
Agrégé préparateur à l’École normale supérieure, Cartan prépare une thèse qu’il soutient le 28 juin 1894 devant un jury composé de Charles Hermite, Émile Picard et Paul Appell. Sa thèse, intitulée Sur la structure des groupes de transformations continus et finis, est une contribution fondamentale à la théorie du mathématicien norvégien Sophus Lie. En particulier, il reprend avec des méthodes originales les travaux de classification des groupes simples du mathématicien Wilhelm Killing qui étaient considérés comme manquant de rigueur par les membres du jury : « [W. Killing] a obtenu d’importants résultats, mais qui, malheureusement, n’étaient pas établis avec une rigueur suffisante. M. Cartan s’est proposé de compléter sur certains points les recherches de M. Killing et surtout d’y introduire la rigueur désirable. Il a parfaitement réussi à atteindre ce double but, et sa thèse est l’une des plus solides et des mieux ordonnées qui aient été soutenues devant la Faculté. »
Cartan est alors nommé maître de conférences de mathématiques à la Faculté des sciences de Montpellier de 1894 à 1996, puis à la Faculté des sciences de Lyon de 1896 à 1903. Il obtient une charge de cours à la Faculté des sciences de Nancy pendant l’année universitaire 1903-1904 et il est recruté dans cette même faculté en tant que professeur de calcul différentiel et intégral en juillet 1904. Il reste à Nancy jusqu’en 1909, date à laquelle il rejoint la Faculté des sciences de Paris, d’abord comme maître de conférences (1909-1912), puis comme professeur de calcul différentiel et intégral (1912-1920). Durant la Première Guerre mondiale, il est affecté de mars 1915 à septembre 1917 à la 22e section d’infirmiers. En 1920, il est nommé professeur de mécanique rationnelle. En 1924, il obtient la chaire de géométrie supérieure qu’il quitte en 1940 à sa retraite. Au cours de sa carrière, Cartan enseigne également les mathématiques à l’École de chimie et de physique industrielles de la ville de Paris.
Cartan arrive à Nancy au moment de l’essor des instituts techniques de la Faculté des sciences de Nancy. Il y participe en assurant les enseignements des certificats de calcul différentiel et intégral et ceux du certificat de mathématiques générales destinés aux étudiants de la licence de mathématiques et à ceux de l’Institut électrotechnique de Nancy.
D’après ses notices individuelles, Cartan est très apprécié de ses collègues et les rapports du recteur Charles Adam soulignent son engagement tant dans l’enseignement que dans la recherche. En témoigne cet extrait d’un rapport de 1907 : « Je sais un gré infini à M. Cartan qui est un mathématicien des plus distingués de s’être accommodé, dès le premier jour, de la rude besogne que nous avons tous à Nancy, nombreuses corrections de devoirs, interrogations plus nombreuses encore. Et tout cela, avec entrain, bonne humeur, et en continuant ses travaux. Belle vie de savant qui se partage entre la science, l’enseignement et la famille. Caractère des plus sympathiques. »
Durant sa période nancéienne, Cartan poursuit ses travaux en abordant la question de la structure des groupes de transformations à une infinité de paramètres. Il y consacre deux mémoires dans les Annales de l’École normale supérieure. En 1909, dans son rapport sur ses travaux, Henri Poincaré signale que « la détermination des groupes continus infinis présente beaucoup plus de difficultés que celle des groupes finis et que c’est là que M. Cartan a déployé le plus d’originalité et d’ingéniosité ». Il salue les résultats obtenus par Cartan par un définitif : « Le problème proposé se trouve donc entièrement résolu ». Enfin, toujours à Nancy, Cartan participe à l’entreprise de l’édition française de l’Encyclopédie des sciences mathématiques, initiée et coordonnée par son collègue nancéien, Jules Molk.
L’œuvre mathématique d’Élie Cartan est immense ; on peut rappeler, entre autres, ses travaux en géométrie différentielle, sa théorie des connexions et des espaces généralisés, sa classification des groupes de Lie simples réels et ses contributions à la théorie des représentations des groupes. Dans les années 1930, il s’intéresse à la question du parallélisme absolu (Fernparallelismus) sur laquelle il échange une correspondance avec Albert Einstein. Il publie plus de deux cents articles dans de nombreuses revues françaises et étrangères et une quinzaine d’ouvrages issus de ses enseignements. Il est aussi le professeur de la Sorbonne qui supervise le plus grand nombre de thèses de mathématiques.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Cartan est clairement identifié comme hostile à une collaboration scientifique avec les mathématiciens allemands. Contrairement à Gaston Julia, il refuse de participer aux activités de recension pour le Zentralblatt für Mathematik und ihre Grenzgebiet.
Cartan est titulaire de la Légion d’honneur (chevalier en 1910, officier en 1923, commandeur en 1939). Il est membre de la section de géométrie de l’Académie des sciences (1931), de l’Académie royale de Belgique, de la Royal Society (1947), de l’Académie nationale des quarante (Italie, 1949), de la National Academy of Sciences (USA, 1949) et membre associé de l’Académie polonaise des sciences et des arts de Cracovie (1921), de l’Académie norvégienne d’Oslo (1926), de l’Académie des Lincei (Italie, 1927), de l’Académie roumaine (1931) et de l’Académie royale d’Amsterdam (1937). Pour ses travaux, Cartan obtiendra le prix Poncelet (1920), le prix Petit d’Ormoy (1923) et le prix Leconte (1930).
Philippe Nabonnand
L’auteur remercie Christophe Eckès pour ses précieuses indications
Bibliographie
Cartan Élie (1894), Sur la structure des groupes de transformations finis et continus, thèse de doctorat, Paris, Nony. Seconde édition, 1933.
___ (1904), « Sur la structure des groupes infinis de transformations », Annales scientifiques de l’École normale supérieure, 21, 153-206.
___ (1905), « Sur la structure des groupes infinis de transformations », Annales scientifiques de l’École normale supérieure, 22, 219-308.
___ (1905), « Les sous-groupes des continus de transformations », Annales scientifiques de l’École normale supérieure, 25, 57-94.
___ (1907), « Les groupes de transformations continus, infinis, simples », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 144, 1094.
___ (1907), « Sur la définition de l’aire d’une portion de surface courbe », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 145, 1403.
___ (1908), « Sur la définition de l’aire d’une portion de surface courbe », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 146, 168.
___ (1908), « Nombres complexes », in Molk Jules (Ed.), Encyclopédie des sciences mathématiques, volume 5, Paris, Gauthier-Villars.
___ (1909), « Les groupes de transformations continus, infinis, simples », Annales scientifiques de l’École normale supérieure, 26, 93-161.
___ (1921), « Sur le problème général de la déformation », in Collectif (Ed.), Comptes rendus du Congrès international des mathématiciens de Strasbourg (1920), Toulouse, Privat, 397-406.
___ (1924), « Les récentes généralisations de la notion d’espace », Bulletin des sciences mathématiques, 48, 294-320.
___ (1927), « Sur une classe remarquable d’espaces de Riemann », Bulletin des sciences mathématiques, 55, 114-134.
___ (1928), Leçons sur la géométrie des espaces de Riemann, Paris, Gauthier-Villars. Seconde édition, 1946.
___ (1930), « Sur les représentations linéaires des groupes clos », Commentarii mathematici helvetici, 2, 269-283.
___ (1935), « La méthode du repère mobile, la théorie des groupes continus et les espaces généralisés », in Collectif (Ed.), Exposés de géométrie, V, Paris, Hermann.
___ (1935), La théorie des groupes finis et continus et la géométrie différentielle, Paris, Gauthier-Villars.
Sources d’archives
Archives nationales : dossier de carrière (F/17/24785) et dossier de légion d’honneur (LH/437/47). Archives concernant les relations franco-allemandes durant la Seconde Guerre mondiale, relations franco-allemandes, AJ/40/567.
Archives de l’Université de Göttingen : lettre d’Élie Cartan à Helmut Hasse, 6 décembre 1940, fonds Hasse.
Sources secondaires
Akivis M.A. & Rosenfeld B. A. Ed. (1993), Élie Cartan (1869-1951), Providence (Rhode Island), American Mathematical Society, coll. « Translations of Mathematical Monographs » (no 123).
Audin Michèle (2009), « Dans la famille Cartan, je demande... la sœur », Gazette des mathémathiciens, 122, 45-51.
___ (2012), « La guerre des recensions. Autour d’une note d’André Weil en 1940 », Philosophische und historischez Sicht 59, 243-260.
Charle Christophe & Telkes Eva (1989), Les professeurs de la faculté des sciences de Paris, dictionnaire biographique 1901-1939, Paris, Éditions du CNRS.
Chern Shiing-Shen & Chevalley Claude (1952), « Obituary : Élie Cartan and his mathematical work », Bulletin of the American Mathematical Society, 58, 217-250.
Collectif (1939), Jubilé scientifique de M. Élie Cartan Paris, Gauthier-Villars.
Hawkins Thomas (2000), Emergence of the Theory of Lie Groups : An Essay in the History of Mathematics, 1869-1926, New-York, Springer Verlag.
Leloup Juliette (2009), L’entre-deux-guerres mathématique à travers les thèses soutenues en France, thèse de doctorat en histoire des mathématiques, Paris, Université Paris 6.
Poincaré Henri (1915), « Rapport sur les travaux de M. Cartan », Acta mathematica, 38, 137-145.
Vialatte Alexandre (2011), « Les gloires silencieuses : Élie Cartan, Journalismes, Le Petit Dauphinois, 1932-1944 », Cahiers Alexandre Vialatte, 36, 150-160.
Debever Robert Ed. (1979), Élie Cartan and Albert Einstein, Letters on Absolute Parallelism (1929-1932), Princeton University Press. Trad. fr. Jules Leroy & Jim Ritter, Élie Cartan-Albert Einstein : lettres sur le parallélisme absolu 1929-1932, Palais des Académies, 1979.
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