Edmond BLAISE

1872, 1939
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Edmond
Blaise
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Chimie organique
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Texte
; par :
Jean-René Cussenot, Laurent Rollet

Edmond BLAISE (1872-1939)

Professeur de chimie organique

Émile Edmond Blaise est né à Montreuil-sous-Bois (actuelle Seine-Saint-Denis) le 23 février 1872. Il est le fils de Jules Gabriel Blaise, pharmacien, et de Jeanne Eulalie Rosman. Il épouse en octobre 1921 Anne Joséphine Cavet, veuve de François Marie Bruneau, interne en pharmacie. Elle meurt en 1936. Aucun enfant ne naît de cette union. Blaise décède, quant à lui, le 13 mai 1939 à Paris, des suites d’une longue maladie pulmonaire.

Après ses études secondaires, il obtient successivement un baccalauréat ès lettres en 1890 et ès sciences en 1891. Il souhaite au départ embrasser la carrière paternelle. Il s’inscrit donc tout naturellement, dès 1891, à l’École supérieure de pharmacie de Paris. Il y suit en 1re année le cours d’Auguste Béhal qui, refusant d’enseigner la notation équivalentiste, adopte et enseigne la théorie et la notation atomique en chimie organique. Blaise entre dans son laboratoire dès sa deuxième année de pharmacie en 1892. Interne en pharmacie des Hôpitaux de Paris de 1892 à 1897, il reçoit durant cette période, le prix Buignet en 1893 et le prix Laillet en 1895 délivrés par l’École supérieure de pharmacie de Paris. Les Hôpitaux de Paris lui décernent en 1896 la médaille d’or. Durant son internat, il s’inscrit à la Faculté des sciences de Paris et obtient sa licence ès sciences physique en 1893. Il est par ailleurs nommé pharmacien de 1re classe en 1898. Sans doute sur les conseils d’Auguste Béhal, ancien élève de Charles Friedel à la Faculté des sciences de Paris, il entre au laboratoire de ce dernier en 1897 et soutient en 1899 sa thèse de doctorat intitulée Recherches synthétiques sur les produits d’oxydation des dérivés du camphre. Émile Duclaux, qui préside le jury de thèse, lui fait des éloges « presque sans réserves ». Il le déclare « chimiste jusqu’au bout des ongles ».

En novembre 1899, Edmond Blaise est nommé maître de conférences à la Faculté des sciences de Lille où il semble donner toute satisfaction. En juin 1901, il est grièvement blessé dans son laboratoire : l’explosion d’une cornue manque de lui faire perdre son œil gauche. Un mois plus tard il est nommé chargé de cours complémentaire de chimie organique à la Faculté des sciences de Nancy, un poste financé sur les fonds propres de l’université. Blaise succède ainsi à Louis Bouveault* qui vient d’être nommé maître de conférences à la Sorbonne. Le parcours de Blaise suivra étroitement celui de Bouveault* et sera en partie placé sous le patronage d’Albin Haller*.

Les rapports du recteur Charles Adam sur ses activités sont très élogieux. Ainsi en 1906 : « Un des maîtres les plus distingués de l’Institut chimique et que nous voudrions bien retenir à Nancy par le rétablissement de la chaire de chimie organique, momentanément transformée. Il la mérite à tous égards. Pousse ses élèves dans la voie des recherches scientifiques. Thèses de doctorat, et des meilleures, faites sous son inspiration ». De même en 1909 : « Presque toutes nos thèses de doctorat – et nous en avons plusieurs chaque année – viennent du laboratoire de M. Blaise. Il donne lui-même l’exemple de travailler et publier. La légende veut qu’il passe toutes ses journées et toutes ses nuits même auprès de ses éprouvettes et de ses fourneaux. Et nous allons aussi le perdre !!! ». Il faut dire que la faculté des sciences fait tout son possible pour le maintenir à Nancy. En mars 1908, la Fondation de l’Université de Nancy finance pour lui une chaire de chimie organique et un an plus tard, en juillet 1909, une chaire d’État de chimie organique est finalement créée pour lui… Cela ne suffit cependant pas pour le retenir. Blaise préfère quitter ce poste de professeur en province pour le poste de maître de conférences en chimie organique à la Sorbonne laissé vacant par la mort de Bouveault* en septembre. En novembre 1909, Victor Grignard* lui succède. Au départ de Blaise, la Faculté des sciences de Nancy lui décerne le titre de professeur honoraire. À Paris, parallèlement à son activité à la Sorbonne, il succède en 1912 à Haller* à la chaire de chimie organique de l’École de physique et de chimie industrielle de la ville de Paris.

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Blaise est mobilisé dès le début du mois d’août. Il avait fait son service militaire en 1893-1894 mais n’avait effectué que 10 mois en raison d’une dispense, probablement liée à ses études. Il est très vite rangé hors cadre et est affecté en décembre 1914 au Service des inventions, des études et des expériences techniques, où il passe toute la guerre. Après son retour à la vie civile en mars 1918, il continue de contribuer à la défense nationale au sein de la Commission des substances explosives (1919) puis de la Commission des poudres de guerre (1920).

Il reprend également son poste de maître de conférences à la Sorbonne. En janvier 1920, il obtient le titre de professeur adjoint et en mars 1921 il est nommé professeur sans chaire. Un an plus tard, en février 1922, il est promu à la 1re classe. À l’automne 1924, il assure le remplacement d’Haller* sur sa chaire de chimie organique, celui-ci venant de demander à faire valoir ses droits à la retraite ; Blaise lui succède finalement en décembre 1924. À partir de cette date, cependant, il semble souffrir de graves problèmes pulmonaires et il est régulièrement remplacé pour raisons de santé. Lorsqu’il demande à prendre sa retraite en 1934, il porte un pneumothorax artificiel et souffre d’une bacillose pulmonaire.

Blaise est l’auteur de près de 150 publications, parues essentiellement aux Comptes rendus de l’Académie des sciences et dans le Bulletin de la Société chimique. En dehors de ses travaux sur la chimie du camphre – sujet de sa thèse d’État – il s’illustre dans de nombreux domaines dont celui des organométalliques, plus particulièrement dans celui des organozinciques mixtes dont il est le découvreur. Ses travaux portent également sur les composés « oxonium », les réactions de cyclisation, les transpositions moléculaires et les réactions d’addition sur fonction éthylénique. Il est enfin à l’origine des méthodes de synthèse des cétones par condensation des organométalliques, laissant son nom à la synthèse des cétones de Blaise. Professeur et directeur de laboratoire, les témoignages de ses biographes le décrivent comme un « maître éloquent et persuasif et [un] chercheur infatigable » qui a fait preuve « des plus hautes qualités d’originalité et de finesse, d’activité laborieuse, de ténacité et de tranquille courage ». En 1921, il a déjà dirigé ou inspiré une douzaine de thèses de doctorat dont notamment celles de Charles Courtot* et de Jules Wohlgemuth*.

Outre les prix obtenus durant ses années d’études, il obtient en 1900 le prix Leblanc de la Société chimique de France ainsi que la médaille Berthelot en 1907. La même année il partage le prix Jecker de l’Académie des sciences avec Marcel Delépine et l’abbé J. Hamonet. En 1917, il l’obtient de nouveau pour lui seul. Dans les deux cas, tout comme en 1924 lorsqu’il brigue la chaire de chimie organique de la Sorbonne, c’est Haller* qui est désigné comme rapporteur. Il est en outre officier de l’Instruction publique (1907), chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire (1920) et officier (1923). Membre de la Société chimique de France, il en devient le président en 1922.

Blaise fait sa carrière à une période charnière du point de vue des relations entre milieux scientifiques et industriels. Au début du siècle, il s’était lié avec de futurs promoteurs de l’industrie pharmaceutique, tels Marcel Delépine ou Nicolas Grillet, au sein de Molécule, une société savante créée en 1903 par Ernest Fourneau et Marc Tiffeneau. Dans l’Entre-Deux-Guerres, Blaise et Fourneau collaborent étroitement avec les milieux industriels. Alors que Fourneau dirige le Laboratoire de chimie thérapeutique de l’Institut Pasteur, Blaise devient directeur scientifique des établissements Poulenc frères puis de la société Rhône-Poulenc, montrant ainsi la reconnaissance dont il bénéficie dans le monde industriel. Par la suite tous deux font partie du conseil d’administration de Rhône-Poulenc, situation qui n’est pas sans infléchir les orientations de recherche de leurs laboratoires respectifs. Sa double vie professionnelle ne fait d’ailleurs pas l’unanimité. En 1932, le ministère des Finances se plaint au ministère de l’Éducation nationale de ce cumul de fonctions, de la double rémunération qu’elle représente et de ses conséquences sur le travail quotidien de Blaise. On mène alors une enquête sur son cas. Elle n’ira pas bien loin, le ministre de l’Éducation nationale estimant ne pas pouvoir prendre de sanctions en raison du très grand nombre de cas similaires dans les facultés des sciences.

Jean-René Cussenot & Laurent Rollet

Bibliographie

Blaise Edmond (1899), Recherches synthétiques sur les produits d’oxydation des dérivés du camphre, thèse de doctorat de la Faculté des sciences de Paris, Paris, Imprimerie L. Dupont.

___ (1899), « Méthode générale de préparation des acides cétoniques », Bulletin de la société chimique de Paris, 21, 641.

___ (1901), « Nouvelles réactions des dérivés organo-métalliques mixtes du magnésium », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 132, 478.

___ (1907), « Synthèse au moyen des dérivés organo-métalliques mixtes du zinc. Cétones non saturés acycliques », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 145, 73.

___ (1911), « Sur les dérivés organo-métalliques mixtes du zinc et leur emploi dans la synthèse organique », Bulletin de la société chimique de France, 9, 1.

___ (1921), Titres et travaux scientifiques, Paris, Librairie juridique de droit et de jurisprudence.

Blaise Edmond & Miliotis L. (1926), « Recherches sur la transposition des groupements fonctionnels », Comptes rendus de l’Académie des sciences, 181, 122.

Sources d’archives

Archives nationales : dossier de carrière (F/17/24065 et AJ/16/5733).

Sources secondaires

Baverey-Massat-Bourrat Séverine (2004), « De la copie au nouveau médicament : Le Laboratoire de chimie thérapeutique et Rhône-Poulenc : un réseau alternatif d’innovation », Entreprise et histoire, 36, 48-63.

Charle Christophe & Telkes Eva (1989), « Edmond Blaise », in Les professeurs de la Faculté des sciences de Paris, dictionnaire biographique 1901-1939, Paris, Éditions du CNRS.

Gault H. (1941), « Notice sur la vie et les travaux d’Émile Edmond Blaise (1872-1939) », Bulletin de la Société chimique de France, 8, 269-346.

Labrude Pierre (1994), « La contribution des pharmaciens à la création (1887-1892) et à l’enseignement de l’Institut chimique de Nancy : l’Influence des systèmes étrangers d’éducation sur cette création », Revue d’histoire de la pharmacie, 82, 287-296.

Prévost Charles (1957), « Edmond Blaise », in Centenaire de la Société chimique de France, Paris, Masson, 193-195.

Sommelet Marcel (1941), « Edmond Blaise (1872-1939) », Bulletin des sciences pharmacologiques.

Viel Claude (2008), « Edmond Blaise (1872-1939) », in Lestel Laurence, Itinéraire de chimistes – 1857-2007, 150 ans de chimie en France avec les présidents de la Société française de chimie, Paris, Société française de chimie –EDP Sciences, 57-59.