Marcel BRILLOUIN

1854, 1948
;
Marcel
Brillouin
;
Physique
;
Texte
; par :
Étienne Bolmont

Marcel BRILLOUIN (1854-1948)

Maître de conférences de physique

Louis Marcel Brillouin est né en décembre 1854 au château de Chaillé à Saint-Martin-lès-Melle dans les Deux-Sèvres. Son père, Louis-Georges, est artiste peintre. En juillet 1888, il épouse Charlotte Mascart, fille d’Élie Mascart, physicien membre de l’Académie des sciences et professeur au Collège de France, spécialiste de météorologie. Ils ont trois enfants, Léon (1890), Jacques (1892) et Madeleine (1894). Léon sera aussi un grand physicien, spécialiste de physique quantique et il succédera à son père au Collège de France en 1932. Marcel Brillouin s’éteint à Paris en juin 1948, à l’âge de 94 ans.

Marcel Brillouin fait ses études secondaires au lycée Condorcet de Paris, bachelier ès lettres en 1872 et ès sciences en 1873. Il se distingue au Concours général par un premier prix de mathématiques élémentaires en 1873, et le prix d’honneur de mathématiques spéciales en 1874. Sans abandonner les mathématiques qui furent toujours très présentes dans son œuvre de physique mathématique, il s’oriente vers la physique, entre à l’École normale supérieure en 1874 et devient agrégé de sciences physiques en 1877. En 1880, il obtient le doctorat ès sciences mathématiques, pour sa thèse Intégration des équations différentielles auxquelles conduit l’étude des phénomènes d’induction dans les circuits dérivés, puis deux ans plus tard, il devient docteur ès sciences physiques pour sa deuxième thèse Comparaison des coefficients d’induction, le rapporteur étant Paul Desains.

Marcel Brillouin commence sa carrière professionnelle comme préparateur de physique au Collège de France, auprès de son futur beau-père Élie Mascart. Après sa première thèse, il est nommé en octobre 1880 maître de conférences à la Faculté des sciences de Nancy, où il reste un an et demi. Il est ensuite chargé de cours de physique à la Faculté des sciences de Dijon en février 1882, puis à la Faculté des sciences de Toulouse en 1883. En 1884, il y est nommé professeur de physique. En 1887, il revient à Paris en tant que maître de conférences à École normale supérieure. Il enseigne pendant cette période la physique au lycée Molière jusqu’en 1892. De 1891 à 1896, il supplée Émile Duclaux (beau-frère d’Élie Mascart) à l’Institut agronomique où il enseigne la météorologie. En 1897, 1899 et 1900, il remplace Mascart au Collège de France.

Avec l’appui de Maurice Lévy et celui de son beau-père qui y occupait la chaire de Physique et expérimentale, il est nommé en 1900 à la chaire de Physique et mathématique et y demeure jusqu’à sa retraite en 1931. Parallèlement, il est chargé de conférences à l’École normale d’institutrices de Fontenay à partir de 1905, de même à la Faculté des sciences de Paris (service de l’E.N.S., 2e année) de 1919 à 1923. En 1923, il donne un cours complémentaire de physique à la Faculté des sciences de deux heures hebdomadaires et ce, jusqu’en 1928. Il est directeur adjoint du Laboratoire de physique de l’École normale supérieure.

Sa brillante carrière est ponctuée de récompenses : il reçoit les prix Saintour (1903), Hughes (1908) et La Caze (1912) de l’Académie des sciences où il entre en novembre 1921 comme membre de la section de Physique. Il y prend part à de nombreux jurys de prix scientifiques de physique. Il participe aux quatre premiers congrès Solvay de 1911 à 1924, ce qui souligne la reconnaissance internationale de son œuvre. Chevalier de la Légion d’honneur en 1902, parrainé par son beau-père Élie Mascart, il devient officier en 1923, parrainé par Léon Mascart, son beau-frère. Une affaire de famille…

Son passage à Nancy marque le début de sa carrière d’enseignant. Il est le premier à y occuper un poste de maître de conférences, Ernest Bichat* étant alors le titulaire de la chaire ; il écrit d’ailleurs un article avec lui. Son dossier de carrière ne contient pas de renseignement sur les enseignements qu’il a donnés à Nancy.

Au niveau de la recherche, il consacre ces deux années à préparer sa thèse de physique, dans le domaine de l’électricité. Il expérimente à Nancy, mais il semble qu’il passe aussi beaucoup de temps à Paris au laboratoire du Collège de France, où il bénéficie de meilleures conditions de recherche. Marcel Brillouin s’engage au moment de l’affaire Dreyfus en signant les deux protestations dans Le Siècle et dans L’Aurore les 14 et 15 janvier 1898. La première demande la révision du procès, la deuxième exige un maintien des « garanties légales des citoyens contre tout arbitraire ».

Physicien et mathématicien, Marcel Brillouin travaille sur une grande variété de sujets, ce que souligne Henri Poincaré dans un rapport qu’il rédige sur lui : « Cette variété est nécessaire à qui veut enseigner la Physique Mathématique. Le but de cette science est de ramener de plus en plus à l’unité les données diverses de la Physique Expérimentale. » Il révèle ainsi l’originalité de Marcel Brillouin qui, sans aborder de nouvelles disciplines, a cherché à dépasser les cas théoriques idéaux, trop simplifiés, pour prendre en compte les conditions réelles de l’expérience : « Il ne cherche pas à tirer des lois connues une suite indéfinie de conséquences ; c’est au moment où une loi cesse d’être vraie qu’elle l’intéresse ».

Par ses travaux sur la viscosité, les déformations permanentes, le frottement, la fragilité et la plasticité des solides, la théorie des gaz, la résistance des fluides, il parvient au problème de l’instabilité des équilibres moléculaires puis naturellement, il est concerné par la physique quantique. L’électricité et l’électromagnétisme l’occupent aussi depuis sa thèse, et il s’intéresse aux problèmes des ondes hertziennes comme le montrent ses échanges avec Poincaré en 1892, ainsi qu’aux théories des ions et des électrons. La thermodynamique n’est pas délaissée, dans les expériences portant sur l’élasticité et la dispersion acoustique.

Il mène également des recherches en physique du globe et en météorologie ; il étudie notamment les marées et les questions liées aux courbures du géoïde terrestre. Dans les premières années de la théorie de la relativité, il affiche un certain scepticisme à son égard : il reste en effet attaché à la notion d’éther et il est surtout dans l’attente d’expériences cruciales. Il l’adopte cependant et apporte des contributions importantes à des questions essentielles. Il aborde aussi des problèmes concernant la télégraphie sans fil et la chronométrie. Son enseignement, « original et marqué d’un esprit critique pénétrant », insiste souvent sur l’histoire du domaine concerné : il favorise les conférences « historico-biographiques » faites par ses élèves et regrette « la prodigieuse ignorance des professeurs les meilleurs sur tout ce qui touche l’histoire, les méthodes et la vie des savants dont ils prononcent le nom ».

Marcel Brillouin a eu une production d’articles très abondante. Il écrit essentiellement dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, mais aussi dans le Journal de physique et dans les Annales de chimie et de physique. Certains articles destinés à un public plus large paraissent dans des revues comme la Revue générale des sciences. Au cours de sa carrière il rédige également de nombreuses analyses de livres ainsi que des préfaces d’ouvrages de physique.

Étienne Bolmont

Bibliographie

Outre des articles sur la télégraphie sans fil, la radioactivité, la photographie, l’optique, la chronométrie, l’aérodynamique, l’hydrodynamique, la météorologie, l’acoustique et la cristallographie, on peut citer :

Brillouin Marcel (1878), « Liquéfaction des gaz », Journal de physique, 45-54.

___ (1880), Intégration des équations différentielles auxquelles conduit l’étude des phénomènes d’induction dans les circuits dérivés, Gauthier-Villars.

___ (1881), « Sur la transformation du mouvement dans les machines magnéto-électriques et dynamo-électriques », Bulletin de la Société des sciences de Nancy, 33-36.

___ (1881), « Intégration des équations différentielles auxquelles conduit l’étude des phénomènes d’induction dans les circuits dérivés », Annales de l’École normale supérieure, 9-48.

___ (1881), « Établissement des courants électriques dans un système quelconque de fils conducteurs immobiles », Journal de physique, 257-266.

___ (1882), « Traduction du Mémoire de Maxwell sur les courants entretenus par le travail, et Note », Journal de physique, 18.

___ (1882), « Comparaison des coefficients d’induction », Annales de l’École normale supérieure, 339-424.

___ (1883), « Méthodes de détermination de l’ohm », Journal de physique, 149-158.

___ (1885), « Sur la torsion des prismes », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 739-742.

___ (1888), « Chaleur spécifique pour une transformation quelconque et thermodynamique », Journal de physique, 148.

___ (1888), « Déformations permanentes et thermodynamique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 416-418, 482-485, 537-540 et 589-592.

___ (1891), « Théorie élastique de la plasticité et de la fragilité des corps solides », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1054-1056.

___ (1892), « Sur la propagation des vibrations dans les milieux absorbants isotropes », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 808-811.

___ (1897), « Appareil léger pour la détermination rapide de l’intensité de la pesanteur », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 292.

___ (1898), « Théorie de la fusion complète et de la fusion pâteuse », Annales de chimie et de physique, 264.

___ (1898), « Cycle des moteurs à combustion », Revue générale des sciences, 478.

___ (1898), « Loi des déformations des métaux industriels », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 328.

___ (1899), « Théorie moléculaire du frottement des solides polis », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 354.

___ (1900), « Les définitions de la forme de la terre. Les réductions de la pesanteur au niveau de la mer.Les différents géoïdes. », Revue générale des sciences.

___ (1902), « Champ électrostatique permanent et variable d’une bobine parcourue par un courant électrique », Annales de chimie et de physique, 460.

___ (1905), « Inertie des électrons », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 98.

___ (1906), « Considérations théoriques sur la dissociation électrolytique. Influence du dissolvant sur la stabilité des molécules dissoutes », Annales de chimie et de physique, 289.

___ (1906), « Mouvement du pôle à la surface de la Terre », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 437.

___ (1907), « Chaleurs spécifiques du vide », Journal de physique, 34.

___ (1908), « Mémoire sur l’ellipticité du Géoïde dans le tunnel du Simplon », Mémoires de l’Académie des sciences, 1-226.

___ (1909), « L’énergie cinétique moléculaire et la température absolue », Annales de chimie et de physique, 387.

___ (1910), « Des fonctions données par leur valeur sur une partie de la frontière, et celle de leur dérivée normale sur le reste de la frontière. Développements correspondants », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 461.

___ (1913), « Sur la théorie du rayonnement noir », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 124-, 301.

___ (1914), « Théorie thermodynamique des solides isotropes peu déformés », Annales de chimie et de physique.

___ (1914), « Rayonnement et chaleurs spécifiques », Annales de chimie et de physique.

___ (1916), « La méthode des moindres carrés et les équations aux dérivées partielles de la physique mathématique », Annales de chimie et de physique.

___ (1917), « L’état actuel des théories électriques », Revue générale d’électricité.

___ (1917), « Champ électromagnétique d’un élément de courant constant dans un milieu anisotrope biaxe », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 555.

___ (1919), « Actions mécaniques à hérédité discontinue par propagation ; essai de théorie dynamique de l’atome à quanta », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1318.

___ (1922), « Atome de Bohr. Fonction de Lagrange circumnucléaire », Journal de physique et le Radium, 3, 65-73.

___ (1922), « Gravitation einsteinienne et gravitation newtonienne ; à propos d’une récente note de M. Le Roux », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 923.

___ (1923), « Tenseur d’agitation moyenne. Conductibilité et dissipation de l’énergie d’agitation », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1257.

___ (1929), « Marées dynamiques d’un océan compris entre deux parallèles. Loi de profondeur quelconque en latitude et longitude », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 5-, 957-, 1216.

___ (1930), « Marées dynamiques avec continents. Loi de profondeur quelconque et attraction du bourrelet, », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 778-, 840.

___ (1932), « Fonctions sphériques multipolaires non antipodes. Récurrences », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1185.

___ (1934), « Les quanta de Planck et le champ de force atomique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1345-, errata 1693.

___ (1935), « Ether électromagnétique hétérogène capable de produire un champ de force atomique quantique », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 275.

___ (1938), « Instabilité inévitable d’un liquide pesant qui tourne, sans mouvement relatif, avec un noyau solide qu’il entoure. Conséquences océanographiques et géodésiques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 816.

Sources d’archives

Archives nationales : le dossier F/17/23229 est quasiment vide. Les dossiers AJ/16/5734 et AJ/16/5884 contiennent des renseignements sur sa carrière parisienne. Voir également son dossier de Légion d’honneur (LH/19800035/176/22722).

À l’Académie des sciences, son dossier contient quelques photographies, la notice nécrologique de Villat (1948), celle de Maurain parue dans les Annales de Géophysique, ses Notices sur les Travaux scientifiques de 1904 et 1921 et le rapport d’Henri Poincaré.

Sources secondaires

Anonyme (1903), « Le prix Saintour lui est décerné », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 137, 1163.

Anonyme (1908), « Le prix Hughes (physique) lui est décerné », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 147, 1137.

Anonyme. (1912) « Le prix La Caze (physique) lui est décerné », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 155, 1317.

Collectif (1925), Le livre du cinquantenaire de la Société française de physique. Éditions de la Revue d’optique théorique et instrumentale, Paris, 1925.

Collectif (1935), Jubilé de M. Marcel Brillouin : mémoires originaux offerts à M. Marcel Brillouin à l’occasion de son 80e anniversaire. Gauthier-Villars, Paris.

Walter Scott, Bolmont Étienne & Coret André (2007), La correspondance entre Henri Poincaré et les physiciens, chimistes et ingénieurs. Birkhäuser, 172-182.

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